Une leçon de lecture d'après Rollin

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Revue pédagogique, second semestre 18794 (p. 570-579).


UNE LEÇON DE LECTURE
D’APRÈS ROLLIN


Pendant longtemps, dans les écoles primaires, on ne lisait pas, ou bien on ne lisait que fort peu. L’étude de la lecture consistait tout simplement dans le mécanisme de l’assemblage des lettres. C’était un pur exercice vocal. Dès que les élèves étaient parvenus à ne pas faire de fautes, à articuler assez bien, à faire les liaisons, l’affaire était faite, le but atteint.

Les grands élèves alors, ceux de la première division, au moment où la lecture sérieuse leur aurait été le plus profitable, ne lisaient plus. À quoi bon ? disait-on ; c’est du temps perdu, puisqu’ils savent lire.

Je me rappellerai toujours la réponse que me fit à cette question, il y a quelque quinze ans, un instituteur d’un de nos arrondissements méridionaux : « Dans quels livres lisent vos élèves les plus avancés ? — Mais, monsieur l’inspecteur, ils ne lisent plus que leurs devoirs et leurs leçons de grammaire ; ils ne reçoivent plus de leçons spéciales de lecture. »

Heureusement, on commence à abandonner cette déplorable coutume. Elle a été la cause, en grande partie, du peu de résultat des écoles primaires et des non-valeurs scolaires annuellement constatées. Comment en pouvait-il être autrement ?

Les méthodes de lecture était longues, défectueuses. L’étude de la lecture était un supplice véritable pour les enfants. Et une fois qu’ils savaient lire, qu’ils auraient trouvé à la fois plaisir et profit à la lecture, ils ne lisaient plus. Ils ne conservaient de cette étude que le souvenir des larmes qu’ils avaient versées.

On a vu des exemples nombreux de jeunes écoliers qui savaient lire à peu près en sortant de l’école et qui, arrivés à vingt ans, avaient tout oublié. Ils allaient grossir le nombre des illettrés ! Ou nos jeunes gens sont illettrés, ou ils n’ont pas le goût de la lecture. Les étrangers dans la dernière guerre en ont été frappés. Ils voyaient nos prisonniers désœuvrés, sans que l’inaction parût leur peser. Leur plaisir était de jouer aux dames, à la marelle, au bouchon. En certaines villes, on leur avait donné des ouvrages d’histoire, des récits de voyages, mais ils n’y touchaient point. Aussi le bruit s’était-il répandu que nos soldats ne savaient pas lire.

« À Ouzouer, dit un auteur, sur cent blessés, on n’en a trouvé que quatre ou cinq qui eussent le goût de la lecture, deux seulement qui aimassent l’instruction[1]. »

À l’aide des conférences et des publications pédagogiques des écoles normales qui forment nos jeunes maîtres à de bonnes méthodes, on revient de cette grave et préjudiciable erreur qui consiste à ne plus lire à l’école quand une fois on sait lire, à abandonner les leçons de lecture une fois que l’enfant sait donner aux mots écrits le son que représente l’assemblage de leurs lettres.

On apprenait aux enfants à monter la gamme sur un instrument de musique pour le laisser ensuite.

Les maîtres comprennent maintenant que savoir lire c’est posséder les ressources nécessaires au moyen desquelles l’enfant, à l’école, acquerra une foule de connaissances, toutes les connaissances possibles.

Le temps, à l’école primaire, est bien limité. Il y a beaucoup de matières à étudier et dans leurs éléments, ce qui est toujours difficile. La lecture doit jouer le principal rôle dans l’enseignement élémentaire. C’est par la lecture que les enfants recevront des notions historiques sur l’histoire ancienne, l’histoire romaine qui doit servir de prélude à notre histoire nationale ; c’est au moyen des lectures commentées, expliquées, développées, raisonnées, qu’on leur fera connaître les beautés, les chefs-d’œuvre de nos littérateurs, de nos poètes, qu’on leur donnera quelques notions d’histoire naturelle, des principes d’hygiène, d’agriculture locale, d’économie domestique et d’industrie manufacturière, qu’on leur donnera quelques éléments de chimie organique et de cosmographie élémentaire, qu’on leur expliquera quelques phénomènes naturels ou physiques ; c’est par la lecture enfin qu’on suppléera à l’école primaire à l’insuffisance de temps et au manque d’études spéciales pour acquérir une foule de notions scientifiques désormais indispensables, aussi bien à l’homme des champs qu’à l’ouvrier des villes.

