Traité de radioactivité/Tome 2/13

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Gauthier (2p. 300-386).


CHAPITRE XIII.

RADIUM ET SA FAMILLE. — POLONIUM.




169. Rayonnement du radium. — Le radium est une substance fortement radioactive, caractérisée par une émission de rayons et par le dégagement d’une émanation radioactive dont la période de destruction est = 3,85 jours environ. Le radium est un métal alcalino-terreux dont le poids atomique est 226,5. L’émanation radioactive à laquelle il donne naissance est un gaz monoatomique de poids atomique élevé, probablement égal à 222,5[1].

Le radium privé de l’émanation et de la radioactivité induite qui en résulte est ramené à son activité minimum ; il émet alors des rayons ainsi qu’un rayonnement très faible et très absorbable. On peut mesurer l’activité totale minimum pour une quantité connue de radium en utilisant le sel en couche suffisamment mince pour que l’absorption du rayonnement par la matière active soit négligeable, et en se servant d’une chambre d’ionisation dans laquelle les rayons du radium au minimum d’activité sont complètement absorbés par l’air. Dans ces conditions l’effet ionisant total des rayons émis par un gramme de radium est mesuré par un courant de saturation de 6,0.10-4 ampère suivant une détermination directe (Rutherford), et de 8,0.10-4 ampère suivant une détermination plus récente mais moins directe (Geiger).

Si l’on utilise pour l’activité totale d’un gramme d’uranium le nombre 4,61.10-10 ampère (Mc Coy et Ashman), le rapport des activités totales du radium au minimum d’activité et de l’uranium est égal à 1,3.106 dans le premier cas et à 1,75.106 dans le second cas. Le premier nombre est en accord avec les résultats des expériences sur l’activité du radium et de l’uranium dans les minerais d’urane (Boltwood).

Quand le radium est en équilibre avec l’émanation et la radioactivité induite, son rayonnement est fortement augmenté, et l’on constate de plus l’émission de rayons et de rayons ces rayons pénétrants proviennent du dépôt actif, tandis que des rayons sont émis aussi bien par l’émanation que par le dépôt actif. Le rayonnement du radium en équilibre radioactif se compose de quatre groupes homogènes dont les parcours dans l’air sous la pression atmosphérique sont respectivement 3cm,5, 4cm,23, 4cm,83 et 7cm,03. Nous avons vu que le groupe de rayons, dont le parcours est 3cm,5 doit être attribué au radium lui-même. Le groupe, dont le parcours est le plus long, 7cm,03, doit être attribué au dépôt actif, parce qu’on peut l’observer avec un fil activé. Parmi les trois substances qui composent le dépôt actif, la première, le radium A, décroît très rapidement et son effet ne peut être observé sur le fil activé que pendant environ 10 minutes ; les deux autres disparaissent plus lentement et peuvent être observées pendant quelques heures. De ces deux substances plus stables, une seule émet des rayons et nous verrons que cette substance est le radium C. M. Mc Clung[2] a construit la courbe d’ionisation pour les rayons émis par un fil activé au moyen de l’émanation du radium ; les rayons utilisés étaient ceux du radium C après destruction du radium A. Comme l’activité diminue avec le temps, les valeurs de l’ionisation à diverses distances de la substance active doivent être rapportées à un même moment, ce qu’on peut faire facilement si la loi de variation de l’activité a été préalablement déterminée. La courbe d’ionisation obtenue (fig. 156) indique que le rayonnement du radium C est homogène et que son parcours est environ 6cm,7. Les expériences relatives à la réduction du parcours des rayons du radium C par la traversée de feuilles d’aluminium (§ 129) conduisent aussi à la conclusion

Fig. 156.


que les rayons forment un groupe homogène dont le parcours dans l’air est très voisin de 7cm. On peut donc identifier ce groupe de rayons avec celui des quatre groupes émis par le radium en équilibre radioactif dont le parcours est le plus long et égal à 7cm,03.

Les deux autres groupes de rayons appartiennent à l’émanation et au radium A. On doit attribuer à ce dernier le groupe dont le parcours est 4cm,83, conformément aux expériences de M. Rutherford sur la déviation magnétique de ce groupe de rayons ; on a vu en effet que la valeur du produit fournie par la mesure de cette déviation, est en accord avec la valeur de la vitesse calculée d’après le parcours 4cm,83. Des mesures directes relatives à l’absorption du rayonnement du dépôt actif par les écrans minces conduisent à la même conclusion[3].

Les rayons et appartiennent à la partie du dépôt actif dont l’évolution est plus lente, c’est-à-dire au radium B et C.

Quand le radium contient de l’émanation et de la radioactivité induite, son activité est augmentée. Si le sel est sec, il est peu perméable à l’émanation ; son activité limite, qui est atteinte un mois après la préparation, est environ cinq fois plus élevée que l’activité initiale. En effectuant une détermination plus précise sur un sel de radium en couche très mince, dont les rayons sont totalement absorbés dans l’air de la chambre d’ionisation, on trouve un rapport 5,6 entre l’activité limite qu’aurait eue le sel, s’il n’avait éprouvé aucune perte d’émanation, et l’activité minimum du même sel (Boltwood). On en conclut que l’activité totale d’un gramme de radium en équilibre radioactif avec l’émanation et la radioactivité induite est 1,3 x 5,6.106, soit 7,3.106 fois plus grande que l’activité totale d’un gramme d’uranium. L’activité due aux rayons pénétrants était négligeable dans ces expériences.


170. Analyse de la radioactivité induite. — Nous avons vu que la radioactivité induite due au radium suit une loi d’évolution complexe en fonction du temps, et que cette loi dépend du temps pendant lequel la substance activée a été soumise à l’action activante de l’émanation du radium. Quand la substance activée a été soustraite à l’action de l’émanation, son activité mesurée par le rayonnement total va en diminuant ; mais la loi de diminution n’est pas une loi exponentielle simple. Nous avons vu aussi que, dans le cas d’une exposition longue, la courbe de désactivation a pu être représentée par P. Curie et M. Danne par une différence de deux exponentielles, pour des temps supérieurs à 20 minutes à partir du début de la désactivation. Voici comment a été effectuée cette analyse qui a servi de modèle pour l’interprétation des nombreux cas analogues qui se sont présentés dans l’étude de la radioactivité.

Considérons la courbe représentative du logarithme de l’intensité du rayonnement total en fonction du temps. La forme de cette courbe, qui a déjà été décrite précédemment (§ 76), est représentée dans la figure 157. Pour des temps supérieurs à 20 minutes environ, la courbe conserve une courbure de même sens, constamment décroissante, la concavité étant tournée vers les axes. Une telle courbe ne saurait être représentée par une somme d’exponentielles simples affectées de coefficients différents suivant la formule


parce que, dans ce dernier cas, la courbe qui représente ou en fonction du temps reste convexe vers les axes. La courbe proposée, examinée dans la région qui correspond à 20 minutes, ne peut donc pas représenter

Fig. 157.


la disparition de deux (ou plus de deux) formes de radioactivité indépendantes entre elles, et caractérisées chacune par une loi de destruction exponentielle simple.

Après plusieurs heures, la courbe proposée se confond très approximativement avec une droite dont l’équation peut s’écrire

Cette droite représente un rayonnement dont l’intensité décroît suivant une loi exponentielle simple ; soit l’intensité du rayonnement qu’on obtiendrait par extrapolation de la formule pour on aura


en posant

Le rayonnement réellement observé évolue suivant une loi qui tend asymptotiquement vers la loi d’évolution du rayonnement fictif Formons la différence et examinons comment elle varie en fonction du temps. On trouve que cette différence décroît suivant une loi exponentielle simple, de sorte qu’on peut écrire


les valeurs de et de étant définies par les relations

On aura par suite


ou, en posant

Cette formule est celle qui a été indiquée par P. Curie et M. Danne ; n’est pas l’intensité initiale du rayonnement total, mais l’intensité initiale extrapolée d’après la loi numérique qui représente la courbe pour des temps supérieurs à 20 minutes ; la région de la courbe obtenue par extrapolation est représentée sur la figure en traits ponctués. Il résulte du mode de détermination du coefficient K que celui-ci est supérieur à l’unité, puisque . La courbe est donc convenablement représentée par une différence de deux exponentielles.

Les valeurs trouvées pour les coefficients étaient les suivantes :

Après 4 heures environ la deuxième exponentielle est devenue peu importante par rapport à la première. L’intensité du rayonnement décroît alors suivant une loi exponentielle simple caractérisée par le coefficient elle décroît de moitié en une période d’environ 28 minutes.


171. Interprétation théorique. — Si l’on admet qu’une matière radioactive simple est caractérisée essentiellement par une loi de destruction exponentielle simple, la loi observée pour la disparition de la radioactivité induite du radium après exposition longue ne peut s’interpréter par la présence d’une seule matière radioactive ; nous avons vu aussi qu’elle ne peut s’interpréter par la présence de plusieurs matières radioactives indépendantes. On arrive à une interprétation satisfaisante en admettant que pour > 20 minutes deux matières radioactives sont présentes sur le corps activé, mais que ces deux matières ne sont pas indépendantes, l’une d’elles se produisant aux dépens de l’autre.

Cette théorie, dans le cas du dépôt actif du radium, ne s’applique pas rigoureusement, même pour > 20 minutes. Elle sera cependant exposée avec quelques détails parce qu’elle donne une première représentation approchée des phénomènes. Son application est plus rigoureuse dans d’autres cas connus, de sorte que les résultats obtenus ici seront utilisés plus loin.

Soient B et C les deux matières. Nous admettrons que chacune d’elles se détruit spontanément suivant une loi exponentielle simple, les coefficients caractéristiques de la destruction étant respectivement et De plus, en se détruisant, la matière B donne lieu à la formation de matière C, un atome de B pouvant fournir lors de sa destruction atomes de C. On peut convenir que les lettres et représentent les nombres d’atomes des deux matières sur le corps activé. Nous aurons, en ce cas, en désignant par et les valeurs de et de au début de la désactivation,


(§92).

Le rayonnement à un instant quelconque pourra être la somme de deux termes, dont l’un provient de B et l’autre de C. Soient le nombre d’ions formés par atome détruit de B et le nombre d’ions formés par atome détruit de C, et mesurons le rayonnement par le nombre d’ions obtenus au total. Nous aurons


d’où


avec

Une formule de cette forme peut représenter le phénomène observé à condition que le coefficient ait une valeur convenable. Pour compris entre 0 et 1 la formule obtenue représente une somme d’exponentielles ; pour ou elle représente une différence d’exponentielles. La valeur de est déterminée par la valeur relative des constantes radioactives et par la proportion initiale des deux substances et par leur activité relative, c’est-à-dire par le rapport des nombres d’ions et créés respectivement lors de la destruction d’un atome de B et de la destruction des atomes C provenant d’un atome de B. La discussion complète donne des résultats différents suivant qu’on a ou On verra plus loin que c’est ce dernier cas qui est réalisé. Par suite on aura toujours et pour que soit supérieur à l’unité, on devra avoir


ce qui arrive d’autant plus facilement que les valeurs de et de sont plus rapprochées et que est plus important par rapport à

L’équation se réduit à une exponentielle simple pour ou La première condition se trouve évidemment réalisée si parce que la matière C existe alors seule sur le corps activé. Mais on peut aussi obtenir une loi exponentielle simple () en supposant si l’on a en même temps

En ce cas les deux matières B et C se trouvent simultanément sur le corps activé, et si l’on obtient néanmoins une loi exponentielle simple, c’est que l’accroissement de C qui provient de B, s’ajoutant à la destruction spontanée de C, reproduit exactement la loi de diminution plus lente qui caractérise la matière B. Il est utile de se souvenir qu’un tel cas est possible.

Il est particulièrement intéressant d’examiner le cas où la matière C sur le corps activé provient uniquement de la matière B qui s’y est déposée précédemment. Supposons que cette dernière se dépose avec une vitesse constante sur le corps qui s’active. Si à l’origine du temps les quantités et étaient nulles, à l’instant elles seront données par les formules (§ 93)

Pour un temps suffisamment long, les valeurs de et de tendent vers les valeurs limites et .

Ces valeurs limites sont celles qu’on obtient sur le corps activé après exposition longue. En introduisant ces valeurs à la place de et de dans l’expression calculée pour le coefficient de la formule de désactivation, on trouve

Examinons en particulier le cas où la matière B ne donne pas lieu à un rayonnement appréciable, et où le rayonnement ne provient que de C. On devra faire et il en résulte

                                                                                                                             
(I) (I)

La formule de désactivation devient en ce cas


et l’on constate que, pour


c’est-à-dire que la courbe de désactivation après exposition longue est tangente à l’origine à la direction de l’axe des temps. Le coefficient peut alors être calculé d’après les valeurs de et seulement. Si l’on se reporte à la loi trouvée expérimentalement par P. Curie et M. Danne, et si l’on fait on trouve

L’expérience ayant donné pour ce coefficient la valeur on pouvait en conclure que, dans les conditions de l’expérience, le rayonnement de la matière B était très peu important par rapport à celui de la matière C.

Si l’on avait posé


le résultat eût été le même. La formule (I) est, en effet, symétrique par rapport aux coefficients et et ne se modifie pas quand on intervertit ces deux coefficients. On ne peut donc pas conclure d’après cette formule lequel des coefficients et doit être attribué à la matière B et lequel à la matière C. Cependant l’interprétation physique du phénomène est très différente dans les deux cas. Si alors vers la fin de la désactivation la matière C se trouve seule sur le corps activé, et c’est pour cela que la loi de décroissance devient à la limite une exponentielle simple caractéristique de la matière C. Si alors les deux matières B et C restent constamment présentes sur le corps activé, mais comme la matière inactive B décroît plus lentement que C et entretient celle-ci, la proportion de la matière C par rapport à la matière B tend à devenir constante, et c’est pour cela que la loi de décroissance devient à la limite une exponentielle simple, caractéristique non pas de la matière C mais bien de la matière B, quoique celle-ci ne participe guère directement à la production du rayonnement.

À la suite d’expériences sur la distillation du dépôt actif du radium, P. Curie et M. Danne avaient adopté la valeur de pour le coefficient mais des expériences ultérieures plus complètes ont prouvé qu’on doit admettre


c’est-à-dire que la matière dont le rayonnement est négligeable, ou tout au moins peu important relativement au rayonnement total, est celle qui décroît le plus lentement.


172. Application de la théorie de deux substances à l’étude de l’évolution du rayonnement pénétrant d’un corps activé. — Nous avons vu que si la substance B est produite avec une vitesse constante et si les quantités de B et C présentes à l’origine du temps sont nulles, les quantités de ces matières présentes après un temps d’exposition sont données par les formules

Si, après le temps on arrête l’activation, et si l’on abandonne le corps activé à lui-même, les quantités des matières et sur ce corps évoluent à partir de ce moment suivant les formules

Si dans ces formules on donne à et à les valeurs et indiquées ci-dessus, on trouve

Dans le cas général le rayonnement est de la forme


mais si le rayonnement de la matière B est négligeable par rapport à celui de la matière C, le rayonnement est simplement proportionnel à la quantité de C. On peut remarquer que dans ce dernier cas on retrouve pour la formule caractéristique de la désactivation après exposition longue.

Pour un temps très court les expressions () et () se réduisent approximativement à et et l’on obtient

Quand cette formule est applicable, la matière B existe seule sur le corps activé pour c’est-à-dire immédiatement après la fin de l’exposition supposée suffisamment courte. Il en résulte que si cette matière est inactive, on aura à ce moment un rayonnement nul Le rayonnement s’accroît ensuite en fonction du temps par suite de la formation de la matière C ; un maximum est atteint quand la quantité de C passe elle-même par un maximum, ce qui a lieu à un instant déterminé par la relation

Après avoir atteint ce maximum, le rayonnement représenté par la formule commence à décroître, et la loi de décroissance limite est une loi exponentielle simple caractérisée par le coefficient dont la valeur est inférieure à celle du coefficient Cette loi est la même que la loi limite après exposition longue.

Si le temps n’est pas très court, la quantité de matière C présente à la fin de l’exposition n’est pas nulle ; toutefois elle commence par croître et passe par un maximum pour un temps tel que

Le temps est d’autant plus court que est plus grand et tend vers 0 quand tend vers Le maximum est alors reporté à l’origine et l’accroissement initial de l’activité ne se produit plus.

La valeur maximum de la quantité C est donnée par la formule


elle devient, pour les petites valeurs de  

Si l’on désigne par l’intensité maximum correspondant à la valeur maximum de on trouve

Quand est très court, cette formule devient

On peut encore remarquer que si l’on compte le temps à partir de l’instant où se produit le maximum de et si l’on nomme le temps ainsi compté, on a

On voit, en ce cas, qu’à un facteur d’intensité près la même équation s’applique quel que soit le temps d’activation Par suite, à partir du maximum les courbes qui représentent l’évolution de la matière C ont toutes la même forme qui ne dépend que des constantes et et il en sera de même des courbes représentatives de l’intensité du rayonnement, si celle-ci ne dépend que de la matière C. On trouve, d’ailleurs, pour la matière B,

Si donc cette matière rayonne également et qu’on ait par suite à exprimer le rayonnement par la formule


la forme de la courbe à partir du maximum est encore indépendante du temps mais dépend en ce cas des valeurs de et de et de l’activité relative des substances B et C.

