Un procès criminel/Texte entier

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Un procès criminel
Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 311-258).


COLLECTION MICHEL LÉVY



UN


PROCÈS CRIMINEL






OUVRAGES
DE
LA COMTESSE DASH
Parus dans la collection Michel Lévy




UN AMOUR COUPABLE 1 vol.
LES AMOURS DE LA BELLE AURORE 2 —
LES BALS MASQUÉS
LA BELLE PARISIENNE
LA CHAÎNE D’OR
LA CHAMBRE BLEUE
LE CHÂTEAU DE LA ROCHE SANGLANTE
LES CHÂTEAUX EN AFRIQUE
LA DAME DU CHÂTEAU MURÉ
LES DEGRÉS DE L’ÉCHELLE
LA DERNIÈRE EXPIATION
LA DUCHESSE d’ÉPONNES
LA DUCHESSE DE LAUZUN
LE FRUIT DÉFENDU
LES GALANTERIES DE LA COUR DE LOUIS XV
LA RÉGENCE
LA JEUNESSE DE LOUIS XV.
LES MAÎTRESSES DU ROI
LE PARC AUX CERFS
DE JEU DE LA REINE
LA JOLIE BOHÉMIENNE
MADEMOISELLE DE LA TOUR DU PIN
LA MARQUISE DE PARABÈRE
LA MARQUISE SANGLANTE
LE NEUF DE PIQUE
LA POUDRE ET LA NEIGE
UN PROCÈS CRIMINEL
UNE RIVALE DE LA POMPADOUR
LE SALON DU DIABLE
LES SECRETS D’UNE SORCIÈRE
LES SUITES D’UNE FAUTE
TROIS AMOURS



abbeville. — imprimerie de p. briez.







UN


PROCÈS CRIMINEL


PAR


LA COMTESSE DASH




PARIS


MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEURS
rue vivienne, 2 bis, et boulevard des italiens, 15
À LA LIBRAIRIE NOUVELLE


1864

Tous droits réservés





UN


PROCÈS CRIMINEL


I

LES VOLEURS


Par une nuit du mois d’octobre 183…, dans la rue de la Chaussée-d’Antin, à Paris, la fenêtre d’un appartement situé au premier d’une maison de belle apparence, s’ouvrit doucement. Il avait plu toute la soirée, après une journée étouffante, et le temps s’était beaucoup rafraîchi. On entendait encore quelques bruits de la grande ville, les voitures roulant sur les boulevards, les charrettes de maraîchers se rendant à la halle, un ou deux passants attardés marchant vite et se hâtant de rentrer chez eux ; hors cela, le silence le plus complet régnait dans tous les environs.

— Lorsque la croisée fut ouverte, une jeune femme s’y plaça, en évitant avec soin la lumière du réverbère qui donnait en face, comme une personne qui craint d’être vue ; elle regarda dans la direction du boulevard, en appuyant sa tête sur sa main, et resta ainsi, dans l’attitude de la réflexion. Les gouttes de pluie tombaient sur son front, elle ne s’en apercevait pas ; une vive préoccupation la rendait insensible à tout ce qui l’entourait ; ses cheveux, agités par le vent, ruisselaient, en longues boucles défrisées, sur ses épaules ; il y avait dans sa contenance une émotion douloureuse, une inquiétude évidente. Elle souffrait du plus grand mal de cœur : de l’attente et de la jalousie.

— Mon Dieu ! dit-elle, après avoir écouté les pas d’un homme qui s’éloignaient petit à petit, ce n’est pas lui encore ! il est deux heures passées ! il ne reviendra pas ! où est-il ? que signifie cette absence inaccoutumée ? — À la campagne, m’a-t-on dit. À quelle campagne ? Ce ne peut-être chez moi ! Chez qui donc, alors ? Je me perds en conjectures !

Un bruit un peu fort la fit tressaillir. Son cœur battait si vite qu’elle en entendait le mouvement. Elle rentra dans la chambre, jeta un coup d’œil inquiet autour d’elle ; mais comme tout se taisait de nouveau, elle reprit sa première attitude.

