Voyage de La Pérouse autour du monde/Tome 1/Notes géographiques et historiques

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Texte établi par Louis-Antoine Milet-MureauImprimerie de la République (Tome 1p. 62-154).

NOTES

GÉOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES.

Pour être jointes au mémoire du roi servant d’instruction particulière à M. de la Pérouse, capitaine de vaisseau, commandant les frégates la Boussole et l’Astrolabe.


OCÉAN MÉRIDIONAL.


Note 1ère. Les trois Vigies ou roches situées dans le Sud-Sud-Ouest de l’île de S. Jago, une des îles du cap Vert, ainsi que la Vigie française et les brisans vus par le César en 1730, dans le Sud-Sud-Est de la même île, sont placés d’après la carte anglaise de l’océan Atlantique, publiée à Londres en 1777, en quatre feuilles[1].

2. Pennedo de S. Pedro. Sa latitude, 0d 55′ Nord, est conforme à celle que M. Daprès dit avoir été observée en 1750 sur le vaisseau le Rouillé. Voyez le discours du Neptune oriental de M. Daprès, page 189.

Il établit sa longitude de 29d 0′ à l’Occident de Paris, et il la déduit de la différence de méridien reconnue entre l’île de l’Ascension et Pennedo, qu’il fixe à 12d 40′.

Mais M. Daprès comptait alors, d’après une observation faite en 1754 par M. l’abbé de la Caille, que la longitude occidentale de l’Ascension était de 16d 19′ : et comme cette longitude vérifiée et fixée par les observations du capitaine Cook, est de 16d 54′ (second Voyage, tome II, page 276 de l’original), il en résulte qu’en admettant la différence des méridiens telle que la donne M. Daprès, entre Pennedo de S. Pedro et l’île de l’Ascension, la longitude de Pennedo doit être de 29d 34′ à l’Occident de Paris ; et c’est celle qu’on a adoptée dans la carte remise à M. de la Pérouse.

On trouve une description de Pennedo dans le discours du Neptune oriental de M. Daprès, page 189.

3. Les Hauts-fonds dans le voisinage de la Ligne, sont placés d’après l’instruction du Neptune oriental, page 9.

4. La petite île de Sable ou île Saint-Paul, qui fut vue dans le même parage, en 1761, par le vaisseau le Vaillant, commandé par M. Bouvet, est placée d’après l’instruction du Sailing Directions for the East-Indies ; London, 1781 ; page 7. Cette position est conforme, pour la latitude, à celle qui lui a été donnée sur la carte générale qui est jointe à la Relation du troisième voyage du capitaine Cook, 0d 25′ Sud ; mais elle diffère de 35 minutes sur la longitude.

Sa longitude à l’Ouest de Paris serait de 21d 25′ suivant le Sailing Directions, qui la donne d’après le journal de M. Bouvet ; mais on l’a portée de 20d 45′ pour la faire participer à la correction de Pennedo. Voyez la note 2.

5. Île de Fernando De Noronha. On a placé cette île conformément à la latitude et à la longitude déterminées par le capitaine Cook.

Latitude 3d 53′ 00″ Sud.
Longitude 34d 53′ 50″ Ouest de Paris.

Voyez le second Voyage de Cook, tome II, pages 278 et 279 de l’original.

La distance de cette île à la partie la plus voisine de la côte du Brésil étant fixée entre soixante et soixante-dix lieues, d’après les journaux des Portugais, et la carte espagnole de l’Amérique méridionale, publiée par la Cruz Cano y Olmedilla, en huit feuilles, en 1775, on peut regarder comme déterminée la longitude de la côte du Brésil ; et on l’a assujettie à celle de l’île de Noronha, en lui donnant 2 degrés ⅔ de différence à l’Ouest.

6. L’île Saint-Matthieu fut reconnue en 1525, par Garcia de Loaes ou Loaysa, capitaine portugais ; mais elle avait été découverte quatre-vingt-sept ans avant cette époque. (Tratado dos descubrimentos, &c. de Galvao ; Lisboa, 1731 ; page 66.) On l’a placée d’après la carte générale du troisième Voyage de Cook. La position en est incertaine, et ce célèbre navigateur a regretté de n’avoir pas été à portée de la déterminer. Voyez le second Voyage de Cook, tome II, page 276 de l’original.

7. Les latitudes et les longitudes des îles de Fernando Po, du Prince, de Saint-Thomé et d’Annobon, sont établies d’après les observations faites, en 1779, par don Varella, officier de la marine d’Espagne ; savoir :

SAVOIR :
Île Fernando Po, rade Saint-Charles. Latitude 3d 28′ Nord.
Longitude 6d 30′ Ouest de Paris.
Île du Prince, au port. Latitude 1d 39′ Nord.
Longitude 5d 02′ Ouest.
Île Saint-Thomé, au port. Latitude 0d 20′ Nord.
Longitude 4d 34′ Ouest.
Île d’Annobon, à la côte du Nord. Latitude 1d 25′ Sud.
Longitude 3d 25′ Ouest.

D’après ces longitudes, celles du cap Vert, de Sierra-Leona, des îles de Los et du cap de Bonne-Espérance, où il a pareillement été fait des observations, on a réglé les positions des différens points de la côte occidentale d’Afrique.

8. L’île de l’Ascension est placée d’après les observations du capitaine Cook.

Milieu de l’île Latitude 08d 00′ Sud.
Longitude 16d 50′ Ouest de Paris.

(Second Voyage de Cook, tome II, page 276 de l’original.)

Suivant l’abbé de la Caille, la latitude ne serait que de 7d 57′ ; et la longitude, déduite d’une émersion du premier satellite de Jupiter, de 16d 17′ (Voyez les Mémoires de l’académie des sciences, année 1754, page 129) : mais on a cru devoir s’en tenir aux déterminations de Cook, qui sont les résultats d’un grand nombre d’observations. On trouve dans la relation de son second voyage (loco citato) une description fort détaillée de l’île de l’Ascension.

9. L’île de Sainte-Hélène est pareillement placée d’après les observations de Cook et celles de Halley.

Au fort James Latitude 16d 00′ Sud, suivant Halley.
Longitude 08d 11′ Ouest de Paris, suivant Cook.

(Second Voyage de Cook, tome II, page 270 de l’original.)

Suivant M. Maskeline, observateur royal de Greenwich, la latitude de l’île Sainte-Hélène est de 15d 55′ ; et sa longitude, déduite d’une observation faite par lui, du premier satellite de Jupiter, serait de 8d 9′. (British Mariner’s Guide, 1763, in-4o).

10. Île de la Trinité. Cette île est placée d’après sa distance au cap Frio, côte du Brésil, telle qu’elle est donnée par M. Daprès (discours du Neptune oriental, page 10), de laquelle il résulte :

Côte du Nord Latitude 20d 25′ Sud.
Longitude 32d 15′ Ouest de Paris.

L’île dos Picos est placée d’après les cartes hollandaises, en assujettissant sa position à celle de la Trinité.

11. Îles de Martin-Vas. Ce sont trois rochers qui gisent entre eux Nord et Sud, excepté le plus septentrional, qui est jeté un peu plus dans l’Ouest : ils n’occupent pas plus d’un mille d’étendue. Extrait du Journal original de Halley, imprimé dans la Collection of Voyages in the Atlantic southern ocean, by A. Dalrymple ; London, 1775 ; in-4o; page 53.

Dans le Journal de M. Lozier-Bouvet (imprimé en français, ibid. page 7 de ce journal), il est dit que les îlots de Martin-Vas sont à huit lieues de distance et gisent à l’Est ¼ Nord-Est de l’île de la Trinité. Leur latitude est la même que celle de cette île.

12. L’île de l’Ascençaon, côte du Brésil, est placée d’après les notes de M. Daprès, page 9 du discours du Neptune oriental :

Latitude 20d 25′ Sud.
Longitude 38d 00′ Ouest de Paris.

Cette position suppose que sa distance au cap Frio est de cent vingt lieues, comme M. Daprès l’indique (ibid. page 9).

13. Roche, découverte en 1692, et Vigie, en 1701. Ces dangers sont placés d’après la carte de l’océan méridional de M. Dalrymple, qu’on trouve à la suite de l’ouvrage cité dans la note onzième.

14. Île Saxemburg. Cette île fut découverte en 1670 par Jean Lindestz Lindeman, Hollandais, par 30d ¾′ de latitude Sud, et environ 22 degrés de longitude occidentale de Paris, en ayant égard au changement fait dans la position des autres îles de ce même parage, auxquelles les navigateurs ont dû la rapporter par des distances et des gisemens estimés. Voyez les Navigations aux terres Australes, par le président Desbrosses, tome II, page 48.

15. Kattendyke est placé d’après la carte de Dalrymple appartenant à l’ouvrage cité dans la onzième note, et d’après la carte générale du troisième Voyage du capitaine Cook.

16. Îles de Tristan d’Acunha. On s’est réglé pour leur position, sur l’instruction de M. Daprès (page 10 du Neptune oriental), qui fixe la latitude de ces îles entre 37d 10′ et 37d 45′ Sud, et leur longitude à 16d 30′, ou 17 degrés, à l’Occident de Paris, d’après un résultat moyen entre les différentes routes de plusieurs vaisseaux, lesquelles indiquent 34 degrés pour la différence de méridien entre ces îles et le cap de Bonne-Espérance, qui est par 16d 3′ 45″ à l’Orient de Paris.

M. Halley dit, dans son Journal, qu’il a déterminé la latitude de la plus méridionale de ces îles à 37d 25′ Sud. Voyez page 41 de son journal dans l’ouvrage de M. Dalrymple, cité note onzième.

On trouve une description assez détaillée de ces îles, dans l’instruction du Neptune oriental de M. Daprès, page 10.

Outre le mouillage du Nord de la principale des îles de Tristan d’Acunha, marqué sur la carte qui en a été remise à M. de La Pérouse, on a connaissance (sur le rapport d’un navigateur digne de foi, de qui l’on tient les détails suivans), d’une espèce de port ou havre, situé à l’Est de la pointe méridionale : ce port n’est point apparent quand on prolonge la côte, parce qu’il est dérobé à la vue par de grands joncs ou roseaux qui, étant renversés et couchés sur la surface de l’eau, se croisent par certains vents, et masquent totalement l’entrée du port. Il peut avoir un demi-mille de large, sur trois quarts de mille de profondeur : sa figure est à peu près celle d’un fer à cheval. On y trouve vingt-huit brasses d’eau au milieu de l’entrée, et quatorze près des bords ; la hauteur de l’eau est également de quatorze brasses sur le milieu de la longueur, et de dix seulement vers le fond du port : le fond est de sable noir, et de bonne tenue.

Il faut observer que la pointe méridionale, c’est-à-dire, celle du Sud-Ouest de l’île, est terminée par quelques roches ou brisans, qui portent au large d’environ un quart de mille : ils ne sont pas marqués sur la carte remise à M. de la Pérouse, parce qu’elle est une copie sans changement, du seul plan qu’on connaisse de ces îles, et sur lequel ces brisans ne se trouvent pas marqués.

17. Île de Diego d’Alvarez. Elle est placée d’après la carte générale du troisième Voyage de Cook, et rapportée aux îles de Tristan d’Acunha, en conservant la distance et le gisement que cette carte lui donne par rapport à ces dernières îles.

Latitude 38d 53′ Sud.
Longitude 13d 00′ Ouest de Paris.

18. Île de Gough, ainsi nommée du nom d’un capitaine de la compagnie anglaise des Indes orientales, qui la découvrit en 1715. On lit dans le New directory for the East-Indies, par W. Herbert, W. Nichelson, et autres (5e édition, de 1780, pages 371 et 372), que l’île de Gough est une terre haute, située à 40d 15′ de latitude Sud, et par 1d 57′ à l’Ouest de Greenwich, ou 4d 17′ à l’Occident de Paris. Le capitaine Vincent, commandant le vaisseau l’Osterley de la même compagnie, eut aussi connaissance de l’île de Gough, en 1758, à la latitude indiquée par celui qui la découvrit ; mais il estime, d’après le calcul de ses routes, qu’en la plaçant à 1d 57′ à l’Occident de Greenwich, on la porte de quelques degrés trop à l’Est.

Cette île n’est point connue des navigateurs français : mais comme elle peut être rencontrée par des vaisseaux qui, voulant aller directement dans l’Inde ou en Chine, dans la prime-saison, et sans toucher au cap de Bonne-Espérance, se maintiendraient par des latitudes plus élevées, pour aller ensuite reconnaître les îles de Saint-Paul et d’Amsterdam ; il paraîtra sans doute intéressant de déterminer sa vraie position, et l’on doit désirer que M. de la Pérouse, qui a les moyens de le faire, soit à portée de s’en occuper.

19. Île Grande de la Roche. On ne peut placer cette île que par conjecture, d’après la relation suivante, qu’on a extraite et traduite de l’ouvrage espagnol qui a pour titre : Descripcion geographica, y Derrotero de la region austral Magallanica, &c. por el capitan don Francisco de Seixas y Lovera ; en Madrid, 1690 ; in-4o, fol. 29.

« Au mois de mai 1675, Antoine de la Roche, Français d’origine[2], alors au service des Anglais revenant de l’île de Chiloé, côte du Chili, ayant doublé le cap Horn, et voulant rentrer dans l’Océan atlantique méridional par le détroit de le Maire [on ignorait alors que la mer fût ouverte à l’est de la terre des États], trouva des vents d’Ouest si violens et des courants si rapides, qui le portaient à l’est, qu’il lui fut impossible de se rapprocher des terres qui forment le détroit de Magellan. Le mois de mai était déjà avancé ; on entrait dans l’hiver de ces climats, et la Roche commençait à désespérer de sa navigation : ses inquiétudes s’accrurent encore lorsqu’il aperçut devant lui, à l’Est, une terre inconnue[3]. Il fit tous ses efforts pour s’en approcher et la reconnaître, et il parvint à gagner une baie, dans laquelle il mouilla près d’un cap ou d’une pointe qui s’étendait au Sud-Est ; il y trouva vingt-huit, trente et quarante brasses, fond de sable et de roche : il distinguait dans les terres, non loin de la côte, quelques montagnes couvertes de neige ; il y fut exposé à des vents très-orageux, et y séjourna quatorze jours. Le temps enfin s’éclaircit ; il reconnut alors qu’il était mouillé à une des extrémités de cette terre, et il découvrit au Sud-Est et au Sud d’autres terres hautes, couvertes de neige. Un petit vent de Sud-Est lui permit d’appareiller ; et, en faisant voile, il avait à l’Ouest la côte de ladite île[4], et les terres méridionales lui restaient au Sud et Sud-Est : il lui parut que le canal entre l’île et la terre avait environ dix lieues de largeur ; les courans le portaient avec une grande vitesse au Nord-Zst ; et, en gouvernant à l’Est-Nord-Est, il se trouva, dans l’intervalle d’une heure et demie, hors du passage, qu’il dit être fort court, parce que l’île nouvelle qui forme ce canal avec les terres du sud-est, est fort petite[5].

En quittant cette île[6], il fit route pendant vingt-quatre heures au nord-ouest ; il fut alors accueilli d'un coup de vent de sud si violent, qu'il l'obligea de courir pendant trois jours au nord jusqu'au 46e degré de latitude méridionale. La tempête se calma ; et la Roche, se jugeant alors hors de danger, et dirigeant sa route pour la baie de Tous-les-Saints, rencontra, à la hauteur de 45°, une île, qu'il dit être fort grande, agréable à la vue, et ayant dans la partie de l'est un bon port, dans lequel il trouva de l'eau, du bois et du poisson : mais il ne vit point d'habitans pendant les six jours qu'il y passa.

De ce port, il se rendit à la baie de Tous-les-Saints. »

On s’est réglé, pour placer l’île Grande, sur la position de la première terre que La Roche avait découverte dans l’est de celle des États, et qui a été retrouvée dans ces derniers temps (l’île Georgia de Cook). On a, en conséquence, placé la côte méridionale de l’île Grande par 45 degrés de latitude, suivant l’indication de La Roche, et à trente lieues environ plus à l’ouest que la première terre qu’il avait découverte, parce qu’on a vu qu’en quittant celle-ci, il avait fait route au nord-ouest pendant vingt-quatre heures ; qu’il est probable que le coup de vent de sud dont il fut accueilli, dépendait un peu du sud-est qui avait régné jusqu’alors ; et qu’enfin, depuis la fin du coup de vent jusqu’à la découverte de l’isle Grande, par 45 degrés de latitude, il avait fait constamment le nord, qui était sa route, pour aller chercher la baie de Tous-les-Saints.