La loi de désactivation après activation longue et la loi d’activation sont représentées par des courbes complémentaires (§ 93). Si l’on désigne par l’intensité du rayonnement pendant l’activation, par l’intensité limite, on trouve


le coefficient étant le même que celui qui caractérise la désactivation après exposition longue, donnée par la formule

On a de plus et, par suite, relation qui exprime que les courbes qui représentent et sont complémentaires.


Nous avons vu que la formule


représente avec une certaine approximation la variation avec le temps de l’intensité totale du rayonnement d’un corps qui a subi une activation longue par le radium, le temps étant compté depuis la fin de l’exposition. Toutefois la formule ne s’applique pas à un intervalle de temps qui comporte environ 20 minutes depuis la fin de l’exposition, et pendant lequel se produit une chute brusque de l’activité, non prévue par la formule. ne représente pas l’intensité initiale réelle, mais l’intensité initiale extrapolée d’après la formule.

Si, au lieu de mesurer le rayonnement total, on mesure seulement le rayonnement et on trouve que la même courbe représente approximativement la désactivation après exposition longue dans toute l’étendue des mesures à partir du début. L’évolution du rayonnement et est donc expliquée par l’hypothèse de deux substances B et C composant le dépôt actif, et dont la première qui entretient la seconde a un rayonnement peu important dans les conditions de l’expérience par rapport à celui de cette dernière. Cependant la concordance n’est pas rigoureuse.

L’étude des courbes obtenues pour des temps d’exposition variables (fig. 78) confirme l’interprétation théorique proposée. Pour un temps d’exposition très court, le rayonnement et est d’abord très faible et commence par croître, il passe par un maximum environ 35 minutes après la fin de l’exposition et décroît ensuite suivant une loi qui tend vers la loi exponentielle simple de diminution de moitié en 28 minutes, loi caractéristique de la substance B. En utilisant des temps d’exposition différents, on constate que le maximum prévu par la théorie se trouve en position sur l’échelle des temps et qu’à partir du maximum les courbes correspondant aux différentes valeurs de sont superposables, à condition d’attribuer la même valeur à l’intensité maximum. Pour obtenir ces courbes on laisse pénétrer l’émanation par aspiration brusque dans le vase qui contient la lame qu’on veut activer ; on laisse séjourner l’émanation dans le vase pendant un temps déterminé, puis on retire rapidement la lame et l’on commence les mesures le plus tôt possible, en utilisant comme écran une lame d’aluminium d’épaisseur

Fig. 158.


supérieure à 0mm,1.

Supposons que le rayonnement de la substance B soit nul, et considérons la courbe de désactivation après exposition longue. L’intensité du rayonnement est proportionnelle à la quantité de la matière C. On a, d’ailleurs,


                     

Le terme représente la décroissance de la matière C qui était présente sur le corps activé au début de la désactivation. Le terme représente l’évolution de la matière C qui provient de la matière B présente sur le corps activé au début de la désactivation. La somme des ordonnées des courbes et (fig. 158) reproduit les ordonnées de la courbe qui représente approximativement l’évolution du rayonnement total après exposition longue, non compris un intervalle initial de 20 minutes, et l’évolution du rayonnement et depuis le début de la désactivation[4].


173. Théorie des trois substances. Radium A, radium B, radium C. Activation. — La théorie précédemment exposée ne rend pas compte de la baisse initiale rapide du rayonnement total du dépôt actif. Cette baisse, déjà importante après une exposition longue, devient considérable quand on utilise un temps d’exposition d’une minute seulement (fig. 75, II).

Pour expliquer complètement le mécanisme de l’évolution du dépôt actif, il faut admettre que celui-ci se compose de trois substances radioactives distinctes, désignées par les lettres A, B, C. Chacune de ces substances se détruit suivant une loi exponentielle simple qui la caractérise, et la destruction du radium A, très rapide, est achevée pratiquement en un temps d’environ 20 minutes. Le radium A n’émet que des rayons et sa présence n’intervient pas beaucoup pour modifier les courbes relatives aux rayons et On admet, de plus, que l’émanation produit directement le radium A, lequel, en se détruisant, donne lieu à la formation du radium B, lequel à son tour se détruit en formant du radium C. Nous conviendrons que les lettres désignent respectivement les nombres des atomes des trois substances.

Supposons que le corps activé se trouve en présence de l’émanation du radium dont la concentration est maintenue constante, et que, dans ces conditions, il y ait dépôt de radium A avec une vitesse constante sur le corps activé. Soient la constante radioactive du radium A, et le nombre d’atomes de radium B provenant d’un atome de radium A, et le nombre d’ions produits lors de la destruction d’un atome de radium A dans les conditions de l’expérience, ou coefficient d’activité du radium A. Soient de même la constante radioactive du radium B, le nombre des atomes de radium C provenant de la destruction d’un atome de radium B et le coefficient d’activité du radium B. Soient enfin la constante radioactive du radium C et son coefficient d’activité. Si l’on suppose qu’à l’origine du temps on avait


les quantités des trois substances présentes à l’instant sur le corps activé sont les suivantes (§ 93) :

Ces formules ont été écrites de manière que les différences des constantes radioactives soient toutes positives. L’expérience a montré en effet qu’on a

Les valeurs limites de pour sont les suivantes :

Il est facile de vérifier que, pour un temps d’activation très court, on a


et que les rapports et tendent vers avec Il en résulte que, pour une valeur de suffisamment petite, la matière A existe seule sur le corps activé, et que la loi de décroissance initiale du rayonnement total peut, par suite, fournir la valeur du coefficient

L’intensité du rayonnement pendant l’activation se compose de trois termes


et la valeur limite du rayonnement est donnée par la relation

Il se forme alors sur le corps activé autant d’atomes de chaque matière qu’il s’en détruit pendant le même temps, de sorte que les activités relatives des matières A, B et C en équilibre radioactif avec l’émanation sont représentées par les nombres

En remplaçant par leurs valeurs dans l’expression de nous obtenons la formule

                                                                                                                             
(I)


avec


174. Désactivation. — Soit le temps d’activation. Les quantités des matières A, B, C qui se trouvent après la fin de l’exposition sur le corps activé, sont obtenues en remplaçant par dans les formules qui donnent les valeurs de pendant l’activation. On a donc

Les quantités des trois substances présentes sur le corps activé au temps à partir du début de la désactivation sont ensuite données par les formules

Ces relations peuvent aussi s’écrire, en mettant en évidence la proportion de chaque matière qui provient de l’une des trois matières présentes au début de la désactivation,

On voit ainsi que la matière B se compose d’une partie restant de la matière B présente à l’origine, et d’une partie provenant de la matière A présente à l’origine. De même la matière C se compose de trois parties qui proviennent respectivement de de et de par l’intermédiaire de

En remplaçant et par leurs valeurs en fonction de on trouve

On obtient ensuite pour la valeur du rayonnement pendant la désactivation et pour la valeur du rayonnement initial

(II)  


étant les mêmes coefficients que ceux de la formule (I) (§ 173).

Si on peut mettre la valeur de sous la forme

Si en particulier la valeur du rayonnement pendant la désactivation après activation saturée devient

La comparaison des formules (I) et (II) montre qu’on a constamment

La courbe d’activation et la courbe de désactivation après exposition longue sont donc complémentaires, et nous avons vu que ce résultat reste exact quel que soit le nombre des substances qu’on est amené à faire intervenir (§ 93) ; la relation considérée se trouve, en effet, réalisée pour les nombres d’atomes de chaque substance séparément, ainsi qu’on peut le vérifier sur les formules indiquées plus haut, donnant les valeurs de pendant l’activation et pendant la désactivation ; pour la vérification on doit donner à la valeur

Les quantités qui se présentent dans les formules d’activation et de désactivation comme facteurs des exponentielles sont fonctions des constantes radioactives et aussi des coefficients qui caractérisent l’activité relative des trois substances dans l’appareil de mesures employé. La valeur de ces coefficients dépend essentiellement de la manière dont les rayons sont utilisés pour l’ionisation du gaz, c’est-à-dire de la forme et des dimensions de la chambre d’ionisation, de la forme et des dimensions de la source radiante, de l’emplacement de celle-ci, de la distribution du dépôt actif dans la source, des écrans qu’on peut utiliser pour la mesure du rayonnement. Il en résulte que, d’une manière générale, la forme des courbes qui représentent l’intensité du rayonnement en fonction du temps, pendant la désactivation, dépend nécessairement du dispositif expérimental employé et peut varier beaucoup avec celui-ci ; ces courbes ne jouissent donc pas d’un caractère de fixité absolue relativement à la série de transformations radioactives considérée. Seule se maintient invariable cette propriété, que dans tous les cas la loi d’évolution tend finalement vers une loi exponentielle simple, qui correspond à celle des trois exponentielles dont la décroissance est la plus lente, car après un intervalle de temps suffisant à partir de la fin de l’exposition, les termes qui contiennent les deux autres exponentielles sont devenus négligeables par rapport au terme qui contient l’exponentielle considérée. Quand ce résultat est atteint, la forme de la courbe devient évidemment indépendante du dispositif expérimental

On peut cependant remarquer que si le dispositif expérimental est tel que les rayons sont entièrement utilisés dans la chambre d’ionisation, sans que les dimensions de celle-ci dépassent de beaucoup la valeur nécessaire pour obtenir ce résultat, l’ionisation due aux rayons reste peu importante par rapport à celle qui est due aux rayons et les courbes qui représentent l’intensité du rayonnement total en fonction du temps, pendant la désactivation, conservent alors sensiblement la même forme pour les dispositifs expérimentaux qui réalisent la condition indiquée.

Nous avons vu que la première analyse de la courbe de désactivation après exposition longue a conduit à la conclusion que le rayonnement total de la matière B est négligeable par rapport à celui de la matière C. Si cette supposition était vérifiée d’une manière rigoureuse, on pourrait poser D’autre part, la décroissance de la matière A étant très rapide, le terme qui contient l’exponentielle devient négligeable, par rapport aux termes qui contiennent les deux autres exponentielles, en un temps inférieur à une demi-heure. La formule (II) qui représente le rayonnement, pour peut être mise sous la forme

avec

Par conséquent, pour des temps supérieurs à 30 minutes, la forme de la courbe qui représente le rayonnement total en fonction du temps ne dépendrait plus, en ce cas, du dispositif expérimental, mais seulement des valeurs des trois constantes radioactives.


175. Détermination des constantes radioactives. — Puisqu’au début de la désactivation, après un temps d’activation suffisamment court, la matière A se trouve seule sur le corps activé, on pourra déterminer approximativement la constante en observant la baisse initiale du rayonnement qui a lieu suivant la loi exponentielle caractéristique de la matière A. On trouve ainsi que la matière A se détruit de moitié en un temps voisin de 3 minutes. La détermination ne comporte pas une très grande précision, mais la valeur de ainsi obtenue est contrôlée par l’accord général des courbes expérimentales avec la courbe théorique. Les valeurs de indiquées par divers expérimentateurs sont les suivantes :

diminution de moitié en 2,9 minutes      (Curie)
 » » 3,0 » (Bronson)
 » » 3,0 » (Schmidt)


L’exponentielle dont la décroissance est la plus lente, est connue par la loi de baisse finale du rayonnement. P. Curie et M. Danne ont trouvé que, 4 heures après le début de la désactivation, le rayonnement décroît de moitié en une période 28 minutes, ce qui correspond à une constante radioactive 0,000413 Cependant en utilisant des corps fortement activés et en prolongeant la courbe de désactivation, on observe que la vitesse de décroissance augmente encore un peu. Les deux exponentielles relatives aux matières B et C ont, en effet, leurs coefficients et peu différents, et c’est seulement après un intervalle de 10 heures que l’exponentielle est réduite à la fraction 0,01 de l’exponentielle

Avec des mesures faites 6 heures après le début de la désactivation, M. Bronson a trouvé 26 minutes. Cette valeur est probablement un peu trop faible. Des mesures faites dans mon laboratoire donnent le résultat suivant :

Décroissance entre 5 et 17 heures après le début.      27,2 min.
» 7 et 10 heures » 26,8 »

La valeur qui convient probablement le mieux est 26,8 minutes. Elle est en très bon accord avec la valeur 26,7 minutes indiquée par M. Lerch à la suite d’expériences qui seront décrites plus loin. On en déduit pour la constante radioactive la valeur 0,000433 

Le coefficient de la deuxième des exponentielles qui interviennent dans la désactivation pour des temps supérieurs à une demi-heure a été déterminé par P. Curie et M. Danne par la méthode indiquée plus haut (§ 170). La période de décroissance de moitié a été trouvée égale à 21 minutes, ce qui correspond à une constante radioactive 0,000538 Nous verrons toutefois que la valeur de cette constante est probablement un peu plus forte et égale à 0,000593.

La théorie approchée ayant montré que le rayonnement de la matière B est, en première approximation, négligeable par rapport à celui de la matière C, on peut représenter approximativement la courbe de désactivation après exposition saturée, pour des temps pour lesquels l’exponentielle est devenue négligeable, par la formule



(§ 174). Désignons par la valeur de extrapolée d’après cette formule pour On pourra écrire


avec

La formule obtenue diffère peu de la formule primitive Curie et Danne, parce que le rapport n’étant pas très différent de l’unité, le coefficient ne diffère pas beaucoup de la valeur Si l’on pose


on trouve

La valeur de ainsi calculée concorde bien avec la valeur 4,2 trouvée expérimentalement, mais les coefficients des exponentielles dans la formule Curie et Danne ont dû être un peu augmentés. La formule ainsi modifiée représente avec une bonne approximation la courbe obtenue expérimentalement par la mesure du rayonnement total. Cette formule étant d’ailleurs symétrique par rapport aux constantes et ne peut servir pour décider à laquelle de ces constantes on doit attribuer la valeur la plus élevée. Cette question a été résolue par des expériences faites sur la distillation du dépôt actif et sur l’électrolyse de ses solutions.


176. Distillation du dépôt actif et expériences d’électrolyse. — Miss Gates[5] a montré que, quand on chauffe un corps activé, celui-ci perd par suite de la chauffe une partie de son activité. Toutefois l’activité n’a pas éprouvé en réalité une destruction anormale. On constate, en effet, que les corps froids placés au voisinage s’activent aux dépens du corps chauffé ; tout se passe donc comme si le dépôt actif passait par distillation du corps chaud sur les corps froids voisins.

P. Curie et M. Danne[6] ont chauffé des fils activés à des températures comprises entre 15° et 1350° et ont examiné la nature du dépôt actif qui reste sur le fil et de celui qui est transporté par distillation ; la durée de chauffe était de quelques minutes. Ils ont constaté que le dépôt qui reste sur le fil après chauffe présente une décroissance plus rapide que celle qu’on aurait obtenue avec le fil non chauffé. Quand la température de chauffe dépasse 630°, la loi de décroissance affecte une forme exponentielle avec diminution de moitié en 28 minutes. Au contraire, l’activité qui a distillé présente une loi d’évolution qui ne peut se représenter par une exponentielle simple, mais bien par une différence de deux exponentielles ; l’activité passe par un maximum suivi d’une décroissance dont la loi limite est la même que pour le fil non chauffé. Ces expériences ont conduit à la conclusion que la substance active est celle dont la vie moyenne est plus longue, et que cette substance est moins volatile que la substance inactive. Cette dernière était en grande partie volatilisée vers 600°, tandis que la matière active n’est pas complètement volatilisée à 1300°, bien qu’elle commence à distiller vers 600°, ainsi qu’il résulte de l’activité initiale des lames activées par distillation. La figure 159 indique les résultats des expériences ; on a représenté en fonction du temps le logarithme de l’activité du

Fig. 159.


dépôt resté sur le fil après la chauffe. La courbe obtenue après chauffe à 630° est sensiblement une droite ; pour des températures plus élevées on obtient une série de droites dont l’inclinaison augmente d’abord pour diminuer ensuite. Pour interpréter ce changement d’inclinaison, P. Curie et M. Danne avaient supposé que la constante radioactive de la substance active, radium C, était fonction de la température. Cependant cette dernière supposition n’est pas nécessaire, et l’on peut expliquer complètement les résultats expérimentaux en admettant que la substance active est celle dont la vie moyenne est la plus courte[7],[8]. M. Schmidt a indiqué que, si l’on construit en représentation logarithmique les courbes


en utilisant les valeurs de comprises entre 4,3 et 0, on trouve que, pour la courbe s’écarte peu d’une droite ; pour elle se confond avec la droite caractéristique de la baisse finale, cette droite pouvant d’ailleurs correspondre à une seule substance, on a un mélange des deux substances en proportion convenable (§ 172) ; pour on obtient une droite correspondant à l’exponentielle dont la baisse est plus rapide. On peut donc expliquer les résultats expérimentaux en admettant que jusqu’à 1100° on a principalement volatilisation du radium B, mais que cette substance décroît plus lentement que le radium C. Après une chauffe à des températures au-dessous de 1100° on a sur le corps activé une proportion qui va en décroissant quand la température de chauffe augmente, ce qui revient à faire varier le coefficient en le faisant décroître depuis 4,3 jusqu’à 0. On obtiendra alors des portions de courbes qui diffèrent peu de portions de droites d’inclinaison croissante, et parmi lesquelles se trouvent deux vraies droites dont les coefficients caractéristiques sont pour et pour Quand la température de chauffe dépasse 1100° le radium C commence à se volatiliser plus rapidement ; le coefficient pourra alors être augmenté et l’inclinaison de la courbe diminuée, sans qu’il soit nécessaire d’admettre que la constante ait été modifiée par l’action de la température.

