Ubu roi (1896)/Acte 5

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Édition du Mercure de France (p. 141-171).


ACTE V



Scène Première

Il fait nuit. LE PÈRE UBU dort. Entre LA MÈRE UBU ſans le voir.
L’obſcurité eſt complète.

MÈRE UBU. — Enfin, me voilà à l’abri. Je ſuis ſeule ici, ce n’eſt pas dommage, mais quelle courſe effrénée : traverſer toute la Pologne en quatre jours ! Tous les malheurs m’ont aſſaillie à la fois. Auſſitôt partie cette groſſe bourrique, je vais à la crypte m’enrichir. Bientôt après je manque d’être lapidée par ce Bougrelas et ces enragés. Je perds mon cavalier le Palotin Giron qui était ſi amoureux de mes attraits qu’il ſe pâmait d’aiſe en me voyant, et même, m’a-t-on aſſuré, en ne me voyant pas, ce qui eſt le comble de la tendreſſe. Il ſe ſerait fait couper en deux pour moi, le pauvre garçon. La preuve, c’eſt qu’il a été coupé en quatre par Bougrelas. Pif paf pan ! Ah ! je penſe mourir. Enſuite donc je prends la fuite pourſuivie par la foule en fureur. Je quitte le palais, j’arrive à la Viſtule, tous les ponts étaient gardés. Je paſſe le fleuve à la nage, eſpérant ainſi laſſer mes perſécuteurs. De tous côtés la nobleſſe ſe raſſemble et me pourſuit. Je manque mille fois périr, étouffée dans un cercle de Polonais acharnés à me perdre. Enfin je trompai leur fureur, et après quatre jours de courſes dans la neige de ce qui fut mon royaume j’arrive me réfugier ici. Je n’ai ni bu ni mangé ces quatre jours. Bougrelas me ſerrait de près… Enfin, me voilà ſauvée. Ah ! je ſuis morte de fatigue et de froid. Mais je voudrais bien ſavoir ce qu’eſt devenu mon gros polichinelle, je veux dire mon très reſpectable époux. Lui en ai-je pris, de la finance. Lui en ai-je volé, des rixdales. Lui en ai-je tiré, des carottes. Et ſon cheval à finances qui mourait de faim ; il ne voyait pas ſouvent d’avoine, le pauvre diable. Ah ! la bonne hiſtoire. Mais hélas ! j’ai perdu mon tréſor ! Il eſt à Varſovie, ira le chercher qui le voudra.

Père Ubu (commençant à se réveiller). — Attrapez la Mère Ubu, coupez les oneilles !

Mère Ubu. — Ah ! Dieu ! Où ſuis-je ? Je perds la tête. Ah ! non, Seigneur !

Grâce au Ciel j’entrevoi 
Monsieur le Père Ubu qui dort 
auprès de moi.

Faiſons la gentille. Eh bien, mon gros bonhomme, as-tu bien dormi ?

Père Ubu. — Fort mal ! Il était bien dur cet ours ! Combat des voraces contre les coriaces, mais les voraces ont complètement mangé et dévoré les coriaces, comme vous le verrez quand il fera jour ; entendez-vous, nobles Palotins !

Mère Ubu. — Qu’eſt-ce qu’il bafouille ? Il eſt encore plus bête que quand il eſt parti. À qui en a-t-il ?

Père Ubu. — Cotice, Pile, répondez-moi, ſac à merdre ! Où êtes-vous ? Ah ! j’ai peur. Mais enfin on a parlé. Qui a parlé ? Ce n’eſt pas l’ours, je ſuppoſe. Merdre ! Où ſont mes allumettes ? Ah ! je les ai perdues à la bataille.

Mère Ubu (à part). — Profitons de la ſituation et de la nuit, ſimulons une apparition ſurnaturelle et faiſons-lui promettre de nous pardonner nos larcins.

Père Ubu. — Mais, par ſaint Antoine ! on parle. Jambedieu ! Je veux être pendu !

Mère Ubu (grossissant sa voix). — Oui, monſieur Ubu, on parle, en effet, et la trompette de l’archange qui doit tirer les morts de la cendre et de la pouſſière finale ne parlerait pas autrement ! Écoutez cette voix ſévère. C’eſt celle de ſaint Gabriel qui ne peut donner que de bons conſeils.