Tout porte à croire que l’isle Grande de la Roche est la même terre qu’Améric Vespuce avait découverte dans son troisième voyage, en 1502. Les géographes des deux derniers siècles avaient donné différentes positions à cette terre de Vespuce, parce qu’ils ne connaissaient point le journal original de cet ancien navigateur ; et, comme elle n’a pas été retrouvée depuis l’époque de sa découverte, les géographes modernes l’ont effacée de dessus les cartes. Cependant, en consultant les lettres originales d’Améric Vespuce, dans lesquelles il rend compte de ses navigations[7], il paraît qu’il n’est pas impossible de fixer, à peu près, la position de la terre qu’il avait découverte en 1502. Il dit, dans le journal de son troisième voyage (page 54 de ses Lettres), qu’étant parti d’un port de la côte du Brésil, situé à 32 degrés de latitude méridionale (ce peut être le port nommé San-Pedro), il navigua au sud-est jusqu’au 52e degré de latitude, où il n’apercevait plus les étoiles de la petite Ourse ni celles de la grande. Il faut observer que Vespuce, en parlant de sa route, n’avait point égard à la déclinaison de l’aiguille aimantée, qui, à l’époque de sa navigation, devait être, dans ces parages, de 19 à 20 degrés vers l’est ; et qu’ainsi, cette route qu’il indique au sud-est, doit être regardée comme ayant valu à peu près le sud-sud-est : or, si l’on part de la côte du Brésil à 32 degrés de latitude, pour couper le parallèle de 52 degrés, par la route du sud-sud-est, le point de section se trouve à environ 44 degrés à l’occident de Paris, c’est-à-dire, un peu à l’ouest du méridien sur lequel on suppose que peut être l’isle Grande, et à cent quarante lieues environ dans le sud, un peu à l’ouest de cette isle. Vespuce, étant dans cette position, le 3 avril, fut accueilli d’un coup de vent de sud-ouest, qui l’obligea de courir à sec : il conserva cette allure jusqu’au 7, qu’il rencontra une terre nouvelle qu’il côtoya sur un espace de vingt lieues, et qui lui parut devoir être d’un difficile accès, sans port et sans habitans. Les marins conviendront que, sans rien forcer, on peut supposer que, durant les quatre jours que Vespuce a été poussé dans le nord par un vent de sud-ouest violent, il a pu faire, quoique naviguant à sec, trente-cinq lieues par vingt-quatre heures ; et qu’il a dû conséquemment être porté jusqu’au 45e degré de latitude, étant parti de 52 degrés. Ce qui peut donner un grand poids à cette opinion, c’est que Vespuce dit qu’en quittant la nouvelle terre, il s’estimait à treize cents lieues de la côte d’Éthiopie ( de Sierra-Leona), où il aborda le 10 mai suivant ; et que, pour y parvenir, il dirigea constamment sa route entre le nord et le nord-est : or, Sierra-Leona est au nord-nord-est 2 à 3 degrés est de l’isle Grande (suivant sa position dans la carte remise à M de la Pérouse), et à douze ou treize cents lieues de distance. Au surplus, on ne connaît aucune isle, à cette distance de la côte d’Éthiopie, et dans la direction du nord-nord-est et sud-sud-ouest, qui puisse présenter une suite non interrompue de vingt lieues de côtes : et comme la véracité de Vespuce sur un fait de cette nature ne peut être suspectée, on doit regarder son témoignage comme une preuve ancienne de l’existence de l’isle Grande, confirmée par le rapport plus récent d’Antoine de la Roche.

20. Terre ou isle de La roche nommée par Cook isle Georgia. La note précédente a fait connaître l’époque et les circonstances de la découverte de cette isle par Antoine de la Roche : mais la relation que Seixas nous en a conservée, n’en indique point la latitude ; on sait seulement que, pour venir de cette terre à l’isle Grande, que La Roche rencontra à 45 degrés, il avait fait route pendant vingt-quatre heures au nord-ouest, et qu’un vent forcé de la partie du sud l’avait fait courir pendant trois jours dans le nord. Mais on ne peut douter que la première isle ou terre qu’il découvrit, ne soit dans l’est de la terre des États ; et cette même isle avait déjà été retrouvée, en 1756, par M Duclos Guyot, avant que le capitaine Cook l’eût reconnue, en 1775, et en eût fixé la position.

M Duclos Guyot, de Saint-Malo, commandait le vaisseau espagnol le Lion, et revenait de Lima. Il avait doublé le cap de Horn, était rentré dans l’Océan atlantique méridional, et se trouvait dans l’est de la terre des États.

« Le 28 juin 1756 (c'est M. Duclos Guyot qui parle), sur les neuf heures du matin, nous crûmes voir la terre devant nous, quoique fort éloignée, paraissant comme des nuages, et d'une hauteur extraordinaire : nous faisions route pour lors au nord-nord-est. Le temps couvert ne nous permit pas de nous en convaincre : n'en soupçonnant pas d'ailleurs de plus proche que les isles Malouines, qui nous devaient rester dans le moment, suivant notre estime, à 135 lieues dans l'ouest-nord-ouest, et nous trouvant à midi par les 55° 10' de latitude observée, et 52° 10' de longitude estimée à l'occident du méridien de Paris, nous continuâmes notre route sans égard à la terre.

Le 29, à midi, ayant eu connaissance d'une petite isle devant nous, nous avons reviré de bord, et n'avons point trouvé de fond avec une ligne de trois cents brasses. À neuf heures, nous reconnûmes un continent d'environ vingt-cinq lieues de long du nord-est au sud-ouest, rempli de montagnes escarpées, d'un aspect effroyable, et d'une hauteur si extraordinaire, qu'à peine pouvions-nous en voir les sommets, quoiqu'à plus de six lieues de distance : la quantité de neige qui les couvrait, nous a empêché d'observer si elles sont boisées. Les observations sur lesquelles nous pouvons mieux compter, et que nous ayons pu faire (étant pour lors à trois lieues de la petite isle, qui se trouvait dans le moment à égale distance de la grande terre), est une anse très-enfoncée dans ce continent, à environ huit lieues est et ouest de ladite isle : c'est le seul endroit qui nous ait paru propre à être habité ; nous pouvions en être à dix ou onze lieues. Elle nous paraissait d'une grande étendue, tant en longueur qu'en largeur. Il y a à bâbord, à son entrée, dans l'ouest-nord-ouest de nous, une pointe basse, qui est la seule que nous ayons pu remarquer à son embouchure ; elle nous paraissait détachée de la grande terre ; nous pensâmes même que c'est une isle, ou que, si elle y est jointe, ce doit être un isthme.

Le 30, au point du jour, nous pouvions être à dix lieues de cette nouvelle terre ; dans cette position, nous avons reconnu aucun courant, et nous n'avons point trouvé de fond ; nous avons toujours vu beaucoup d'oiseaux et de loups marins.

À midi, la terre présentait le même aspect, excepté les sommets de montagnes, qui étaient couverts de nuages : le calme et le temps le plus favorable nous ont procuré une hauteur certaine, et à midi nous avons observé 54° 50' de latitude sud, et notre longitude estimée était de 51° 32' occidentale.

Le premier juillet, au point du jour, nous estimant assez éloignés de terre, nous avons gouverné à l'est, pour observer si ladite terre se prolongeait davantage dans cette partie. Sur les huit heures du matin, nous avons vu sa pointe la plus est, au relèvement du compas, au nord 5° est[8], à la distance d'environ douze lieues ; à midi, continuant la même route, nous étions par 55° 23' de latitude estimée, et de longitude occidentale de 51 degrés.

Le 2, vents de l'ouest-sud-ouest à l'ouest-nord-ouest, petit frais, temps obscur, abondance de neige : route à l'est-nord-est. Cherchant à découvrir la longueur de la terre de ce côté, au point du jour, le calme profond s'étant formé, nous nous sommes trouvés environnés de glaces de différentes figures, dont plusieurs ayant au moins trente-cinq brasses d'élévation sur l'eau, et plus d'une demi-lieue de longeur ; nous avons remarqué aussi qu'il y avait beaucoup de courans et beaucoup plus d'oiseaux qu'à l'ordinaire, mais particulièrement une grande quantité de pigeons tout blancs comme ceux de la côte des Patagons, et nous avons vu aussi beaucoup de baleines : à toutes ces remarques, nous avons pensé que nous pouvions être sur un banc. En conséquence, nous avons sondé, sans trouver de fond ; nous étions pour lors hors de vue de la terre : latitude estimée 55° 28', longitude 49° 40' occidentale. »

Depuis ce jour, M Duclos Guyot n’a plus vu la nouvelle terre, qu’il nomma isle de Saint-Pierre.

À son attérage sur l’isle de S. Jago, une de celles du cap Vert, il reconnut (ainsi qu’il l’avait jugé par les déclinaisons de l’aimant, qu’il avait trouvées de 13° 1/2 et 13 degrés, au lieu de 19, qui est celle qu’on doit avoir par la longitude à laquelle il s’estimait à la vue de l’isle Saint-Pierre) que les courans, après qu’il eut doublé le cap de Horn, l’avaient porté dans l’est, de 10° 56' par-delà son estime.

Conséquemment (dit M. Duclos Guyot) on peut fixer la position de la terre que nous découvrîmes le 29 juin. En étant à dix lieues au sud, lorsque nous en fîmes la reconnaissance (le 30), notre latitude observée était de 54° 50', et notre longitude estimée 51° 32' occidentale
. Si l'on retranche les 10° 56' dont le vaisseau avait été porté dans l’est, il reste, pour la longitude de l’isle, 40° 36' à l’occident de Paris, que M. Duclos Guyot réduit à 40° 30' pour la partie la plus à l’est qu’il ait vue ; et il fixe la latitude de la partie la plus méridionale à 54° 20'.

Le capitaine Cook établit l’isle de Saint-Pierre (ou Georgia, comme il la nomme) entre 53° 57' et 54° 57' de latitude, et entre 40° 33' et 37° 54' de longitude occidentale de Paris. (Second Voyage de Cook, tome II, page 218 de l’original.) On voit que la position que M. Duclos Guyot assignait à cette même terre, n’est pas très-défectueuse, quoiqu’il fût dépourvu des moyens nécessaires pour en déterminer la longitude avec précision : son erreur n’est que de la longueur de l’isle, de l’est à l’ouest, et il n’y a aucun navigateur qui ne dût la rencontrer d’après la position qu’il lui donnait, sur-tout si on vient la chercher par le côté de l’ouest : l’erreur est d’environ trente lieues, dont il la portait trop à l’occident.

M. Duclos Guyot, en terminant ce qui concerne son isle Saint-Pierre, dit :

« Ce sont nos remarques les plus avérées ; et nous ne doutons point, quoique nous ne puissions l’assurer positivement, qu’il n’y ait d’autres terres à l’est de celles que nous avons vues : tout nous l’a démontré ; goëmons, glaces, poissons, arbres et oiseaux ». C’est en 1756 qu’il s’exprimait ainsi.

21. Terre de Sandwich, découverte en 1775. On l’a placée sur la carte d’après le journal et les déterminations du capitaine Cook. Voyez son second Voyage, tome II, page 222 et suivantes de l’original.

Cette terre rappelle le golfe de S. Sebastiano et les terres marquées sur les anciennes cartes dans le sud et sud-est de la terre de la Roche.

22. Port de Christmas-sound, ou baie de Noël, à la côte du sud-ouest de la terre de Feu. Voyez les cartes et le journal du second Voyage de Cook, tome II, pages 177 et 198 de l’original.

=== Grand océan austral === 23. Isles et port de Drake, placés par les géographes à cent quatre-vingts ou deux cents lieues dans l’ouest-sud-ouest du cap de Horn. Il a été publié en Angleterre plusieurs relations du voyage de Francis Drake autour du monde : elles diffèrent essentiellement entre elles sur la position des terres découvertes par ce célèbre navigateur après sa sortie du détroit de Magellan.

Suivant la plus ancienne de ces relations (celle qu’Hackluyt a publiée dans sa Collection des voyages des Anglais[9]) ; après que l’escadre de Drake fut sortie du détroit de Magellan, et eut passé dans la mer du sud, le 6 septembre 1578, ses vaisseaux firent route au nord-ouest pendant trois jours, après lesquels le vent souffla du nord-est avec tant de violence, qu’ils ne purent faire que l’ouest-sud-ouest. Ils continuèrent cette route pendant dix ou douze jours, ne pouvant porter que peu de voiles : la fureur du vent les força alors de mettre à sec, et ils coururent en dérive jusqu’au 24 septembre. Le même jour, un des bâtimens de la flotte se sépara : le vent qui devint plus traitable, permit aux autres de porter de la voile ; ils firent route au nord-est pendant sept jours. Ils découvrirent alors des isles, vers lesquelles ils se dirigèrent pour y laisser tomber l’ancre ; mais le temps s’opposa à leur projet : le vent passa au nord-ouest, et leur route fut l’ouest-sud-ouest. Le jour suivant, premier octobre, le temps étant très-mauvais, un second bâtiment se sépara de la flotte, et l’amiral se trouva seul. Drake courut alors jusqu’à 57 degrés de latitude, où il mouilla dans le havre d’une isle, à portée de canon de la côte, par vingt brasses d’eau. Il y séjourna trois ou quatre jours ; et le vent ayant passé au sud, il leva l’ancre, et fit route au nord l’espace de deux jours. Il découvrit alors une petite isle habitée, dont il s’approcha, et sous laquelle il mit en panne, pour détacher un canot, qui rapporta au vaisseau plusieurs oiseaux et des veaux marins, etc.

Une autre relation, celle qu’a publiée Purchas dans son Hackluytus posthumus[10], s’exprime ainsi qu’il suit :

le 7 septembre 1578, Drake fut accueilli d’une tempête qui l’éloigna de l’entrée occidentale du détroit de Magellan, de plus de deux cents lieues en longitude, et le porta à un degré au sud du détroit. De ce point, il courut jusqu’au 57e degré de latitude sud, où il rencontra plusieurs isles, entre lesquelles il mouilla, et qui lui fournirent de la très-bonne eau et d’excellentes herbes. Il découvrit une autre baie, où il trouva des habitans nus qui naviguaient dans des canots ou pirogues, et communiquaient d’une isle à une autre ; et il fit des échanges avec eux. Enfin, en quittant cette baie, et faisant route dans le nord, il rencontra, le 3 octobre[11], trois isles, dont une est remarquable par la quantité prodigieuse d’oiseaux qu’il y trouva, et qui passe, dit la relation, tout ce qu’on peut imaginer, etc.

La troisième relation est celle de Francis Fletcher[12], employé dans l’expédition, et sur le vaisseau même de Drake, en qualité de preacher (chapelain). Elle est peu d’accord avec les deux premières ; mais c’est le rapport d’un témoin oculaire, d’un homme qui ne devait pas être dépourvu d’instruction, au lieu que nous ignorons sur quelles autorités les autres sont fondées ; et, comme témoin oculaire, Fletcher nous paraît mériter plus de croyance : d’ailleurs, nous trouvons dans son récit une concordance de faits, une exposition suivie des événemens de la navigation de Drake, qui ne se trouvent point dans les deux autres relations.

Suivant Fletcher, dans les premiers jours de septembre 1578, Drake était près de la sortie du détroit de Magellan sur la mer du sud : parvenu à ce point, il ne voyait que des isles entre lesquelles il lui était impossible de démêler le véritable canal. Il mouille à une des isles de la partie du sud ; il va lui-même dans un canot à la découverte, et il s’assure que le passage est ouvert au nord. Après avoir visité l’isle, et communiqué avec les habitans, il remet à la voile ; et le 6 septembre il était dégagé de toutes terres. Il regretta beaucoup de n’avoir pu aborder à la dernière des pointes qu’il découvrit en entrant dans la mer du sud ; il eût voulu y déposer un acte de prise de possession : mais il n’aperçut aucune place où l’on pût débarquer, et le vent ne permettait pas de s’arrêter.

Le 7, il fut accueilli d’une violente tempête qui le fit dériver au sud jusqu’à 57 degrés de latitude, sans qu’il pût découvrir aucune terre : un des bâtimens s’était séparé de la flotte.

Le temps lui permit ensuite de remonter dans le nord ; et, le 7 octobre, il mouilla dans une baie un peu au nord de cette même pointe (qui doit être le cap Pillar) où, le 7 septembre, il regrettait de n’avoir pu déposer l’acte de prise de possession.