Et une fois sortis de l’école, si on a appris aux enfants à lire avec fruit, avec intelligence, si on leur a appris à tirer profit de leurs leçons et si, par-dessus tout, on est parvenu à leur faire aimer les livres, la lecture, on peut être certain que, adultes et hommes faits, ils liront dans leurs moments de loisir et continueront à s’instruire.

Lire avec intelligence, comprendre le sens et la valeur des mots, faire sentir l’esprit caché sous la lettre, la vérité sous la forme, réveiller, faire naître de bons sentiments à propos de belles paroles, travailler au développement de la conscience morale, du patriotisme, tout en parlant au cœur, à l’imagination, saisir la pensée de l’auteur, comprendre les réflexions, les maximes les faits (et un maître habile sait faire valoir tout cela), il faut bien qu’on le sache, c’est là, avec le goût de la lecture, le plus net, le plus pur des résultats des leçons de l’école primaire.

Autrefois, on n’avait pour tout livre de lecture que le Nouveau Testament, gros volume à deux colonnes, que je vois encore, et le psautier de David, en latin, bien entendu. On ne sortait pas de là.

Aujourd’hui, les livres de lecture pour les trois cours d’une école forment toute une encyclopédie résumant tout ce qu’on peut savoir. Que de matériaux pour de bonnes et fructueuses leçons !

Il y a longtemps qu’un maître parmi tous les maîtres dans l’art si difficile d’élever, d’instruire les enfants et d’en faire des hommes, l’illustre Rollin[2], avait indiqué dans son immortel Traité des études quel profit les maîtres devraient tirer d’une leçon de lecture.

Les maîtres trouveront toujours beaucoup de livres qui les mettront en état de bien instruire leurs disciples. L’important est d’en savoir tirer le meilleur parti possible. Qu’il s’agisse de lecture ou de toute autre matière, le maître, à l’école, doit avoir un double but donner des connaissances à l’enfant et travailler à son développement moral et intellectuel.

« … Dans la lecture que l’on fera des livres français, on ne se contentera pas d’examiner les règles du langage, que l’on ne perdra jamais de vue. On aura soin de remarquer la propriété, la justesse, la force, la délicatesse des expressions et des tours. On sera encore plus attentif à la solidité et à la vérité des pensées et des choses. On fera observer la suite et l’économie des différentes preuves et des parties du discours. Mais l’on préférera à tout le reste ce qui est capable de former le cœur, ce qui peut inspirer des sentiments de générosité, de désintéressement, de mépris pour les richesses, d’amour pour le bien public, d’aversion pour l’injustice et la mauvaise foi, en un mot tout ce qui fait le parfait honnête homme[3]. »

Rollin avait en vue sans doute, dans les conseils et les directions qu’il donne avec tant de justesse et d’à-propos, les jeunes gens qui font des études classiques complètes et qui ont été longtemps aux prises avec la beauté des langues grecque et latine ; mais il n’est pas moins utile de nous approprier ces précieuses réflexions et d’en faire notre profit en ce qui concerne les modestes études de l’école primaire.

« Pour le style, il faut s’en tenir à la règle de Quintilien qui est de faire lire aux jeunes gens et d’abord et toujours les meilleurs écrivains. Quand ils commenceront à avoir le jugement formé, il sera bon de leur en proposer où l’on trouve des défauts capables de séduire les jeunes gens, comme sont certaines pensées brillantes qui frappent d’abord par leur éclat, mais dont on reconnaît le faux et le vide quand on les examine de près. Il faut les accoutumer de bonne heure à aimer partout le vrai, à sentir ce qui y est contraire, à ne se point laisser éblouir par apparence du beau, à juger sainement ce qu’ils lisent, à rendre la raison du jugement qu’ils en portent[4]. »

Ce sont les comptes rendus oraux et écrits dont nous parlerons et que nous recommandons aux instituteurs.

Quant au choix des livres, écoutons ce que dit le grand maître :

« Notre langue nous fournit un grand nombre d’excellents ouvrages propres à former le goût de nos élèves ; mais le peu de temps qu’on peut donner à cette étude et le peu de dépense que peuvent faire la plupart des écoliers, obligent de se fixer à un petit nombre.