En étudiant l’activité de fils chauffés, M. Bronson a obtenu comme baisse la plus rapide une baisse de moitié en 19 minutes. Il a admis que ce nombre caractérise la décroissance du radium C.

Ces résultats ont été entièrement confirmés par les expériences de M. Lerch[9] sur les solutions du dépôt actif. En traitant un fil métallique activé, par l’acide chlorhydrique étendu à l’ébullition, on peut obtenir la dissolution du dépôt actif. Dans cette dissolution on peut plonger des lames ou fils métalliques sur lesquels vient se déposer la matière active, par un phénomène qui semble analogue au déplacement d’un métal par un autre dans la solution d’un de ses sels. Les dépôts ainsi obtenus sur le cuivre ou sur le nickel manifestent une activité qui décroît suivant une loi exponentielle caractérisée par une baisse de moitié en 19,5 minutes ; la loi de décroissance reste la même quand on recouvre la matière active d’écrans d’épaisseur variable ; on peut donc admettre qu’on a ainsi séparé une matière radioactive simple, le radium C. Le plomb et le fer précipitent un mélange de matières B et C, le platine reste inactif.

En électrolysant la solution on obtient sur la cathode, pour une faible densité du courant, un dépôt de radium C ne contenant que peu de radium B.

La constante du radium C étant connue, on déterminait celle du radium B, en construisant la courbe de désactivation pour un temps d’activation connu et en cherchant quelle valeur il faut donner à pour que la courbe expérimentale soit en bon accord avec la courbe théorique.

Adoptant pour la valeur


qui correspond à une diminution de moitié en 19,5 minutes, on trouve ainsi


ce qui correspond à

minutes.

Pour faire la comparaison des courbes théoriques et des courbes expérimentales, on utilisait la loi de désactivation pour les temps pour lesquels l’exponentielle est négligeable et l’on considérait comme négligeable le rayonnement du radium B. On peut alors écrire la formule de désactivation sous la forme suivante :

Cette courbe prolongée vers l’origine par extrapolation offre un maximum pour un temps tel que

Si l’on compte le temps à partir de l’instant du maximum, on trouve que le rayonnement est de la forme

La position du maximum peut être calculée avec une exactitude suffisante en adoptant des valeurs approchées des constantes et

Fig. 160.


Dans le cas de l’exposition longue, le maximum est très voisin de l’origine ( 5 minutes environ). La relation indiquée fait intervenir seulement les constantes et elle est de plus indépendante du temps d’exposition. Mais en négligeant le rayonnement du radium B on peut introduire une petite erreur dans la détermination de la constante[10].

On peut obtenir du radium B à peu près exempt de radium C[11]. En ajoutant de l’azotate de baryum à la solution chlorhydrique du dépôt actif et en précipitant le baryum un instant après par l’acide sulfurique à chaud, on entraîne le radium B tandis que le radium C reste dissous. En précipitant par la potasse une solution chlorhydrique du dépôt actif additionnée de sulfate de cuivre, on entraîne du radium B et tout le radium C, tandis que la solution ne contient de suite après cette opération que du radium B.

Ces séparations ne peuvent servir pour caractériser le radium B comme substance simple par une loi exponentielle ; il est vrai que le radium B possède en réalité une certaine activité, mais comme la formation de radium C se produit aussitôt, on ne peut observer l’activité propre du radium B séparément.


177. Représentation graphique. — Il est utile de considérer la représentation graphique des courbes d’évolution de l’activité due aux trois constituants du dépôt actif. Ce genre de représentation a été utilisé par M. Rutherford dans son Traité sur la radioactivité.

Nous envisagerons séparément chacune des trois substances à partir du moment où l’activation a été arrêtée.


I. Radium A. — Le nombre des atomes A décroît suivant une loi exponentielle simple avec diminution de moitié en 3 minutes, (fig. 160).

II. Radium B. — Nous posons

étant la partie de qui reste à l’instant de la matière

présente au début de la désactivation sur le corps activé et étant la partie de B qui se forme aux dépens de la matière A. On a, par suite.

La loi de décroissance de est une loi exponentielle simple caractérisée par une période de 26,7 minutes (fig. 161). La loi d’évolution de est

Fig. 161.


complexe. Cette quantité, nulle au début, croît avec le temps jusqu’à un maximum qui est atteint en un temps 10,7 minutes. Ensuite diminue et la loi de décroissance limite est la loi exponentielle caractéristique de la matière B ( 26,7 minutes). L’importance relative de et dépend du temps d’exposition. Le rapport de l’ordonnée initiale à l’ordonnée maximum de la courbe représentative de est nul pour un temps d’exposition très court ; ce rapport croît avec le temps d’exposition et tend vers une valeur limite pour les temps d’exposition longs. Si l’équilibre a été atteint, on a

environ.

Dans la figure 161 les valeurs relatives des ordonnées correspondantes des courbes et sont celles qui conviennent au cas de l’exposition longue. Pour rendre plus visible la forme de la courbe on l’a aussi représentée à une échelle différente, en multipliant par 10 toutes les ordonnées (courbe 10 ).


III. Radium C. — Nous posons

étant la partie de formée à partir de par l’intermédiaire de
étant la partie de formée à partir de
étant la partie de qui reste de

Par suite

Après exposition longue on a

Par suite, en ce cas, les formules s’écrivent

La courbe représentative de est une exponentielle simple dont la période est 19,5 minutes (fig. 162).

La quantité nulle au début, passe par un maximum pour un temps et diminue ensuite suivant une loi qui tend vers la loi de destruction de la matière . Le rapport de l’ordonnée à l’ordonnée

Fig. 162.


maximum de la courbe augmente avec le temps d’exposition depuis zéro jusqu’à une valeur égale à 2,34 environ pour l’activation saturée.

La quantité nulle au début, passe par un maximum pour La courbe est tangente à l’origine à l’axe des temps, ce qui n’a pas lieu pour les courbes et ce fait résulte du retard apporté par la formation de la matière intermédiaire B. La loi de décroissance limite est celle de la matière B. Le rapport de l’ordonnée à l’ordonnée maximum de la courbe croît avec le temps d’exposition, depuis zéro jusqu’à une valeur égale à 21 environ.

L’importance relative attribuée aux courbes dans la figure 162 est celle qui convient au cas de l’exposition longue. La courbe a aussi été représentée à une autre échelle, les ordonnées étant multipliées par 10 (courbe 10 ). Dans le cas de l’exposition longue, la valeur maximum de constitue environ 7 pour 100 de la valeur de au même instant ) Le rapport va en augmentant et atteint une valeur constante égale à soit environ 0,127, pour les temps longs. La proportion de radium C qui provient du radium A, présent sur le corps activé au

Fig. 163.


début de la désactivation, est donc loin d’être négligeable, même dans le cas de l’activation saturée.

L’activité des substances est déterminée par les nombres d’atomes qui se détruisent par unité de temps. Ces nombres varient avec le temps suivant les mêmes lois que les nombres auxquels ils restent proportionnels. Si l’on se donne le temps d’exposition et la valeur de (vitesse de formation du radium), les quantités et peuvent être calculées en fonction du temps pendant la désactivation. Ces quantités sont égales entre elles quand les trois substances sont en équilibre radioactif.

La figure 163 représente la loi de variation de ces quantités en fonction du

Fig. 164.


temps pendant la désactivation après activation saturée, à partir d’un état d’équilibre radioactif. Les ordonnées initiales des trois courbes sont les mêmes ( 100). Les ordonnées de la courbe relative à la matière B sont les sommes des ordonnées correspondantes des courbes et dans la figure 161. Les ordonnées de la courbe relative à la matière C sont les sommes des ordonnées correspondantes des courbes , et dans la figure 162.

La figure 164 représente la loi de variation des mêmes quantités dans le cas où la matière A est seule présente au début de la désactivation sur le corps activé. Ce cas est réalisé approximativement quand l’exposition a été très courte. La courbe relative à la matière B est ici la même que la courbe de la figure 161 et la courbe relative à la matière C est la même que la courbe de la figure 162.


Pour obtenir la courbe de désactivation d’une lame, il faut faire la somme des ordonnées correspondantes des courbes affectées de coefficients convenables pour tenir compte de l’utilisation des rayons et du temps d’exposition. Si, par exemple, on considère le rayonnement total et qu’on néglige le rayonnement du radium B, la courbe considérée sera construite en utilisant seulement les courbes . S’il s’agit d’une activation saturée, l’ordonnée initiale de la courbe pourra être un peu plus grande ou un peu plus petite que l’ordonnée initiale de la courbe laquelle est la même que celle de la courbe ces deux ordonnées pourront aussi être égales ; en ce cas le rayonnement à l’état d’équilibre radioactif est dû par moitié au radium A et au radium C. S’il s’agit d’une exposition très courte ( 1 minute) et qu’on néglige le rayonnement de B, la courbe représentative est construite au moyen des courbes et seulement. Si l’on tient compte du rayonnement de B, ce qui est nécessaire dans certaines expériences où l’on utilise les rayons absorbables sans utiliser les rayons il y a lieu de faire intervenir les courbes et On peut remarquer que le rapport des ordonnées correspondantes des courbes et est indépendant du temps d’exposition et qu’il en est de même pour les courbes et

Toute construction graphique qui utilise le rayonnement de plus d’une matière est valable seulement pour un dispositif de mesures déterminé.

Les figures 165 et 166 donnent l’exemple de la composition du rayonnement dans le cas de la désactivation après exposition longue et dans le cas de la désactivation après exposition très courte. Dans les deux cas le rayonnement utilisé est le rayonnement total, et l’on néglige le rayonnement du radium B. Dans l’appareil de mesures, auquel la construction est applicable, ce rayonnement ne devait pas produire plus de 1 pour 100 de l’effet dû au radium C. Dans ce même appareil l’ionisation due au

Fig. 165.


radium A était dans le rapport 1,3 à celle produite par le radium C, les deux substances étant en équilibre radioactif (§ 178) ; ce rapport a été utilisé pour la construction.

La formule qui donne l’intensité du rayonnement est la suivante :

Si l’on pose


on trouve, pour le cas de l’exposition longue,

La construction revient à utiliser les courbes relatives à A et à C dans la figure 163 et à ajouter les ordonnées correspondantes multipliées respectivement par les nombres 0,565 et 0,435 dont le rapport est 1,3.

Dans le cas de l’exposition courte ( minute) il suffit d’utiliser les courbes relatives à A et à C dans la figure 164 et à ajouter leurs ordonnées correspondantes multipliées respectivement par les nombres 1 et 0,77 dont le rapport est 1,3.

On a désigné sur les figures 165 et 166 par les courbes dont les ordonnées sont respectivement proportionnelles à ces quantités. On a désigné par la courbe dont les ordonnées sont les sommes des ordonnées

Fig. 166.


correspondantes des courbes Enfin l’on a désigné par les courbes dont les ordonnées sont les sommes des ordonnées correspondantes de toutes les courbes utilisées. Ces courbes représentent la loi d’évolution du rayonnement en fonction du temps, avec l’appareil de mesures considéré.

Pour construire les courbes qui représentent l’intensité du rayonnement du dépôt actif pendant l’activation, on peut se baser sur ce fait que ces courbes sont complémentaires des courbes de désactivation après activation saturée, les mesures étant faites avec le même dispositif expérimental. C’est ainsi que dans la figure 165 la courbe 100 — (A + C) représente la loi d’activation, l’activité limite étant posée égale à 100, et les mesures d’activité étant faites avec le même dispositif pour lequel la courbe de désactivation après activation saturée est représentée sur la même figure par (A + C).

Les nombres qui ont servi pour la construction des courbes représentées dans les figures 160-166 sont réunis dans les Tableaux qui suivent. On a posé

Tableau I.
Temps
en
minutes.

1_- 0,7937 0,9743 0,9651 ---2,289___-10-2 70,03447 _0,0423___10-2
2_- 0,6300 0,9494 0,9313 4,047____» 30,06693 0,1536____»
3_- 0,5000 0,9250 0,8988 5,385____» 30,09733 0,3136____»
4_- 0,3969 0,9013 0,8673 6,391____» 0,1259 0,5098____»
5_- 0,3151 0,8782 0,8370 7,136____» 0,1525 0,7279____»
8_- 0,1575 0,8123 0,7523 8,297____» 0,2226 1,4485____»
10_- 0,0993 0,7712 0,7006 8,515____» 0,2617 1,9280____»
12_- 0,0625 0,7322 0,6525 8,486____» 0,2953 2,380____0»
15_- 0,0313 0,6773 0,5864 8,186____» 0,3366 2,985____0»
20_- 0,00985 0,5948 0,4909 7,412____» 0,3851 3,770____0»
25_- 0,00310 0,5223 0,4109 6,579____» 0,4168 4,294____0»
30_- 0,00098 0,4587 0,3439 5,800____» 0,4254 4,599____0»
35_- 0,00031 0,4028 0,2878 5,100____» 0,4260 4,735____0»
40_- 0,00009 0,3537 0,2409 4,481____» 0,4180 4,741____0»
45_- » 0,3106 0,2017 3,936____» 0,4039 4,652____0»
50_- » 0,2728 0,1688 3,457____» 0,3854 4,495____0»
60_- » 0,2104 0,1183 2,660____» 0,3414 4,053____0»
70_- » 0,1622 60,08286 2,056____» 0,2942 3,537____0»
80_- » 0,1251 50,05805 1,586____» 0,2486 3,016____0»
90_- » 10,09651 70,04067 1,223____» 0,2069 2,528____0»
100_- » 20,07442 90,02849 0,9431___» 0,1702 2,091____0»
110_- » 90,05739 60,01996 0,7273___» 0,1387 1,712____0»
120_- » 60,04426 90,01399 0,5609___» 0,1122 1,488____0»
150_- » 00,02030 10,00481 0,2573___» 20,05742 0,7165____»
180_- » 10,00931 50,00165 0,1180___» 00,02840 0,3560____»
240_- » 60,00196 90,00019 0,0248___» 00,00690 0,0823____»
Tableau II.
Valeurs des quantités et pendant la désactivation
après activation saturée, à partir de l’équilibre radioactif
.
Temps en minutes.
0 1,00000 1,0000 1,0000
1 0,79370 0,9972 0,9999
2 0,63000 0,9898 0,9998
3 0,50000 0,9789 0,9992
4 0,39690 0,9652 0,9983
5 0,31510 0,9495 0,9968
8 0,15750 0,8953 0,9894
10 0,09930 0,8564 0,9815
12 0,06250 0,8170 0,9716
15 0,03130 0,7591 0,9529
20 0,00985 0,6689 0,9135
25 0,00310 0,5681 0,8706
30 0,00098 0,5167 0,8133
35 0,00031 0,4538 0,7612
40 0,00009 0,3985 0,7064
45 » 0,3500 0,6511
50 » 0,3074 0,5992
60 » 0,2370 0,5002
70 » 0,1828 0,4125
80 » 0,1410 0,3368
90 » 0,1087 0,2729
100 » 0,0838 0,2196
110 » 0,0647 0,1738
120 » 0,0499 0,1411
150 » 0,0229 0,0694
180 » 0,0105 0,0336
240 » 0,0022 0,0079


On voit que l’activité due au radium A a pratiquement disparu après 30 minutes. Le rapport des quantités et qui est au début égal à 1, décroît ensuite constamment et tend vers la valeur limite soit 0,269. Il en résulte que le rapport de l’activité du radium C à celle du radium B augmente avec le temps en se rapprochant d’une valeur limite.

Les Tableaux I et II permettent de calculer l’activité induite à un moment quelconque pendant l’activation ou la désactivation. Pour cela on peut mettre la formule qui donne le rayonnement sous la forme suivante

(I)


Dans cette formule et sont les quantités de et présentes sur le corps activé à l’instant où le corps est soustrait à l’action activante ; et sont des coefficients respectivement égaux à et à  ; ces coefficients mesurent les rapports des activités du radium A et du radium B à l’activité du radium C, les quantités des substances qu’on compare étant celles qui dérivent l’une de l’autre par transformation radioactive, et la comparaison étant valable pour un appareil de mesures déterminé.

Les lois d’évolution pour chaque substance pendant l’activation et pendant la désactivation à partir de l’activation saturée étant complémentaires, les quantités et sont obtenues, pour chaque valeur du temps d’activation en prenant les compléments à 1 des valeurs correspondantes des quantités et dans le Tableau II. Si donc on suppose connus les coefficients et l’intensité du rayonnement après un temps d’activation est donnée par la formule

Si par exemple, on pose comme cela a été fait pour la construction des courbes (fig. 165 et 166), on trouve que l’intensité initiale du rayonnement total après 1 minute d’exposition constitue 11,8 pour 100 de l’intensité de ce même rayonnement après activation saturée dans les mêmes conditions ; mais une heure après le début de la désactivation, la proportion n’est plus que 1,9 pour 100.