Un second coup de vent le chassa bientôt de ce mouillage, où il abandonna ses ancres. à cette époque, le contre-amiral fut séparé de lui par la tempête, rentra dans le détroit, et repassant dans la mer du nord, fut rendu en Angleterre le 2 juin suivant. Cette circonstance lui fit imposer au mouillage qu’il quittait, le nom de baie de la séparation des Amis.

Drake dériva, cette seconde fois, jusqu’à 55 degrés de latitude ; et, à cette hauteur, il se retrouva, dit la relation, parmi ces isles situées au sud de l’Amérique, dont il a été parlé lors de son entrée dans la grande mer, et qui forment avec le continent, la sortie du détroit. Il mouilla à ces isles, et y obtint deux jours de repos : il s’y procura de l’eau, et y trouva des herbes dont l’usage fut très-salutaire à son équipage.

Un troisième coup de vent le força de reprendre la mer : il lui était impossible de porter aucune voile, et la partie de sous-le-vent lui offrait par-tout une côte hérissée de rochers et de dangers.

Heureusement, à quelques lieues au sud du mouillage précédent, il parvint à en trouver un autre, et toujours, parmi les mêmes isles. C’est là qu’il vit les naturels de ces terres naviguant d’une isle à une autre avec leurs femmes et leurs enfans ; et il fit quelques échanges avec eux.

Après trois jours, un quatrième coup de vent le surprend à l’ancre, et le force de couper son câble. Il s’abandonne de nouveau à la mer, jusqu’à ce qu’enfin, dit Fletcher, le 28 octobre, nous atteignîmes la partie la plus méridionale de ces terres, et découvrîmes ainsi l’extrémité de l’Amérique la plus voisine du pôle. Cette extrémité, ajoute-t-il, est située à peu près à 56 degrés de latitude (c’est celle du cap de Horn) : au-delà, il n’existe aucun continent, aucune isle ; ici, les deux mers se confondent.

Drake imposa à toutes les isles qu’il avait vues depuis sa sortie du détroit, jusqu’à l’isle la plus méridionale, le nom d’isles Élisabéthides.

Fletcher observe que, à cette dernière isle, ils n’eurent que deux heures de nuit : et comme le soleil était alors à 7 degrés du tropique du Capricorne, on doit en conclure, dit-il, que le jour où cet astre parcourt le cercle même du tropique, il ne doit point y avoir de nuit. Cette conclusion prouve que Fletcher était fort ignorant en astronomie : tout le monde sait que, pour n’avoir point de nuit le jour du solstice, il faut être placé sous le cercle polaire, c’est-à-dire, à 66 degrés 32 minutes ; et Fletcher vient de dire qu’il n’était qu’à 56 degrés de latitude. C’est cependant sur cette erreur que se sont fondés quelques géographes pour placer les terres de Drake sous le cercle polaire antarctique.

Drake, après s’être arrêté deux jours à ce dernier mouillage, fit route directement au nord-ouest ; et le jour suivant, il rencontra deux isles très-abondantes en oiseaux : il s’y arrêta peu de temps ; et le premier novembre, il poursuivit sa route au nord-ouest, etc.

Après avoir examiné avec attention les données que présente la relation de Fletcher, on ne peut se refuser à penser que les terres que les géographes ont nommées terres de Drake , ne sont autre chose que la partie occidentale de la terre de Feu ; que, le 28 octobre, Drake était parvenu aux isles du cap de Horn, et que, le lendemain, remontant au nord-ouest, il rencontra quelques-unes de ces isles sans nombre qui composent l’archipel de la terre de Feu.

Quoiqu’il paraisse ainsi prouvé que les prétendues terres de Drake n’existent point, on n’a cependant pas voulu les effacer de la carte : presque tous les géographes, à l’exception de ceux qui les ont portées ou à 60 degrés de latitude, ou sous le cercle polaire, les ont placées à environ cent quatre-vingts lieues dans l’ouest-sud-ouest du cap de Horn, ou 10 degrés à l’ouest du méridien de la sortie du détroit, et par 57° de latitude méridionale.

On ne doute pas que, si le temps favorise M. de la Pérouse, il ne donne quelques jours à une vérification qui sera utile pour détruire sans retour une erreur géographique. Cook, en 1769, et Furneaux, en 1775, ont fait des routes qui, si ces terres existaient à la place que les géographes leur assignent, auraient mis ces navigateurs à portée, sinon de les voir, du moins d’apercevoir quelque signe, quelque indice de terre ; et on sait que ni l’un ni l’autre n’en aperçut aucun.

24. Terre de Théodore Gérard. Théodore Gérard, un des premiers navigateurs hollandais qui ayent fait un voyage dans le grand océan, fut poussé, en 1599, par une tempête, jusqu’à 64 degrés de latitude sud, où il découvrit une terre montagneuse couverte de neige, dont l’aspect lui parut le même que celui de la Norwege[13] : on l’a placée à 16 degrés à l’ouest du méridien du cap Horn.

25. Terres qu’on dit avoir été vues par les Espagnols en 1714.

Pour prouver l’existence et fixer à peu près la position de ces terres, on s’appuiera du rapport suivant, tiré d’un mémoire pour la France, servant à la découverte des terres australes, par un marin de Saint-Malo, nommé Bernard de la Harpe[14].

« En 1714, le capitaine d’un brigantin espagnol sortit du Callao pour aller à l’isle de Chiloé, et se trouvant par 38 degrés de latitude sud, à cinq cent cinquante lieues (espagnoles, de 17 1/2 au degré) à l’ouest du Chili, découvrit une terre élevée qu’il côtoya pendant un jour : il jugea, par les feux qu'il apperçut la nuit, qu'elle était habitée. Les vents contraires l'ayant obligé de relâcher à la Conception du Chili, il y trouva le vaisseau le Français, commandé par M. du Fresne-Marion, qui assura avoir eu communication du journal du capitaine espagnol, et y avoir lu le fait qu'on vient de rapporter »

On a placé ces isles, sur la carte du grand Océan austral, par 38 degrés de latitude sud, et entre 108 et 109 degrés de longitude occidentale. Cette position s’accorde avec l’opinion du capitaine Cook. Voyez son second Voyage, tome II, page 274 de l’original.

Ces terres ou isles rappellent une découverte attribuée à Juan Fernandès, pilote espagnol, sous le nom de terres de Juan Fernandez, que les cartes placent dans l’ouest du Chili. Ce navigateur mourut sans avoir indiqué la latitude et la longitude de sa découverte : on sait seulement que vers l’année 1576, il s’éloigna de 40° à l’ouest des côtes du Chili, ayant fait route à l’ouest et au sud-ouest, et qu’après un mois et demi de navigation, il aborda à une terre qu’il dit être un grand continent. Cette distance de 40 degrés de longitude à l’ouest des côtes du Chili, n’est pas fort éloignée de celle où l’on place les terres qu’on dit avoir été vues par les espagnols, en 1714. voyez, pour ces terres vues par Juan Fernandez, l’Historical Collection of voyages and discoveries de Dalrymple, tome I, page 53, et les Voyages dans la mer du Sud, traduits de l’anglais de Dalrymple, par M. de Fréville, page 125.

26. Isle de Pâque ou d’Easter. Cette isle, découverte en 1722 par Roggewein, hollandais, a été reconnue et visitée en 1774 par le capitaine Cook, qui en a déterminé la position. Voyez son second Voyage, tome I, page 276 de l’original.

Les Espagnols ont touché à l’isle de Pâque, le 16 novembre 1770, et l’ont nommée isle San-Carlos ou Saint-Charles. On joint à la collection des cartes remises à M de la Pérouse, le plan que les vaisseaux d’Espagne ont fait lever de cette isle, dont leurs chaloupes ont fait le tour. Ils la placent par 27° 6' de latitude sud, et à 268° 19' du méridien de Ténériffe, ou 110° 41' à l’occident de Paris ; c’est-à-dire qu’ils l’ont portée trop à l’est d’environ 1 degré et demi.

La déclinaison de l’aiguille aimantée y était selon les espagnols, en 1770, de 2° 30' nord-est.

27. Isles qu’on dit avoir été vues par les Espagnols, en 1773, par 32 degrés de latitude sud, et 130 degrés à l’ouest de Paris.

Cette position est celle qu’on leur donne d’après le rapport de M Croizet, capitaine de navire français ; et c’est celle que le capitaine Cook avait adoptée. voyez son second voyage, tome II, page 267 de l’original.

Il paraît cependant que cette position peut être contestée ; et voici sur quoi l’on se fonde : c’est à leur retour d’O-Taïti, en 1773, que les vaisseaux espagnols ont découvert des isles situées à 32 degrés de latitude ; et il est très-vraisemblable que la longitude qu’ils ont assignée à ces isles (et dont M. Croizet avait eu connaissance) est affectée de la même erreur qu’ils ont faite sur la longitude qu’ils assignent à O-Taïti. Suivant l’extrait de leur voyage à cette isle, communiqué à un officier de M. Surville, pendant leur séjour à Lima, on voit que les espagnols ont placé l’isle d’O-Taïti, qu’ils ont nommée isle d’Amat[15] , par 17° 29' de latitude, et à 233° 32' de longitude, méridien de Ténériffe, qui répondent à 145° 28' de longitude occidentale de Paris. Or la longitude de cette isle a été fixée, par les nombreuses observations du capitaine Cook et des astronomes anglais, à 151° 52' à l’ouest de Paris : la position donnée par les espagnols est donc en erreur de 6° 24' vers l’est.

Si la longitude des isles découvertes à 32 degrés de latitude, est affectée de la même erreur, elles devraient être placées à 136° 24' à l’ouest de Paris, au lieu de 130 degrés, à peu près sur le même méridien où l’on a placé l’isle Pitcairn.

On observe cependant, que le capitaine Cook a suivi ce méridien dans son second voyage, sans rien apercevoir ; il n’a rien aperçu non plus dans son premier voyage, en croisant les parallèles par 128 et 129 degrés de longitude : mais il reste entre ses deux routes un espace de huit degrés de l’est à l’ouest, qui n’a point été parcouru, et dans lequel on peut espérer de retrouver les isles vues par les espagnols, en 1773, par les 32 degrés de latitude.

On remarque en général que toutes les anciennes découvertes des espagnols qu’on a eu occasion de vérifier dans ces derniers temps, se trouvent situées beaucoup plus dans l’ouest qu’ils ne l’avaient annoncé ; et jusqu’à présent leurs découvertes modernes dans le grand océan, paraissent affectées d’une erreur dans le même sens.

Le capitaine Cook, se trouvant par la latitude de ces isles, et à peu près sur le méridien où elles devraient être placées d’après la correction ci-dessus indiquée, c’est-à-dire, par 32° 30' de latitude, et 133° 40' à l’ouest du méridien de Greenwich, ou 136° à l’ouest de Paris, fit une observation qui mérite d’être rapportée.

« Ce jour, dit-il (22 juillet 1773), fut remarquable en ce que nous ne vîmes pas un seul oiseau ; il ne s'en était encore passé aucun, depuis que nous avoins quitté la nouvelle Zélande, sans appercevoir ou des albatros, ou des coupeurs d'eau, des pintades, etc. ; ils fréquentaient chaque portion de l'Océan austral dans les latitudes les plus élevées : enfin nous ne découvrîmes absolument rien qui èût nous faire penser qu'il y eût quelque terre dans le parage où nous naviguions ». (Second Voyage de Cook, tome I, page 135 de l'original.)

Cette observation pourrait faire penser qu’on a peu d’espoir de trouver ces isles ou terres vues par les espagnols à 32 degrés de latitude, en les cherchant sur le méridien de 136 degrés à l’occident de Paris, puisque le capitaine Cook, étant par ce méridien, et à peu près sur le parallèle supposé de ces isles, n’a vu aucun oiseau, aucun signe de terre. On n’est cependant pas fondé à révoquer en doute leur existence ; et après avoir exposé les raisons qui doivent laisser une grande incertitude sur leur véritable position, l’on ne peut que s’en rapporter à M. de la Pérouse, de faire entrer ces raisons en considération dans la recherche qu’il fera de ces terres. On observera, en finissant cet article, qu’il est très-probable qu’elles sont plus dans l’ouest que 136 degrés à l’occident de Paris, puisque les espagnols les trouvèrent en revenant d’O-Taïti au Pérou, et qu’il aurait fallu qu’ils eussent pu faire mieux que le sud-est corrigé, avec les vents alizés du sud de la ligne, pour pouvoir remonter près de 22 degrés vers l’est, sur 14 degrés et demi seulement en latitude.

=== Grand océan équatorial ===

28. Isles de la mer du Sud, ou du grand Océan équatorial, entre le 26e et le 10e degré de latitude sud, dans l’espace compris entre le 130e méridien à l’occident, et le 170e à l’orient de Paris.

Pour toutes les isles renfermées dans ces limites, on ne peut que renvoyer M. de la Pérouse aux relations des voyages de Byron, Bougainville, Carteret, Wallis, Furneaux et Cook ; il y trouvera tous les détails géographiques, physiques et historiques, qui peuvent lui être utiles dans la recherche de quelques-unes de ces isles, et dans les séjours qu’il sera dans le cas d’y faire. À l’égard des isles anciennement découvertes dans ces mêmes parages, par Mendana en 1567 et 1595, Quiros et Torrez en 1606, le Maire et Schouten en 1616, Abel Tasman en 1642, et Roggewein en 1722, on les a insérées dans la carte du grand Océan équatorial qui a été remise à M. de la Pérouse, pour sa navigation, conformément aux indications qu’on a pu tirer des relations originales qui ont été publiées des découvertes de ces navigateurs. Les positions qu’on leur donne sur la carte, diffèrent cependant beaucoup de celles que les géographes avaient cru pouvoir leur assigner d’après ces mêmes relations ; mais l’identité prouvée de quelques-unes de ces isles avec celles qui ont été reconnues par les navigateurs modernes, ayant servi à rectifier quelques-unes des anciennes déterminations, on a fait usage de ces points rectifiés, comme de points d’appui, pour corriger de proche en proche, et du moins en partie, les positions de quelques autres isles anciennement découvertes qui n’ont point encore été retrouvées : il en est cependant plusieurs sur lesquelles il reste la plus grande incertitude, parce que les journaux des anciens navigateurs sont si dépourvus d’observations et de dates, si stériles sur le fait de la navigation, qu’on ne peut en tirer le plus souvent que des conjectures peu satisfaisantes ; leur silence sur les circonstances les plus intéressantes du voyage, interdit quelquefois au géographe toute combinaison, tout rapprochement avec d’autres journaux d’où l’on pourrait tirer des lumières pour nous guider dans ces ténèbres.

On va tracer sommairement les routes indiquées et les découvertes de ces anciens navigateurs, telles qu’on a pu les déduire des relations qui ont paru mériter le plus de confiance. On doit désirer que le hasard et des combinaisons heureuses mettent les bâtimens de sa majesté à portée de rencontrer quelques-unes de ces isles perdues pour la navigation, qui, en leur offrant, pour la suite de leurs découvertes, des ressources en vivres et en rafraîchissemens, pourraient aussi contribuer à l’accroissement des connaissances humaines.

1°. Voyage de Magellan[16] (année 1519). Du détroit auquel ce navigateur donna son nom, il fit route à l’ouest-nord-ouest jusqu’à l’équateur, qu’il passa à 9858 milles du détroit, et vers le 170e degré de longitude orientale de Paris ; et dans cette longue traversée, il ne découvrit que deux petites isles désertes, éloignées l’une de l’autre de deux cents lieues ; savoir : Saint-Pierre, par 18 ou 19 degrés de latitude sud ; l’isle des Tiburons, par 14 ou 15 degrés de latitude sud.

Ces isles, que Magellan nomma en général isles Malheureuses, sont encore inconnues, et on ne les a pas marquées sur la carte du grand Océan équatorial, parce que leur position n’est pas indiquée d’une manière assez précise. De toutes les isles découvertes depuis Magellan, il n’y a que l’isle Sauvage de Cook et l’Enfant-perdu de Bougainville, qui pussent nous représenter les deux isles Malheureuses : elles sont à deux cents lieues l’une de l’autre, comme celles-ci, et à peu près par leur latitude ; l’isle Sauvage, par 19° 1' de latitude, et 172° 30' de longitude occidentale du méridien de Paris ; l’Enfant-perdu, par 14° 6' de latitude, et 179° 2' de longitude orientale.