L’appartement dans lequel était cette femme, ne semblait par être occupé ordinairement par elle. Il renfermait une grande quantité d’objets précieux, dont le choix décelait un goût aussi pur qu’éclairé ; néanmoins, ces objets, même par leur arrangement et leur genre, indiquaient la présence et les habitudes d'un homme. Une tenture de velours violet, des armures et des tableaux anciens, des meubles de Boule, donnaient un air de grandeur sévère à un vaste cabinet de travail. La chambre à coucher, digne d’une favorite de Louis XV, présentait, à l’œil ébloui, un luxe de porcelaines, de dorures et de lampasses admirables. Le salon, entièrement chinois, n’avait pas un cornet, pas une potiche, qui ne fût irréprochable. Les magots et les magotines les plus excentriques se voyaient sur toutes les tables, des pagodes garnies de fleurs, des étoffes et des peintures sans noms, des éventails, des paravents, des écrans de toutes les formes remplissaient la chambre ; on se croyait à Pékin. Dans la salle à manger, de beaux dressoirs d’ébène supportaient la vaisselle plate, marquée aux armes du propriétaire ; partout c’était une élégance, une recherche digne d’un amateur distingué et d’un riche protecteur des arts.

La jeune femme parcourut l’un après l’autre ces bazars de curiosités. Elle examina, dans le plus grand détail, chacun des objets qui composaient cette collection. Quelques-uns lui arrachaient un sourire ; d’autres fois, une larme tremblait au bord de sa paupière. Un certain groupe d’amours, qu’elle contempla bien plus longtemps, lui arracha un soupir de regret, qui traduisit sa pensée, lorsqu’elle le replaça sur l’étagère.

Elle s’approcha ensuite du bureau. D’un coup d’œil, elle en eut passé la revue : les clefs en avaient été retirées ; pourtant un billet ouvert restait dans le buvard. Malgré elle, elle y porta ses regards, il ne contenait que ces mots :

« Demain, venez passer la journée à Fontenay ; j’ai besoin de vous voir, Raimbaud. Vous m’apporterez la mort ou la vie, puisque le sort de mon amour dépend de vous ! »

La date était de la veille ! plus de doute ; c’était chez cette femme, c’était à Fontenay qu’il avait dû se rendre. On le retenait. Après lui avoir écrit qu’on attendait de lui la vie ou la mort, pouvait-ce être autre chose qu’une nouvelle liaison ; et n’y avait-il pas dans ces deux lignes mille preuves d’infidélilé ?

Il faut avoir éprouvé cette terrible angoisse que vous donne la certitude d’être trahie, pour comprendre l’excès de sa souffrance. Elle se laissa tomber sur une chaise, ne trouvant dans son cœur ni larmes, ni plaintes ; il lui semblait qu’elle allait cesser de vivre, et qu’en perdant la foi dans son amour, elle perdait l’espérance dans l’avenir.

Elle reprit le fatal billet, le relut vingt fois, chercha à reconnaître l’écriture, s’efforça de découvrir un indice suspect dans la forme du papier ; malgré l’instinct si clairvoyant de la jalousie, il lui fallut s’avouer qu’elle ne savait rien et que ses soupçons restaient sans guide dans ce mystère douloureux.

— Eh bien, se dit-elle, je l’attendrai ! ce sera moi qu’il trouvera chez lui en quittant sa nouvelle maîtresse. J’interrogerai son premier regard, celui qui ne ment pas ; et s’il me trompe, que le ciel ait pitié de moi !

Après un instant, il lui vint à la pensée que peut-être il existait d’autres lettres dans cet appartement, dont elle connaissait tous les secrets : elle ouvrit tous les meubles, tous les tiroirs, chercha dans les portefeuilles, dans les livres, et ne découvrit plus rien.

Alors elle se remit à la fenêtre ; la pluie tombait toujours, la rue était encore déserte, et le silence régnait partout.

— Il ne vient pas ! il ne vient pas ! répétait-elle à moitié folle.

Et elle se promenait d’une pièce à l’autre, arrivée à ce paroxysme d’impatience dans lequel une femme est capable des plus grands dévouements, comme des vengeances les plus pitoyables. Son sang bouillait à ses oreilles et lui donnait le vertige. Malgré elle, elle écoutait sans cesse ; et cette espérance sans cesse déçue, devenait une torture insupportable.

