Vieux manoirs, vieilles maisons/064

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Ls.-A. Proulx (p. 196-199).

LE MANOIR DÉNÉCHAUD À BERTHIER-EN-BAS



C E qu’on appelait seigneurie de Bellechasse dans les premiers temps du régime français, c’est l’étendue de terre plus tard connue sous le nom de Berthier-en-bas. Bellechasse fut une des premières seigneuries concédées dans la Nouvelle-France. C’est le 28 mars 1637 que les messieurs de la Compagnie de la Nouvelle-France concédèrent cette seigneurie au célèbre truchement ou interprète, Nicolas Marsolet.

Marsolet n’habita jamais sa seigneurie. Il n’y fit, non plus, aucune concession. Le 29 octobre 1672, l’intendant Talon accordait au sieur Berthier, capitaine au régiment de Carignan, la quantité de deux lieues de terre de front sur pareille profondeur, à prendre sur le fleuve St-Laurent, depuis l’anse de Bellechasse incluse, tirant vers la rivière du Sud. Comme la concession accordée à M. Berthier empiétait sur la seigneurie donnée à Marsolet le 28 mars 1637, celui-ci, le 15 novembre 1672, signa un acte de démission en faveur de M. Berthier.

M. Berthier décéda dans sa seigneurie de Berthier en décembre 1708. Comme sa femme et son fils unique étaient morts avant lui, il légua sa seigneurie à sa bru Françoise Viennay Pachot. Celle-ci se remaria, le 4 avril 1712, à Nicolas-Blaise des Bergères de Rigauville, enseigne dans les troupes.

La seigneurie de Berthier resta la propriété de la famille des Bergères de Rigauville un peu moins de trois quarts de siècle. Par son testament, fait le 24 juin 1780, l’abbé des Bergères de Rigauville, dernier survivant de cette famille, donna sa seigneurie à l’Hôpital général de Québec. Ce don et bien d’autres services rendus à cette maison l’ont fait appeler « le second fondateur de l’Hôpital général. »

L’Hôpital général de Québec, le 8 juillet 1813, cédait, quittait, transportait et délaissait à titre de rente emphytéotique pour vingt-neuf années, qui devaient finir en 1842, à Claude Dénéchaud, député de la haute ville de Québec, et juge de paix de Sa Majesté, le fief et seigneurie de Berthier. M. Dénéchaud s’engageait, entre autres choses, à reconstruire le moulin banal, à fournir aux Dames de l’Hôpital général, chaque année, quatre cent cinquante minots de bon blé loyal et marchand et à payer une rente annuelle de soixante-deux livres dix chelins, cours actuel de la Province.

Le manoir Dénéchaud à Berthier-en-bas

M. Dénéchaud était alors un des négociants les plus riches du Canada. Il remplit toutes les conditions de son bail emphytéotique et fit même plus. Il s’établit avec sa famille à Berthier et le manoir devint le rendez-vous de ses nombreux amis. Mais les mauvaises années vinrent et lorsque le seigneur Claude Dénéchaud décéda au manoir de Berthier, le 30 octobre 1836, la plus grande partie de sa fortune était disparue et avec elle les amis des beaux jours.

Le 1er décembre 1836, Adélaïde Gauvreau, veuve de Claude Dénéchaud, venait en arrangement avec les Dames de l’Hôpital général pour continuer le bail de la seigneurie de Berthier aux mêmes conditions qu’elles avaient faites à son mari. Mais les revenus de madame Dénéchaud n’étaient pas assez considérables pour continuer le même train de vie qu’avait mené son mari, et, le 28 juin 1838, les Dames de l’Hôpital général reprenaient leur seigneurie. Cette fois, elles la gardèrent jusqu’à la fin du régime seigneurial au Canada[1].

Le manoir Dénéchaud à Berthier-en-bas
Vue de l’arrière.
  1. Pour plus amples renseignements sur la seigneurie de Bellechasse ou Berthier-en-bas consulter le Bulletin des Recherches Historiques, vol. XXVII, p. 65.