2°. Voyage de Mendana[17] (année 1567). Du Callao, port de Lima, Mendana fait route à l’ouest, et parcourt quatorze cent cinquante lieues (espagnoles, de 17 et demie au degré) sans trouver de terres. Il découvre alors :


L’isle de Jésus, petite isle habitée, latitude sud, 6° 15' ;

Les basses de la Chandeleur, ressifs avec plusieurs petites isles : le milieu par 6° 15' de latitude sud, et à cent soixante-dix lieues de l’isle de Jésus ;

L’isle Isabelle, de quatre-vingt-quinze lieues de long sur vingt de large, dont la pointe du sud-est est par 9° de latitude, et la pointe nord-ouest par 7° 30'. On y mouilla dans un port qui est à la côte du nord ; et un brigantin qui fut envoyé de là en découverte, reconnut les isles suivantes :

Malaïta, ainsi nommée par les indiens, grande isle, à quatorze lieues à l’est d’une grande baie, par 8° de latitude ;

La Galera, petite isle de cinq lieues de tour, environnée de ressifs ;

Buena-Vista, de douze lieues de tour, par 9° 30' de latitude ;

La Florida, de vingt-cinq lieues de tour, par 9° 30' de latitude ;

San-Dimas, Saint-Germain, La Guadelupa formant une chaîne qui s’étend est et ouest avec la Florida ;

Sesarga, par 9° 30' de latitude, isle ronde, de huit lieues de tour, avec un volcan dans le milieu ;

Guadalcanar, très-grande terre, où l’on trouva un bon port ;

Saint-Georges, près de l’isle Isabelle, dont elle n’est séparée que par un canal : on y trouva un bon port et des perles ;

Saint-Christophe, isle étroite et montueuse, avec un bon port, par 11 degrés de latitude ;

Sainte-Catherine, Sainte-Anne, deux petites isles à l’est de Saint-Christophe, éloignées l’une de l’autre de trois lieues.

On trouva un bon port à la bande de l’est de la dernière.

Outre ces isles, citées dans la relation de Christophe Suarez de Figueroa, il y en a plusieurs autres qu’on trouve nommées dans les descriptions de Herrera et de Bry, et qu’on voit aussi sur d’anciennes cartes : telles sont Saint-Nicolas, Arrecifes, Saint-Marc, Saint Jérôme, etc.

Toutes ces isles, connues depuis sous le nom d’isles de Salomon, paraissent être les terres des Arsacides, découvertes par Surville, commandant le vaisseau le Saint-Jean-Baptiste, en 1769.

3°. Second voyage de Mendana[18] (année 1595). De Payta, côtes du Pérou, route à l’ouest, jusqu’à mille lieues de ces côtes, sans voir de terre. On découvre alors :

Les Marquises de Mendoça, entre 9 et 10 degrés de latitude sud, quatre isles, qui furent nommées la Madeleine, Saint-Pierre, la Dominique et Sainte-Christine : on trouva dans la partie de l’ouest de cette dernière, un bon port, qui fut nommé Madre de Dios ; (elles ont été retrouvées en 1774, par le capitaine Cook.)

Les isles Saint-Bernard, par 10° 45' de latitude, et à quatorze cents lieues de Lima ; quatre petites isles basses, sablonneuses, et défendues par un ressif ; elles peuvent avoir en tout huit lieues de circuit. (Il paraît que ce sont les mêmes que celles qui ont été vues, en 1765, par le commodore Byron, qui les a nommées isles du Danger ; et c’est d’après sa route corrigée, qu’on les a placées sur la carte à 10° 51' de latitude, et 169° 30' de longitude occidentale du méridien de Paris.)

La Solitaire, par 10° 40' de latitude, et à quinze cent trente-cinq lieues de Lima ; petite isle ronde, d’une lieue de tour. (Elle n’a point été revue depuis ; mais sa position, déduite de sa distance aux isles de Saint-Bernard et à celle de Sainte-Croix, paraît assez exacte : elle est par 10° 40' de latitude, et 178° 20' de longitude occidentale.)

L’isle Sainte-Croix, grande isle, avec un bon port où l’on mouilla, par 10° 20' de latitude, et à dix-huit cent cinquante lieues de Lima. Elle a été revue en 1768, par le capitaine Carteret, qui l’a nommée isle d’Egmont, faisant partie des isles de la Reine-Charlotte ; et c’est d’après la route de ce navigateur, qu’on l’a placée sur la carte par 11° de latitude, et 161° 35' de longitude orientale.

4°. Voyage de Quiros et de Torrez (année 1606). Du Callao, route au sud-ouest et à l’ouest, jusqu’à mille lieues des côtes du Pérou, sans voir de terre. On découvre ensuite :

L’Incarnation, par 25 degrés de latitude sud, et à mille lieues du Pérou ; petite isle de quatre lieues de tour, et si basse, qu’elle ne paraît pas s’élever sensiblement au-dessus de l’eau ;

Saint-Jean-Baptiste, isle de douze lieues de tour, et terre élevée, à deux journées et demie de l’Incarnation, du côté de l’ouest ;

Saint-Elme, à six journées de Saint-Jean-Baptiste ; isle de trente lieues de tour, environnée d’un ressif de corail, et dont le milieu est occupé par la mer ;

Les Quatre-Couronnées, quatre isles inabordables, à une journée de Saint-Elme ;

Saint-Michel, à quatre lieues des Quatre-Couronnées, dans l’ouest-nord-ouest : elle a dix lieues de tour, et gît nord et sud ;

La Conversion de Saint-Paul, dans l’ouest-nord-ouest de Saint-Michel, à une demi-journée de navigation ;

La Dizaine, à quatre journées de la Conversion de Saint-Paul, et vers 18 degrés 40 minutes de latitude ;

La Sagittaire, à une journée de la Dizaine ; grande isle, dont la pointe du nord-ouest s’est trouvée par 17 degrés 40 minutes de latitude. On apprit là qu’il y avait d’autres terres à l’ouest.

Il y a tout lieu de croire que la Sagittaire de Quiros est la même isle qu’O-Taïti : la latitude, le gisement de la côte que l’on prolongea, et les terres annoncées dans l’ouest de la Sagittaire, conviennent parfaitement à l’isle d’O-Taïti. La Dizaine de Quiros sera en conséquence l’isle d’Osnaburg de Wallis, le Boudoir de Bougainville, l’isle Maitea de Cook, dans l’est-sud-est d’O-Taïti[19].

Pour les autres isles qui précèdent la Dizaine, il paraît qu’elles n’ont pas encore été reconnues. Cook pense que l’isle de Pitcairn, découverte par Carteret, est l’isle de Saint-Jean-Baptiste de Quiros ; mais la différence de grandeur de ces deux isles ne permet pas d’adopter cette opinion. Saint-Jean-Baptiste a douze lieues de tour, et Pitcairn n’en a que trois : d’ailleurs la distance de mille lieues de l’Incarnation de Quiros aux côtes du Pérou, ferait placer cette isle dans l’ouest de Pitcairn de quelques degrés, et à plus forte raison l’isle de Saint-Jean-Baptiste, qui est à l’ouest de l’Incarnation de deux journées, comme on l’a vu ci-devant. On observe que les Marquises de Mendoça, qui se placent à 6 degrés à l’ouest du méridien de Pitcairn, étaient indiquées par Mendana à mille lieues des côtes du Pérou.

Suivant M. Dalrymple (Historical Collection, tome I, page 5) l’isle de Saint-Jean-Baptiste serait par 26 degrés de latitude, et celle de Saint Elme par 28. Quoi qu’il en soit, c’est dans le sud-est d’O-Taïti qu’on peut espérer de retrouver ces anciennes isles de Quiros.

Partant de la Sagittaire, et continuant sa route à l’ouest, Quiros découvre les isles suivantes :

La Fugitive, à deux journées ou deux journées et demie de la Sagittaire : on l’aperçoit dans le nord-est ; mais étant trop sous le vent, on ne peut y aborder ;

Le Pélerin, à une journée de la Fugitive : on ne put y aborder non plus, à cause du vent ;

(On ne sait trop où placer ces deux isles, à moins qu’on ne veuille supposer que ce peuvent être quelques-unes des isles de la Société, ou d’autres isles encore inconnues, dans le nord-est de celles-ci.)

Saint-Bernard, à six journées de l’isle du Pélerin, et par 10° 30' de latitude sud, isle rase, de dix lieues de circuit, et dont un lac salé ou la mer occupe le centre ;

(On ne doit point confondre cette isle avec celles de Saint-Bernard, découvertes par Mendana, et qui étaient au nombre de quatre. D’ailleurs Quiros, dans un mémoire présenté à Philippe III, roi d’Espagne, ne nomme point l’isle de Saint-Bernard, et il cite sous le nom de Nuestra-Senora del Socorro l’isle qui suit immédiatement celle du Pélerin : elle parut inhabitable.)

Gente-Hermosa, ou la Belle-Nation, à sept journées de l’isle de Saint-Bernard, et par la même latitude que l’isle de Sainte-Croix de Mendana, c’est-à-dire par 11° de latitude sud : isle de six lieues de tour, dont les habitans sont les plus blancs et les plus beaux que l’on eût encore vus ; les femmes sur-tout étaient d’une rare beauté, et vêtues d’une légère draperie. (Dans le mémoire de Quiros, cité ci-devant, on ne trouve pas le nom de Gente-Hermosa, mais celui de Monterey, qui était vice-roi du Mexique.)

Taumago, à trente-trois journées de l’isle de la Belle-Nation, et vers le parallèle de l’isle de Sainte-Croix, puisqu’on faisait route pour cette isle : c’est une assez grande isle, où l’on trouva du bois, de l’eau, des rafraîchissemens, et des habitans très-pacifiques. (On apprit là, ainsi que d’un indien que l’on y prit, et qui fut amené au Mexique, qu’il y avait aux environs plusieurs autres isles, comme Chicayana, Guaytopo, Mecarailay, Fonofono, Pilen, Naupau, etc. Qui n’ont été retrouvées par aucun navigateur. On remarque que, dans la traversée de l’isle de la Belle-Nation à Taumago, on eut presque toujours des indices de terre, une grande quantité de pierres-ponces, et de nombreuses compagnies d’oiseaux.)

Tucopia, à six journées de Taumago, et par 12° de latitude sud : en rangeant la côte de cette isle, où l’on ne peut aborder, on apprit des habitans qu’il y avait de grandes terres au sud, et l’on fit voile de ce côté pour les chercher ;

Nuestra-Senora De La Luz, terre haute, par 14° 30' de latitude sud. (Cette isle paraît être le pic de l’étoile, au nord des grandes Cyclades de M. de Bougainville.)

Terre australe du Saint-Esprit, et port de la Vraie-Croix. Cette terre, qui fut le terme du voyage de Quiros, a été reconnue depuis par M. de Bougainville, qui l’a nommée les grandes Cyclades, et postérieurement par le capitaine Cook, qui l’a nommée les nouvelles Hébrides. Ce dernier a conservé à la partie du nord le nom de terre du Saint-Esprit. En quittant cette terre, Quiros fit voile pour la nouvelle Espagne ou le Mexique, où il arriva sans faire d’autres découvertes intéressantes ; mais Torrez, qui fut séparé de la flotte, fit route à l’ouest, et passa entre la nouvelle Hollande et la nouvelle Guinée, ainsi que l’a fait dans ces derniers temps le capitaine Cook, commandant l’Endeavour.

5°. Voyage de Le Maire et Schouten[20] (année 1616). De l’isle de Juan Fernandez, où ces navigateurs abordèrent, après avoir découvert le détroit de le Maire, et doublé les premiers le cap Horn, on fit route à l’ouest-nord-ouest jusqu’à neuf cent vingt-cinq lieues des côtes du Pérou, sans voir aucune terre. On découvre ensuite :

l’isle de Hond, ou l’isle des Chiens, par 15° 12' de latitude sud, et à neuf cent vingt-cinq lieues hollandaises, ou de quinze au degré, des côtes du Pérou ; petite isle d’environ trois lieues de tour, mais si rase, qu’elle est en partie submergée à la haute mer.

Sondre-grond, ou l’isle Sans-Fond, par 15° 15' de latitude, et à cent lieues à l’ouest de l’isle des Chiens ; isle habitée, et de vingt lieues de tour. (Suivant la relation de le Maire, sa latitude serait de 14° 35', au lieu de 15° 15' que donne la relation de Schouten.)

Waterland, ou l’isle d’Eau, par 14° 46' de latitude, et à quinze lieues de l’isle Sans-fond : on y trouva de l’eau et une espèce de cresson, mais elle ne parut pas habitée.

Ulyegen, ou l’isle des Mouches, par 15° 30' de latitude, et à vingt lieues de Waterland ; isle basse et habitée, où l’on fut assailli par un nombre prodigieux de mouches.

L’isle des Cocos, par 16° 10' de latitude sud, à vingt-trois journées de l’isle des Mouches ; isle haute, qui paraît sous la forme d’une montagne ; bien peuplée, et couverte de cocotiers.

L’isle des Traîtres, par 16° 5' de latitude, et à deux lieues au sud de l’isle des Cocos ; terre basse et habitée.

(Ces deux dernières isles ont été reconnues en 1767 par le capitaine Wallis, qui a donné le nom de Boscawen à l’isle des Cocos, et celui de Keppel à l’isle des Traîtres : il a trouvé la première par 15° 50' minutes de latitude sud, et la seconde par 15° 55', ce qui ne diffère que de 15' de la latitude donnée par le Maire et Schouten.

On remarque que la veille de leur arrivée à ces isles, Le Maire et Schouten rencontrèrent une pirogue remplie d’indiens, qui fit voile vers le sud ; ce qui annonce d’autres terres dans cette partie.)

Goede-Hoop, ou l’isle de Bonne-Espérance, sur le même parallèle que l’isle des Cocos, et à trente lieues à l’ouest ; isle habitée, d’environ deux lieues de long du nord au sud.

Les isles de Hoorn, par 14° 56' de latitude, et à environ quinze cent cinquante lieues des côtes du Pérou ; deux isles situées à une portée de canon l’une de l’autre, et habitées, avec un bon port au sud de la plus grande ; on y trouva toutes sortes de rafraîchissemens.

À cent cinquante-cinq lieues de ces isles de Hoorn, treize jours après les avoir quittées, et par 4° de latitude sud, on eut des indices de terre.

Quatre petites isles, entourées de bancs de sable et d’écueils, et habitées, par 4° 30', et cinq jours avant que d’aborder à la partie de la nouvelle Guinée qui est aujourd’hui nommée nouvelle Irlande.

Douze ou treize isles, occupant environ une demi-lieue du sud-est au nord-ouest, trois jours avant que d’arriver à la nouvelle Guinée.

Trois isles basses, couvertes d’arbres, et nommées en conséquence isles Vertes, un jour avant que d’arriver à la nouvelle Guinée.

Vue de l’isle Saint-Jean.

Nouvelle Guinée, ou côte orientale de la nouvelle Irlande, éloignée, suivant l’estime, de dix-huit cent quarante lieues hollandaises, de la côte du Pérou.

N. B. De toutes les isles vues dans ce voyage, on n’a encore reconnu que celles des Cocos et des Traîtres, qui ont été retrouvées par Wallis ; on les a placées sur la carte d’après le journal de ce navigateur, et on a assujetti toutes les autres à leur distance de ces deux isles.

6. Voyage d’Abel Tasman[21] (année 1642). De Batavia, Tasman vint relâcher à l’isle de France, alors isle Maurice : de là, route au sud jusqu’à 40 ou 41 degrés de latitude sud, et ensuite à l’est jusqu’au 163e degré de longitude, méridien de Ténériffe, ou 144e à l’est du méridien de Paris, le méridien de Ténériffe étant à 19° à l’ouest de celui-ci. On découvrit ensuite :

La terre qui fut nommée de Van-Diemen, par 42° 25' de latitude sud, et 163° 0' de longitude, méridien de Ténériffe ; on y mouilla dans une baie qui reçut le nom de Frédérik-Henri, par 43° 10' de latitude, et 167° 55' de longitude.

Une autre terre haute et montueuse, qu’on nomma nouvelle Zélande, par 42° 10' de latitude, et 188° 28' de longitude ; on y mouilla dans une grande baie située par 40° 49' de latitude, et 191° 41' de longitude : la conduite des naturels du pays la fit nommer baie des Assassins.

Un groupe d’isles qu’on nomma les Trois-Rois, par 34° 12' de latitude sud, et 190° 40' de longitude : on les trouva à la suite et dans l’ouest d’une longue côte que l’on avait prolongée depuis la baie des Assassins.

L’isle des Pylstaarts (ou des Canards sauvages), par 22° 35' de latitude, et 204° 15' de longitude ; isle haute et escarpée, de deux ou trois lieues de tour.