Pour calculer l’intensité du rayonnement pendant la désactivation à l’instant il suffit de faire la somme des termes qui interviennent dans la formule (I) et qui sont tous obtenus à l’aide des Tableaux I et II en tenant compte des coefficients et Les quantités et doivent être déduites du Tableau II, ainsi qu’il a été dit plus haut, pour le temps d’activation les valeurs de toutes les autres fonctions sont relatives au temps

Il est évident qu’on peut aussi disposer les calculs de manière à utiliser la formule générale qui fait intervenir directement le temps d’activation (§ 173).


178. Vérification des formules théoriques. — Admettons comme connues les valeurs des constantes radioactives et

À l’aide de ces constantes on doit pouvoir représenter les courbes d’activation et de désactivation dans toute leur étendue et pour un temps d’exposition quelconque. L’accord entre la théorie et l’expérience peut servir comme preuve de l’exactitude des prévisions théoriques, d’après lesquelles il y a transformation successive de la matière A en matière B, de la matière B en matière C Cette vérification de la théorie a été entreprise par divers expérimentateurs ; elle est rendue difficile par ce fait que les facteurs des exponentielles dans les formules dépendent, en général, de l’activité relative des trois substances au point de vue de l’effet ionisant dans l’appareil de mesures employé, et que, par suite, la forme des courbes dépend du dispositif expérimental utilisé.

M. Duane[12] a étudié la loi d’augmentation de l’activité dans une chambre d’ionisation à partir du moment où l’émanation du radium a été introduite dans cette chambre. L’ionisation due à l’émanation seule était considérée comme constante et égale à Dans ces conditions l’ionisation due à l’émanation et à la radioactivité induite s’exprime par la formule

L’ionisation maximum qui est approximativement obtenue en 3 à 4 heures, étant désignée par on peut écrire (§ 173)

On étudie le rayonnement total et l’on suppose Dans ces conditions la formule peut être mise sous la forme


avec

Les constantes et ne sont pas indépendantes, elles sont reliées par la relation

Les valeurs admises pour et étaient


et l’on cherchait à déterminer et de manière que la courbe obtenue par l’expérience fût bien représentée par la formule. L’accroissement du courant était observé pendant 3 heures ; l’émanation était introduite dans un vase cylindrique dont le diamètre était 6cm,7, la hauteur 12cm,6 et le volume environ 440 et dans lequel pénétrait une tige formant électrode, reliée à l’électromètre, tandis que le vase était porté à un potentiel suffisant pour assurer la saturation. Les valeurs trouvées pour les constantes étaient les suivantes :


et en utilisant ces valeurs on trouvait une bonne concordance entre la théorie et l’expérience.

Le courant dû à l’émanation seule constitue d’après cela, avec le dispositif employé, la fraction 0,42 du courant total dû à l’émanation et à la radioactivité induite en équilibre avec l’émanation. On peut remarquer de plus que le terme étant très petit, représente sensiblement le rapport des ionisations dues au radium A et au radium C, tandis que est le rapport de l’ionisation due au radium C à celle due à l’émanation. On trouve donc, pour les proportions de l’ionisation due à chaque substance quand la radioactivité induite a atteint l’équilibre de régime avec l’émanation, les valeurs suivantes :

Émanation. Radium A. Radium C.
42 pour 100 33 pour 100 25 pour 100


Si la transformation s’effectue de telle manière que chaque atome d’une substance donne lieu à la formation d’un seul atome de la substance suivante, on a et l’activité relative du radium A par rapport au radium C, quand l’équilibre de régime avec l’émanation est atteint, est alors égale au rapport des nombres d’ions créés lors de la destruction d’un atome de radium A et d’un atome de radium C dans la chambre d’ionisation. Si la destruction d’un atome entraîne l’expulsion d’une seule particule on peut penser que dans une chambre d’ionisation, dans laquelle le parcours des particules est complètement utilisé, le nombre d’ions produit par une particule croît avec le parcours de celle-ci et peut lui être approximativement proportionnel. Le rapport des activités du radium A et du radium C serait, en ce cas, voisin du rapport des parcours des particules émises par ces deux substances, et l’on aurait Une détermination plus exacte du même rapport, faite en tenant compte de la forme de la courbe d’ionisation, conduit à la valeur 0,79 (§ 135).

Le rapport trouvé dans les expériences de M. Duane est égal à 1,3 et l’on peut penser que les rayons du radium A sont en ce cas beaucoup mieux utilisés dans la chambre d’ionisation que les rayons du radium C.

On doit à M. Schmidt[13] une étude très détaillée des courbes de désactivation dans des conditions très variées. Cette étude a montré tout d’abord que le radium B n’est pas inactif, mais qu’il donne lieu à un rayonnement qu’on peut mettre en évidence par l’emploi d’écrans d’épaisseur convenable. M. Schmidt a construit la courbe de désactivation pour un temps d’exposition très court, 1 minute, en utilisant des écrans absorbants.

La figure 167 montre le résultat des expériences ; on y voit la courbe

Fig. 167.


obtenue sans écran et une série de courbes obtenues avec des écrans en aluminium d’épaisseur variable. La courbe relative au rayonnement total présente un maximum à peine marqué pour 35 minutes ; dans les courbes suivantes on voit s’atténuer l’effet des rayons du radium A, à mesure qu’augmente l’épaisseur de l’écran utilisé ; en même temps le maximum s’accentue, se déplace vers l’origine des temps et finit par atteindre une position limite 13 minutes ; pour des épaisseurs d’écran encore plus grandes, le maximum s’éloigne à nouveau de l’origine. La loi du déplacement du maximum en fonction de l’épaisseur de l’écran utilisé a été représentée par une courbe dans la figure 168. Ce déplacement est très rapide au voisinage de l’épaisseur pour laquelle les rayons du radium C sont absorbés, et c’est pour cette épaisseur que le minimum est atteint ; le déplacement du maximum a lieu ensuite progressivement dans le sens opposé.

Pour un temps d’exposition 1 minute les nombres d’atomes des matières A, B et C, présents pendant la désactivation sur le corps activé, sont approximativement représentés en fonction du temps par les courbes de la figure 166. En adoptant les valeurs


on trouve que le nombre des atomes de la matière B passe par un maximum

Fig. 168.


pour 10 minutes et celui des atomes de la matière C pour 35 minutes. On peut donc expliquer les phénomènes observés en admettant que le rayonnement est dû à l’effet simultané des trois substances, et que le rayonnement du radium B est plus pénétrant que les rayons du radium A et du radium C, mais moins pénétrant que le rayonnement du radium C. On constate, par exemple, que l’effet du radium B est très marqué pour un écran d’épaisseur 0mm,07, mais devient beaucoup moins important pour un écran d’épaisseur 0mm,2 ; dans les deux cas, d’ailleurs, les rayons n’interviennent plus, étant supprimés par l’écran.

M. Schmidt a cherché à déterminer l’activité relative du radium A, du radium B et du radium C dans la chambre d’ionisation qui servait pour ses expériences. Cette chambre cylindrique, munie d’une électrode centrale sous forme de tige, avait un diamètre de 7cm,2 et une hauteur de 7cm,5. La lame active occupait la base du cylindre. On cherchait d’abord à interpréter la courbe obtenue avec un temps d’activation d’une minute, pour des temps supérieurs à 30 minutes, quand l’effet du radium A est supprimé ; il est nécessaire pour cela de faire intervenir un coefficient qui caractérise l’activité relative du radium B et du radium C à l’état d’équilibre de régime avec l’émanation. Ensuite on déterminait l’activité due au radium A par la différence de la courbe expérimentale avec la courbe précédente extrapolée, et l’on fixait ainsi le facteur d’intensité relatif au radium A, c’est-à-dire le rapport des activités du radium A et du radium C pour l’équilibre de régime. On a

Les coefficients et étaient choisis de manière à assurer l’accord entre la courbe calculée et la courbe observée. La détermination de ces coefficients ne comporte pas une grande précision : d’une part, parce que le radium A décroît trop vite pour que la portion initiale de la courbe soit connue avec exactitude ; d’autre part, parce que dans la région utilisée pour la détermination de pour 30 minutes, le rapport ne varie pas assez pour qu’il soit facile de déterminer quand la valeur de cette constante n’est pas élevée. On trouve, par exemple, que les courbes obtenues pour =0,1 se distinguent peu de celles qu’on obtient pour =0, c’est-à-dire en admettant que la substance B est inactive. Les valeurs qui ont donné le meilleur résultat pour l’interprétation des courbes obtenues avec le dispositif utilisé étaient :

En utilisant ces valeurs, on obtenait une bonne concordance entre la théorie et l’expérience pour l’ensemble des courbes obtenues avec des temps d’activation différents, la mesure portant sur le rayonnement total. La courbe relative à 150 minutes diffère à peine de celle relative à

Les activités relatives des substances A, B et C à l’état d’équilibre de régime avec l’émanation sont donc données dans l’appareil de mesures utilisé par les nombres 0,75 ; 0,125 ; 1, ce qui correspond aux proportions :

Radium A. Radium B. Radium C.
40 pour 100 6,7 pour 100 53,3 pour 100

On constate que les rayons du radium C sont en ce cas bien mieux utilisés par rapport à ceux du radium A qu’avec l’appareil de M. Duane, et ceci résulte de l’augmentation du diamètre de la chambre d’ionisation ; le rapport des activités du radium A et du radium C est ici inférieur à 1 et égal à 0,75. Ainsi que nous l’avons vu précédemment, le rapport des ionisations dues au radium B et au radium C, qui est égal à pour après activation saturée, croît avec le temps pendant la désactivation et devient égal à pour

Puisque avec le dispositif de M. Schmidt le rayonnement dû au radium B n’est pas négligeable, le rayonnement total pour n’est pas, en ce cas, exactement représenté par la formule


dans laquelle est le rayonnement extrapolé d’après cette formule pour On trouve, dans le cas général, pour le facteur de l’exponentielle


d’où

Par suite la valeur de dépend de l’activité relative des substances B et C. En posant on trouve Pour on aurait

M. Schmidt a effectué une série d’expériences sur le rayonnement qui traverse des écrans absorbants et qui ne se compose que de rayons et Les courbes théoriques correspondent à la formule

La valeur du coefficient dépend de l’épaisseur de l’écran utilisé ; ce coefficient était déterminé de manière à obtenir le meilleur accord entre la courbe obtenue expérimentalement pour un temps d’exposition d’une minute et la courbe calculée. La détermination ne comporte pas une grande précision. Quand l’épaisseur de l’écran d’aluminium croît depuis 0mm,05 à 2mm, la valeur de passe de 1,25 à 0,1 ; le rayonnement du radium B devient donc de moins en moins important par rapport à celui du radium C. Toutefois même pour des écrans d’épaisseur supérieure à 1mm, le rayonnement du radium B semblait intervenir et la valeur du facteur restait inférieure à 4,27. Ces rayons pénétrants du radium B seraient influencés par les écrans de la même manière que ceux du radium C, parce que la valeur de ne variait plus quand l’épaisseur de l’écran variait entre 1mm et 2mm.

Le temps pour lequel est obtenu le maximum du rayonnement varie depuis 13 minutes jusqu’à 35 minutes (fig. 168). L’importance du rayonnement du radium B et du radium C est comparable pour les écrans très minces (0mm,05 d’épaisseur), si les substances sont en équilibre radioactif avec l’émanation ; mais le rayonnement de la substance B peut être prédominant pendant le début de l’évolution qui suit une exposition courte, parce qu’alors la matière B se trouve sur le corps activé en bien plus forte proportion que la matière C.

L’ensemble des expériences de M. Schmidt conduit à la conclusion que la vérification de la théorie est satisfaisante, que le radium A se dépose seul sur le corps activé et se transforme en radium B, lequel se transforme à son tour en radium C. L’activation était réalisée dans un grand vase contenant l’émanation dans lequel on n’établissait pas de champ électrique.

L’émission de rayons par le radium B a aussi été mise en évidence par M. Bronson qui a constaté que, pendant la désactivation après activation saturée, le rapport de l’activité à l’activité pour des temps supérieurs à 30 minutes, n’est pas constant mais diminue avec le temps, ainsi que cela doit avoir lieu si le radium B émet des rayons si l’on chasse par la chauffe la majeure partie du radium B, le rapport des activités et reste constant. Dans les conditions de l’expérience l’ionisation due au radium B n’était que 1 à 1,5 pour 100 de l’ionisation due aux rayons du radium C, les deux substances étant en équilibre radioactif avec l’émanation. L’ionisation due aux rayons du radium C constituait 1 pour 100 de l’ionisation due aux rayons de la même substance.

Pour comparer la théorie à l’expérience, M. Bronson utilisait une chambre d’ionisation cylindrique de 10cm de hauteur et de 5cm de diamètre. L’émanation y était introduite, elle y séjournait pendant un temps déterminé, puis elle était brusquement chassée. Une tige axiale servait d’électrode ; elle pouvait être enveloppée par un écran.

Les courbes qui représentent le rayonnement total présentent un bon accord avec les courbes calculées pour lesquelles on a admis que l’ionisation due au radium B constitue 2 pour 100 de l’ionisation totale due au radium B et au radium C à l’état d’équilibre radioactif. Le rapport des activités du radium A et du radium C est dans les mêmes conditions 1,25, nombre voisin de celui obtenu par M. Duane avec une chambre d’ionisation peu différente.

Quand on utilise le rayonnement (fig. 169), le radium B intervient d’une

Fig. 169.


manière plus efficace. Quand les rayons traversent 0mm,05 d’aluminium, la courbe peut être interprétée en prenant 1,2 pour la valeur du rapport des ionisations dues au radium B et au radium C à l’état d’équilibre (courbe II) ; ce nombre est en accord avec celui indique dans les mêmes conditions par M. Schmidt, 1,25. Quand les rayons traversent 0cm,047 de plomb, la loi de décroissance est modifiée, et il faut poser 0,2 (courbe III). On se rapproche alors du résultat qu’on aurait si la substance B était inactive (courbe I).


Ainsi les expériences décrites tendent toutes à confirmer la théorie des trois substances consécutives dont la première seulement se dépose sur le corps activé. On doit cependant remarquer que l’accord individuel obtenu par chaque expérimentateur est certainement meilleur que l’accord général. Les constantes radioactives utilisées ne sont pas, en effet, les mêmes dans chaque cas, et la divergence entre les valeurs de ces constantes amène des écarts supérieurs à ceux qui sont observés dans chaque série d’expériences. Mais comme, en dehors de ces constantes, on a encore à faire intervenir les coefficients de l’activité relative des substances le nombre des paramètres se trouve augmenté, et leurs valeurs peuvent subir certaines variations sans que l’accord des courbes théoriques avec les courbes expérimentales soit détruit.

On peut aussi se demander si les conditions réalisées dans les expériences sont toujours de nature à permettre une vérification exacte de la théorie suivant laquelle le radium A se dépose seul sur les corps activés, et si le résultat obtenu ne dépend pas dans une certaine mesure des conditions d’activation. Nous savons que le dépôt actif doit être considéré comme se formant au sein du gaz qui contient l’émanation ; celui-ci renferme donc toujours à la fois du radium A, du radium B et du radium C, et le dépôt qui se fait sur le corps activé peut en principe se composer de ces trois substances, la proportion relative dépendant du dispositif expérimental employé. S’il en était ainsi, les courbes de désactivation pourraient avoir, dans différents cas, une forme différente, la différence étant surtout sensible dans la portion initiale de la courbe.

Il est fort remarquable que, d’une manière générale, la forme des courbes ne varie que très peu avec le mode d’activation, celle-ci pouvant être faite dans des vases de forme différente et avec l’emploi du champ électrique ou sans l’aide de celui-ci. Nous avons vu qu’en absence du champ, dans un gaz sous la pression ordinaire, l’activation doit avoir lieu par suite de la diffusion vers les parois conductrices des particules qui, après avoir été projetées au sein du gaz ont perdu leur vitesse par suite des chocs contre les molécules gazeuses ; l’attraction des particules par les parois est déterminée par ce fait que les particules sont chargées, et le fait que les particules portent une charge négative est prouvé par la concentration de l’activité à la cathode quand l’activation se fait dans un champ électrique. Nous avons vu aussi que les courbes de désactivation obtenues, soit avec l’aide d’un champ électrique, soit sans champ électrique, dans un gaz privé de poussières, avec différentes concentrations de l’émanation, n’offrent entre elles que peu de différence et conduisent à la conclusion qu’en première approximation, seul le radium A subit la diffusion vers les parois et le mouvement sous l’influence du champ électrique. Les particules de radium A sont donc celles qui doivent être considérées comme portant une charge négative. Il ne résulte pas de là qu’il en soit ainsi pour toutes ces particules, et il n’en résulte pas davantage que les particules de radium B et de radium C ne puissent être chargées au moment de leur expulsion. Ce dernier fait paraît, au contraire, prouvé par des expériences dont la description va suivre. Mais le gaz chargé d’émanation contient à la pression atmosphérique un nombre d’ions des deux signes qui est considérable par rapport au nombre des atomes de radium A, de radium B et de radium C présents en même temps. Par conséquent, des phénomènes de recombinaison doivent avoir lieu entre les particules de dépôt actif qui ont perdu leur grande vitesse initiale et les ions contenus dans le gaz ; ces phénomènes sont de nature à expliquer la loi suivant laquelle l’activation d’une lame varie en fonction de l’espace libre situé devant la lame. Les particules de dépôt actif peuvent donc, d’une part, perdre leur charge initiale par suite d’une recombinaison ; d’autre part, elles peuvent perdre leur mobilité par suite d’une agglomération avec des particules semblables ou avec des molécules ou particules de nature différente contenues dans le gaz. Aussi bien la perte de charge que la perte de mobilité peuvent avoir pour effet d’empêcher la diffusion des particules vers les parois solides en présence ou en absence du champ. Il est peu probable qu’un atome de dépôt actif émis avec une charge électrique puisse séjourner dans un gaz sous la pression atmosphérique sans subir une agglomération. On a vu, en effet, que lors de l’ionisation d’une molécule de gaz, les deux fragments chargés s’entourent probablement chacun d’un cortège de molécules maintenues par attraction électrostatique, et c’est sur les ions ainsi formés que porte ensuite le phénomène de recombinaison. Il est possible que, dans le cas des atomes de dépôt actif émis avec charge, l’agglomération précède également la recombinaison et peut faciliter cette dernière.