Il y avait, sur le derrière de l’appartement, une petite pièce écartée, dont le maître faisait une sorte de retrait, et où les bruits de la rue ne parvenaient pas. L’inconnue alla s’y réfugier, espérant ainsi échapper à l’angoisse que lui causait chaque bruit renaissant, qui n’était pas celui qu’elle attendait. Elle se coucha, à moitié, sur un un divan de brocatelle verte, sa tête appuyée sur sa main. À la voir ainsi, belle, pâle, les cheveux en désordre et les yeux humides, levés vers le ciel, on l’eut prise pour la muse de la poésie s’inspirant d’une douleur céleste. Elle se prit à pleurer comme un enfant, en plongeant dans le monde de ses souvenirs, et en évoquant les plus ravissantes apparitions.

— Mon Dieu ! dit-elle, hier et demain sont-ils donc séparés par un immense abîme ? Hier, il m’aimait… aujourd’hui, il me trahit !… insensée !… croire… aimer… tout ceci est donc une amère dérision ? Quoi ! tandis qu’il m’écrivait ces pages brûlantes, il songeait à ce billet de cette femme à Fontenay ! il pouvait séparer son cœur en deux parts plus ou moins égales : l’une pour le présent dont il faisait du passé, l’autre pour l’avenir ! il pouvait me tromper si cruellement, pour tant d’amour ! de l’oubli même de mes devoirs !… Hélas ! quoi qu’elle fasse, une femme a donc toujours tort ? Pourtant, j’ai obéi à ma mère : je me suis mariée ; mais je n’ai pu arracher de mon âme mon amour pour Raimbaud, cet amour qui a grandi avec moi et ne finira qu’avec moi aussi. Retenue à la campagne, puisqu’on me condamne à y passer l’été, privée, depuis quelques jours, du bonheur de le voir, j’accours pour le surprendre, au risque de me compromettre… Quelle horrible déception !

Elle se tordait les mains.

— Pourtant, quoi qu’il arrive, je resterai jusqu’à son retour ! Des heures… des jours… ce sont des siècles qui me font mourir…

« Ici, je n’entends plus rien ; tout est muet comme la tombe… Je n’entends que les pulsations de mes artères, que les battements de mon cœur, si précipités, qu’on dirait qu’il va se briser !… Cette attente… au milieu de la nuit… cette solitude, ces gouttes de pluie qui tombent sur les vitres… tout cela est d’une tristesse mortelle… et semble sympathiser avec la mienne !… J’ai peur !… Quelle faiblesse !… S’il m’était possible de lire !… mais non ! une idée fixe… lui… écouter… attendre !… Quel tourment ! Ici, j’entendrai la porte cochère… et ce sera lui, bien sûr… car les bruits de la rue, qui me mentent depuis tant d’heures !…

Elle se leva, ouvrit la fenêtre qui donnait sur un jardin, la referma, puis elle reprit sa place sur le divan. L’inquiétude ne saurait rester en repos ; on espère tromper sa douleur, en s’agitant, et l’âme, comme dans une horrible tourmente, la communique au corps ; et tous deux souffrent et brûlent d’un mal dont on ne peut, dont on voudrait mourir !

Elle se reprit à parler, car il est à remarquer que les violentes agitations ont besoin de s’exhaler tout haut, soit douleur, soit bonheur. C’est cette révélation de la divinité qui nous domine et nous envahit souvent à notre insu ; elle change chacune des phrases qui s’échappent de notre bouche, en un cri de l’âme qui monte aux lèvres et commence presque toujours par : Mon Dieu ! C’est lui qu’on invoque, qu’on remercie, auquel on s’adresse sans cesse, et en dépit de la matière qui nous enveloppe, cette âme retourne incessament vers son créateur par des milliers d’imperceptibles liens ; les athées le sentent bien quoiqu’ils veulent le nier.

— Seigneur, que cette nuit est longue, reprit la malheureuse Laurence, elle est sans fin, comme mon désespoir est sans bornes ! Il faudra pourtant bien qu’il revienne ! quand ? Rempli encore de l’image de cette femme !… Mais où l’a-t-il connue ? Elle est belle, sans doute, puisqu’il me la préfère ! Mes idées se heurtent comme dans un horrible chaos ! Eh bien !… s’il tarde… il me trouvera morte !… tant mieux… il devinera alors un peu de tout ce que j’ai souffert !…

Puis comme cédant à son accablement mortel, elle reploya ses jambes sous elle, et prit sa tête dans ses deux mains appuyées sur ses genoux. Tout à coup, elle tressaille, elle a cru entendre du bruit ; ce n’est pas celui de la porte, elle craint de s’être trompée ; on souffre tant d’un faux espoir !