L’isle d’Amsterdam, par 21° 20' de latitude, et 225° 9' de longitude, isle basse et plate, dont les habitans se montrèrent hospitaliers et bienfaisans. (C’est l’isle Tongataboo de Cook, une des isles des Amis).

L’isle de Middleburg, isle haute et habitée, au sud-est d’Amsterdam. (C’est l’Éooa de Cook).

Uitardam, Namokoki et Rotterdam, isles habitées et cultivées, par 20° 15' de latitude, et 206° 19' de longitude. (Les insulaires donnent à la dernière le nom d’Annamooka que Cook lui a conservé).

Les isles du Prince-Guillaume, et les bas-fonds de Heemskirck, par 17° 19' de latitude, et 201° 35' de longitude : ce sont dix-huit ou vingt petites isles, environnées de ressifs et de bas-fonds.

les isles d’Ontong-Java, par 5° 2' de latitude, et suivant l’estime, à quatre-vingt-dix milles, ou lieues hollandaises, de la partie de la nouvelle Guinée, nommée aujourd’hui nouvelle Irlande : c’est un groupe de vingt-deux petites isles.

Les isles de Marck, à trois journées des précédentes. (C’est un autre groupe de quatorze ou quinze petites isles habitées, et qui avaient déjà été vues par le Maire et Schouten).

Les isles Vertes, à quatre journées des précédentes, et une journée avant que d’arriver à l’isle de Saint-Jean.

L’isle de Saint-Jean.

Le cap Sainte-Marie, à la côte orientale de la nouvelle Guinée (aujourd’hui nouvelle Irlande), par 4° 30' de latitude, et 171° de longitude.

De là, route au nord-ouest, le long de la côte de la nouvelle Irlande, passant les isles d’Antoine Cave, de Garet Dennis, etc. puis au sud et à l’ouest, le long des côtes septentrionales de la nouvelle Guinée.

Toutes les terres et isles vues dans ce voyage ont été reconnues de notre temps, et trouvées dans la position qui leur avait été assignée par Tasman ; on les a placées sur la carte d’après les routes et les observations des navigateurs modernes.

7. Voyage de Roggewein[22] (année 1722). De l’isle de Juan Fernandez, Roggewein fit voile à l’ouest-nord-ouest, dans le dessein de reconnaître la terre de Davis, qu’il ne trouva pas. Il découvre :

L’isle de Pâque, par 27° 4' de latitude sud, et 265° 42' de longitude orientale du méridien de Ténériffe, suivant l’auteur des Vies des gouverneurs de Batavia ; ce qui répond à 113° 18' de longitude à l’ouest du méridien de Paris : isle habitée, de seize lieues hollandaises de circuit, et remarquable par des statues ou figures colossales élevées en grand nombre sur ses côtes ; (elle a été reconnue depuis par Cook, qui l’a trouvée par 27° 5' de latitude, et 112° 6' de longitude à l’ouest de Paris, et qui l’a nommée Easter ou Pâque : elle a été vue aussi en 1770, par les Espagnols, qui la placent par 27° 6' de latitude, et 268° 19' de longitude, méridien de Ténériffe, ce qui répond à 110° 41' de notre longitude, à l’ouest de Paris ; ces derniers lui ont donné le nom de San-Carlos.)

Charls-Hof, ou cour de Charles, par 15° 45' de latitude sud, et après huit cents lieues de course depuis l’isle de Pâque. (Suivant la relation française de ce voyage, c’est une petite isle rase, avec une espèce de lac dans l’intérieur. Roggewein crut que c’était l’isle des Chiens de le Maire et Schouten, et la relation hollandaise ne lui assigne ni latitude ni longitude : on l’a placée sur la carte relativement à sa distance des isles Pernicieuses, qui en sont à douze lieues à l’ouest, et dont la position est aujourd’hui connue).

Les isles Pernicieuses, par 14° 41' de latitude sud, et à douze lieues hollandaises à l’ouest de Charls-Hof : ce sont quatre isles basses et peuplées, qui ont depuis quatre jusqu’à dix lieues de tour. (Roggewein y perdit un vaisseau, ce qui fit donner le nom de Pernicieuse à l’une de ces isles : deux autres furent appelées les deux Frères, et une autre la Soeur ; il y resta cinq hommes de l’équipage, qui désertèrent et qu’on abandonna. On a lieu de croire que ces isles sont les mêmes que celles de Palliser, découvertes par Cook, dans son second voyage, et c’est l’opinion des navigateurs anglais. voyez le second Voyage de Cook, tome I, page 315 et suivantes de l’original).

L’isle Aurore, à huit lieues des isles Pernicieuses, du côté de l’ouest ; petite isle de quatre lieues de tour, qui n’a point encore été reconnue.

L’isle de Vesper ou du Soir, isle basse, de douze lieues de tour, découverte le même jour que l’isle Aurore, et qui est également inconnue aujourd’hui.

Le Labyrinthe, groupe d’isles, au nombre de six, d’un aspect charmant, et qui ont ensemble près de trente lieues d’étendue : elles sont à vingt-cinq lieues à l’ouest des isles Pernicieuses. (La relation hollandaise ne nomme pas le Labyrinthe, mais une isle inaccessible, qu’elle place par 15° 17' de latitude sud. On a lieu de croire que ce sont les isles vues depuis par le commodore Byron, et qu’il a nommées isles du prince de Galles).

La Récréation, par 15° 47' de latitude sud, suivant la relation hollandaise, ou 16° 0' suivant la relation française ; isle habitée, de douze lieues de tour, élevée, et couverte de grands arbres : on y trouva des rafraîchissemens. (On l’a placée sur la carte par 155° 20' de longitude à l’ouest de Paris, en prenant le milieu des différences en longitude entre cette isle, celle de Pâque, et la nouvelle Bretagne ou nouvelle Irlande, telles qu’elles résultent de la carte qui accompagne l’édition hollandaise de ce voyage. Cette isle n’a point encore été reconnue).

Les isles de Bauman, par 15° de latitude sud, suivant la carte hollandaise citée ci-dessus, et par 12° suivant la relation française : ce sont plusieurs isles de dix, quinze et vingt lieues de circuit, qui ont d’excellens mouillages et des habitans doux et pacifiques. (On les a placées sur la carte par 15° de latitude, conformément à la carte hollandaise, et vers 173° de longitude à l’ouest de Paris, d’après la différence en longitude que la même carte hollandaise fournit entre ces isles et la nouvelle Bretagne).

L’isle Solitaire, nommée isle Single sur les cartes anglaises, par 13° 41' de latitude, suivant la relation hollandaise, et à une journée et demie à l’ouest des isles Bauman, ou à environ trente lieues. (Elle parut sous la forme de deux isles, et l’on conjectura que c’étaient les isles des Cocos et des Traîtres, de Le Maire et Schouten. La différence de latitude ne permet pas d’adopter cette opinion).

Tienhoven et Groningue, deux isles considérables, vues quelques jours après avoir quitté l’isle Solitaire. On côtoya Tienhoven pendant un jour entier, sans en voir la fin : elle parut s’étendre en demi-cercle vers Groningue. La relation hollandaise ni sa carte ne font point mention de ces deux isles, et la relation française qui en parle, n’indique ni leur latitude ni leur distance à d’autres terres, de sorte qu’il n’est pas possible de leur assigner une place sur la carte.

29. Nouvelle Calédonie. Il ne paraît pas que les anciens navigateurs ayent eu connaissance de cette isle. On renvoie M de la Pérouse aux détails qu’en a donnés le capitaine Cook, qui en a fait la découverte dans son second voyage. voyez le second Voyage, tome II, page 103 et suivantes de l’original, et la carte qui est relative à sa découverte.

30. Isle Sainte-Croix de Mendana, découverte dans son second voyage, en 1595 ; ou isles d’Egmont et de La Reine-Charlotte, visitées par Carteret en 1767. Voyez les Navigations aux terres australes, du président de Brosses, tome I, page 249 et suivantes ; – An historical Collection de Dalrymple, tome I, page 57 et suivantes, et page 185 ; – Découvertes dans la mer du Sud, traduites de l’anglais de Dalrymple, par Fréville, page 131 ; – Collection d’Hawkesworth (Voyage de Carteret), tome I, page 568 et suivantes de l’original.

31. Tierra del Espiritu-Santo de Quiros, en 1606, terre du Saint-Esprit ; ou grandes Cyclades de Bougainville, en 1768, et nouvelles Hébrides de Cook, en 1774. Voyez Navigations aux terres australes par de Brosses, tome I, p. 306 et suivantes ; tome II, page 243, et page 348 et suivantes ; – An historical Collection, etc. de Dalrymple, tome I, page 95 et suivantes, et page 203 ; et page i des Data ; – Découvertes dans la mer du Sud, page 201 et suivantes, et page 427 ; – Voyage de Bougainville, page 242 et suivantes ; – Second voyage de Cook, tome II, page 23 et suivantes de l’original, et la carte des nouvelles Hébrides, tome II, page 25 ibid.

Toute cette partie a été placée sur la carte du grand Océan équatorial, d’après le journal et les observations du capitaine Cook.

32. Terre des Arsacides, découverte par Surville en 1769.

Surville[23] eut la première vue de ces terres le 7 octobre 1769 ; elles lui parurent très-élevées et couvertes de bois. Au moment de la découverte, la latitude du vaisseau était de 6° 57’ sud, et sa longitude estimée, de 152° 28’ à l’orient de Paris : mais cette longitude corrigée sur celle de la nouvelle Zélande, déterminée par le capitaine Cook, et où Surville aborda par la suite, devait être de 153° 45’ au point de son attérage, qui est de quelques lieues seulement dans le nord-ouest de son port Praslin.

Il longea la côte dans la direction de l’est-sud-est, et trouva un port formé par un assemblage d’isles, où il mouilla, et qu’il nomma port Praslin . Il avait rencontré sur sa route, depuis son attérage jusqu’à ce port, un grand nombre de petites isles qui paraissaient, à la première vue, faire partie du continent, mais qu’il reconnut ensuite pour être des isles distantes d’environ trois lieues de la grande terre[24] ; le vendredi 13, il mouilla dans le port Praslin, dont il nous a donné un plan[25] : les isles qui le forment sont couvertes d’arbres, et la haute mer inonde ces terres en partie.

Les naturels du pays annoncèrent une grande défiance ; et après avoir fait entendre par signes, qu’on pouvait faire de l’eau à un endroit qu’ils indiquaient dans le fond du port, ils y attirèrent les Français pour les faire tomber dans une embuscade. Il y eut un combat assez vif, lorsque les gens de Surville se rembarquèrent dans leurs canots ; plusieurs furent blessés ; et on fut obligé de tuer trente ou quarante sauvages.

Les peuples qui habitent ces terres sont en général de l’espèce des nègres ; ils ont les cheveux laineux et noirs, le nez épaté, et de grosses lèvres. Ils poudrent leur tête avec de la chaux qui, sans doute, brûle leurs cheveux, et les fait paraître roux : l’usage de se poudrer a été aussi observé par M. de Bougainville parmi le peuple qui habite la baie de Choiseul à la côte occidentale-septentrionale de ces mêmes terres. Ils ont pour ornemens des bracelets de coquillages ; ils portent des coquilles entières autour du cou, et des ceintures de dents d’hommes (sans doute celles de leurs ennemis qu’ils ont faits prisonniers à la guerre) ; la plupart ont les oreilles et le cartilage du nez percés d’un grand trou, et y portent des paquets de fleurs. Leurs armes sont des lances de huit à neuf pieds de longueur, des massues ou casse-têtes de même matière, des arcs et des flèches de roseaux, de quarante ou quarante-quatre pouces de long, dont la pointe est armée d’un os tranchant : ils portent un bouclier fait de joncs et d’écorce d’arbre, de deux ou trois pieds de long sur un de largeur. Leurs pirogues sont très-légères, et ont depuis quinze et vingt-cinq, jusqu’à soixante-cinq pieds de longueur. Les coutures en sont recouvertes d’une espèce de brai ou mastic qui les rend impénétrables à l’eau.

Surville ne put obtenir aucun rafraîchissement de ces peuples. Il s’empara seulement d’un jeune sauvage de treize à quatorze ans, qu’il destina à lui servir d’interprète dans la suite de ses découvertes.

Il quitta le port Praslin le 21 octobre, et continua de naviguer le long de ces terres, vers l’est-sud-est, et ensuite vers le sud-est. Dans plusieurs endroits, il perdait de vue la côte, et n’apercevait aucune terre au-delà dans ces intervalles. Il en conclut, avec fondement, que ces ouvertures ou lacunes indiquent ou des baies, des golfes très-profonds, ou des canaux qui, divisant ces terres en plusieurs isles, en forment un archipel. Plusieurs pirogues, sur sa route, se détachèrent de la côte et vinrent à son bord. Il fit quelques petits présens aux sauvages qui les montaient ; mais partout il trouva des marques de la plus grande défiance. Ces peuples sont grands voleurs, comme tous les habitans des isles du grand Océan équatorial.

Surville observa que le jeune indien qu’il avait amené du port Praslin, ne pouvait se faire entendre des habitans de la côte ; qu’il en avait même grande frayeur : ce qui fit juger à Surville que ces terres sont fort étendues, et que les peuples des différentes isles de cet archipel n’ont de communication entre eux que pour se faire la guerre.

Quand il fut parvenu à l’isle qu’il nomma de la Contrariété, située à environ 4° et demi à l’est et 2° au sud du port Praslin, il trouva des peuples semblables à ceux de ce port ; hommes robustes, absolument nus, de la taille de cinq pieds à cinq pieds et demi, ayant les cheveux laineux, et les poudrant avec de la chaux : mêmes ornemens, mêmes armes. Ceux-ci montèrent à bord avec hardiesse, acceptèrent tout ce qu’on leur donna, et tâchaient de voler ce qu’on ne leur donnait pas. Le pays, dans cette partie, parut très-agréable ; et l’odeur des plantes aromatiques, qui parvenait jusqu’au vaisseau, fit regretter à Surville de ne pouvoir aborder dans un golfe qu’il suppose à l’ouest des isles qu’il a nommées les trois Soeurs.

Lorsqu’il fut parvenu à 11° 7' de latitude sud et à 159° à l’orient de Paris, il découvrit un gros cap précédé de deux petites isles, et, de ce point, il voyait les terres s’étendre et fuir dans l’ouest et le sud-ouest. Comme il n’en aperçut plus aucune au-delà de ce cap, et qu’il était pressé de trouver une mer libre, il nomma les isles qu’il voyait, isles de la Délivrance, et le cap, cap oriental des Arsacides. Le 8 novembre, il avait perdu toute terre de vue.

Tel est le précis de la découverte de Surville, à laquelle se lie une terre vue par M. de Bougainville, qui est la partie nord-ouest de la terre des Arsacides. Voyez son Voyage, page 264 et suivantes.

On doit consulter aussi la relation que Figueroa nous a donnée[26] des découvertes de Mendana dans son premier voyage, en 1567. Il y a tout lieu de penser, d’après des combinaisons et des rapprochemens multipliés, que les isles Salomon, découvertes à cette époque par Mendana, sont les mêmes qui ont été retrouvées par Surville, en 1769.

M. de la Pérouse trouvera dans la collection de cartes manuscrites qui lui a été remise, une carte des découvertes modernes dans cette partie, sur laquelle on a essayé de figurer les découvertes de Mendana, telles qu’on peut les tracer d’après les descriptions données par Figueroa, Herrera, et autres historiens espagnols qui ne sont point d’accord entre eux sur l’étendue particulière des différentes isles, ni sur leurs positions relatives : mais il suffisait de montrer l’identité présumée des découvertes de Mendana et de celles de Surville ; et l’on est persuadé que les recherches que M. de la Pérouse doit faire dans cette partie, établiront comme une vérité ce qui n’est présenté ici que comme une vraisemblance.

33. Terres de La Louisiade, découvertes en 1768, par M. de Bougainville.

ces terres étaient inconnues avant cette époque. On avait seulement une relation très-confuse d’une découverte faite en 1705, à la côte septentrionale de ces terres, par l’yacht hollandais le Geelvinck (ou le Pinson jaune).

Ces terres sont tracées sur la carte n°. 9.

Voyez, pour la Louisiade, le Voyage de M. de Bougainville, page 255 et suivantes ; et pour la relation du Geelvinck[27], les Navigations australes du président de Brosses, tome II, page 444.

34. Détroit de l’Endeavour, entre la nouvelle Hollande et la nouvelle Guinée.

Voyez la Collection de voyages autour du monde, d’Hawkesworth, tome III, page 610 et suivantes (premier Voyage de Cook).