Si pour un certain atome de radium A l’agglomération a été poussée assez loin, et si l’agglomération n’est pas détruite au moment où cet atome se transforme en atome de radium B, ce dernier, au moment même de sa formation, se trouve dans des conditions qui l’empêchent d’intervenir pour l’activation des parois solides, et il en sera de même pour l’atome de radium C qui résultera de la destruction de l’atome de radium B considéré, à condition que l’agglomération subsiste lors de cette deuxième transformation. On aperçoit ainsi une cause qui peut intervenir régulièrement pour donner une importance prépondérante au mouvement vers les parois solides du radium A seulement, ce dernier étant émis par les molécules d’émanation qui ne sont ni chargées ni agglomérées. Il est évident, d’ailleurs, que certains atomes de radium B peuvent provenir d’atomes de radium A qui n’ont pas subi d’agglomération importante ; si alors, dès la formation du radium B, ces particules se trouvent chargées, elles pourront subir pendant un certain temps le mouvement de diffusion vers les parois et aussi obéir à l’action du champ électrique. Le même phénomène peut avoir lieu pour le radium C. On doit donc s’attendre à observer dans certaines conditions le dépôt simultané de radium A, de radium B et de radium C sur le corps activé ; le phénomène doit dépendre de la pression et de la température du gaz, de la concentration de l’émanation, de l’espace ménagé devant la paroi qui s’active et du champ électrique qui existe dans cet espace. On conçoit, en particulier, que si l’espace libre devant la paroi est très faible, 1mm par exemple, il ne reste guère d’atomes de radium A séjournant dans le gaz, et que, par suite, le gaz ne renfermant pas non plus de radium B ni de radium C, le radium A se dépose seul sur le corps activé. Le même résultat est obtenu pour des distances plus grandes dans un gaz sous une pression réduite.

Les particules de dépôt actif qui représentent de grosses agglomérations ne peuvent se déposer sur les parois verticales, mais elles peuvent être déposées sur les parois horizontales ou sur les parois inclinées en vertu de l’action de la pesanteur (§ 86). Le dépôt obtenu se compose en ce cas de radium B et de radium C, et les courbes de désactivation sont très différentes pour deux surfaces activées horizontales qui se trouvent pendant l’activation l’une en regard de l’autre et dont l’une, étant tournée vers le haut, reçoit le dépôt qui tombe, tandis que l’autre, tournée vers le bas, ne le reçoit pas. Ces grosses particules qui subissent l’action de la pesanteur mais qui n’interviennent pas pour l’activation par diffusion, ne se forment pas dans un espace gazeux compris entre deux parois très rapprochées, par lesquelles le radium A est totalement absorbé ; il est probable qu’elles ne se forment pas non plus dans un espace dans lequel est établi un champ électrique intense qui contribue à extraire le radium A à mesure de sa formation ; dans ce dernier cas, en effet, le phénomène de chute du dépôt actif est supprimé, et il n’est guère possible d’attribuer cet effet à l’entraînement d’aussi grosses particules par le champ électrique en vertu de la charge qu’elles pourraient avoir ; il est probable que leur formation est elle-même empêchée. On a vu, d’ailleurs, qu’en absence du champ, ces grosses agglomérations ne se forment pas dans tous les cas. Leur formation est d’autant plus facile que la concentration de l’émanation est plus grande, mais d’autres conditions sont nécessaires, même dans un gaz parfaitement privé de poussières. La présence d’une petite quantité de vapeur d’eau, insuffisante pour saturer l’enceinte activante, détermine, ainsi que je l’ai montré, la formation de ces particules pesantes.

L’écart qui est obtenu entre les courbes de désactivation, suivant qu’on utilise ou qu’on élimine l’action de la pesanteur, est très important et facile à remarquer. Des écarts de moindre importance ont été observés par quelques expérimentateurs dans d’autres conditions. M. Rutherford indique qu’avec un même temps d’exposition très court dans un champ électrique, l’activité obtenue sur la cathode est plus petite quand on a eu le soin de soumettre préalablement l’émanation à l’action du champ électrique, que quand cette précaution a été négligée ; dans ce dernier cas une certaine quantité de dépôt actif a pu s’accumuler dans le gaz, et ces particules peuvent être ensuite entraînées par l’action du champ électrique vers le corps activé. D’après le même savant, la courbe d’activation obtenue dans une chambre d’ionisation dans laquelle on introduit de l’émanation du radium n’est pas exactement complémentaire de la courbe de désactivation après exposition longue, si l’émanation utilisée est restée longtemps en repos avant d’avoir été entraînée dans la chambre ; on observe en ce cas que l’émanation contient un peu de radium B et de radium C[14].

Des phénomènes du même genre ont été observés pour l’activation par l’émanation du thorium ; ils sont favorisés par la présence, dans le gaz, de poussières ou de particules en suspension. M. Schmidt[15] a observé une petite différence entre les courbes de désactivation obtenues pour un fil activé pendant un temps court et à l’aide d’un champ électrique, avec de l’émanation qui avait été purgée de dépôt actif par l’emploi d’un champ électrique, ou de l’émanation qui n’avait pas été soumise à ce traitement. Dans le second cas la proportion de radium B et de radium C était un peu plus forte sur le fil activé.

En ce qui concerne les conditions d’activation, il serait donc utile d’établir une courbe de désactivation normale répondant à des conditions parfaitement définies. Les conditions les plus favorables semblent être les suivantes : activation sans champ électrique, avec distance libre très petite devant la lame activée ; gaz privé de poussières et d’humidité ; émanation purgée de dépôt actif par l’emploi d’un champ électrique immédiatement avant l’exposition. L’emploi du champ pendant l’activation peut amener sur le corps activé le radium B et le radium C qui se trouvent dans le gaz.

Malgré les précautions de ce genre, certaines difficultés pourront encore subsister. Les lames qui s’activent absorbent un peu d’émanation, et il faut chercher à les aérer le mieux possible avant l’expérience, alors qu’il est nécessaire, d’autre part, de commencer les mesures aussitôt que possible ; on diminue cet inconvénient en employant des lames métalliques très propres et bien polies. Le dépôt actif n’adhère pas complètement au métal, et l’on doit prendre des précautions spéciales pour ne point en enlever ; la partie utilisée ne doit être soumise à aucun contact.

Enfin le phénomène de projection des constituants du dépôt actif, en particulier du radium B, peut aussi troubler dans une certaine mesure les résultats de l’expérience, surtout quand le corps activé porte une charge positive (§ 180).


179. Charge des particules de dépôt actif. Dimensions des particules. — Nous avons vu que, parmi les particules de radium A, il en est au moins un certain nombre qui portent une charge positive. La présence de particules chargées négativement n’est pas exclue, même si l’on admet que tous les atomes de radium A ont au moment de leur production une charge positive. Si, en effet, une particule matérielle est formée autour d’un atome de radium A, cette particule, après avoir été déchargée par recombinaison pourra être attirée à nouveau par un des ions négatifs du gaz. Ce phénomène ne semble pas se produire d’une manière appréciable, et le nombre des particules de radium A à charge négative ne semble pas prendre une valeur appréciable, peut-être parce que la vie moyenne de cette substance est très brève.

Un fil chargé positivement s’active dans une enceinte activante donnée à peu près autant qu’un fil semblable non chargé ; l’activité acquise constitue quelques pour 100 de celle qui est obtenue quand le fil est porté à un potentiel négatif élevé.

Les expériences faites sur les fils servant d’électrode n’admettent pas d’interprétation simple. En effet, le champ électrique est, en ce cas, très éloigné d’être uniforme. Dans un tel champ toutes les particules non chargées suspendues dans le gaz se trouvent entraînées vers le fil, quel que soit le sens du champ ; un phénomène de ce genre extrêmement marqué se produit, par exemple, sur les gouttelettes du brouillard formé en présence de l’émanation. Seules les expériences faites dans un champ uniforme permettent d’obtenir des conclusions précises, et cette condition n’a pas, en général, été observée.

Il semblerait naturel d’admettre que l’atome de radium A est toujours émis avec une charge positive. La même conclusion est rendue probable pour le radium B à la suite d’expériences sur sa projection par une lame activée.

La possibilité d’un transport de charge électrique avec les atomes radioactifs projetés doit être prise en considération dans les expériences faites en vue de mesurer la charge électrique émise avec les particules du dépôt actif du radium.

On a encore peu de renseignements sur les dimensions des particules de dépôt actif contenues dans le gaz, et il est d’ailleurs probable que divers degrés d’agglomération peuvent se produire. Nous avons vu que M. Rutherford a fait un essai de détermination de la mobilité pour les véhicules du dépôt actif qui transportent une charge positive ; ces expériences étaient probablement relatives aux particules de radium A dont dépend, en général, le transport de l’activité induite. La mobilité trouvée est voisine de celle que possèdent dans l’air les petits ions ordinaires (§ 83). M. Schmidt[16] est arrivé à la même conclusion par l’étude de la loi suivant laquelle varie l’intensité de l’activation sur la cathode d’un condensateur en fonction du champ électrique, le temps de l’exposition restant toujours le même. La courbe obtenue rappelle très exactement la courbe qui représente l’intensité du courant d’ionisation en fonction du champ dans le même condensateur contenant de l’émanation.

On a vu plus haut les résultats des expériences de M. Debierne, qui a étudié avec différentes concentrations de l’émanation, la manière dont varie l’activité d’une lame en fonction de la distance libre ménagée devant la lame, pour un temps d’exposition donné. La courbe obtenue se déforme quand la concentration de l’émanation augmente, et ce changement de forme peut s’expliquer soit par une agglomération croissante, soit par l’importance croissante de la recombinaison. M. Debierne a calculé que si l’on ne tenait compte que du radium A et si le régime était déterminé uniquement par la vitesse de la diffusion et par celle de la destruction spontanée, on arriverait à la conclusion qu’une particule qui diffuse a une masse 25 000 fois plus grande que celle d’une molécule d’émanation. Si toutefois on tient compte de la recombinaison, le résultat doit devenir complètement différent, et la grosseur des particules qui diffusent peut se trouver beaucoup plus petite, ainsi que l’indiquent les résultats précédemment mentionnés ; elle peut même être indépendante de la concentration de l’émanation. Nous n’avons donc pas encore de données suffisantes pour fixer les dimensions des particules qui diffusent, et pour décider dans quelles limites ces dimensions sont variables. Il est seulement certain que les particules qui obéissent à l’action de la pesanteur, et dont la formation n’est pas inévitable, ont des dimensions beaucoup plus grandes que celles des particules qui diffusent vers les parois. L’ordre de grandeur de ces dimensions est fourni par la connaissance approchée de la vitesse de chute, et celle-ci est elle-même connue par l’observation de la distance limite à laquelle l’effet de la pesanteur se trouve épuisé.

La grosseur des particules pesantes semble dépendre de la quantité d’eau disponible, et l’on peut calculer que les plus petites des particules observées ont un diamètre de l’ordre du dixième de micron (Chap. VII). Il est possible que ces particules soient formées par agglomération de molécules d’eau sur des centres formés par les molécules de composés chimiques avides d’eau produits en présence de l’émanation ; les gouttelettes formées peuvent recueillir les atomes de radium B et de radium C formés dans le gaz, par suite d’un phénomène de diffusion. Ce serait alors le même phénomène que celui de la formation de brouillards en présence de l’émanation, l’air et la vapeur d’eau pouvant être remplacés en ce cas par d’autres substances.


180. Phénomène de recul pour le radium A, le radium B et le radium C. — Lors de la formation du radium A et du radium B, les atomes de ces substances se trouvent projetés avec une vitesse considérable (§ 84). La première observation relative à ce phénomène est déjà assez ancienne. Miss Brooks a observé que le radium B se comporte comme s’il était légèrement volatil à la température ordinaire[17]. Quand une lame activée est enfermée dans une enceinte, un peu de radium B se dépose sur les parois de l’enceinte et y produit une activité dont la nature peut être contrôlée par la loi de son évolution. Ce phénomène ne se produit qu’au début de la désactivation, alors qu’il y a encore du radium A sur la lame activée. M. Rutherford a supposé qu’il ne s’agit pas là d’une volatilisation, mais bien d’une projection, le radium A émettant une particule et la partie restante de l’atome éprouvant le mouvement de recul correspondant. La projection des atomes du dépôt actif du radium a été ensuite clairement mise en évidence par MM. Russ et Makower[18] dont les expériences ont été décrites antérieurement (§ 84) et par M. Hahn et Mlle Meitner[19]. Les expériences de Miss Brooks n’avaient pas décelé d’action du champ sur le phénomène, mais une telle action a été mise en évidence par M. Hahn et Mlle Meitner, qui ont montré qu’un disque placé parallèlement en face d’une lame portant du radium A reçoit 100 fois plus de radium B quand il est chargé négativement que quand il est chargé positivement. Les atomes de radium B portent donc, comme ceux de radium A, une charge positive. L’effet du champ est d’ailleurs épuisé pour une différence de potentiel de 50 volts entre la lame activée et la lame placée en face ; les atomes de radium B doivent donc être arrêtés dans le gaz et subissent ensuite l’action du champ électrique.

On constate qu’au contraire dans un gaz sous faible pression (2cm de mercure environ), les particules projetées ne sont guère sensibles à l’action d’un champ électrique intense et peuvent atteindre une lame chargée positivement placée en face de la lame activée. En mesurant dans ces conditions la quantité de radium B qui est recueillie par une lame placée à distance variable de la lame activée, M. Wertenstein a pu conclure que les particules de radium B ont dans l’air un parcours assez bien déterminé qui varie en raison inverse de la pression et qui serait de 0mm,11 à la pression atmosphérique[20]. Dans ces expériences, les particules de radium B absorbées dans le gaz n’interviennent pas pour activer la lame qui reçoit la projection ; elles sont entraînées par l’action du champ électrique vers la lame opposée. Des expériences analogues, effectuées dans l’hydrogène, ont mis en évidence l’existence d’un parcours qui serait d’environ 0mm,7 à la pression atmosphérique. Si l’on porte en abscisses la distance des lames et en ordonnées la quantité de radium B recueillie, on trouve que celle-ci décroît suivant une loi approximativement linéaire quand la distance augmente ; une telle loi est conforme à l’hypothèse d’un parcours déterminé, si l’on suppose que l’émission des particules a lieu indifféremment dans toutes les directions. Ce résultat conduit à établir une analogie entre les propriétés des particules et celles des atomes radioactifs projetés.

Les atomes de radium B projetés peuvent traverser une couche très mince de matière solide, par exemple une couche d’argent dont l’épaisseur ne dépasse pas 20μμ ; l’expérience peut être faite avec une lame activée sur laquelle on détermine la formation d’un dépôt d’argent avant que la destruction du radium A soit achevée. Le rapport de l’épaisseur limite à la valeur du parcours dans l’air n’est pas éloigné du rapport des densités de l’air et de l’argent.

Le phénomène de projection du radium B offre un moyen simple pour obtenir cette substance sensiblement exempte de radium C, au moins pendant un temps court.