Elle rapproche son oreille ; tremblante, elle écoute ; cette fois, elle ne se trompe pas, c’est un bruit réel qui se répand dans tout l’appartement ; mais elle entend plusieurs voix qui essaient de parler bas… ce sont des voix d’hommes… elle respire à peine… elle comprend quelques mots… ce sont des voleurs…

— Je suis perdue, dit-elle, s’ils me découvrent. Je vais ne pas bouger, peut-être ne viendront-ils point ici.

Et elle s’était blottie derrière un fauteuil, retenant son haleine et grelottant de peur.

Elle entendit briser des serrures de bureaux, d’armoires ; elle entendit le bruit de l’argent qu’on remue, elle comprit qu’on faisait des paquets, qu’on décrochait des tentures, des tableaux.

— Hâtons-nous, Jean, hâtons-nous, disait une voix, ou nous serons surpris.

— Bah ! répondit Jean, il n’est pas près de rentrer, j’en suis sûr ; je connais bien ses habitudes, moi qui l’ai servi pendant trois ans.

— Quelle infamie, pensa Laurence en elle-même, c’est Jean, l’ancien valet de chambre de Raimbaud, qui conduit ces voleurs.

— Faisons seulement main basse sur le plus précieux, camarades, puis décampons : un peu moins de butin et un peu plus de sécurité, voilà ma devise ; avec celle-là je me suis toujours sauvé des plus mauvais pas.

— Poltron, répliqua Jean, il partira sans emporter cette belle vaisselle armoriée !

— Peste, il y a de la vaisselle ! il est extrêmement riche, ton maître, à ce qu’il paraît.

— Dites donc, je crois bien ; M. le comte Raimbaud de Vanvres et soixante mille francs de rente, à vingt-cinq ans, c’est gentil, et avec ça un joli garçon !

— Pourquoi diable l’as-tu quitté ?

— J’ai trouvé mieux, répondit Jean, en se frottant le menton d’un air capable ; mais nous jasons là comme une douzaine de femmes, ou une centaine de pies, ce qui est équivalent, à l’ouvrage, done !

— Par saint Chrystophe ! voilà de beaux pistolets !… et ces bijoux !… et ce yatagan ?

— Oui, mes maîtres, tout ceci est fort beau, mais nous ne pouvons pas tout emporter.

— Il a ma foi raison, ce damné Jean, reprirent plusieurs voix.

— Comme c’est moi qui vous ai conduit et enseigné une si riche capture, j’aurai part double, c’est entendu.

— Non, non, tu auras part comme les autres, rien de plus !

— Alors, il n’y a rien de fait ! s’écria Jean en colère.

— Retiens ta langue, reprit un autre voleur, ou tu es mort, car si tu n’étais pas avec nous, tu serais contre.

En parlant ainsi, ils s’étaient emparés des deux bras de Jean qui se débattait.

— Allons donc, c’est une plaisanterie que j’avais faite, reprit Jean grimaçant et voulant simuler un sourire ; est-il arriéré, celui-là ? oh ! oh ! oh !

Alors on le lâcha.

— Voilà, tout est à peu près empaqueté ; mais il faut maintenant faire perquisition dans tout l’appartement de peur de rien laisser, conduis-nous, Jean, toi qui sais les êtres de la maison.

— Il n’y a personne, c’est sûr, décampons.

— Tu es encore dans la classe des simples, mon pauvre Jean, tu ne connais rien aux affaires, partir sans avoir tout visité ! quelle bévue !

— Allons, Christophe, en avant la lanterne sourde, et qu’un de vous reste à la fenêtre pour donner l’alarme en cas de surprise ; un autre à l’affut sur les paquets ; en marche, et les pistolets chargés… Dégaînez les poignards, car les pistolets éveilleraient les maîtres.

— C’est juste, reprit Jean, et il s’en alla devant, suivi de celui qui tenait la lanterne.