Père Ubu. — Oh ! ça, en effet !

Mère Ubu. — Ne m’interrompez pas ou je me tais et c’en ſera fait de votre giborgne !

Père Ubu. — Ah ! ma gidouille ! Je me tais, je ne dis plus mot. Continuez, madame l’Apparition !

Mère Ubu. — Nous diſions, monſieur Ubu, que vous étiez un gros bonhomme !

Père Ubu. — Très gros, en effet, ceci eſt juſte.

Mère Ubu. — Taiſez-vous, de par Dieu !

Père Ubu. — Oh ! les anges ne jurent pas !

Mère Ubu (à part). — Merdre ! (continuant.) Vous êtes marié, monſieur Ubu.

Père Ubu. — Parfaitement, à la dernière des chipies !

Mère Ubu. — Vous voulez dire que c’eſt une femme charmante.

Père Ubu. — Une horreur. Elle a des griffes partout, on ne ſait par où la prendre.

Mère Ubu. — Il faut la prendre par la douceur, ſire Ubu, et ſi vous la prenez ainſi vous verrez qu’elle eſt au moins l’égale de la Vénus de Capoue.

Père Ubu. — Qui dites-vous qui a des poux ?

Mère Ubu. — Vous n’écoutez pas, monſieur Ubu ; prêtez-nous une oreille plus attentive. (À part.) Mais hâtons-nous, le jour va ſe lever. Monſieur Ubu, votre femme eſt adorable et délicieuſe, elle n’a pas un ſeul défaut.

Père Ubu. — Vous vous trompez, il n’y a pas un défaut qu’elle ne poſſède.

Mère Ubu. — Silence donc ! Votre femme ne vous fait pas d’infidélités !

Père Ubu. — Je voudrais bien voir qui pourrait être amoureux d’elle. C’eſt une harpie !

Mère Ubu. — Elle ne boit pas !

Père Ubu. — Depuis que j’ai pris la clé de la cave. Avant, à ſept heures du matin elle était ronde et elle ſe parfumait à l’eau-de-vie. Maintenant qu’elle ſe parfume à l’héliotrope elle ne ſent pas plus mauvais. Ça m’eſt égal. Mais maintenant il n’y a plus que moi à être rond !

Mère Ubu. — Sot perſonnage ! — Votre femme ne vous prend pas votre or.

Père Ubu. — Non, c’eſt drôle !

Mère Ubu. — Elle ne détourne pas un ſou !

Père Ubu. — Témoin monſieur notre noble et infortuné cheval à Phynances, qui, n’étant pas nourri depuis trois mois, a dû faire la campagne entière traîné par la bride à travers l’Ukraine. Auſſi eſt-il mort à la tâche, la pauvre bête !

Mère Ubu. — Tout ceci ſont des menſonges, votre femme eſt un modèle et vous quel monſtre vous faites !

Père Ubu. — Tout ceci ſont des vérités. Ma femme eſt une coquine et vous quelle andouille vous faites !

Mère Ubu. — Prenez garde, Père Ubu.

Père Ubu. — Ah ! c’eſt vrai, j’oubliais à qui je parlais. Non, je n’ai pas dit ça !

Mère Ubu. — Vous avez tué Venceſlas.

Père Ubu. — Ce n’eſt pas ma faute, moi, bien ſûr. C’eſt la Mère Ubu qui a voulu.

Mère Ubu. — Vous avez fait mourir Boleſlas et Ladiſlas.

Père Ubu. — Tant pis pour eux ! Ils voulaient me taper !

Mère Ubu. — Vous n’avez pas tenu votre promeſſe envers Bordure et plus tard vous l’avez tué.

Père Ubu. — J’aime mieux que ce ſoit moi que lui qui règne en Lithuanie. Pour le moment ça n’eſt ni l’un ni l’autre. Ainſi vous voyez que ça n’eſt pas moi.

Mère Ubu. — Vous n’avez qu’une manière de vous faire pardonner tous vos méfaits.