Il faut, s’il se peut, que l’utilité et l’agrément s’y trouvent ensemble, afin que la lecture ait pour les enfants un attrait qui la leur fasse désirer. Ainsi les livres qui sont purement de piété doivent leur être plus rarement proposés que d’autres, de peur que le dégoût qu’ils en auront une fois conçu ne les suive dans un âge plus avancé. L’histoire est bien plus à leur portée surtout dans les commencements[5]. »

Voilà un passage que nous recommandons à une catégorie d’écoles primaires, les écoles congréganistes. Dans une pensée louable d’une solide instruction religieuse à inculquer à leurs élèves, les instituteurs et institutrices de cette catégorie ne vont-ils pas contre leur but en ne mettant entre les mains de leurs élèves que des livres exclusivement religieux, de dogmes et d’instruction religieuse ?

Une fois que les enfants savent lire, dans la plupart des écoles congréganistes, on leur met entre les mains un livre de prières qui renferme la messe en français ; plus tard ils ont l’Évangile avec l’histoire sainte et le catéchisme, et ensuite le devoir du chrétien avec le Nouveau Testament.

Cette uniformité ne produit-elle pas ensuite une réaction fâcheuse dans l’esprit des enfants ? On les a saturés d’enseignement dogmatique, de prières, de pratiques religieuses ; il arrive alors que plus tard ils ne veulent plus entendre parler ni de la religion ni de ses cérémonies. Là est le danger, comme le prévoyait si justement Rollin, il y a deux cents ans.

Rollin, dans son exemple sur la manière dont on peut expliquer les auteurs français, rapporte un fait tiré de l’Histoire de Théodose[6]. Dans cet extrait il est question de l’élection de saint Ambroise à l’archevêché de Milan et de la part qu’y eut l’empereur Valentinien.

On sait que saint Ambroise, fils du préfet des Gaules sous les Romains, gouvernait lui-même la Ligurie quand le peuple de Milan, charmé de ses vertus, l’élut évêque d’une voix unanime, quoiqu’il ne fût pas chrétien, puisqu’il n’était pas encore baptisé. Il fut, par ordre de l’empereur Valentinien, baptisé, ordonné prêtre et sacré évêque, le tout en quelques jours. Saint Ambroise voulut refuser ; il fut forcé d’accepter et il s’appliqua tout entier à l’étude des saintes Écritures, au rétablissement de la discipline ecclésiastique dans son diocèse.

Nous croyons inutile de reproduire mot à mot l’extrait historique que l’on connaît. Ce que nous voulons, c’est faire assister nos lecteurs aux réflexions aussi judicieuses que pratiques de notre illustre maître en pédagogie. Voici comment il s’exprime :

« On fera lire cette histoire tout de suite par un ou deux écoliers, les autres ayant leurs livres devant les yeux, afin de leur donner une idée du fait dont il s’agit. On aura soin qu’ils observent dans cette lecture les règles dont il a été parlé ; qu’ils s’arrêtent plus ou moins selon la différente ponctuation ; qu’ils prononcent comme il faut chaque mot et chaque syllabe ; qu’ils prennent un ton naturel et qu’ils le varient, mais sans affectation. »

Voilà pour la lecture proprement dite. Aucune observation ne manque : l’articulation nette des syllabes et des mots, la ponctuation, le ton naturel de la conversation, tout y est.

« Après cette première lecture, le maître fera brièvement quelques remarques sur l’orthographe de certains mots : empescher, vescu, throsne, etc… puis il passera à l’explication des mots, des expressions sur lesquelles il croira devoir appela l’attention des élèves. »

Par exemple, Rollin prend le mot bizarre qui se trouve dans le texte. La pensée d’être choisi pour évêque paraît bizarre à Ambroise.

« On expliquera la force de cet adjectif qui marque qu’il y a, dans la personne ou dans la chose à laquelle on l’applique, quelque chose d’extraordinaire et de choquant. Il signifie fantasque, capricieux, fâcheux, désagréable : esprit bizarre, conduite bizarre, voix bizarre. »

Ensuite, il est question du caprice populaire.

