Trois mois dans les Pyrénées et dans le midi en 1858/Introduction

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NOTES DE VOYAGE





Lundi, 5 juillet 1858.


Parti de Tours à deux heures pour Bordeaux. Les environs de Poitiers sont assez jolis ; le Clain se replie sur lui-même, et on le traverse quatre ou cinq fois.

Après Vivonne, on monte sur un plateau assez élevé qui sépare le bassin de la Loire de celui de la Charente ; après Ruffec, on descend dans la vallée de la Charente.

Angoulême, belle position sur un mamelon élevé ; le corps blanc et nu de la cathédrale s’élève au sommet. Tour carrée, percée de beaucoup de fenêtres romanes. Quel caractère tout particulier et tout différent a cette architecture romane du Midi, qui commence déjà au sud de la Loire et à Poitiers ! et comme le simple profil de cette cathédrale, vue de loin en wagon, me frappe par son air net, raisonnable, la simplicité et la clarté de ses lignes principales, mais aussi son manque d’élévation et de poésie ! Le Nord avait modifié le roman dans ce sens, avant d’avoir trouvé la forme ogivale.

À Coutras, embranchement de Périgueux. Comme sur les différents lieux de cette terre, dont la forme extérieure ne change pas, change vite l’aspect humain ! la vie que l’humanité leur donne en s’y agitant, et les scènes qui s’y passent ! Qu’on songe au contraste de ces deux soirs à moins de trois siècles de distance, le soir de la bataille, la guerre civile au cœur de la France, et, après la lutte, les chevaliers et les guerriers répandus, campant ou fuyant sur ces hauts plateaux, et les animant (lu bruit des armes ; les villages d’alentour pleins d’hommes armés : et ce soir paisible où sur les mêmes lieux glisse un convoi qui emporte des baigneurs aux eaux des Pyrénées. — À Libourne, pont sur la Dordogne.

Bordeaux est d’un grand aspect à l’arrivée, le chemin longe ce large fleuve rempli jusqu’aux bords ; un vaste demi-cercle de lumières s’y reflète au loin. Les trains regorgent de voyageurs allant aux eaux. — Masses formidables de bagages ; des caisses effrayantes de volume et de poids, garnies de ferrures comme des forteresses. Où cela s’arrêtera-t-il ? On veut emporter toutes ses aises et tout son luxe, et plus même si on peut. Lutte effrénée de vanité et de bien-être.