Père Ubu. — Laquelle ? Je ſuis tout diſpoſé à devenir un ſaint homme, je veux être évêque et voir mon nom ſur le calendrier.

Mère Ubu. — Il faut pardonner à la Mère Ubu d’avoir détourné un peu d’argent.

Père Ubu. — Eh bien, voilà ! Je lui pardonnerai quand elle m’aura rendu tout, qu’elle aura été bien roſſée et qu’elle aura reſſuſcité mon cheval à finances.

Mère Ubu. — Il en eſt toqué de ſon cheval ! Ah ! je ſuis perdue, le jour ſe lève.

Père Ubu. — Mais enfin je ſuis content de ſavoir maintenant aſſurément que ma chère épouſe me volait. Je le ſais maintenant de ſource ſûre. Omnis a Deo ſcientia, ce qui veut dire : Omnis, toute ; a Deo, ſcience ; ſcientia, vient de Dieu. Voilà l’explication du phénomène. Mais madame l’Apparition ne dit plus rien. Que ne puis-je lui offrir de quoi ſe réconforter. Ce qu’elle diſait était très amuſant. Tiens, mais il fait jour ! Ah ! Seigneur, de par mon cheval à finances, c’eſt la Mère Ubu !

Mère Ubu (effrontément). — Ça n’eſt pas vrai, je vais vous excommunier.

Père Ubu. — Ah ! charogne !

Mère Ubu. — Quelle impiété.

Père Ubu. — Ah ! c’eſt trop fort. Je vois bien que c’eſt toi, ſotte chipie ! Pourquoi diable es-tu ici ?

Mère Ubu. — Giron eſt mort et les Polonais m’ont chaſſée.

Père Ubu. — Et moi, ce ſont les Ruſſes qui m’ont chaſſé : les beaux eſprits ſe rencontrent.

Mère Ubu. — Dis donc qu’un bel eſprit a rencontré une bourrique !

Père Ubu. — Ah ! eh bien, il va rencontrer un palmipède maintenant. (Il lui jette l’ours.)

Mère Ubu (tombant accablée sous le poids de l’ours). — Ah ! grand Dieu ! Quelle horreur ! Ah ! je meurs ! J’étouffe ! il me mord ! Il m’avale ! il me digère !

Père Ubu. — Il eſt mort ! groteſque. Oh ! mais, au fait, peut-être que non ! Ah ! Seigneur ! non, il n’eſt pas mort, ſauvons-nous. (Remontant sur son rocher.) Pater noſter qui es…

Mère Ubu (se débarrassant). — Tiens ! où eſt-il ?

Père Ubu. — Ah ! Seigneur ! la voilà encore ! Sotte créature, il n’y a donc pas moyen de ſe débarraſſer d’elle. Eſt-il mort, cet ours ?

Mère Ubu. — Eh oui, ſotte bourrique, il eſt déjà tout froid. Comment eſt-il venu ici ?

Père Ubu (confus). — Je ne ſais pas. Ah ! ſi, je ſais ! Il a voulu manger Pile et Cotice et moi je l’ai tué d’un coup de Pater Noſter.

Mère Ubu. — Pile, Cotice, Pater Noſter. Qu’eſt-ce que c’eſt que ça ? Il eſt fou, ma finance !

Père Ubu. — C’eſt très exact ce que je dis ! Et toi tu es idiote, ma giborgne !

Mère Ubu. — Raconte-moi ta campagne, Père Ubu.

Père Ubu. — Oh ! dame, non ! C’eſt trop long. Tout ce que je ſais, c’eſt que malgré mon inconteſtable vaillance tout le monde m’a battu.

Mère Ubu. — Comment, même les Polonais ?

Père Ubu. — Ils criaient : Vive Venceſlas et Bougrelas. J’ai cru qu’on voulait m’écarteler. Oh ! les enragés ! Et puis ils ont tué Renſky !

Mère Ubu. — Ça m’eſt bien égal ! Tu ſais que Bougrelas a tué le Palotin Giron !

Père Ubu. — Ça m’eſt bien égal ! Et puis ils ont tué le pauvre Laſcy !

Mère Ubu. — Ça m’eſt bien égal !