Il paraît que Torrez, qui commandait un des bâtimens de la flotte de Quiros, en 1606, est le premier navigateur qui ait passé entre la nouvelle Hollande et la nouvelle Guinée.


Voyez la relation des voyages de Quiros, dans les auteurs cités dans ces notes.

35. Côtes septentrionales et occidentales de la nouvelle Hollande.

On ne peut rien offrir qui soit authentique ou suffisamment détaillé pour cette partie de la plus grande isle du monde.

On renvoie M. de la Pérouse aux Voyages de Dampier, pour la côte septentrionale, dont ce navigateur exact a reconnu quelques points ; et aux Navigations aux terres australes, du président de Brosses, tome II, page 438, pour la côte septentrionale et occidentale, et tome I, page 426 et suivantes , pour les découvertes des Hollandais à la nouvelle Hollande.

On a joint au recueil de cartes manuscrites remis à M. de la Pérouse, une copie de celle qui est citée par le président de Brosses, et qui contient la reconnaissance faite par les Hollandais, d’une partie de la côte occidentale. On y a ajouté des sondes et des détails tirés des journaux des navigateurs anglais qui l’ont visitée plus récemment.

36. Terre méridionale de Van-Diemen, partie du sud de la nouvelle Hollande.

Voyez, dans la relation du second voyage du capitaine Cook, ce qui a été dit par Furneaux, qui la visita dans le mois de février 1773. (Tome I, page 107 et suivantes de l’original.)


Voyez aussi le troisième Voyage du capitaine Cook, tome I, page 91 de l’original.

37. Isle de la nouvelle Zélande. Cette terre avait été découverte en 1642, par Abel Tasman, Hollandais : mais comme les détails qu’il en a donnés sont très-peu circonstanciés, il serait inutile de les rapporter ; et les Voyages du capitaine Cook ne laissent rien à désirer sur cette partie.

Voyez la Collection d’Hawkesworth, tome II, page 281 et suivantes de l’original (Voyage de Cook) ; – Second Voyage du capitaine Cook, tome I, page 69 de l’original ; ibidem, page 225 et suivantes ; tome II, page 146 et suivantes ; – Troisième Voyage de Cook, tome I, page 118 et suivantes de l’original.

On trouve dans ces ouvrages, indépendamment des observations astronomiques et nautiques, et des descriptions, toutes les cartes et plans particuliers qui ont été levés par les navigateurs anglais.

38. Isles Marquises de Mendoça, découvertes en 1595, par Alvar Mendana, Espagnol. Voyez la note 28, au second Voyage de Mendana.

Ces isles ont été retrouvées en 1774, par le capitaine Cook, et l’on ne peut que renvoyer à sa relation pour tout ce qui concerne leur description et leur position géographique. (Second Voyage de Cook, tome I, page 297 et suivantes de l’original).


39. Isles de la Nublada, Rocca-Partida et autres, dans l’est-sud-est des isles Sandwich.

On croit que Juan Gaëtano, Espagnol, est le premier navigateur qui ait eu connaissance de ces isles, en 1542.

Il était parti de Porto-Santo, près le port de la Nativité, côte du Mexique, par environ 20° de latitude nord.

Il découvrit successivement les isles de la Nublada, Rocca-Partida, et, à deux cents lieues dans l’ouest de cette dernière, un bas-fond, par 13 ou 14° de latitude nord, sur lequel il ne trouva que sept brasses d’eau. En continuant sa route à l’ouest, il rencontra quelques autres isles qui sont à l’occident de celles de Sandwich. (Raccolte di navigationi e viaggi da Ramusio, tome I, page 375 verso.)

Les isles découvertes par Gaëtano, ont été placées, sur la carte du grand océan équatorial remise à M. de la Pérouse, d’après celle du voyage d’Anson, qui lui-même avait copié celle qu’il trouva à bord du galion de Manille, quand il s’en empara.

40. Isles de Sandwich, découvertes par le capitaine Cook, dans son troisième voyage, en 1778.

Quoique les routes des galions d’Espagne ayent dû mettre ces vaisseaux à portée de reconnaître des isles situées entre le 19e et le 20e parallèle au nord, il ne paraît pas que, dans aucun temps, les Espagnols en aient eu connaissance. Elles offraient une excellente relâche à leurs vaisseaux qui commercent d’Asie en Amérique, par le grand océan équatorial ; et il n’est pas à présumer qu’ils eussent négligé de se procurer un établissement sur des isles situées si avantageusement pour la communication des deux continens.

Nous devons au capitaine Cook et au capitaine King, tous les détails que nous possédons sur ces isles.

Voyez le troisième Voyage de Cook, tome II, page 190 et suivantes, 525 et suivantes, et page Ière et suivantes du tome III de l’original.

Grand océan boréal[modifier]

41. Côtes du nord-ouest de l’Amérique, depuis le port de Monterey, situé vers 36° 42' de latitude nord, jusqu’aux isles Aleutiennes.

En 1769 et 1770, les Espagnols firent visiter le port de Monterey, ainsi que celui de S. Diego, qui est plus au sud : ils y élevèrent de petits forts, et y formèrent une espèce d’établissement, dans la crainte que quelque puissance étrangère ne portât ses vues sur des côtes qui, quoiqu’elles fussent voisines des possessions de la couronne d’Espagne, semblaient ne pas lui appartenir.

L’expédition fut ordonnée par le marquis de Croix, vice-roi de la nouvelle Espagne, préparée par don Joseph de Galvez, intendant de l’armée, visiteur général du royaume, et exécutée par Gaspar de Portola, capitaine de dragons, commandant les troupes, et par les paquebots le San-Carlos et le San-Antonio, commandés par don Vicente Vila, pilote de la marine royale, et don Juan Perez, pilote pour la navigation des Philippines. Le journal de ce voyage a été imprimé en espagnol, à l’imprimerie du gouvernement de la nouvelle Espagne.

On y lit que la constance des vents de nord et de nord-ouest, qui règnent au nord de la Californie pendant presque toute l’année, oppose de grandes difficultés aux bâtimens qui veulent remonter les côtes du nord-ouest de l’Amérique.

À en juger par la relation, le pays au nord de la presqu’isle de Californie est assez fertile, et les naturels en sont fort traitables.

Les Espagnols consumèrent plus d’une année à retrouver le port de Monterey, quoiqu’ils dussent bien en connaître la position, puisqu’il avait été découvert, en 1602, par le général Viscaino, commandant une escadre que Philippe III avait fait armer pour découvrir et reconnaître les côtes au nord de la Californie. Après des fatigues infinies, et des recherches très-longues par mer et par terre, ils parvinrent enfin à le découvrir de nouveau en 1770, à peu près sur le parallèle que Viscaino avait indiqué dans la relation de ses découvertes.

Suivant les observations faites par les espagnols en 1770, le port de Monterey est situé à 36° 40'[28] de latitude, immédiatement au nord de la chaîne de montagnes (ou sierra) de Santa Lucia. C’est une vaste baie, assez semblable à celle de Cadix : on y mouille sur quatre, six et huit brasses d’eau, selon qu’on laisse tomber l’ancre plus près ou plus loin de la côte : le fond y est de sable fin, et la tenue très-bonne.

Quelques années se passèrent sans que l’Espagne s’occupât de faire poursuivre les découvertes au nord. L’entrée et les courses successives de plusieurs vaisseaux anglais dans le grand océan, réveillèrent enfin son attention ; et en 1775, le vice-roi du Mexique, don Antonio-Maria Bucarelli, ordonna une expédition pour continuer la reconnaissance des côtes du nord-ouest de l’Amérique, jusqu’au 65e degré.

On employa trois petits bâtimens dans cette entreprise, qui fut confiée à don Juan de Ayala. M. Daines Barrington a traduit en anglais, et a fait imprimer dans ses miscellanies (London, 1781, in-4o) le journal de don Francisco-Antonio Maurelle, pilote du second bâtiment commandé par don J.F. de la Bodega : c’est de la traduction de M Barrington, qu’on a tiré l’extrait qu’on va donner du voyage des Espagnols.

Ils firent voile du port de San-Blas[29], le 17 mars 1775 : ils furent contrariés dans les premiers temps de leur navigation ; et le 21 mai, après avoir pris les avis des principaux officiers de la petite flotte, il fut décidé qu’on s’élèverait jusqu’au 43e degré de latitude, plutôt que de relâcher au port de Monterey. Les avis s’appuyaient sur l’espoir de trouver à cette hauteur l’entrée de Martin d’Aguilar[30], découverte en 1603, où l’on pourrait faire de l’eau et radouber les bâtimens. (Quelques cartes placent cette entrée par 45 degrés).

Le 7 juin, par 41° 30' de latitude, quoiqu’étant encore à une distance considérable de la terre, ils distinguèrent une longue partie de côte, qui s’étendoit du sud-ouest au nord-est ; le calme les empêcha d’en approcher.

Le 8, ils aperçurent la terre beaucoup plus clairement, à neuf lieues de distance ; les courans, d’après leurs observations, les avaient portés dans le sud, de 29 minutes en vingt-quatre heures.

Le 9, ils entrèrent dans un port qu’ils nommèrent port de la Trinité, situé à 41° 7' de latitude observée, et à 19° 4' à l’occident de San-Blas.

Les Espagnols font un grand éloge du pays et de ses habitans. Ces américains se peignent le corps en noir et en bleu, et ils ont à peu près les mêmes usages et les mêmes armes que ceux dont on trouve la description dans la relation du troisième voyage du capitaine Cook, lorsqu’il visita la côte du nord-ouest de l’Amérique.


On n’a point eu communication du plan de ce port ; mais le journal annonce qu’il a été levé par don Bruno Heceta, J. F. de la Bodega, et l’auteur de la relation, François-Antoine Maurelle. Il y est dit que, quoique le port soit représenté comme ouvert, on doit cependant entendre qu’il est à l’abri du sud-ouest, ainsi que du nord-nord-est et de l’est.

À la partie occidentale, est une montagne de cinquante brasses d’élévation, attenante au continent du côté du nord, où l’on en voit une autre de vingt brasses ; l’une et l’autre présentent un abri sûr, non-seulement contre les vents, mais même contre l’ennemi.

À l’entrée du port est une petite isle, d’une hauteur considérable, absolument nue ; et les deux côtés de la côte sont bordés de rochers élevés, qui offrent un débarquement facile, les vaisseaux pouvant les accoster de si près, qu’il est possible de communiquer avec une échelle, de la terre aux bâtimens. Près de la plage, sont plusieurs petits rochers, qui mettent le vaisseau qui est à l’ancre, à couvert du sud-est et du sud-ouest.

Les marées y sont aussi réglées que dans les mers et sur les côtes d’Europe.

Les Espagnols, pendant leur séjour, essayèrent de remonter en canot une rivière qui coule du nord-est au sud-ouest, et qu’ils avaient découverte du sommet de la montagne : ils reconnurent que son embouchure est plus large que ne l’exige l’écoulement de ses eaux qui se perdent dans les sables sur les deux côtés, et ils ne purent y entrer de mer basse ; ils la côtoyèrent à pied l’espace d’une lieue ; elle leur parut avoir par-tout vingt pieds de large sur cinq de profondeur. Ils la nommèrent rio de las Tortolas (rivière des Tourterelles)[31], parce qu’à leur arrivée, ils aperçurent une grande quantité de ces oiseaux, ainsi que d’autres de différentes espèces.

Ils trouvèrent quelques plantes et quelques fruits sur les bords des montagnes et dans le voisinage du port.

Ils quittèrent la Trinité le 19 juin, avec un vent de nord-ouest, qui avait régné pendant tout leur séjour dans ce port.

Il paraît qu’un des officiers embarqués sur la flotte, don Juan Perez[32], avait déjà été employé dans des découvertes au nord, dont on n’a pas connaissance : car, soit qu’il fût présent sur la flotte, ce qu’on peut conclure de quelques particularités de la relation, soit qu’on y possédât seulement son journal, on voit que son avis est cité comme devant être d’un grand poids. Il rapportait qu’il avait eu des vents de sud et de sud-est avec lesquels il avait sans peine prolongé la côte à des latitudes élevées. Son opinion était qu’on ne devait pas s’en approcher avant d’être parvenu au 49e degré ; et don Maurelle, auteur de la relation que nous extrayons, est de son avis.


Le 9 juillet, les Espagnols s’estimaient par la latitude de 47° 40', qui, suivant les cartes françaises qu’ils ont trouvées très-défectueuses dans cette partie par le manque de matériaux authentiques, est la latitude d’une entrée ou rivière qu’on dit avoir été découverte par Juan de Fuca, en 1592. Ils s’aperçurent que la mer était colorée, comme elle le paraît à la sonde d’une côte : ils virent en même temps plusieurs poissons rouges de vingt pieds de long, et des oranges de mer (espèce de plante marine qu’on croit être le bonnet flamand) ; tout leur fit juger qu’ils ne devaient pas être loin de la terre.

Le 11, ils en eurent la vue à douze lieues.

Le 12 au soir, ils n’en étaient plus qu’à une lieue de distance. Ils distinguaient plusieurs îlots, et des montagnes couvertes de neige ; ils virent aussi une petite isle stérile, d’une demi-lieue de tour, qu’ils nommèrent isle de Dolores. Dans cette position, ils s’estimaient à 47° 39' de latitude, et à 21° 53' à l’ouest du méridien de San-Blas.

Le 13, ils mouillèrent à la côte, par trente brasses de fond, à deux lieues et demie de distance de la terre, pour attendre un des bâtimens qui était resté de l’arrière : latitude 47° 28', et 21° 34' à l’ouest de San-Blas.

Ils remirent à la voile le soir ; et quand les bâtimens furent réunis, ils mouillèrent de nouveau, sur huit brasses, par 47° 21' de latitude, et 21° 19' à l’occident de leur méridien de départ.

Les naturels du pays parurent en grand nombre dans des pirogues, et vinrent à bord des vaisseaux espagnols. On échangea les pelleteries qu’ils apportaient, contre des ouvrages de cuivre et des morceaux de ce métal dont ils paraissaient faire le plus grand cas : ils le désignaient en montrant les femelots du gouvernail.

Les Espagnols voulurent mettre à terre pour faire de l’eau et du bois ; mais les américains, qui s’étaient mis en embuscade, en blessèrent plusieurs, et du côté des indiens il y en eut un grand nombre de tués.

Les Espagnols remirent à la voile ; les vents continuèrent à souffler du nord-ouest et nord.

Le premier août, brume épaisse : ils s’éloignèrent de la côte.

Le 5, vent de sud-ouest.

Le 13, changement de couleur dans les eaux ; beaucoup d’oranges de mer, beaucoup d’oiseaux.

Les signes de terre se multiplièrent encore le 14 et le 15. On s’estimait alors par 56° 8' minutes de latitude, à cent cinquante-quatre lieues[33] à l’ouest du continent, et à soixante lieues seulement d’une isle qui était marquée (dit le journal) sur la carte des espagnols, et que Maurelle désigne comme étant la partie la plus avancée d’un archipel situé sur le même parallèle. Il paraît qu’il s’agit ici de la carte particulière de don Juan Perez[34], qui, comme on l’a dit, avait déjà fait un voyage au nord ; mais nous n’avons aucune autre connaissance de cette isle. Il n’est pas dit dans le journal si elle était dans l’ouest ou dans l’est du vaisseau. Il est cependant très-vraisemblable que Maurelle a voulu parler de quelque isle voisine de la presqu’isle d’Alaska, telle que l’isle de la Trinité de Cook, et qu’il considérait Alaska et toutes les isles qui l’avoisinent, comme formant un archipel. Cette opinion paraissait être celle des russes avant que les découvertes de Cook eussent porté la lumière sur cette partie de l’Amérique.

Le 16, à midi, les espagnols découvrirent la terre dans le nord-ouest ; et peu de temps après, elle parut ouverte au nord-est, et elle présentait à la vue plusieurs caps, et plusieurs montagnes, parmi lesquelles on en distinguait une qui dominait toutes les autres : elle est d’une élévation immense (dit l’auteur du journal), elle porte sur un cap avancé, et sa forme est la plus belle et la plus régulière qu’on ait jamais vue ; elle est séparée et détachée de la chaîne des autres montagnes. Son sommet était alors couvert de neige ; au-dessous étaient quelques grands espaces nus, qui s’étendaient jusqu’au milieu de ses flancs ; et de cette hauteur jusqu’au pied, sa surface était couverte d’arbres de la même espèce que ceux qu’on avait vus au port de la Trinité (des pins).