« Caprice, ce mot mérite aussi d’être expliqué. Il marque le caractère d’un homme qui se conduit par fantaisie et par humeur et non par raison et par principes. Il faudra, en passant, faire sentir le ridicule de ces deux défauts d’agir bizarrement et par caprice. »

Puis il y a commettre la conduite des âmes ou le gouvernement d’une province à quelqu’un. « Commettre signifie ici confier, donner un emploi dont on doit rendre compte. Il vient du mot latin committere qui a le même sens. Commettre a encore d’autres significations : commettre quelqu’un pour veiller sur d’autres ; commettre une faute ; se commettre avec quelqu’un ; commettre l’autorité du chef. On les appliquera toutes. »

Ensuite une explication sur la grammaire : la répétition des prépositions entre les noms qui ne sont pas synonymes ou équipollents ou approchants : « par ses instructions et par ses exemples ; par les ruses et les artifices de ses ennemis. »

« Après ces observations grammaticales on fera une seconde lecture du même récit, et à chaque période on demandera aux élèves ce qu’ils trouvent de remarquable, soit pour l’expression, soit pour les pensées, soit pour la conduite des mœurs. Cette sorte d’interrogation les rend plus attentifs, les oblige de faire usage de leur esprit, donne lieu de former le goût et le jugement, les intéresse plus vivement à l’intelligence de l’auteur par la secrète complaisance qu’ils ont d’en découvrir par eux-mêmes toutes les beautés, et les met peu à peu en état de se passer du secours du maître, qui est le but où doit tendre la peine qu’il se donne de les instruire. Le maître ensuite ajoute et supplée ce qui manque à leurs réponses, étend et développe ce qu’ils ont dit trop succinctement, réforme et corrige ce en quoi ils ont pu se tromper. »

L’empereur demande un homme d’un profond savoir et d’une vie irréprochable, dit le texte. « Grande leçon ! ajoute Rollin. La science ne suffit pas pour remplir les places de l’Église : les bonnes mœurs sont encore plus nécessaires. » En tout, Rollin fait passer les mœurs avant le savoir, l’exemple avant les conseils.

Le peuple et les évêques s’assemblèrent.

« On expliquera, en peu de mots, comment anciennement se faisaient les élections des évêques et comment a lieu aujourd’hui la nomination. À cette occasion, ajoute-t-il, on rappellera la belle parole de Catherine, reine de Portugal : « Je souhaiterais, disait-elle, que pendant ma régence les évêques de Portugal fussent immortels, afin de n’avoir aucun évêché à donner. » Elle craignait les suites terribles qu’un mauvais choix pouvait avoir. »

Ambroise nommé, on lui donne des gardes de peur qu’il ne s’enfuît. « On développera les vains efforts de saint Ambroise pour éviter l’épiscopat, sa fuite précipitée. Ce sera ici une occasion naturelle de faire remarquer que dans les premiers siècles de l’Église il fallait parfois faire violence aux saints pour en faire des évêques. »

L’ouvrage contient encore d’autres réflexions qu’il serait trop long de citer. Les exemples donnés indiquent suffisamment aux instituteurs ce qu’ils doivent faire, comment ils doivent s’y prendre pour tirer le meilleur parti possible des leçons de lecture de l’école.

Il faut de toute nécessité que la lecture serve à l’instruction, et il faut reconnaître que la seule lecture mécanique en présence d’un maître muet ou qui ne s’occupe que de rechercher les fautes de mots mal dits, n’arrivera jamais à ce résultat.

L’explication des mots, des phrases, doit commencer dès que l’enfant commence à lire un mot, une phrase. Les mots café, bonbon, pâté, etc. ; des tableaux de lecture doivent être expliqués, comme le sera la petite histoire du premier livre de lecture et, plus tard, le récit plus relevé des premières divisions.

C’est en parlant et en faisant parler les enfants que leur intelligence s’éveille, que leur âme s’ouvre aux idées justes et droites, aux pensées généreuses, aux sentiments qui font plus tard l’honnête homme et le bon citoyen.