Père Ubu. — Oh ! mais tout de même, arrive ici, charogne ! Mets-toi à genoux devant ton maître (il l’empoigne et la jette à genoux), tu vas ſubir le dernier ſupplice.

Mère Ubu. — Ho, ho, monſieur Ubu !

Père Ubu. — Oh ! oh ! oh ! après, as-tu fini ? Moi je commence : torſion du nez, arrachement des cheveux, pénétration du petit bout de bois dans les oneilles, extraction de la cervelle par les talons, lacération du poſtérieur, suppreſſion partielle ou même totale de la moelle épinière (ſi au moins ça pouvait lui ôter les épines du caractère), ſans oublier l’ouverture de la veſſie natatoire et finalement la grande décollation renouvelée de ſaint Jean-Baptiſte, le tout tiré des très ſaintes Écritures, tant de l’Ancien que du Nouveau Teſtament, mis en ordre, corrigé et perfectionné par l’ici préſent Maître des Finances ! Ça te va-t-il, andouille ?

(Il la déchire.)

Mère Ubu. — Grâce, monſieur Ubu !

(Grand bruit à l’entrée de la caverne.)


Scène II

LES MÊMES, BOUGRELAS ſe ruant dans la caverne avec ſes SOLDATS.

Bougrelas. — En avant, mes amis ! Vive la Pologne !

Père Ubu. — Oh ! oh ! attends un peu, monſieur le Polognard. Attends que j’en aie fini avec madame ma moitié !

Bougrelas (le frappant). — Tiens, lâche, gueux, ſacripant, mécréant, muſulman !

Père Ubu (ripostant). — Tiens ! Polognard, ſoûlard, bâtard, huſſard, tartare, calard, cafard, mouchard, ſavoyard, communard !

Mère Ubu (le battant aussi). — Tiens, capon, cochon, félon, hiſtrion, fripon, ſouillon, polochon !

(Les Soldats se ruent sur les Ubs, qui se défendent de leur mieux.)

Père Ubu. — Dieux ! quels renfoncements !

Mère Ubu. — On a des pieds, meſſieurs les Polonais.

Père Ubu. — De par ma chandelle verte, ça va-t-il finir, à la fin de la fin ? Encore un ! Ah ! ſi j’avais ici mon cheval à phynances !

Bougrelas. — Tapez, tapez toujours.

Voix au dehors. — Vive le Père Ubé, notre grand financier !

Père Ubu. — Ah ! les voilà. Hurrah ! Voilà les Pères Ubus. En avant, arrivez, on a beſoin de vous, meſſieurs des Finances !

(Entrent les Palotins, qui se jettent dans la mêlée.)

Cotice. — À la porte les Polonais !

Pile. — Hon ! nous nous revoyons, Monſieuye des Finances. En avant, pouſſez vigoureuſement, gagnez la porte, une fois dehors il n’y aura plus qu’à ſe ſauver.

Père Ubu. — Oh ! ça, c’eſt mon plus fort. Ô comme il tape.

Bougrelas. — Dieu ! je ſuis bleſſé.

Staniſlas Leczinſki. — Ce n’eſt rien, Sire.

Bougrelas. — Non, je ſuis ſeulement étourdi.

Jean Sobieſki. — Tapez, tapez toujours, ils gagnent la porte, les gueux.

Cotice. — On approche, ſuivez le monde. Par conſéiquent de quoye, je vois le ciel.

Pile. — Courage, ſire Ubu.

Père Ubu. — Ah ! j’en fais dans ma culotte. En avant, cornegidouille ! Tudez, ſaignez, écorchez, maſſacrez, corne d’Ubu ! Ah ! ça diminue !

Cotice. — Il n’y en a plus que deux à garder la porte.

Père Ubu (les assommant à coups d’ours). — Et d’un, et de deux ! Ouf ! me voilà dehors ! Sauvons-nous ! ſuivez, les autres, et vivement !


Scène III

La scène représente la province de Livonie couverte de neige.
LES UBS & LEUR SUITE en fuite.

Père Ubu. — Ah ! je crois qu’ils ont renoncé à nous attraper.

