Valentines et autres vers/Mendiants

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Valentines et autres vers, Texte établi par Ernest DelahayeAlbert Messein (p. 207-208).


MENDIANTS


Pendant qu’hésite encor ton pas sur la prairie,
Le pays s’est de ciel houleux enveloppé.
Tu cèdes l’œil levé vers la nuagerie,
À ce doux midi blème et plein d’osier coupé.

Nous avons tant suivi le mur de mousse grise
Qu’à la fin, à nos flancs qu’une douleur emplit,
Non moins bon que ton sein, tiède comme l’église,
Ce fossé s’est ouvert aussi sûr que le lit.

Dédoublement sans fin d’un typique fantôme,
Que l’or de ta prunelle était peuplé de rois
Est-ce moi qui riais à travers ce royaume ?
Je tenais le martyre ayant les bras en croix.

Le fleuve au loin, le ciel en deuil, l’eau de tes lèvres,
Immense trilogie amère aux cœurs noyés,
Un goût m’est revenu de nos plus forts genièvres,
Lorsque ta joue a lui, près des yeux dévoyés !


Et pourtant, oh ! pourtant, des seins de l’innocent
Et de nos doigts, sonnant, vers notre rêve éclos
Sur le ventre gentil comme un tambour qui chante
Diane aux désirs, et charger aux sanglots,

De ton attisement de boucles et de ganses,
Vieux Bébé, de tes cils essuyés simplement,
Et de vos piétés, et de vos manigances
Qui m’auraient bien pu rendre aussi chien que l’amant,

Il ne devait rester qu’une ironie immonde,
Une langueur des yeux détournés sans effort.
Quel bras, impitoyable aux Échappés du monde,
Te pousse à l’Ouest, pendant que je me sauve au Nord !

Janvier 75.