Pendant ce temps, Laurence tremblait comme une pauvre feuille morte sous un vent d’automne ; elle écouta attentivement le bruit de leurs pas, s’éloignant et se rapprochant selon les détours de l’appartement, et lorsqu’elle comprit qu’ils allaient enfin pénétrer dans la pièce où elle était, elle faillit perdre la tête, puis, une idée lui survint, celle de se réfugier dans un arrière petit cabinet de toilette, et de se cacher derrière un rideau qui recouvrait une porte, ils n’iraient peut-être pas jusque-là, espéra-t-elle dans sa frayeur.

Mais cette frayeur était si grande qu’il lui semblait que les battements de son cœur la trahiraient comme le mouvement d’une pendule, alors même qu’elle serait cachée.

— À quoi bon pousser jusqu’ici ? leur disait Jean ; vous voyez bien qu’il n’y a rien de beau, et que nous perdons un temps dont chaque minute est si précieuse pour nous.

— Mais, bélître, si quelqu’un était caché, nous serions tués ou vendus.

— Voyons dans ce cabinet… Rien, tout est vide ; il paraît qu’il se trouve bien là où il est, ton maître, c’est-à-dire ton ex-maître, M. le comte de… de…

— De Vanvres.

— Va pour de Vanvres… Je gage qu’il est chez quelque femme, et que le temps ne lui dure guère.

— Oh ! pour ce qui est des femmes, il est assez bien tourné pour en avoir ; elles sont folles de lui ; et j’en connais une…

— N’y a-t-il pas encore quelque armoire ?

— Mais non… finissons-en.

— Quelques portes secrètes ?

— Ah ça ! est-ce que vous croyez bonnement, mes chers confrères, que vous êtes ici dans les souterrains du château d’Udolphe ? Mais non ! non ! c’est un appartement confortable, et voilà tout.

— Oui, il est propre, maintenant, l’appartement confortable. Il le trouvera bien quand il rentrera.

— Allons, est-ce fini ? Nous nous ferons prendre et pendre, vous verrez.

— Oh ! encore une porte que cachait ce rideau ; mais c’est un vrai dédale que ce logement-ci.

— Chut ! j’ai cru entendre un mouvement dans les autres pièces.

— Non ! c’est le vent ; il fait un vent de tous les diables, cette nuit ; une bonne nuit ; une belle nuit pour nous sur ma foi de paradis ou d’enfer ; car les nuits étoilées, les nuits de clair de lune nous sont funestes.

— Avançons. On cabinet de toilette. Je ne vois rien, absolument rien.

— C’est comme ça que tu travailles. Chéri ; tu es bon à passer le tropique. Va donc, va donc, clampin. Et ce rideau, est-ce qu’on ne lève pas tou t? est-ce qu’on n’ouvre pas tout ?

— Des habits !… Chien ! comme il est nippé, ton maître… un… deux… trois paletots… Dieu ! une femme !

— Une femme ! répétèrent les autres en s’approchant.

Ils avaient trouvé la tremblante Laurence.

— Il faut la tuer ! s’écrièrent les plus féroces.

— Non ! elle est trop jolie, pour la tuer.

— Pouille mouillée, va-t-il pas faire l’amour ? Est-ce le temps, quand on besogne ?

— Oh ! je la connais, dit Jean en approchant la lanterne de son visage ; il n’y a pas de danger ; c’est la maîtresse de Monsieur ; une petite femme charmante, douce comme un agneau.

— Jean, ayez pitié de moi ! s’écria la jeune femme, à moitié morte.

— Vive Dieu ! madame, comment donc êtes-vous ici sans lui ?

— Sauvez-moi de la fureur de ces hommes, Jean, je vous en supplie ; je ne dirai rien…

— Je réponds d’elle, dit Jean ; elle sera muette comme un tombeau.

— Une femme muette ? Laisse donc ; tu railles, l’ami. Muette, oui, quand nous l’aurons fait muette !

— Arrière, camarades ; pas un cheveu de cette femme ne sera touché, entendez-vous ?

Et cinq ou six des plus furieux tenaient un poignard levé sur la poitrine de la jeune femme.

— Quand je vous dis que je réponds d'elle, c'est assez, je crois, reprit Jean ; d'ailleurs, ne voyez-vous pas que sa position même la force au silence ? ne voyez-vous pas que si elle parlait, elle serait compromise ? Quelle excuse à donner pour être, la nuit, chez un jeune homme, à l'attendre ? elle qui est mariée, qui appartient à une famille élevée ; elle qui a un mari si juste, mais si sévère pourtant ; elle sait bien qu'elle serait à jamais perdue ?