Mère Ubu. — Oui, Bougrelas eſt allé ſe faire couronner.

Père Ubu. — Je ne la lui envie pas, ſa couronne.

Mère Ubu. — Tu as bien raiſon, Père Ubu.

(Ils disparaissent dans le lointain.)


Scène IV

Le pont d’un navire courant au plus près sur la Baltique.
Sur le pont le PÈRE UBU & toute sa bande.

Le Commandant. — Ah ! quelle belle briſe.

Père Ubu. — Il eſt de fait que nous filons avec une rapidité qui tient du prodige. Nous devons faire au moins un million de nœuds à l’heure, et ces nœuds ont ceci de bon qu’une fois faits ils ne ſe défont pas. Il eſt vrai que nous avons vent arrière.

Pile. — Quel triſte imbécile.

(Une risée arrive, le navire couche et blanchit la mer.)

Père Ubu. — Oh ! Ah ! Dieu ! nous voilà chavirés. Mais il va tout de travers, il va tomber ton bateau.

Le Commandant. — Tout le monde ſous le vent, bordez la miſaine !

Père Ubu. — Ah ! mais non, par exemple ! Ne vous mettez pas tous du même côté ! C’eſt imprudent ça. Et ſuppoſez que le vent vienne à changer de côté : tout le monde irait au fond de l’eau et les poiſſons nous mangeront.

Le Commandant. — N’arrivez pas, ſerrez près et plein !

Père Ubu. — Si ! Si ! Arrivez. Je ſuis preſſé, moi ! Arrivez, entendez-vous ! C’eſt ta faute, brute de capitaine, ſi nous n’arrivons pas. Nous devrions être arrivés. Oh oh, mais je vais commander, moi, alors ! Pare à virer ! À Dieu vat. Mouillez, virez vent devant, virez vent arrière. Hiſſez les voiles, ſerrez les voiles, la barre deſſus, la barre deſſous, la barre à côté. Vous voyez, ça va très bien. Venez en travers à la lame et alors ce ſera parfait.
(Tous se tordent, la brise fraîchit.)

Le Commandant. — Amenez le grand foc, prenez un ris aux huniers !

Père Ubu. — Ceci n’eſt pas mal, c’eſt même bon ! Entendez-vous, monſieur l’Équipage ? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers.

(Plusieurs agonisent de rire. Une lame embarque.)

Père Ubu. — Oh ! quel déluge ! Ceci eſt un effet des manœuvres que nous avons ordonnées.

Mère Ubu & Pile. — Délicieuſe choſe que la navigation.

(Deuxième lame embarque.)

Pile (inondé). — Méfiez-vous de Satan et de ſes pompes.

Père Ubu. — Sire garçon, apportez-nous à boire.

(Tous s’installent à boire.)

Mère Ubu. — Ah ! quel délice de revoir bientôt la douce France, nos vieux amis et notre château de Mondragon !

Père Ubu. — Eh ! nous y ſerons bientôt. Nous arrivons à l’inſtant ſous le château d’Elſeneur.

Pile. — Je me ſens ragaillardi à l’idée de revoir ma chère Eſpagne.

Cotice. — Oui, et nous éblouirons nos compatriotes des récits de nos aventures merveilleuſes.

Père Ubu. — Oh ! ça évidemment ! Et moi je me ferai nommer Maître des Finances à Paris.

Mère Ubu. — C’eſt cela ! Ah ! quelle ſecouſſe !

Cotice. — Ce n’eſt rien, nous venons de doubler la pointe d’Elſeneur.

Pile. — Et maintenant notre noble navire s’élance à toute viteſſe ſur les ſombres lames de la mer du Nord.

Père Ubu. — Mer farouche et inhoſpitalière qui baigne le pays appelé Germanie, ainſi nommé parce que les habitants de ce pays ſont tous couſins germains.

Mère Ubu. — Voilà ce que j’appelle de l’érudition. On dit ce pays fort beau.

Père Ubu. — Ah ! meſſieurs ! ſi beau qu’il ſoit il ne vaut pas la Pologne. S’il n’y avait pas de Pologne il n’y aurait pas de Polonais !



FIN.