Vers d’amour (Rodenbach)/07

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Vers d’amourDans les bureaux de La Jeune Belgique (p. 19).


VI

EST-CE BIEN VOUS QUE J’AIME ?



EST_CE bien vous que j’aime ou bien est-ce l’amour ?
L’amour pour le poète est une cathédrale
Où le conduit son Âme à l’heure vespérale,
Quand les prêtres en blanc psalmodient tour à tour.

Qu’importent les autels et qu’importent les vierges,
Pourvu que l’ostensoir dans le chœur ait flambé,
Et que les chants de l’orgue en tombant du jubé
Fassent frémir au loin les trèfles d’or des cierges.

Il a perdu la foi naïve des croyants,
Mais ses yeux sont troublés aux rayons flamboyants,
Nimbant le front des saints qui peuplent les verrières.

En amour, ce qui charme aussi, c’est le décor,
Et le poète las qui croit aimer encor
Subit le même émoi qu’un athée en prières !