Et Jean regardait Laurence, qui pâlit davantage encore.

— Allons, partons. Rassurez-vous, Madame ; M. Raimbaud est assez riche pour réparer cette perte, et nous ne l’étions pas assez pour nous passer de ce petit larcin ; c'est un nivellement, voilà tout : celui qui a trop donne à ceux qui n'ont pas assez. D’ailleurs, j’ai lu le système de M. Azaïs.

— Garde donc tes péroraisons pour une autre sauce, maître Jean.

— Voyons, à quoi nous résoudre pour la femme ?

— C’est au maître à prononcer.

— Non, aux voix !

— Oui, aux voix !

— Nous la tirerons au sort, dit un autre.

— Laisse donc, elle n’est pour personne, et moins encore pour ton nez, sac-à-vin !

— Sac-à-vin toi-même ! Tu nous fais toujours manquer tout ; pourvu qu’il ait son muffle dans une bouteille…

— Point d’injures ; ce n’est pas le quart d’heure. Mes enfants, la paix ! la paix !

— Messieurs, je vous en conjure, ne me faites pas de mal ! cria de nouveau la jeune femme, pâle comme la mort et joignant les deux mains.

— Il n’est pas dégoûté, M. Raimbaud ; un vrai gibier de roi, sur mon âme !

— Ton âme, sauvage ! où donc la caches-tu ? derrière les fagots, avec le vin de la comète ?

— Oui, derrière les fagots, dont une trique pour t’assommer, maraud de première classe !

— Voyons, pas de mots, enfants ! lâchons-la, comme dit Jean ; c’est un agneau, ça se taira.

— Butors ! vous n’y voyez goutte, pas plus loin que votre nez camard !

— À l’autre, à présent. Veux-tu m’offrir des lunettes ?

— Il ne s’agit pas de cela : et quand on rentrera céans, et qu’on retrouvera cette femme seule et l’appartement dévasté, qu’est-ce qu’on dira ? à qui fera-t-on des questions ?

— C’est vrai !

— Que diable ! que voulez-vous que réponde cette jeune fille, quand on lui dira : — Il est venu des voleurs ? — Oui. — Combien étaient-ils ? — Beaucoup. — Les connais-tu ? — Un qui s’appelle Jean. — Par où sont-ils entrés ? — Par la fenêtre.

— Et repartis ? — Par le même chemin. — Par où sont-ils partis ? — À droite, ou bien à gauche ? — Et puis, de cette façon, la police est à nos trousses et vient nous happer tes mollets. Que vous en semble, mes maîtres ?

— Bien dit, bien trouvé, juste.

— Quel moyen emploieriez-vous ?

— Ma foi… dirent plusieurs en se grattant la tête.

— Il faut donc que je pense pour tous : — Vous les mains et moi la tête ! — Eh bien ! il n’y a qu’un moyen : c’est d’emmener cette femme avec nous.

— Superbe ! C’est ça, maître ; elle ne dira rien.

— Oui, oui, répétèrent toutes les voix, excepté celle de Jean, qui disait non.

— Mais, ne vois-tu donc pas que c’est toi qui seras dénoncé le premier ; puisque tu es le seul qu’elle connaisse ?

— C’est parbleu vrai ; je n’y avais pas songé. Allons, voilà qui est dit, emmenons-la !

— Grâce ! grâce ! cria Laurence en tombant à genoux ; laissez-moi ici, au nom du ciel ! Je me coucherai ; je dirai que je n ai rien entendu.

— Impossible ! la belle, impossible ! désolé de te refuser ! — Demande-moi mon cœur, et je te le donne de suite.

— Jean, messieurs, ayez pitié d’une pauvre femme ! Je vous jure que je ne dirai rien !

— Allons, ma tourterelle, ne roucoule pas tant ; dépêchons, et partons de bonne grâce.

— Un instant ! un instant ! messieurs.

— Ah ça ! est-ce que nous jouons le conte de la Barbe bleue ? Viens, mignonne, pendant que le vent est bon, ou plutôt pendant que notre humeur est pacifique ; crois-moi, nous sommes de bons diables ; et, sur la lame de mon poignard, je te jure qu’il ne te sera fait aucun mal !