Pour étudier la projection du radium A, M. Wertenstein a mesuré l’activité que prend une lame chargée positivement et placée en face d’une autre lame à une distance déterminée, dans un récipient contenant de l’air chargé d’émanation à une pression d’environ 2cm de mercure. L’activité acquise croît avec la distance des lames, d’abord rapidement, ensuite plus lentement. Si l’activation n’était due qu’à la projection, une activité limite devrait être atteinte pour une distance égale au parcours du radium A dans les conditions de l’expérience. En réalité on n’observe pas de valeur limite constante, mais une loi limite d’accroissement linéaire, relativement lente, correspondant probablement à un mécanisme d’activation autre que la projection et relativement peu important. Si l’on admet cette interprétation, on trouve que le parcours du radium A, déduit de la première portion de la courbe, est très voisin du parcours du radium B à la même pression. D’après la théorie des transformations radioactives, les masses des atomes de A et de B sont peu différentes et les vitesses de projection ne doivent pas différer beaucoup, puisque les particules émises lors de la formation de ces atomes ont des parcours assez voisins. En admettant qu’au moment de la projection les quantités de mouvement initiales de la particule et de l’atome radioactif projeté sont égales, et en attribuant aux atomes A et B une masse atomique d’environ 200, on trouve que la vitesse de projection est environ 50 fois plus petite que celle de la particule et qu’elle est, par conséquent, de l’ordre de 107

Des expériences faites avec une lame activée sur laquelle il n’y a plus de radium A indiquent qu’une très faible quantité de radium C peut aussi être recueillie sur le disque chargé négativement. Il est donc possible que les atomes de radium C soient aussi chargés positivement lors de leur formation. Mais si les atomes ne sont pas projetés en dehors de la lame activée à une distance suffisante, ils sont immédiatement réabsorbés par celle-ci en vertu de la diffusion, et ne peuvent être entraînés par le champ. C’est ce qui arrive probablement dans le cas actuel ; le radium B n’émettant que des rayons le mouvement de recul de la partie restante de l’atome est beaucoup moins important que lors de l’expulsion d’une particule dont l’énergie cinétique dépasse, en général, de beaucoup celle d’une particule

On observe dans certains cas qu’une lame activée, sur laquelle le radium A n’existe plus, peut néanmoins donner lieu non seulement à une projection de radium C, mais aussi à une projection de radium B. Ce fait a été interprété par MM. Makower et Russ comme un arrachement de radium B par les atomes réellement projetés en vertu du phénomène de recul (atomes C ou plutôt atomes D qui dérivent des atomes C et dont la projection est plus violente que celle de ces derniers, puisqu’elle accompagne l’émission d’une particule de grande vitesse). Il n’est cependant pas possible d’assigner au dépôt actif une épaisseur uniforme comportant plusieurs couches de molécules ; on serait donc conduit à admettre que ce dépôt est disposé sur la lame en amas ou grains séparés.

On peut se demander si les atomes radioactifs projetés se comportent comme des rayons doués de pouvoir ionisant. Une telle supposition paraît naturelle, par analogie avec ce qui a lieu pour les rayons positifs des ampoules à vide. En étudiant, sous faible pression, l’ionisation produite par une lame activée, M.  Wertenstein a constaté l’existence d’un rayonnement ionisant extrêmement absorbable qui pourrait être constitué par la projection des atomes résultant de la destruction du radium C (radium D). L’action ionisante des atomes radioactifs projetés ne saurait être importante dans les gaz à la pression atmosphérique, mais il deviendrait nécessaire d’en tenir compte dans les expériences faites à des pressions réduites.


181. Volatilité du radium A, du radium B et du radium C. — Nous avons vu que le radium B distille plus facilement que le radium C. Tandis que ce dernier ne commence à se volatiliser que vers 1100°, le radium B est fortement volatilisé à la température de 600°. Le radium A semble encore plus volatil que le radium B, ainsi qu’il résulte des expériences de M. Duane[21] relatives à l’effet de la chauffe sur un fil activé pendant 30 minutes et contenant les trois substances, radium A, radium B et radium C, en proportions convenables. On examinait la loi d’évolution de l’activité du dépôt actif qui reste sur le fil et de celui qui distille sur les parois de l’enceinte dans laquelle le fil est placé, en même temps qu’on le chauffe au moyen d’un courant électrique. On constate que, jusqu’à ce qu’on ait atteint la température de 300°, l’effet de la chauffe est peu sensible ; c’est d’ailleurs le radium A qui distille seul dans ces conditions, la courbe de désactivation de la matière active recueillie par distillation étant la même que la courbe qu’on obtient après une exposition de très courte durée. Tant qu’on ne chauffe pas au rouge, le radium A domine dans la matière qui distille, mais pour une chauffe à 700°-800° une forte proportion de radium B distille également. La matière A est donc plus volatile que la matière B.

Au-dessous de 150° l’effet de distillation est très faible, et la matière qui distille se compose de radium B seulement. Toutefois la distillation à température aussi basse ne peut être obtenue pour la matière B qu’avec un fil activé qui contient encore du radium A ; le phénomène ne se produit pas, si après avoir activé un fil, on le laisse en repos pendant 20 minutes avant de commencer le chauffage ; ce phénomène doit donc être rapproché du phénomène de projection de radium B à la température ordinaire, et il n’est pas certain que l’élévation de température ait une influence réelle.

Certaines observations tendraient cependant à assigner à la température de volatilisation de radium A une valeur bien plus élevée. M. Makower a activé pendant 10 minutes un fil chauffé dans un four contenant de l’émanation[22]. On admettait que la température de volatilisation complète du radium A est atteinte quand le fil ne s’active plus. On trouve ainsi que le radium A commence à se volatiliser à 800° et que sa volatilisation est complète à 900°. On trouve par la même méthode que la volatilisation du radium C commence vers 700°-800° mais que la température de volatilisation complète peut dépendre de la nature du corps activé et semble plus élevée avec le quartz (1300°) qu’avec le platine ou avec le nickel (1200°). Quand une tige de platine portée à un potentiel élevé est chauffée à 950° dans un four contenant de l’émanation, elle ne récolte aucun dépôt actif, et cela quel que soit le signe de la charge. Donc même dans ces conditions où le radium A reste dans le gaz, il n’y a pas d’arrivée appréciable de radium C, moins volatil, sur la tige.

Les phénomènes d’activation faible à température peu élevée en présence d’un corps activé qu’on chauffe peuvent être produits par l’émanation occluse dans ce corps ; on peut être amené ainsi à une évaluation trop peu élevée de la température de volatilisation du radium A. D’autre part l’activation à chaud en présence de l’émanation est un phénomène complexe qui fait intervenir la mobilité des particules du dépôt actif, et celle-ci peut décroître quand la température s’élève.


182. Effet de la température sur la constante radioactive du radium C. — Dans leurs expériences relatives à l’effet de la chauffe sur le dépôt actif, P. Curie et M. Danne ont été amenés à admettre que la constante du radium C subit une influence par l’effet de la chauffe. Cette interprétation des résultats expérimentaux a été discutée par M. Bronson et par M. Schmidt qui ont montré, ainsi que nous l’avons vu plus haut, que la conclusion, précédemment indiquée, n’est pas nécessaire. La question présente, d’ailleurs, un grand intérêt, parce que les constantes radioactives se sont montrées, jusqu’à présent, indépendantes de la température, et que si celle-ci pouvait avoir une action, il y aurait là un fait d’une grande importance.

M. Bronson n’a pu constater aucun effet de ce genre. MM. Makower et Russ[23], au contraire, en soumettant à une chauffe intense un tube de quartz contenant de l’émanation ou un fil activé, ont constaté des effets qu’ils ont attribués à l’action de la température sur le dépôt actif. Le tube actif agissait par son rayonnement extérieur sur une chambre d’ionisation à l’aide de laquelle on mesurait l’activité. Si le tube contenait de l’émanation, l’activité après une chauffe d’une heure éprouvait une baisse de 6 pour 100 ; cette baisse n’affectait pas la loi de destruction de l’émanation, parce que, 2 à 3 heures après la fin de la chauffe, le rayonnement reprenait la valeur normale déduite de cette loi de destruction. En comparant la loi de variation de l’activité pour deux fils activés scellés dans des tubes de quartz dont l’un était chauffé à 1000° pendant que l’autre n’était pas chauffé, on a constaté de même une diminution de l’activité par la chauffe et une altération de la loi de décroissance. Des résultats de même nature ont été obtenus par M. Engler[24] qui a également observé de petites variations d’activité pour les fils activés soumis en vase clos à l’action d’une température élevée.

Les expériences de M. Schmidt[25] sont, au contraire, défavorables à l’existence d’un phénomène de ce genre dans les limites de précision des expériences. On opérait soit avec le dépôt actif, soit avec du radium C préparé par dépôt sur nickel dans une solution chlorhydrique du dépôt actif. Les corps activés étaient scellés dans des tubes de quartz et chauffés dans un four électrique. Aucune variation n’a été constatée jusqu’à la température de 1500° quand la mesure du rayonnement était faite en utilisant les rayons Mais en utilisant les rayons du tube chauffé, on constatait une diminution d’activité semblable à celle remarquée par d’autres observateurs.

Si la variation se fait sentir sur les rayons et non sur les rayons elle ne peut guère provenir d’une modification des constantes radioactives. Il est plutôt vraisemblable qu’elle résulte de causes d’importance secondaire, telles qu’une pénétration possible du dépôt actif dans le quartz par suite d’un phénomène de diffusion dont l’importance augmenterait avec la température, ou encore une modification dans le pouvoir pénétrant du quartz par suite d’une altération de cette matière à température élevée.


183. Ionisation produite par l’émanation et la radioactivité induite. — Le nombre d’ions qui est produit par l’émanation seule dans une chambre d’ionisation dépend non seulement de la quantité d’émanation contenue dans la chambre, mais aussi de la forme et des dimensions de celle-ci. Si le courant de saturation est obtenu, l’intensité de ce courant augmente pour des vases de forme semblable avec les dimensions de ces derniers, parce que les rayons émis par l’émanation se trouvent mieux utilisés dans les récipients dans lesquels ils sont absorbés par le gaz plutôt que par les parois.

Des expériences quantitatives à ce sujet ont été faites par M. Duane [26]. Ce physicien a admis que la radiation absorbée par la paroi et la radiation secondaire qui peut en provenir, sont proportionnelles à la densité de l’émanation et à la grandeur de la surface. Dans ces conditions, l’intensité du courant obtenu dans une chambre déterminée s’exprime par la formule


(1)                                        
désigne le volume de la chambre en centimètres cubes, la surface des parois en centimètres carrés, un coefficient constant et le courant qu’on obtiendrait avec la même quantité d’émanation, si tous les rayons émis étaient complètement utilisés. L’expérience consistait à comparer les courants de saturation obtenus avec une même quantité d’émanation dans trois chambres cylindriques dont les dimensions sont les suivantes :

     
Hauteur 
 58cm,6
23cm,93 12cm,6
Diamètre 
 33cm,4
10cm,83 16cm,7

On a trouvé que ces courants peuvent être représentés par la formule précédente, dans laquelle on pose

0cm,52.

La formule ne peut évidemment se vérifier pour de petits volumes pour lesquels elle donnerait un courant négatif. Elle doit cependant s’appliquer, au moins approximativement, tant que la plus petite des dimensions de la chambre est supérieure au parcours des particules de l’émanation dans le gaz intérieur à la chambre. Quand cette condition n’est plus réalisée, le coefficient doit évidemment décroître. On peut d’ailleurs admettre que l’émanation n’émet que des rayons et que ceux-ci sont absorbés par la paroi sans production de rayons secondaires susceptibles d’ioniser les gaz.

La formule indiquée permet de calculer le courant de saturation limite que pourrait fournir une certaine quantité d’émanation dont les rayons seraient complètement utilisés, connaissant le courant de saturation produit par cette même quantité d’émanation dans une chambre dont les dimensions sont connues. On trouve, par exemple, en se reportant aux mesures qui ont été décrites précédemment (§ 69), que l’émanation dégagée en une heure par un gramme de radium produit, dans une chambre cylindrique de 12cm,5 de hauteur et de 6cm,7 de diamètre, un courant maximum égal à 2,62 × 104 unités E. S. D’autre part, dans le même appareil, le courant dû à l’émanation seule constitue 43 pour 100 du courant maximum ; il a donc la valeur 1,126 × 104 E. S.

On en déduit 1,86 × 104 E. S. et le courant produit par l’émanation saturée d’un gramme de radium aurait la valeur 1,86 × 104 × 133,2 ; soit 2,5,106 unités E. S.

Si, d’autre part, on admet que l’émanation saturée d’un gramme de radium émet par seconde un nombre de particules égal à 3,4.1010 et que chaque particule produit 1,75.105 ions, la charge de chaque ion étant 4,7.10-10 E. S., on trouve pour le courant qui peut être obtenu avec cette quantité d’émanation, indépendamment de la radioactivité induite qui l’accompagne, la valeur 2,8.106 E. S. Ce nombre est assez voisin de celui qui résulte de la mesure du courant, l’écart pouvant être attribué à la connaissance imparfaite des nombreuses données qu’on a dû faire intervenir.

Si l’on utilise les données numériques ci-dessus, la formule (1) permet d’effectuer le dosage de l’émanation par le courant initial qu’elle produit dans une chambre d’ionisation de forme quelconque. Si l’on prend comme unité d’émanation la quantité qui est dégagée en une seconde par un gramme de radium, la quantité d’émanation qui produit un courant initial de unités E. S. est donnée par la formule


La mesure du courant initial présente quelques difficultés et il est plus commode de mesurer le courant maximum qui est atteint 3 heures après l’introduction de l’émanation. MM. Duane et Laborde[27] ont montré que la quantité d’émanation peut aussi être déterminée par la mesure de la formule utilisée pour tenir compte de la forme de la chambre est en ce cas la suivante :

Quand l’émanation est répandue dans l’espace compris entre deux plateaux parallèles, le courant dû à l’émanation seule est bien représenté en fonction de la distance des plateaux par la formule

Cette formule est obtenue en supposant que le rayonnement de l’émanation est absorbé par le gaz suivant une loi exponentielle caractérisée par le coefficient et que est le courant que fournirait l’émanation répandue sur 1cm de hauteur, si son rayonnement était totalement utilisé. On trouve approximativement pour l’air à la pression atmosphérique.


184. Rayonnement du dépôt actif. Nature complexe du radium C. Rayons du radium. — Nous avons vu que le radium A ne semble émettre que des rayons et que le parcours de ces rayons dans l’air à la pression atmosphérique est égal à 4cm,83. Il n’est pas facile de constater si cette substance émet aussi des rayons très absorbables. Le radium C émet des rayons et le parcours des rayons étant égal à 7cm,06. Le radium B donne lieu à un rayonnement absorbable ainsi qu’en témoignent les expériences qui ont été décrites précédemment.

La nature des rayons du radium B a été mise en évidence par M. Schmidt[28] au moyen d’un diaphragme à cloisons parallèles analogue à celui qui avait servi pour déceler la déviation magnétique des rayons (fig. 117), mais ayant ses cloisons plus écartées. Une plaque activée pendant un temps très court servait de source, et les rayons étaient supprimés par un écran d’épaisseur minimum. En établissant un champ magnétique qui déviait les rayons vers les cloisons, on observait une diminution du rayonnement au delà du diaphragme ; la valeur de la diminution dépendait du sens du champ, et l’on pouvait conclure qu’il s’agissait de rayons La proportion des rayons déviés pour le radium B et le radium C était appréciée d’après la forme des courbes de désactivation, obtenues avec ou sans champ magnétique, et l’on a trouvé ainsi que les rayons du radium B sont en moyenne plus déviables que les rayons du radium C.

L’étude de l’absorption des rayons du radium C isolé par l’électrolyse a montré que le coefficient d’absorption va en diminuant quand croît l’épaisseur de matière traversée. Ce coefficient semble tendre vers une valeur constante, et l’on trouve à la limite environ 13 pour l’aluminium. D’après M. Schmidt le rayonnement peut être considéré comme composé de deux groupes homogènes dont les coefficients d’absorption pour l’aluminium sont respectivement 53 et 13. Le coefficient d’absorption des rayons du radium B était déduit de la comparaison des résultats obtenus sur le radium C pur avec les résultats obtenus au moyen d’une lame activée contenant les deux substances ; le rayonnement du radium B semblait aussi hétérogène ; le coefficient d’absorption moyen pour l’aluminium est voisin de 80 (§ 114). Les courbes qui représentent le logarithme du rayonnement en fonction de l’épaisseur d’aluminium traversée ont été reproduites dans la figure 110.

M. Duane[29] a étudié l’émission de charge électrique par le dépôt actif du radium et en a conclu que le radium B donne lieu à une émission d’électrons lents et de rayons L’appareil était constitué par deux électrodes cylindriques coaxiales très rapprochées ; l’électrode intérieure qui portait le dépôt actif était reliée à l’électromètre. Un bon vide était fait dans l’appareil et, en raison du faible espace ménagé entre les électrodes, on admettait que l’ionisation du gaz résiduel ne donnait lieu à aucun courant appréciable quand l’électrode extérieure était portée à un potentiel variable. On mesurait le courant avec une faible valeur de soit, par exemple, 2,2 volts ; on constatait que le sens du courant de charge de l’électromètre dépend du signe de Si l’électrode se charge positivement, le courant de charge étant si , l’électrode se charge négativement, mais le courant de charge est beaucoup plus faible que en valeur absolue. Si l’électrode extérieure est reliée au sol, on obtient un courant de charge positive plus faible que et correspondant non pas à un champ nul, mais au champ créé par la force électromotrice de contact entre les électrodes. La demi-somme des courants et est peu différente du courant positif obtenu quand l’électrode intérieure est reliée au sol, et M. Duane a admis que c’est cette demi-somme qui mesure l’émission de charge négative par l’électrode intérieure, diminuée de la charge négative renvoyée par l’électrode extérieure par suite de diffusion de rayons primaires ou d’émission de rayons secondaires.

Les charges émises sont très sensibles à l’action du champ électrique, ce qui prouve qu’il y en a beaucoup dont la vitesse d’émission est faible. Ces charges semblent être émises en quantité à peu près égale par les surfaces des deux électrodes, et peuvent représenter, d’après M. Duane, les rayons secondaires émis sur les deux électrodes par le choc des rayons ou des rayons de grande vitesse.