Les Espagnols imposèrent à cette isle le nom de San-Jacinto (saint-Hyacinte) ; et le cap par lequel elle se termine du côté de la mer, fut nommé del Enganno (de la Tromperie). Le journal place la montagne et le cap par 57° 2' de latitude, et l’auteur ajoute que, par deux observations, répétées à la distance d’un mille, on a conclu qu’ils étaient à 34° 12' à l’ouest du méridien de San-Blas ; mais il laisse ignorer de quels moyens on s’est servi pour faire des observations de longitude. C’est cependant de la position de ce cap, qu’on a déduit, ainsi qu’il l’annonce, toutes celles des autres points de la côte, telles qu’on les a rapportées sur la carte du voyage qui accompagne le journal. (M Barrington, qui s’était procuré une copie de la relation qu’il a traduite, n’a pu avoir communication de cette carte.)

Le 17 août, un petit vent de sud permit aux Espagnols d’entrer dans une baie située à 57° 11' de latitude, et à 34° 12' à l’ouest de San-Blas. Cette baie est ouverte de trois lieues à son entrée, et elle est couverte du côté du nord, par le cap del Enganno. Sur le côté opposé à ce cap, ils découvrirent un port dont l’entrée a plus d’une lieue d’ouverture, et qui est à l’abri de tous les vents, excepté de ceux qui soufflent de la partie du sud. Ils contournèrent la baie à une très-petite distance de la côte, et ne trouvèrent jamais moins de cinquante brasses d’eau ; mais les montagnes se prolongeant jusqu’au rivage, ils ne purent découvrir aucune plage, aucun endroit propre au débarquement. Ils distinguèrent cependant une petite rivière ; mais comme il était nuit, ils ne purent la reconnaître de près, et laissèrent tomber l’ancre par soixante-six brasses d’eau, fond d’argile.

Ils nommèrent cette baie de Guadalupa (de la Guadeloupe).

Quand ils en appareillèrent, le 18, ils virent deux canots montés chacun de quatre Américains, deux hommes et deux femmes, qui ne parurent pas vouloir s’approcher des vaisseaux, et se contentèrent de faire des signes aux Espagnols pour les engager à venir à terre.

Ceux-ci continuèrent leur route en longeant la côte avec un vent de nord-ouest, jusqu’à neuf heures du matin qu’ils entrèrent dans un autre port moins large que le précédent, mais dont les environs semblaient offrir plus de ressources aux navigateurs : il s’y jette une rivière de huit à dix pieds de largeur ; et une chaîne continue de hautes isles fort rapprochées les unes des autres, met le port à l’abri de presque tous les vents. Ils y mouillèrent par dix-huit brasses d’eau, fond de sable, à une portée de pistolet de la côte : ils virent sur le bord de la rivière une maison élevée, et un parapet en bois, soutenu par des pieux fichés en terre ; ils y distinguèrent dix Indiens, sans compter les femmes et les enfans.

Ils nommèrent ce port de los Remedios (des Remèdes), et le trouvèrent situé par 57° 18' de latitude, et à 34° 12' à l’ouest du méridien de San-Blas.

Ils plantèrent une croix à terre, en taillèrent une autre dans le roc, et firent la cérémonie de prendre possession du pays, conformément à leurs instructions.

Ils choisirent ensuite et marquèrent une place pour y faire de l’eau et du bois.

Pendant toutes ces opérations, les Américains ne quittèrent point leur parapet ; mais dès que les Espagnols se furent retirés, les Indiens arrachèrent la croix que les premiers avaient dressée, vinrent la planter de la même manière devant leur maison, et firent signe, en ouvrant et étendant leurs bras, qu’ils avaient pris possession de la croix.

Le 19, les Espagnols étant descendus à terre pour faire leur eau et leur bois, les Américains se montrèrent aussitôt sur l’autre bord de la rivière ; ils étaient sans armes, et portaient une feuille blanche au haut d’une perche. Les Espagnols leur firent signe qu’ils n’étaient venus que pour faire de l’eau : alors le chef des Indiens, jugeant que ce signe voulait dire qu’ils étaient altérés, s’avança jusqu’au milieu de la rivière, tenant à la main une coupe remplie d’eau et quelques poissons séchés qui furent reçus par un des Espagnols, et présentés par lui à leur commandant, qui envoya en échange aux Américains des grains de verre et quelques morceaux d’étoffes. Ceux-ci témoignèrent que ces présens ne leur plaisaient point ; ils insistèrent par signes pour qu’il leur en fût envoyé d’autres, et sur le refus des Espagnols, ils les menacèrent avec de longues lances armées à la pointe, d’une pierre aiguë. Les Espagnols se contentèrent de se tenir sur leurs gardes ; et quand les Indiens eurent connu qu’on ne voulait point les attaquer, ils se retirèrent.

On se procura l’eau et le bois dont on avait besoin.

L’embouchure de la rivière offre une pêche très-abondante ; le pays est couvert de pins, comme au port de la Trinité ; les habitans y sont vêtus de la même manière, et portent de même sur leurs cheveux, un bonnet qui leur couvre toute la tête. Les Espagnols jugèrent par diverses particularités, que les sauvages de cette contrée ont une sorte de civilisation.

Le froid était excessif, la pluie très-abondante et la brume des plus épaisses. Ils n’aperçurent jamais le soleil, pendant les trois jours qu’ils passèrent dans le port de los Remedios.

Ils le quittèrent le 21 août, et firent route dans le nord avec un vent de sud-est.

Le 22, latitude 57° 18'.

Ils s’élevèrent jusqu’au 58 e degré de latitude, en visitant la côte, où ils ne firent aucune découverte ; et ils jugèrent que tous les détroits ou entrées supposés n’existent point. La maladie faisait depuis quelque temps des ravages parmi les équipages ; et comme ses effets funestes augmentaient chaque jour, ils jugèrent impossible de pousser leurs recherches jusqu’à une latitude plus élevée, et abandonnant l’entreprise, ils firent route dans le sud-est.

Le 24 août, étant par 57° 17' de latitude, ils doublèrent un cap, et entrèrent dans une grande baie, d’où ils découvrirent un bras de mer dans le nord : ils y éprouvèrent un froid incommode ; mais la mer y était absolument tranquille, et les vaisseaux s’y trouvaient à l’abri de tous les vents. Le mouillage y est sûr ; et l’eau douce, soit par les rivières, soit par les lacs, y est très-abondante, et procure une grande quantité de poissons. Ils firent visiter cette baie par une des goëlettes, et ils laissèrent tomber l’ancre à l’entrée du bras de mer, par vingt brasses d’eau, fond de vase molle. Ce port fut nommé Bucarelli, du nom du vice-roi du Mexique : on y éprouva une température plus douce que par les latitudes moins élevées, et on attribua ce changement aux volcans qui se trouvent dans le voisinage de ce port, et dont on apercevait les feux pendant la nuit, quoiqu’on en fût à une distance considérable.

Les Espagnols prirent possession du pays au nom de sa majesté catholique, et ils s’y pourvurent d’eau et de bois.

Ils jugèrent par les ruines d’une cabane, et par d’autres marques, que la contrée était habitée ; mais ils ne virent aucun habitant.

Par deux observations faites à différens jours, ils fixèrent la latitude du port de Bucarelli à 55° 17', et sa longitude à 32° 9' à l’occident du méridien de San-Blas.

Les montagnes, dans les environs de ce port, sont couvertes d’arbres des mêmes espèces que ceux qu’on avait vus sur les parties moins septentrionales de la côte.

On apercevait dans le sud, à la distance de six lieues, une isle d’une hauteur moyenne, qu’on nomma isle de S. Carlos.

On remit à la voile le 29, avec un vent du nord, joli frais ; mais à midi, le calme survint, et l’on se trouva par le travers d’une isle stérile et très-basse ; elle est bordée de rochers à l’est et à l’ouest. On mouilla sur vingt-deux brasses d’eau, à environ deux lieues de distance de l’isle de S. Carlos.

Dans cette position, on découvrit, à la distance de quatre ou cinq lieues, un cap, qu’on nomma cap de Saint-Augustin.

À partir de ce cap, la côte se prolongeait si loin dans l’est, que la vue ne pouvait y porter. L’action des deux courans qui agissaient en cet endroit dans des directions absolument opposées l’une à l’autre, était si violente, qu’il ne fut pas possible d’y sonder ; et comme ces courans paraissaient suivre le cours des marées et en dépendre, on en conclut que l’ouverture qu’on apercevait dans les terres, pouvait être une rivière, ou que du moins cette entrée n’avait de communication qu’avec le grand Océan boréal.

Le cap Saint-Augustin est situé à environ 55° de latitude.

Comme la saison n’était point encore avancée, le zèle des espagnols se ranima ; et, dans la vue de remplir les intentions de sa majesté catholique exprimées dans leurs instructions, ils se déterminèrent à tenter de reprendre la route du nord.

Le 28 août, le vent était variable ; ils en profitèrent pour s’approcher de la côte, et ils y trouvèrent, comme ils le souhaitaient, des vents du sud-ouest.

Le 29 et le 30, vent au sud, variable vers le sud-ouest ; vent par rafales, mer haute jusqu’au ier septembre : on fut porté, dans cet intervalle, jusqu’à 56° 50' de latitude.

Dans les premiers jours de septembre, les vents furent variables ; mais le 6, ils se fixèrent au sud-ouest : on éprouva une violente tempête.

Le 7, les vents ayant passé au nord, on fit route pour rallier la terre par les 55 degrés de latitude ; les équipages étaient excédés de fatigue, et à peine, sur chaque bâtiment, se trouvait-il un seul homme qui pût travailler à la manoeuvre avec les officiers, qui étaient obligés de suppléer les matelots : on abandonna toute idée de poursuivre les découvertes au nord.

Le 11, par 53° 54' de latitude, on vit la terre à huit ou neuf lieues de distance : on s’en tint assez éloigné pour n’avoir point à craindre de s’y affaler, et cependant assez près pour n’en pas perdre la vue ; mais il fut impossible de faire aucune reconnaissance des côtes. Ce ne fut que par 47° 3' de latitude, que, naviguant à la distance d’un mille de la terre, on put distinguer les caps, les anses et les autres points remarquables, de manière à pouvoir les rapporter sur la carte qu’on dressait.

Le 20, on se retrouva à une demi-lieue de la côte, précisément au même point où l’on s’était trouvé le 13 juillet précédent ; mais on reconnut qu’il y avait une différence de dix-sept lieues (espagnoles) entre les longitudes estimées à ces deux époques.

Le 22, avec le vent au nord-ouest, on dirigea la route pour gagner le port de Monterey.

Le 24, on aperçut la terre à 45 degrés 27 minutes de latitude, et on navigua le long de la côte à la portée du canon. On mit en panne pendant la nuit, parce qu’on estima qu’on devait être par la latitude supposée de l’entrée de Martin D’Aguilar, dont on voulait vérifier l’existence et la position. Cette recherche fut continuée jusqu’au parallèle de 45° 50', et 20° 4' à l’occident de San-Blas. Parvenu à cette hauteur, et à cette longitude, on découvrit un cap ressemblant à une table ronde, qu’on nomma cap Mezari, au-delà duquel la côte court au sud-ouest. On apercevait dix petites isles, et on distinguait même quelques îlots presque à fleur d’eau, d’où l’on conclut que, si l’entrée ou rivière de Martin d’Aguilar existait dans cette partie, elle n’aurait pu échapper à la recherche qu’on en fit à une si petite distance de la côte : l’auteur du journal convient cependant que d’Aguilar avait indiqué la latitude de 43° pour l’entrée de sa rivière ; mais il observe que les instrumens dont cet ancien navigateur a dû faire usage, en 1603, ne pouvaient être que très-défectueux, et qu’il n’est pas permis de compter sur la latitude qu’il assignait à cette entrée. On pourrait supposer (ajoute-t-il) que d’Aguilar a indiqué une latitude trop nord, et que nous aurions pu trouver sa rivière par les 42° ou au-dessous ; mais on ne saurait l’espérer, puisqu’à cinquante minutes près, nous avons visité cette partie de la côte.

Les Espagnols, en revenant à Monterey, recherchèrent le port de Saint-François, et l’ayant trouvé à 38° 18' de latitude, ils entrèrent dans une baie abritée du nord et du sud-ouest, d’où ils distinguèrent l’embouchure d’une grande rivière, et un peu au-dessus, un grand port dont la forme est celle d’un bassin. Ils jugèrent que ce devait être le port de San-Francisco, que l’Histoire de la Californie place par 38° 4' ; mais l’agitation de la mer ne leur permit pas d’y entrer : ils doutèrent cependant, en l’examinant de plus près, que ce fût le port de San-Francisco, parce qu’ils n’y virent point d’habitans, et n’aperçurent pas les petites isles qu’on dit être à l’opposé de ce port. Dans cet état d’incertitude, ils laissèrent tomber l’ancre près d’une des deux pointes ou caps qui forment l’entrée du port, et ils nommèrent punta de Arenas (pointe de sable), celle des deux pointes près de laquelle ils mouillèrent, et qui est celle du nord.

Les naturels du pays se présentèrent bientôt sur les deux côtés du port, et le traversèrent d’une pointe à l’autre, dans leurs canots : deux des pirogues se détachèrent, et vinrent à bord des vaisseaux ; ceux qui les montaient apportaient et offrirent des plumes en aigrettes et en guirlandes, et une boîte remplie de graines d’un goût semblable à celui de la noix, qu’ils échangèrent contre des grains de verre, des miroirs, et des morceaux d’étoffes.

Ces indiens sont grands et forts : leur couleur est celle de tous les peuples de cette côte. Leurs procédés annonçaient de la générosité ; car ils ne paraissaient s’attendre à aucun retour pour les présens qu’ils offraient, et c’est ce que les Espagnols n’avaient encore trouvé chez aucune des peuplades qu’ils avaient eu occasion de visiter.

Les maladies avaient fait de trop grands progrès parmi les équipages, pour qu’on pût s’arrêter à examiner ce port, et à en prendre les sondes ; et comme on ne pouvait se persuader que ce fût le port de San-Francisco, il fut nommé port de la Bodega.

On ne peut douter que ce port ne soit le même que Drake avait découvert le 17 juin 1579, et dont il indiqua la latitude à 38° 30'. Ce qu’il rapporte des habitans, s’accorde avec le rapport récent des Espagnols. Ceux-ci fixèrent la latitude de leur port de la Bodega, à 38° 18', et sa longitude à 18° 4' à l’ouest de San-Blas. La latitude indiquée par sir Francis Drake, ne diffère que de 12' de celle des Espagnols ; et, pour le temps où il observa, et les instrumens dont il faisait usage, on doit la regarder comme exacte. M. Barrington reproche avec raison aux Espagnols, de n’avoir pu se déterminer à conserver à ce port le nom du brave hérétique, qui le premier a découvert les côtes du nord-ouest de l’Amérique, dont il avait pris possession pour la couronne d’Angleterre, et auxquelles il avait imposé le nom de nouvelle Albion.

Le 4 octobre, les Espagnols quittèrent le port de sir Francis Drake, au premier moment du flot, dont la direction se trouvait en opposition avec le courant de la rivière.

Ces deux actions agissant en sens contraire, les vagues pressées de part et d’autre étaient portées à une telle hauteur qu’elles couvraient entièrement le vaisseau, et qu’elles mirent en pièces le canot qui était accosté le long du bord.

L’entrée de ce port n’a pas assez de profondeur d’eau, pour qu’un vaisseau sur ses ancres puisse y résister à l’impulsion et à la hauteur des lames, lorsque la marée et les courans de la rivière sont en opposition. L’auteur du journal dit que, s’ils eussent été instruits de ces circonstances, ou ils auraient gardé leur premier mouillage, ou ils en auraient pris un autre, plus éloigné de l’entrée du havre. Par-tout où ils purent sonder, ils trouvèrent un brassiage égal. Don Maurelle assure que l’entrée du port est facile avec les vents de la partie du nord-ouest, qui sont les vents régnans sur cette côte ; mais il pense que, si l’on veut se ménager la possibilité d’en sortir avec ces mêmes vents, il est nécessaire de mouiller plus au large des pointes, et il ajoute que cette précaution serait superflue quand les vents sont établis dans les parties du sud-ouest, de l’est et du sud.