— Ne nous force pas aux moyens de rigueur, s’écrièrent les autres.

— Venez, madame, lui dit Jean à l’oreille, il n’y a pas à lutter contre de pareils hommes.

— Mais, Jean…

— Je réponds de vous sur ma tête. Nous vous relâcherons le plus tôt possible.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria-t-elle en sanglotant.

— Pas un mot de plus, mon ange, ou tu nous mettrais dans la dure nécessité de te bâillonner.

Jean chercha son chapeau, le lui remit sur la tête, lui ajusta son châle sur ses épaules, et ils la traînèrent ainsi jusque dans la première pièce, où étaient leurs ballots tout prêts.

— Voyons, le plus fort, ou mieux le plus adroit d’entre vous, pour porter cette femme sur ses épaules ?

— Moi, dit Christophe.

— Moi, moi, reprirent les autres.

— Jean, j’aimerais mieux que ce fut vous, dit tout bas Laurence.

— Jean n’est point assez fort, tais-toi, ou… ce poignard m’assurerait de ton silence, la belle !

On aida Christophe, et on lui tint l’échelle de cordes, tandis qu’il descendait péniblement, ayant chargé Laurence sur ses épaules ; de mains en mains ils eurent en un clin d’œil descendu tous les ballots, et ils se hâtèrent de marcher par les rues humides, silencieuses, dont le pavé était glissant.

Un des bras de la triste Laurence était non pas passé, mais retenu dans celui de Jean, et l’autre dans celui du maître de la bande ; ils se dirigèrent dans diverses rues afin de ne point attirer l’attention s’ils étaient par hasard rencontrés par quelque agent de police.

Les voleurs arrivèrent successivement et déposèrent leurs lourds et précieux fardeaux, puis ils se mirent tous à boire, ayant toutefois la précaution de peu élever la voix ; puis ils vidèrent les malles, et l’un d’eux ouvrant par un ressort une porte perdue et cachée dans un vieux morceau de tapisserie représentant autrefois Cupidon lançant une flèche à une jeune nymphe endormie. Laurence découvrit une pièce immense qui n’avait ni issue, ni fenêtre, et dans laquelle étaient entassés les trésors de vingt Pérous ; mais du moins des trésors dont la perte avait entraîné la ruine de bien des familles honorables. Ils y poussèrent pêle-mêle argenterie, bijoux, étoffes de prix, enfin toute leur capture, puis ils refermèrent la porte au plus vite.

Ils se remirent à boire, oubliant pour un instant Laurence qui ne bougeait pas plus qu’une statue de marbre, et qui était presque aussi froide.

— Maître, c’est dans trois jours que se fait le partage, s’écrièrent les voleurs ?

— Oui, mes enfants, loyalement chacun sa part égale, sans influence, ni camaraderie, si l’un de nous était pris, nous le serions tous, droit commun aux dangers, au partage et à l’amitié du maître, s’écria-t-il en leur donnant à chacun une poignée de sa large main, et un compliment sur leur adresse et leur habileté.

— Et si vous voulez m’en croire, ajouta-t-il, nous réaliserons nos valeurs et nous passerons à l’étranger, c’est plus sûr ; là on ne pourra plus nous inquiéter et nous trancherons du grand seigneur. Il y a longtemps que je rêve ces voyages. Je sais bien que vous allez me citer le fameux Salvator-Rosa ; mais à cette époque c’était l’âge d’or des brigands ; il y avait encore une certaine poésie dans cette vie aventureuse et souvent romantique, tandis qu’aujourd’hui il faut jouer le rôle ignoble de voleur, et avoir en perspective la place de Grève ou le bagne, et toujours la crainte des limiers de dame justice. J’irai en Turquie, pour avoir un harem, et vous, enfants ?

— Nous vous suivrons, maître ; mais nous nous ennuierons.

— Le repos après une pareille vie, c’est la mort ! s’écrie l’un d’eux.

— Oui, mais la mort est toujours suspendue au-dessus de chacun des jours d’une pareille vie. Songez-y donc, enfants !

— C’est vrai. Eh bien ! après le partage, nous partirons sous de faux noms et nous jetterons au vent la plume de notre destinée.

— C’est dit, répétèrent-ils tous, en buvant à la santé du chef que tous ils aimaient beaucoup à cause de sa justice parfaite.