La loi de décroissance avec le temps pour la charge émise par l’électrode ne correspond pas à la loi de décroissance de l’ionisation obtenue dans le même appareil quand on y rétablit la pression atmosphérique ; aucune des deux courbes n’est d’ailleurs en accord avec l’hypothèse que le radium B est inactif, mais la première des deux courbes présente un écart plus important que la seconde. La courbe qui représente la variation de la charge correspond plutôt à la supposition que le radium B et le radium C émettent chacun la même quantité d’électricité négative par seconde, quand ils sont en équilibre radioactif avec l’émanation.

Le rapport des courants obtenus avec les deux sens du champ électrique dépend du métal des électrodes. Parmi les charges émises il en est qui sont arrêtées par une différence de potentiel inférieure à 40 volts. En examinant l’effet d’un champ magnétique parallèle à l’axe des électrodes, on peut juger de la vitesse avec laquelle se déplacent les charges négatives. Cette vitesse est de l’ordre de 4.108 les électrons observés sont donc des électrons lents.

Le nombre des électrons peut être comparé au nombre des particules émises dans le même temps par le dépôt actif. Pour cela on détermine d’une part le courant de charge dans le vide, d’autre part le courant d’ionisation obtenu avec la même électrode active dans un grand volume d’air. Le rapport du second courant au premier était environ 3600. En admettant que le nombre d’ions par particule est environ 200 000 on en conclut que le nombre des électrons lents est supérieur à c’est-à-dire à 60. Les expériences tendent donc à prouver que l’émission d’une particule est accompagnée de l’émission d’un nombre considérable d’électrons lents.

Il résulte d’expériences récentes faites par M. Hahn et Mlle Meitner que le radium C est probablement une substance complexe[30]. En utilisant une plaque recouverte de radium C séparé par l’électrolyse, on peut obtenir sur une plaque disposée en face une faible activation par projection ; l’activité de la substance projetée disparaît en quelques minutes, et il semble probable que c’est cette substance qui est la source des rayons tandis que la substance caractérisée par la période de 19,5 minutes n’émettrait que des rayons Cette manière de voir est en accord avec la théorie d’après laquelle une substance radioactive simple ne peut émettre qu’une seule espèce de rayons.

D’après les mêmes auteurs les rayons du radium ne proviennent pas entièrement du dépôt actif ; le radium au minimum d’activité donne aussi lieu à une faible émission de rayons très absorbables qu’on peut observer en utilisant un sel privé aussi complètement que possible d’émanation et de dépôt actif, par l’action d’une chauffe intense et prolongée. L’intensité de ce rayonnement est de l’ordre de 1 pour 100 de celle du rayonnement émis par le radium en équilibre radioactif ; le coefficient d’absorption pour l’aluminium de l’ordre de 300. La présence de rayons et de rayons dans l’émission du radium conduirait à penser que ce corps est complexe. Certains faits expérimentaux sont en faveur de cette manière de voir,

La série des descendants du radium dont l’évolution est relativement rapide comprend l’émanation, le radium A, le radium B et le radium C. On trouve le prolongement de cette série dans l’étude de la radioactivité induite à évolution lente.


185. Loi d’évolution de l’activité induite restante du radium. Radium D, E et F. Leur relation avec le radioplomb et le polonium. — Nous avons vu qu’après une longue activation en présence d’une émanation concentrée, le corps actif manifeste, après la disparition de la radioactivité induite composée de radium A, de radium B et de radium C, un résidu d’activité de nature différente. Cette activité restante va, en effet, en augmentant en fonction du temps, suivant une loi de variation lente (§ 77). L’étude de cette activité résiduelle a été faite par M.  Rutherford[31] qui a montré que le résidu est de nature complexe et se compose de plusieurs matières radioactives. En particulier l’évolution de l’activité due aux rayons n’était pas la même que celle de l’activité due aux rayons L’intensité du rayonnement augmentait avec le temps, mais tendait vers une limite constante qui était atteinte après un mois. Au contraire, l’intensité du rayonnement continuait à augmenter pendant 18 mois, et l’on constatait une diminution de la vitesse d’accroissement indiquant qu’une limite serait atteinte dans quelque temps.

L’accroissement de l’intensité des rayons avait lieu suivant la loi

          avec          


cette loi s’interprète en admettant que la matière qui donne lieu à l’émission de rayons se forme avec un débit constant et qu’elle se détruit de moitié en 6 jours environ.

En chauffant la lame active, M. Rutherford a trouvé qu’au-dessus de 1000° la matière qui fournit les rayons est volatilisée tandis que la matière qui émet les rayons ne se volatilise que plus difficilement. Toutefois, après une chauffe à 1000°, l’intensité du rayonnement n’est plus constante, mais décroît de moitié en 4,5 jours. On en conclut que la matière qui produit les rayons est elle-même produite par une autre matière qui se volatilise au-dessous de 1000° et qui évolue très lentement.

Les trois matières ont été désignées par les lettres D, E et F, le radium D étant la substance dont la vie moyenne est très longue et qui produit le radium E, source des rayons le radium F est la matière qui émet les rayons

M. Rutherford a montré qu’en traitant une lame de platine, qui porte la radioactivité résiduelle, par une solution étendue d’acide sulfurique, on dissout l’activité, laquelle peut ensuite être concentrée par évaporation. Si dans une solution du dépôt actif on plonge une plaque de bismuth, on obtient sur celle-ci un dépôt de matière F seulement, et l’on constate que cette matière décroît de moitié en 143 jours. La matière F est produite directement par la matière E ; si, en effet, on a chassé par la chauffe le radium D et le radium F d’une plaque activée, le rayonnement de cette plaque, d’abord nul, se manifeste à nouveau en même temps qu’a lieu la décroissance du rayonnement On peut donc admettre que les matières D, E et F sont consécutives.

M. Rutherford a émis la supposition que ces matières doivent se trouver accumulées dans les minéraux qui contiennent du radium, et il a cherché à les identifier avec les substances radioactives connues. En particulier, il a constaté que la loi de décroissance du radium F rapproche cette substance du polonium. De plus, on savait que l’activité du plomb extrait de la pechblende semble constante, et qu’elle est due à un rayonnement qui semble de même nature que celui du polonium. M. Rutherford en a conclu que le radium D est la substance qui, se trouvant séparée avec le plomb, donne lieu à une production continue de radium E et de radium F. Ces prévisions ont été pleinement justifiées et ont permis d’interpréter l’ensemble des renseignements qu’on possédait sur le plomb radioactif. Ainsi, M. Debierne avait montré qu’en traitant le plomb radioactif on pouvait en extraire du polonium ; MM. Hofmann, Gonder et Wölfl, en plongeant des lames métalliques dans une solution de plomb radioactif, en ont extrait deux constituants radioactifs, probablement le radium E et le radium F. Les produits obtenus antérieurement par MM. Hofmann et Strauss devaient être enrichis en polonium.

Dans le spectre du radioplomb, Demarçay n’a vu aucune raie nouvelle, et il est probable que le radium D, le radium E et le radium F se trouvent présents en quantité minime. L’exactitude de la théorie de M. Rutherford a été démontrée par les expériences de MM. Meyer et von Schweidler[32] qui ont étudié comparativement le rayonnement du plomb radioactif et l’activité induite résiduelle du radium. Ils ont constaté que la matière qui émet des rayons dans le radioplomb et qui peut en être séparée, est caractérisée par la même loi de décroissance que celle observée pour le polonium ; et que c’est aussi suivant une loi caractérisée par la même constante radioactive que s’accroît le rayonnement du dépôt actif résiduel. Une vérification analogue a été faite pour la matière qui émet les rayons Pour séparer le radium E et le radium F, on plongeait des lames métalliques dans les solutions de plomb radioactif et l’on étudiait l’activité de ces lames, en rayons et en rayons en les soumettant dans certains cas à une chauffe à température élevée. La séparation par électrolyse a été également utilisée.


186. Radium D. Essai de détermination de la période et propriétés. — Le radium D ne semble pas actif par lui-même. On obtient du chlorure de plomb pratiquement inactif, suivant le procédé de M. Debierne, qui consiste à laisser cristalliser par refroidissement une solution chaude de ce chlorure ; en répétant cette opération sur les cristaux redissous, on obtient après quelques cristallisations un chlorure dont l’activité, très faible au début, augmente ensuite en fonction du temps aussi bien en rayons qu’en rayons et l’on peut s’assurer que l’activité initiale est très peu importante par rapport à celle qui se développe dans la suite. Si donc le radium D possède un rayonnement, celui-ci est très faible et probablement très absorbable. La constante radioactive du radium D est encore mal connue. Pour la déterminer, il faudrait observer la loi de décroissance de l’activité du radioplomb quand celui-ci se trouve en équilibre de régime radioactif avec le radium E et le radium F. Les séries d’expériences commencées à cet effet n’ont pas encore pu donner le résultat cherché et ont appris seulement que le maximum de l’activité totale est atteint en deux ans après la séparation du radioplomb privé de radium E et de radium F. De même le maximum de l’activité totale du dépôt actif résiduel est atteint deux ans après la fin de l’activation.

Si nous considérons le radium D, initialement dépourvu de radium E et de radium F, et que nous employions des notations analogues à celles qui nous ont déjà servi, les quantités des trois substances sont données en fonction du temps par les formules suivantes :


les constantes radioactives du radium D, du radium E et du radium F étant respectivement et

Après un temps suffisamment grand, E et F décroissent suivant la loi exponentielle qui caractérise la matière D, et ce résultat est atteint pour la matière E avant d’avoir été atteint pour la matière F.

M. Rutherford a essayé de déterminer la constante par voie indirecte au moyen du raisonnement suivant : Soit le nombre de particules émises par seconde par le radium C qui est en équilibre avec une certaine quantité d’émanation ; cette quantité d’émanation émettra pendant toute la durée de sa vie un nombre de particules égal à est la constante de l’émanation. Admettons que ce nombre soit aussi celui des atomes de radium D formés. Quand celui-ci sera en équilibre avec le radium E, il émettra par seconde un nombre de particules égal à si l’on admet qu’un atome de radium D donne lieu à la formation d’un seul atome de radium E dont la destruction comporte l’émission d’une seule particule On aura donc

En mesurant, dans le même appareil, l’intensité du rayonnement du radium C et du radium E qui en résulte suivant la théorie précédente, M. Rutherford a évalué à environ 40 ans la période de destruction de moitié pour le radium D.

MM. Meyer et von Schweidler[33] ont utilisé une méthode analogue. Supposons que le radium D soit déposé avec une vitesse constante sur le corps qui s’active ; tel sera le cas si le corps est exposé à l’action d’une émanation de concentration constante. Les quantités des matières D, E et F qui existeront après un temps sur le corps activé sont les suivantes :

Comme a une valeur très faible, on peut pour des valeurs de qui ne sont pas trop grandes, remplacer par de plus on peut négliger par rapport à et ainsi que par rapport à Supposons que chaque atome d’une substance ne produise qu’un atome de la substance suivante, ce qui conduit à poser Choisissons enfin le temps de telle manière que l’exponentielle soit négligeable ; cette condition pourra être réalisée pour un temps de quelques mois pour lequel l’exponentielle est encore voisine de 1.

On trouve dans ces conditions

On peut faire avec M. Rutherford l’hypothèse que le rayonnement émis par le radium C et par le radium E qui sont en équilibre avec une quantité constante de radium, comporte l’émission d’un même nombre de particules par seconde, et que l’effet ionisant de chaque particule dans le même appareil est le même. Cette supposition n’est certainement pas très exacte, parce que les rayons du radium C et ceux du radium E n’ont pas le même pouvoir pénétrant, mais il est difficile de tenir compte de cette circonstance. En faisant abstraction de l’écart qui en résulte, on peut écrire, pour le rayonnement du radium C et du radium E au temps

En ce qui concerne le rayonnement on peut admettre également que le nombre des particules émises par seconde est le même pour le radium C et le radium F en équilibre radioactif avec le radium ; mais on se rapproche plus de la vérité en admettant que l’effet ionisant d’une particule est proportionnel à son parcours qu’en admettant qu’il est le même dans les deux cas. On peut donc écrire

Les expériences étaient effectuées ainsi qu’il suit. Une plaque de platine était activée pendant 264 jours en vase clos en présence de 0g,5 de bromure de baryum radifère contenant 60 pour 100 de bromure de radium. Après ce temps on enlevait la plaque, et l’on mesurait le rayonnement d’abord 25 minutes après la fin de l’exposition, puis 24 heures après la fin de l’exposition. La deuxième mesure fournissait le rayonnement du radium E présent sur la plaque ; le rayonnement du radium C était déduit par différence et extrapolé pour le moment initial de la désactivation. La valeur trouvée pour conduit à une valeur de 35,7 ans pour la période de destruction de moitié quand on utilise le rayonnement et à une période de 12 ans seulement quand on utilise le rayonnement Cette deuxième valeur était considérée comme plus correcte, la divergence du nombre obtenu par la mesure du rayonnement pouvant s’expliquer par la supposition que le radium C est une substance complexe qui émet plus d’un groupe de rayons chaque groupe correspondant à une substance radioactive simple.

En observant au moyen du nombre des scintillations produites l’accroissement du radium F à partir d’une quantité donnée d’émanation, M. Antonoff a obtenu pour la période du radium D une valeur d’environ 16,5 ans[34].

Le radium D est entraîné avec le plomb que l’on extrait de la pechblende. On n’a pas encore réussi à l’obtenir à l’état concentré, de manière à essayer de l’isoler. Le progrès de la concentration est d’ailleurs difficile à suivre, parce que la substance n’est pas active par elle-même et que l’activité limite en rayons pénétrants n’est atteinte qu’en un mois, tandis que l’activité en rayons demande encore bien plus de temps pour se développer complètement. D’autre part, les procédés qu’on essaie pour concentrer le radium D ont, en général, pour effet de concentrer le radium E et le radium F dans les diverses parties du traitement ; la valeur limite qui est ensuite atteinte pour ces substances peut donc seule caractériser la proportion de radium D.

Des essais de concentration du radium D ont été décrits par divers auteurs[35][36]. Voici quelques-uns des résultats obtenus : lors de la cristallisation du chlorure de plomb radioactif en solution aqueuse ou chlorhydrique, le radium D se concentre dans les cristaux. Dans la distillation du chlorure en présence du chlorure d’ammonium, le radium D se concentre dans la partie plus volatile. Quand on fait agir du zinc sur le chlorure fondu, le radium D s’accumule dans le métal. En précipitant la solution du chlorure par l’hyposulfite de sodium, on obtient l’entraînement du radium D avec le précipité formé au début, et l’on peut ainsi obtenir du plomb radioactif 5 à 7 fois plus riche en radium D que celui qui a servi de point de départ. Un bon résultat est obtenu en transformant le chlorure en tétraphénylplomb qui cristallise à peu près exempt de radium D. On peut obtenir ainsi un sel dont l’activité limite en rayons est 200 fois plus grande que celle de l’uranium, mais la réaction n’est pas assez simple pour pouvoir servir comme procédé de fractionnement régulier.

Le radium D est entraîné avec le baryum dans la précipitation de ce dernier par l’acide sulfurique ; il peut ainsi être séparé du radium E et du radium F qui restent en solution[37].


187. Radium E1 et E2. Radium F. — Le radium E est une substance qui émet des rayons sensiblement homogènes dont le coefficient d’absorption par l’aluminium est environ 44. Un rayonnement faible semble aussi exister ; le coefficient d’absorption par le plomb est égal à 0,8[38] et l’intensité n’est que 0,016 pour 100 de celle des rayons Le radium E n’est pas volatil à 1000o.

MM. Meyer et von Schweilder[39] ont obtenu pour la décroissance du radium E des périodes variables avec les conditions de l’expérience. Ils en ont conclu qu’entre le radium D et le radium F il existe non pas une, mais deux substances intermédiaires ; le radium E1 et le radium E2. La substance E1 serait inactive, volatile au rouge et soluble dans l’acide acétique à chaud ; elle aurait une période de 6 à 6,5 jours. La substance E2 serait celle qui émet des rayons elle ne serait ni volatile au rouge, ni soluble dans l’acide acétique à chaud et aurait une période de 4,8 jours. En électrolysant une solution de dépôt actif, on peut, pour une densité de courant convenable, recueillir sur la cathode du radium E1 et E2 avec du radium F, mais sans radium D. Le rayonnement d’une plaque ainsi activée décroît en général suivant une loi qui n’est pas d’abord simple ; la vitesse de destruction augmente avec le temps pour atteindre une loi limite qui est une exponentielle simple correspondant à une période de 6 jours. Mais si la plaque a été chauffée ou bien traitée par l’acide acétique à chaud, son rayonnement décroît dès le début suivant une loi exponentielle simple correspondant à une période de 4,8 jours.

Les conclusions relatives à l’existence du radium E1 et E2 ont été contestées par M. Antonoff qui a observé l’accroissement du rayonnement à partir du radium D pur, obtenu par une activation de courte durée en présence d’émanation très concentrée ; la loi d’accroissement n’indiquait l’existence d’aucune substance inactive intermédiaire ; elle conduisait à considérer le radium E comme une substance simple ayant une période de 5 jours.

