Vie et opinions de Tristram Shandy/2/80

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome premier. Tome secondp. 224-225).



CHAPITRE LXXX.

Je vous mets à mieux faire.


Mon père suivit bientôt Suzanne. Il avoit son bonnet de nuit à la main, les jambes nues, sa culotte à demi-boutonnée avec un seul bouton, encore n’étoit-il passé qu’à moitié dans la boutonnière.

Je parie, dit-il en ouvrant la porte, que cette bégueule-là aura oublié le nom. Point du tout, monsieur, dit le vicaire.

Je le craignois. Et ta maîtresse, et l’enfant, comment vont-ils ?

Bien mieux, monsieur, dit Suzanne.....

Oui ?… cela est sûr ?

Quand je vous le dis ?…

Diable !… À peine mon père eut-il articulé cette interjection, que le bouton de sa culotte s’échappa de la boutonnière, et que la culotte lui tomba sur les talons. —

On ne put jamais deviner dans ce moment si l’exclamation de mon père partit sur la réponse de Suzanne, ou si elle fut causée par la chute de la culotte.

Je n’éclaircirai cette anecdote que quand j’aurai fait mon chapitre des chambrières,


mon chapitre des interjections, et mon chapitre des boutonnières.

Tout ce que je puis dire en ce moment, c’est que mon père prit aussitôt sa culotte à deux mains, l’une devant, l’autre derrière ; et qu’en tortillant d’assez mauvaise grâce, et avec une allure assez lente, il retourna se coucher.