Ils s’endormirent, le maître et Jean furent les seuls qui restèrent éveillés.







II

LA PORTIÈRE


Jean et le chef se levèrent doucement aussitôt que la troupe fut endormie, et faisant signe à Laurence de les suivre, ils l’emmenèrent avec eux dans un nouveau repaire. C’était une petite maison borgne et obscure, rue des Cinq-Diamants. Le chef tira une clef de sa poche, ouvrit la porte extérieure, porte d’allée creuse, basse, et ils entrèrent dans un couloir étroit, humide et infect. Ils montèrent à tâtons un mauvais escalier roide comme celui d’un pigeonnier c’est-à-dire qu’il fut encore obligé de porter Laurence à qui l’obscurité, la fatigue et la peur avaient ôté la faculté de marcher. 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— Taisez-vous, malheureux, au nom du ciel !

— Je me tairai à une condition, et cette condition vous allez me la jurer sur le corps de votre victime.

— Quelle est-elle, grand Dieu ?

— Je veux rentrer en France, de puissants intérêts m’y appellent ; il faut que vous m’assuriez l’impunité tout le temps qu’il me plaira d’y rester avec ma femme.

— C’est impossible !

— Alors si on m’arrête, je parlerai ; je raconterai tout haut votre déshonneur et le crime qui s’en est suivi. J’irai à l’échafaud, mais vous serez au ban de l’opinion publique, on vous appellera aussi comme moi : assassin.

— Mon Dieu ! ayez pitié de moi. Que faire ? que devenir ?

— Choisissez, vous êtes libre !

— Choisir entre deux infamies, non, non, c’est au-dessus de mes forces ; je ne supporterai pas une semblable alternative ; vous ne me connaissez donc pas, que vous osez me proposer cet odieux arrangement ?

— Je vous connais, monsieur d’Arbeuil, je sais que votre honneur de juge vous est aussi cher au moins que celui de la vie, et c’est à cause de cela que je vous laisse la liberté de prendre telle décision qu’il vous plaira.

M. d’Arbeuil réfléchit quelques secondes, les yeux fixés sur le cadavre de Raimbaud.

— Dans une semblable position, il n’y a qu’une décision à prendre, c’est d’éviter le déshonneur par tous les moyens possibles ; que Dieu me pardonne ce que je vais faire, mais c’est la seule chance de salut qui reste à ma mémoire.

Daniel se recula de quelques pas involontairement : il eut peur. Le juge sourit tristement.

— Ne craignez rien, continua-t-il, je ne souillerai pas ma main d’un nouveau meurtre, c’est bien assez de celui-là.

Et il montrait le pauvre jeune homme, baignant dans son sang.

— Oui, partis sans guide, égarés la nuit… une chute… le monde comprendra cela et n’en saura pas davantage. Mon Dieu, recevez mon âme !

En achevant ces mots, et avant que Daniel n’eût prévenu son dessein, il embrassa le corps de son rival, et, se donnant une forte secousse, il se précipita avec lui dans le précipice.

Daniel poussa un effroyable cri.

Il resta longtemps debout au bord de l’abîme, les regards en terre, cherchant en vain à découvrir le fond de ce gouffre immense.

— Pourquoi suis-je arrivé trop tard ? dit-il ; pourquoi, ayant suivi à son insu ce malheureux comte, l’ai-je quitté un seul instant ? il a eu raison, ce juge ; pour lui c’était le seul parti à prendre ; cet homme est mort comme il avait vécu : il a tout sacrifié à son intégrité de magistrat : sa femme d’abord et sa vie ensuite, tout pour sauver l’honneur. Je me tairai, je respecterai sa mémoire. Comme il l’a dit, le monde croira tout… Adieu donc mes espérances ! adieu ma patrie ! De quoi me plaindrais-je ? Zuppa me reste. Le beau jeune comte Raimbaud était plus malheureux que moi.

La nuit surprit encore Daniel à la même place ; que se passa-t-il dans son âme ? quel était cet homme extraordinaire ? Nul ne le saura jamais !


Huit jours après, tous les journaux annoncèrent que M. d’Arbeuil et son cousin le comte de Vanvres avaient péri dans un précipice, pour s’être obstinés à parcourir sans guide les environs de Louech.