Dans les petites classes on se bornera à l’explication des mots et des phrases, et on fera rendre compte seulement des explications données. Mais dès que les enfants pourront écrire, dès qu’ils pourront lire leur écriture, il faudra leur faire raconter par écrit l’historiette lue du livre et qui leur aura été expliquée. Ils feront des fautes d’orthographe, beaucoup de fautes, tant pis ! Peu à peu ils en feront moins. Mais ils commenceront à construire des phrases, à lier des idées, à exprimer leur pensée. C’est le moyen de les amener à composer, à écrire, à tirer ensuite quelque chose de leur propre fonds, d’eux-mêmes. On sait que c’est là le côté faible de nos écoliers. Ils font des pages entières de dictée sans faute peut-être. C’est bien ; mais il ne faut pas tout sacrifier à l’orthographe. Quand ils sont sortis de l’école, ils ne savent pas par quel bout commencer la lettre la plus insignifiante, parce qu’ils n’ont jamais écrit qu’en copiant ou sous la dictée.

Dans la première division, on a lu, par exemple, un trait historique ou bien l’explication d’un phénomène physique. Le maître a procédé aux interrogations, il s’est assuré que le fait d’histoire est su, que la démonstration physique élémentaire a été comprise : qu’y a-t-il à faire ? — Les élèves doivent rapporter par écrit ce qu’ils auront retenu et compris de la leçon, et cela sans autre secours que celui de faire appel à leur réflexion et à leur mémoire.

N’y a-t-il pas là matière à tout un enseignement ?

En faisant tous les jours dans la classe un exercice de cette sorte, il est aisé de comprendre jusqu’où irait le progrès au bout de plusieurs années, et quelle gymnastique intellectuelle il serait pour les facultés des enfants. Quand on exerce le corps, les membres, le corps, les membres se fortifient. Il en est de même de l’intelligence. Faites appel à la réflexion, au jugement : la réflexion deviendra plus sûre, plus nette ; le jugement plus étendu, plus droit. Et, comme nous l’avons dit, quelle somme de connaissances ils acquerraient ! combien ils apprendraient de choses importantes dont ils ne pourraient jamais aborder l’étude sans cela !

Si le maître sait choisir ses lectures et sait préparer les rapports que les enfants doivent en faire, que de faits moraux, historiques, patriotiques à raconter : quel fonds de patriotisme éclairé et de morale sûre insensiblement s’amasserait dans l’esprit des enfants, et, suivant notre illustre Rollin ! « de combien d’excellents principes pour la conduite de la vie ils se rempliraient eux-mêmes par les différents traits d’histoire qu’on leur ferait lire et raconter ! enfin quel goût ils emporteraient de l’école pour la lecture ! ce qui me paraît un des principaux fruits qu’on doive attendre de l’éducation. »

Ce goût, nous l’avons déjà fait observer, sera précieux à plus d’un titre, puisqu’il permettra aux enfants non seulement de ne pas oublier les leçons de l’école, mais d’acquérir encore de nouvelles connaissances.

À l’école primaire, il y a beaucoup à faire : le nombre des matières à enseigner oblige les maîtres à se renfermer dans des bornes étroites. La lecture est celle qui permet le plus de faire des excursions sur les différents sujets qui entrent dans le programme. Il faut savoir en profiter. Il faut que les enfants lisent avec intelligence, afin que leur mémoire et leur cœur gardent toujours l’heureuse impression de leurs lectures ; il faut que les enfants n’apprennent plus à lire sans emporter de l’école le goût de la lecture, et c’est là, suivant l’heureuse expression de M. Michel Bréal, l’une des réformes les plus urgentes qu’appelle notre enseignement primaire.



  1. Michel Bréal, L’École, p. 72.
  2. Rollin, célèbre instituteur français, né à Paris en 1661, mort en 1741. était fils d’un coutelier. Il perdit son père de bonne heure et fut élevé gratuitement dans un collège de l’État. Il devint recteur ou chef suprême de l’Université. Son Traité des études n’a pu être surpassé. Il est resté le meilleur guide des instituteurs et de tous ceux qui s’occupent de l’instruction et de l’éducation des enfants. Le Traité des études de Rollin est un chef-d’œuvre inimitable. Tous les instituteurs devraient l’avoir et le connaître. Il résume toute la pédagogie. — E. C.
  3. Traité des études t. I, p. 265.
  4. Traité des études, p. 267.
  5. Ibid., p. 268.
  6. Histoire de Théodose, par M. Fléchier, livre Ier, chap. xxxv, (Note extraite du Traité des études, p. 271.)