On obtient une période de 4,7 jours pour la substance qui émet le rayonnement en observant l’accroissement d’activité d’un chlorure de radioplomb préparé à l’état inactif au moyen de la cristallisation répétée par refroidissement[40].

Le radium F (polonium) émet des rayons et aussi des électrons lents. Le parcours des rayons est égal à 3cm,86[41] ; ces rayons sont absorbés par une épaisseur d’aluminium égale à 0cm,0028. Le radium F est identique avec le polonium et le radiotellure. La période du polonium a été déterminée par de nombreux expérimentateurs. Voici les nombres obtenus :

                                                                                      
Période-
en jours.
Dépôt actif 
 138,2
Meyer
et
v. Schweidler.
Substance extraite du plomb radioactif 
 134,5
Radiotellure 
 136,5
Bismuth polonifère 
 138,6
Dépôt actif 
 143,6
Rutherford.
Radiotellure 
 143,6
Radiotellure 
 139,6
Marckwald
et Greinacher.
Polonium 
 140,0
M. Curie.

Dans ce Tableau on a désigné par radiotellure la substance préparée par M. Marckwald, et par polonium celle préparée par M. Curie. La période du polonium peut être prise égale à 140 jours, nombre voisin de la moyenne des résultats expérimentaux.

Le polonium dans le dépôt actif est volatil à 1000o. Il se dépose sur les métaux plongés dans la solution chlorhydrique du dépôt actif et même sur le platine. Les propriétés chimiques de ce corps ont été exposées précédemment.

Quand on soumet à l’électrolyse une solution de dépôt actif ou de radioplomb, le polonium se dépose seul pour des densités de courant d’environ 4.10-6 ampère ; avec une densité de courant de 10-5 ampère on obtient un mélange de radium F et de radium E, et avec 10-4 ampère et au-dessus on a en plus un dépôt de radium D.

La loi de l’accroissement de l’activité du radium D est représentée dans les figures 170 et 171. Le radium D utilisé était préparé à l’état inactif par cristallisation répétée d’une solution de chlorure de radioplomb extrait de la pechblende. La figure 170 représente la loi d’accroissement de l’intensité du rayonnement pénétrant. Une intensité limite est atteinte en un temps

Fig. 170.


d’environ un mois. La période déduite de la diminution du logarithme de en fonction du temps est 4,7 jours.

La figure 171 représente la loi d’accroissement de l’intensité du rayonnement total (courbe III) ; celle-ci augmente pendant 2 ans et atteint après 760 jours une valeur qui ne varie pas sensiblement pendant l’année suivante. La courbe I a été obtenue en observant l’accroissement du rayonnement total d’une lame de verre qui avait subi une activation d’un mois en présence d’une grande quantité d’émanation du radium. La courbe II est une courbe théorique qui représente l’accroissement de la quantité de polonium en fonction du temps, la période du

Fig. 171.


polonium étant supposée égale à 140 jours, et la vitesse de formation étant supposée constante. On voit que les trois courbes ont une allure analogue. D’après la forme de ces courbes et d’après les résultats obtenus jusqu’à présent, relativement à la décroissance du radium D en équilibre avec E et F, il semble que la période du radium D dépasserait 15 ans et pourrait être plutôt de l’ordre de 40 ans.


188. Vie du radium. Évolution de l’activité du radium. — Le radium est une substance dont la vie moyenne est probablement très longue. La durée de la vie moyenne peut être prévue par des considérations théoriques.

Admettons qu’un gramme de radium au minimum d’activité émette par seconde un nombre de particules égal à Si l’on admet qu’un atome de radium émet en se détruisant une seule particule le nombre d’atomes de radium détruits en une seconde est aussi égal à

Si l’on désigne par le nombre d’atomes de radium contenus dans un gramme de cette substance, la constante radioactive est donnée par la formule

Le nombre se détermine d’après la connaissance de la charge d’un atome d’hydrogène dans l’electrolyse. Soit cette charge. 1g d’hydrogène contient atomes, soit atomes ; en prenant unité E. S. on trouve 6,2 × 1023 atomes. Par conséquent

En prenant pour la valeur récemment indiquée par M. Rutherford, on trouve

ou


d’où, pour la période de destruction de moitié,

ans,


et pour la vie moyenne 2540 ans.

Le volume de l’émanation qui est en équilibre avec un gramme de radium permet aussi une évaluation approchée de la vie moyenne du radium. En effet, soit ce volume ; le poids correspondant peut se déduire en admettant que le poids moléculaire de l’émanation est connu. En prenant ce dernier égal à 200 on trouve, pour le premier,


et si l’on désigne par la constante de l’émanation, le poids de l’émanation qui se forme par seconde est égal au produit de par la quantité précédente. D’autre part, on peut supposer que le poids de l’émanation diffère peu du poids du radium dont elle provient. Dans ces conditions on aurait approximativement

Les mesures du volume les plus récentes donnent des résultats qui sont bien en accord avec ceux déduits de la numération des particules Ces résultats se trouvent de plus confirmés par les expériences de M. Boltwood sur la formation du radium dans les minerais d’urane ; la période indiquée est égale à 2 000 ans.

Lors de l’extraction du radium du minerai, cette substance se trouve séparée du radium D et du polonium, et les traitements de purification et de concentration ont pour effet de séparer les traces de ces substances qui peuvent encore être présentes. Le radium ainsi préparé augmente d’activité et atteint un premier équilibre de régime avec l’émanation et la radioactivité induite. Mais l’accumulation de radium D se poursuit pendant longtemps, et si l’on admet que les périodes du radium et du radium D sont respectivement 1760 ans et 12 ans, l’équilibre avec le radium D est atteint en un temps voisin de 90 ans ; pendant ce temps l’activité en rayons et en rayons du radium va en augmentant par suite de la formation de radium E et de polonium. Quand l’équilibre est atteint, l’activité obtenue doit décroître ensuite très lentement suivant la loi de destruction du radium.

M. Rutherford[42] a dissous un sel de radium anciennement préparé, a fait bouillir la solution pendant 6 heures pour chasser l’émanation et laisser disparaître la radioactivité induite. Dans ces conditions le sel conservait encore 8 pour 100 de son rayonnement tandis qu’un sel fraîchement préparé et traité de même en conserve moins de 1 pour 100.

On peut aussi extraire du polonium d’une solution de sel de radium anciennement préparée qui n’en contenait pas primitivement. Pour cela il suffit de plonger une plaque de bismuth dans la solution et de laisser le polonium s’y déposer. Quand on précipite par l’acide sulfurique une solution ancienne de sel de radium, le radium est précipité, mais le radium D, le radium E et le polonium restent en solution.

Nous avons vu qu’à l’état d’équilibre de régime radioactif, il existe une relation simple entre les nombres d’atomes de différentes substances qui se trouvent en présence. Si, en particulier, un atome d’une substance produit un seul atome de la substance qui résulte de sa transformation, les nombres d’atomes en équilibre sont proportionnels aux vies moyennes. S’il s’agit d’atomes dont les poids ne sont pas très différents, les poids des matières accumulées sont aussi proportionnels aux vies moyennes. Ces considérations permettent de se rendre compte des difficultés qu’on peut rencontrer en essayant d’isoler les diverses substances. Ainsi la proportion de radium D dans le minerai serait plus de 140 fois plus petite, et la proportion de polonium 4500 fois plus petite que la proportion de radium. On comprend en ce cas combien il est difficile d’isoler le polonium. Par contre on peut admettre que l’activité du polonium par atome détruit est comparable à celle du radium au minimum d’activité également par atome détruit ; c’est ce qui aura lieu si la destruction de chaque atome entraîne l’expulsion d’une seule particule donc, à poids égal, le polonium aurait une activité 4500 fois plus grande que celle du radium au minimum d’activité, et environ 1000 fois plus grande que celle du radium en équilibre radioactif un mois après la préparation,


189. Émission totale d’énergie par le radium. — La quantité de chaleur qui est dégagée par un gramme de radium est égale à 118cal par heure ou 1,034.106 calories par an. Si la vie moyenne du radium est 2 540 ans, un gramme de radium pourra dégager pendant toute sa vie une quantité de chaleur égale à 1,03.106 × 2540, soit 2,6.109 calories. La quantité de chaleur qui correspond à la formation d’un gramme d’eau est égale à 4.103 calories environ. Le rapport des quantités d’énergie mises en jeu est donc de l’ordre 106, pour deux transformations effectuées sur des masses égales de matière, mais dont la première est une transformation atomique et la seconde une transformation moléculaire. Nous voyons donc par là que les quantités d’énergie qui interviennent dans la formation et dans la destruction des atomes sont considérables par rapport à celles qui interviennent dans la formation des molécules, et c’est ce qui explique la stabilité relative des atomes par rapport à nos moyens d’action, stabilité qui forme la base de la Chimie.

Il est probable que la destruction d’un atome radioactif quelconque met en liberté une quantité de chaleur du même ordre que celle dégagée lors de la destruction d’un atome de radium, la faiblesse du débit de chaleur par gramme de corps faiblement radioactifs résultant uniquement de la lenteur de leur destruction.

190. Perte de poids du radium. — D’après la conception actuelle du mode de transformation du radium, une quantité donnée de cette matière peut éprouver avec le temps une perte de poids très lente par suite de la destruction spontanée. Toutefois cette perte de poids n’aura lieu que si les produits de la destruction du radium peuvent s’échapper ou se trouver séparés. La perte de poids atteindrait en ce cas 0mg,4 par gramme de radium et par an, en admettant pour la constante du radium la valeur

Dans un sel de radium solide l’émanation se détruit principalement à l’intérieur même du sel et y produit le dépôt actif dont le dernier terme est le polonium. La perte de poids ne porte alors que sur une petite proportion d’émanation dégagée et d’hélium émis sous forme de particules cette perte insignifiante pour un gramme de radium et une année serait très difficile à observer, parce que le sel solide ne se conserve pas dans un état chimique invariable. Pour constater la perte totale, il faudrait priver le sel du radium D et du polonium qui s’y sont accumulés et le ramener toujours à un état défini, par exemple à l’état de chlorure anhydre ; les opérations chimiques nécessaires pour cela pourraient difficilement être effectuées avec une précision suffisante pour l’expérience considérée.

On rencontrerait des difficultés analogues en conservant une solution de radium en vase ouvert, de manière à laisser échapper l’émanation. Il serait nécessaire de peser le sel à l’état sec et avec une composition bien définie.

Si un sel est enfermé dans une ampoule scellée, les pesées peuvent être faites avec précision, mais les produits de décomposition restent dans l’ampoule ; seuls peuvent s’échapper les rayons et les rayons et il n’en résulte probablement aucune perte de poids appréciable ; on pourrait, en employant du verre très mince, laisser sortir les rayons toutefois la perte d’hélium qui en résulte représente une perte de poids extrêmement minime par gramme de radium et par année.

Si la destruction du radium se fait conformément à la théorie d’évolution de ce corps, on ne pourrait avoir à ce sujet une bonne expérience qu’en immobilisant pendant quelques années une quantité assez importante de radium. Des essais faits dans cette voie n’ont permis d’observer aucune variation pouvant mettre en doute la théorie admise. Aucune perte de poids n’a été observée par P. Curie pour le radium enfermé en tube scellé. Les expériences portaient sur une ampoule scellée contenant 0g,5 de chlorure de radium et observée pendant 4 mois ; l’épaisseur du verre était de 0mm,46. Des observations signalées par M. Heydweiller et M. Dorn, indiquant une légère perte de poids, n’ont pas été confirmées.

D’après certaines observations un sel de radium en couche extrêmement mince obtenue par évaporation d’une solution très diluée, perdait son activité très rapidement (Voller) ; la vie moyenne du radium, en ce cas, aurait été si fortement réduite que l’activité disparaissait en un temps de l’ordre d’un mois. Ces résultats n’ont pas été confirmés par M. Eve qui a montré qu’il s’agissait simplement d’un entraînement de parcelles de matière par les courants d’air, et qu’en évitant cette cause d’erreur on trouvait pour ces pellicules minces une activité constante et proportionnelle à la masse.

Les mesures d’activité par rayons pour des sels de concentration différente prouvent que l’activité est indépendante de la concentration ; l’ionisation obtenue est proportionnelle au poids de radium utilisé, pourvu que l’absorption des rayons par la matière qui accompagne le radium puisse être considérée comme négligeable.


191. Famille du radium. — La composition de la famille du radium, suivant l’ensemble de nos connaissances actuelles, est la suivante :

                                                                                     
Vie moyenne.
Radium 
 environ 2900 ans
rayons et
Ra
Émanation 
 5,57 jours
»
Ra
Radium A 
 4,3 min.
»
Ra
Radium B 
 38,5 min.
»
Ra
Radium C 
 28,1 min.
»
Ra
Radium D 
 environ 20 ans ?
Ra
Radium E1 ? 
 8,9 jours
Ra
Radium E2 
 6,9 jours
» et
Ra
Radium F 
 202 jours
»

L’existence d’une substance intermédiaire entre le radium et son émanation n’est pas impossible. J’ai eu, dans diverses expériences, des indications à ce sujet, sans pouvoir acquérir une certitude. J’ai observé pour certaines solutions radifères une décroissance progressive du débit d’émanation ; dans d’autres cas le débit semble avoir éprouvé une faible augmentation. Ces anomalies pourraient indiquer l’existence d’une substance intermédiaire très difficile à séparer du radium et se détruisant en quelques mois. Des observations du même genre ont été signalées en ce qui concerne la reprise d’activité du radium après dissolution[43].


Séparateur



  1. Tandis que la mesure du coefficient de diffusion dans l’air avait conduit à prévoir pour l’émanation un poids moléculaire et atomique d’environ 100 seulement (§ 62), une valeur très voisine de celle que prévoit la théorie des transformations radioactives a été obtenue récemment par M. Debierne qui appliquait la méthode d’effusion, c’est-à-dire d’écoulement par un orifice en paroi mince, à l’émanation contenue dans un mélange gazeux de très faible pression totale (Comptes rendus, 1910) ; le nombre ainsi trouvé est environ 220, la précision étant évaluée à 2 ou 3 pour 100. Plus récemment encore, M. Ramsay a effectué la pesée directe de minimes quantités d’émanation au moyen d’une balance de sensibilité très grande, spécialement construite, et en a déduit pour l’émanation un poids atomique de 220 (Comptes rendus, 1910).
  2. Mc Clung, Phil. Mag., 1906.
  3. H.-W. Schmidt, Ann. de Phys., 1906.
  4. Les courbes de la fig. 158 ont été tracées en utilisant les valeurs


    qu’on adopte actuellement comme valeurs probablement les plus exactes des constantes radioactives et Conformément à ces valeurs, on trouve

  5. Miss Gates, Phys. Rev., 1903.
  6. Curie et Danne, Comptes rendus, 1904.
  7. Schmidt, Phys. Zeit., 1905.
  8. Bronson, Phil. Mag., 1906.
  9. Lerch, Ann. de Phys., 1906.
  10. L’origine de temps adoptée par M. Lerch n’est pas celle qui convient au temps d’exposition utilisé ( 1 heure). Mais la différence n’étant pas très grande et l’inclinaison de la courbe dans la région utilisée se modifiant très lentement, ce déplacement du maximum ne doit pas entraîner d’erreur notable sur la valeur de
  11. Lerch, loc. cit.
  12. Duane, Comptes rendus, 1905.
  13. Schmidt, Ann. d. Phys., 1906.
  14. Rutherford, Radioactivity.
  15. Schmidt, Phys. Zeit., 1908.
  16. Schmidt, Phys. Zeit., 1908.
  17. Miss Brooks, Nature, 1904.
  18. Russ et Makower, Proc. Roy. Soc., 1909 ; Phil. Mag., 1910.
  19. Hahn et L. Meitner, Deutsch. phys. Gesell., 1909.
  20. Wertenstein, Comptes rendus, 1910.
  21. Duane, Journal de Physique, 1905.
  22. Makower, le Radium, 1909.
  23. Makower et Russ, Le Radium, 1907.
  24. Engler, Ann. d. Phys., 1908.
  25. Schmidt, Phys. Zeit., 1908 (deux Mémoires).
  26. Duane, Comptes rendus, 1905.
  27. Duane et Laborde, Le Radium, 1910.
  28. Schmidt, Ann. d. Phys., 1906.
  29. Duane, Le Radium, 1908.
  30. O. Hahn et L. Meitner, Phys. Zeit., 1909.
  31. Rutherford, Phil. Mag. 1904 ; Nature, 1905.
  32. Meyer et v. Schweidler, Acad. Vienne, 1905.
  33. Meyer et von Schweidler, Phys. Zeit., 1907.
  34. Antonoff, Phil. Mag., 1910.
  35. Hofmann et Wölfl, Berichte d. chem. Gesell, 1907.
  36. Szilard, Le Radium, 1908.
  37. Antonoff, Phil. Mag., 1910.
  38. Schmidt, Phil. Zeit., 1907.
  39. Meyer et von Schweidler, Acad. Vienne, 1906.
  40. Danysz, Comptes rendus, 1906.
  41. Levin, Phys. Zeit., 1906.
  42. Rutherford, Radioactivity.
  43. O. Hahn et L. Meitner, Phys. Zeit., 1909.