Vie et opinions de Tristram Shandy/4/33

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 85-86).



CHAPITRE XXXIII.

Mon oncle Tobie reparaît.


Il en est de l’amour comme du cocuage. — La partie souffrante est au plutôt la troisième, et presque toujours la dernière personne instruite de la maison. — Cela vient, comme tout le monde sait, de ce que nous avons une demi douzaine de mots pour une seule chose, et de ce que nos impressions varient suivant le lieu où elles prennent naissance. — Ce qui est de l’amour dans telle partie du corps humain, devient presque de la haine dans telle autre, — du sentiment, quelques pieds plus haut, — et du galimathias. — Non, madame, non pas là, s’il vous plaît, — c’est dans la tête que je veux dire. — Tant que les choses, dis-je, iront ainsi, quel fil aurons-nous pour nous conduire dans ce labyrinthe ?

De tous les êtres créés et incréés qui ont jamais fait des soliloques sur ce sujet mystique, mon oncle Tobie étoit certainement le moins propre à démêler la véritable sensation à travers tant de sensations différentes. — Aussi s’en seroit-il remis à la Providence et au temps, pour débrouiller un tel chaos, ainsi que nous faisons pour les événemens dont nous craignons l’issue, — si l’avis donné par Brigitte à Susanne, et les manifestes répandus par celle-ci dans le public, n’avoient à la fin forcé mon oncle Tobie à prendre la chose en considération.