Les montagnes des bords de la mer sont absolument stériles ; mais celles de l’intérieur paraissent couvertes d’arbres : les plaines présentent de la verdure, et semblent inviter à les cultiver. La relation de Drake dit qu’il nomma ce pays nouvelle Albion, pour deux raisons ; la première, parce que par la nature des bancs et des rochers blancs qui bordent la côte, elle présente le même aspect que celle d’Angleterre ; la seconde, parce qu’il était juste et raisonnable que cette terre portât le nom de la patrie du premier navigateur qui y avait abordé.

Les Espagnols, comme il a été dit, avaient quitté le port de Drake, le 4 octobre ; et après avoir doublé le cap qu’ils nommèrent del Cordon, et qui forme l’entrée du port avec celle de las Arenas, ils firent route au sud-sud-ouest avec un vent modéré. Ils gouvernèrent ensuite à l’ouest, pour gagner un cap qui se montrait dans le sud, à la distance d’environ cinq lieues.

Le 5, ils passèrent près des petites isles qui sont situées dans l’ouest, et vis-à-vis l’entrée du port qu’ils venaient de quitter.

Le 7, ils mouillèrent au port de Monterey, par trois brasses, fond de sable. Ils en fixèrent la latitude à 36° 44', et la longitude à 17° à l’ouest de S. Blas.

Le premier de novembre, ils quittèrent ce port.

Le 4, à midi, vent favorable de la partie du nord-ouest. Ils continuèrent leur route au sud, jusqu’au 13 du même mois qu’ils eurent la vue de la côte de la Californie ; et ils la suivirent jusqu’au cap de San-Lucar, qu’ils doublèrent le 16, à six heures du soir.

Ils supposent que ce cap est par la latitude de 22° 49', et à 5° à l’ouest du méridien de S. Blas.

Le même jour 16, ils reconnurent les isles des Trois-Maries ; et le 20 au soir, ils rentrèrent dans le port de S Blas, d’où ils étaient partis deux cent soixante jours auparavant.

Pour tracer la côte du nord-ouest de l’Amérique, sur la carte du grand Océan boréal, remise à M. de la Pérouse, on s’est réglé sur les positions géographiques données par les Espagnols, en les combinant avec celles du capitaine Cook, qui ont servi à rectifier les premières, dans les parties qu’il n’a pas été à portée de visiter, et que les Espagnols ont reconnues. On a joint à la carte du grand Océan équatorial, des cartes particulières de certaines portions de côtes, et des plans de ports et de baies, différant sur quelques points, de ceux qui ont été donnés, pour les mêmes parties, dans la relation du troisième voyage du capitaine Cook. M. de la Pérouse peut avoir occasion de vérifier lesquels de ces plans ont été levés le plus fidèlement. On n’est pas encore assuré si la portion de cette Amérique qui s’étend en pointe saillante dans le sud-ouest, est une isle ou une presqu’isle. Les cartes russes, celle de Staehlin en particulier[35], nous présentent toutes les terres comprises sous le nom d’Alaska, comme une grande isle, séparée du continent par un canal de quarante lieues de large, avec plusieurs isles plus petites dans le nord et le nord-est d’Alaska. Le capitaine Cook a visité la côte d’assez près, dans ces parties qu’il a reconnues, pour être certain qu’elle n’est point interrompue ni coupée par des canaux, et que le continent se prolonge au moins jusqu’au voisinage de l’isle Shumagin. Mais il soupçonne dans le nord-nord-ouest de l’isle Hatibut, un détroit qui séparerait la presqu’isle d’Alaska d’une autre portion de terre située dans le sud-ouest, et désignée sur la carte, sous le nom d’isle d’Oonemak.

On renvoie M. de la Pérouse au troisième Voyage du capitaine Cook (tome II, pages 403 et 488 de l’original), et aux cartes qui y sont jointes, ainsi qu’à celles qui font partie de la collection manuscrite qui lui a été remise.

42. Isles Aleutiennes ou isles des Renards, et autres isles, qu’on suppose être situées dans l’ouest, l’ouest-sud-ouest et l’ouest-nord-ouest de celles-ci.

Le capitaine Cook n’a visité que les isles d’Oonalaska (partie de celles des Renards), et le détroit entre ces isles, ainsi que quelques-uns des ports qui en dépendent. À l’égard des autres isles de ce groupe, et de celles d’autres groupes situés plus à l’occident, nous n’en avons connaissance que par les relations des russes, qui sont trop inexactes pour obtenir quelque confiance. M. de la Pérouse ne doit les regarder que comme une nomenclature, et rechercher ces isles avec la même précaution que si elles étaient absolument inconnues. Il trouvera toutes ces relations rassemblées dans l’ouvrage de M. Coxe, qui a pour titre Découvertes des Russes, et dans la carte jointe à cet ouvrage, qui présente l’ensemble des découvertes de cette nation, à l’est du Kamtschatka. Voyez pages 164-297 de l’original, et pages 149-194 de la traduction.

43. Port d’Avatscha ou de Saint-Pierre et Saint-Paul, à la pointe de la presqu’isle du Kamtschatka.

On a joint au recueil de cartes manuscrites remis à M. de la Pérouse, un plan particulier de ce port, sur une grande échelle, différent de celui qui se trouve dans le troisième Voyage du capitaine Cook, auquel on le renvoie pour les détails nautiques et autres qui peuvent lui être utiles lorsqu’il relâchera dans ce port.

Voyez troisième Voyage de Cook, tome III, page 183 et suivantes, page 284 et suivantes de l’original.

44. Isles Kuriles.

Le capitaine Gore, qui avait succédé dans le commandement aux capitaines Cook et Clerke, vers la fin du troisième voyage fait par les Anglais dans le grand Océan boréal, n’a visité aucune des isles Kuriles, devant lesquelles il a passé, en les prolongeant par le côté de l’est.

Si l’on en croit Muller[36], il paraîtrait que Yeso ou Jesso est le nom que les Japonais donnent à toutes les isles que les Russes désignent sous celui de Kurilski ou Kuriles. La première de ces isles, la plus septentrionale, est fort peu distante de la pointe du sud du Kamtschatka[37] : on passe de l’une à l’autre en deux à trois heures à la rame ; et on peut présumer, d’après les relations, que les isles les plus voisines du Kamtschatka, sont les seules qui soient tributaires de la Russie, et que celles qui sont situées plus au sud, en sont indépendantes. Muller désigne toutes ces isles comme il suit ; en partant de celle qui est la plus septentrionale :

Ière Schumtschu.

2. Purumuschur, à deux ou trois heures de distance de la première.

3. Muschu ou Ouikutan, à une demi-journée de la seconde.

4. Ujachkupa, dans l’ouest des trois premières, et à quelque distance de la première.

5. Sirinki, vis-à-vis le détroit qui sépare la seconde et la troisième.

6. Kukumiwa, petite isle inhabitée, dans le sud-ouest de la cinquième.

7. Araumakutan, inhabitée, volcan.

8. Siaskutan, peu d’habitans ; mais ceux des isles voisines s’y rassemblent pour trafiquer.

9. Ikarma, petite isle déserte, dans l’ouest de la huitième.

10. Maschautsch, petite isle déserte, dans le sud-ouest de la neuvième.

11. Igaitu, petite isle déserte, dans le sud-est de la huitième.

12. Schokoki, à une journée de la huitième.

13. Motogo, petite isle au sud.

14. Schaschowa

15. Uschischir

16. Kitui Idem. N. B. Entre ces trois isles, les courans sont très-rapides, et la mer monte fort haut.

17. Schimuschir, habitée.

18. Tschirpui, remarquable par une haute montagne.

19. Iturpu, grande isle, bien peuplée, couverte de grandes forêts : on y trouve des ours et diverses espèces d’animaux. Elle présente plusieurs mouillages, et des rivières où les vaisseaux peuvent se retirer. On croit que les habitans de cette isle sont indépendans de la Russie, et ne reconnaissent aucune domination.

20. Urup. On est assuré, dit Muller, que les habitans de cette isle sont indépendans.

21. Kumaschir. Cette isle est la plus grande de toutes celles qu’on vient d’indiquer, et sa population est nombreuse.

22. Matmai ou Matsumai, la dernière isle et la plus grande de toutes. La ville capitale, du même nom de Matmai, est située au bord de la mer, dans la partie du sud-ouest ; elle a été bâtie et est habitée par les Japonais : c’est une place fortifiée, munie d’artillerie, et défendue par une garnison nombreuse. L’isle de Matmai est le lieu d’exil des personnes de distinction qui ont été disgraciées au Japon : elle n’est séparée de cet empire que par un canal assez étroit, et qu’on regarde comme dangereux, parce que les caps qui s’y avancent des deux côtés, en rendent la navigation difficile.

Les Anglais, dans le troisième voyage de Cook, n’ont pris connaissance que de la première et de la seconde des isles Kuriles ; mais ils ont recueilli du pasteur de Paratounka, des détails assez intéressans sur ces isles en général, et sur quelques-unes en particulier. Il paraît que la domination des Russes ne s’étend pas au-delà de l’isle Uschischir, nommée la quinzième, et que toutes celles qui la suivent sont encore indépendantes. Les habitans de ces isles passent pour être sensibles à l’amitié, hospitaliers, généreux et humains. voyez le troisième Voyage de Cook, tome III, page 378 de l’original.

Consultez aussi les Considérations géographiques et physiques de Philippe Buache, page 55 et autres.

45. Terre d’Yeso ou Jesso. On a vu dans la note précédente, que les Japonais confondent ces terres avec les isles Kuriles ; mais on croit en général qu’elles doivent en être distinguées. Le voyage de Cook ne nous a procuré aucune lumière à cet égard ; il paraît même que, pour dresser la carte générale de son voyage dans cette partie, on n’a fait que copier les cartes connues.

On peut consulter, pour la terre de Jesso, les divers rapports recueillis par Philippe Buache, qui les a insérés dans ses Considérations géographiques et physiques, page 75 et suivantes. Voyez aussi les cartes dépendantes de cet ouvrage, et une suite de vues dessinées par les hollandais, lorsqu’ils firent la reconnaissance d’une partie de ces terres, en 1643.

On a joint au recueil remis à M De La Pérouse, une copie de la carte dressée par les hollandais, qui présente tous les détails de leurs découvertes.

46. Côte orientale du Japon. On trouve une carte d’une petite partie de cette côte, dans le troisième Voyage de Cook, et les observations nautiques qui y sont relatives. (Tome III, page 397 et suivantes de l’original). Voyez aussi la carte comprise dans le recueil remis à M. de la Pérouse.

47. Isles de Lekeyo, dans le sud-ouest du Japon. Philippe Buache a donné, dans ses Considérations géographiques et physiques (page 130), les extraits de toutes les lettres que les missionnaires ont écrites concernant ces isles, sur lesquelles on n’a encore que des connaissances peu certaines. voyez aussi les Lettres édifiantes.

48. Grande Isle, peuplée et riche, qu’on dit avoir été découverte par les Espagnols, vers l’année 1600.

On trouve sur cette isle la note suivante, dans les Philosophical Transactions of the royal society, etc. (N°. 109, page 201, paragraphe II, de l’année 1674, fin du tome VII, VIII, IX.)

« Dans la mer du Sud, par 37 degrés 1/2 de latitude septentrionale, et à environ quatre cents milles d’Espagne, ou trois cent quarante-trois de Hollande, de 15 au degré, c’est-à-dire, à 28 degrés de longitude à l’orient du Japon, il y a une isle élevée et très-grande, habitée par des peuples blancs, beaux, doux et civilisés, excessivement riches en or et en argent, comme l’a éprouvé, il y a long-temps, un vaisseau espagnol qui faisait voile de Manille à la nouvelle Espagne ; de sorte que le roi d’Espagne envoya, en 1610 ou 1611, un vaisseau d’Acapulco au Japon, pour prendre possession de cette isle. Cette entreprise, mal conduite, n’eut aucun succès ; et depuis ce temps on a négligé de tenter cette découverte. »

Supplément[modifier]

49. Isles Carolines. On a dressé une carte particulière de ces isles, d’après celle du père Cantova, et les relations d’autres missionnaires, qui ont été recueillies en extrait et imprimées en supplément, dans l’Histoire des navigations aux terres australes, du président de Brosses, tome II, page 443 et suivantes.

50. Isle au sud, entre Mindanao et les Moluques. Voyez pour toute cette partie, le Voyage du capitaine Forster à la nouvelle Guinée.

M. de la Pérouse trouvera dans le recueil qui lui a été remis, une carte particulière des détroits entre l’isle de Waigiou et la nouvelle Guinée, et une carte de la partie occidentale de la nouvelle Guinée, avec les isles d’Arrow et partie de celle de Céram.

Ces cartes peuvent être utiles, dans le cas où quelque contrariété de vents obligerait de passer par ces détroits. M. de la Pérouse peut aussi consulter une carte qui se trouve au tome II, page 310 de l’Histoire des navigations aux terres australes, sous le titre de Carte des isles des Papous, copiée sur l’original de M. Isaac Tirion, Hollandais. Toute cette partie y est d’accord avec ce que le capitaine Forster en a publié postérieurement.

51. Détroits à l’est et à l’ouest de l’isle Timor. M. de la Pérouse trouvera dans la relation des voyages de Dampier, des instructions qui pourront éclairer la route de ses bâtimens dans celui de ces détroits auquel les circonstances et le vent lui auront fait donner la préférence.

On a inséré dans le recueil qui lui a été remis, des plans particuliers de plusieurs de ces passages, tels que les détroits d’Alloss, de Lombock, de Solor, de Sapy et autres entre les isles méridionales de l’archipel d’Asie, qui sont peu fréquentés par les navigateurs européens.

M. de la Pérouse observera que les côtes méridionales et orientales de l’isle de Sumbava ou Combava n’ont point encore été reconnues.

52. Pour l’isle de France et le cap de Bonne-Espérance, on le renvoie au Neptune oriental de M. Daprès, et aux instructions qui y sont jointes.

53. Isles de Marseveen et Denia.

Ce sont deux petites isles connues des hollandais, où l’on dit qu’ils envoient chercher du bois, et dont cependant la position n’est point déterminée. Le capitaine Cook a regretté de n’avoir pu se livrer à la recherche de ces isles. ( Second Voyage, tome II, pages 244 et 246 de l’original). On les a placées, sur la carte de l’Océan méridional, conformément à la position qui leur a été donnée sur la carte générale du troisième voyage de Cook, c’est-à-dire, Marseveen, la plus septentrionale des deux isles, par 40 degrés et demi de latitude sud, et à 2 degrés trois quarts à l’est du méridien du cap de Bonne-Espérance ; et Denia, par 41 degrés de latitude, et à 3 degrés à l’est du cap : mais on observe que sur la carte des variations de Halley, elles sont par 41 degrés et demi de latitude, et à environ 4 degrés à l’est du méridien du cap.

54. Cap (ou isle) de la Circoncision, découvert le premier janvier 1739, par M. de Lozier-Bouvet.

Ce navigateur était parti de l’isle Sainte-Catherine à la côte du Brésil : il faisait usage de la carte de Pieter Gooz, qui place cette isle par 333 degrés de longitude, comptés du méridien de Ténériffe, ce qui correspond à 46 degrés à l’occident du méridien de Paris. Ses routes, réduites depuis l’isle Sainte-Catherine jusqu’au cap de la Circoncision, donnent 53 degrés trois quarts de différence en longitude vers l’est ; et il en concluait la longitude de ce cap, de 26 à 27 degrés, longitude de Ténériffe, c’est-à-dire, 7 à 8 degrés à l’orient de Paris.

Mais la longitude du départ, telle que l’employait M. Bouvet, c’est-à-dire, celle de Sainte-Catherine, était en erreur de 4 degrés ; car cette longitude, rectifiée d’après celles que les observations récentes ont données pour Rio-Janéiro et Buenos-Aires, doit être de 329 degrés, méridien de Ténériffe (au lieu de 333), ou 50 degrés à l’ouest de Paris (au lieu de 46). Or, si l’on soustrait 50 degrés, longitude occidentale de Sainte-Catherine, de 53 degrés trois quarts, progrès de M Bouvet, vers l’est, il restera 3 degrés trois quarts pour la longitude orientale du cap de la Circoncision, au lieu de 7 à 8 degrés, que M Bouvet avait conclus, et qu’il avait dû conclure en effet, d’après la carte de Pieter Gooz, qui portait l’isle Sainte-Catherine, ou le méridien du départ, 4 degrés trop à l’est.

M. le Monnier, de l’académie des sciences, a cherché à déterminer la longitude du cap de la Circoncision, par la théorie des déclinaisons de l’aiguille aimantée ; et il fixe cette longitude entre 1 et 2 degrés à l’orient de Paris. Voyez sa Dissertation en réponse à M. Wales, imprimée à la suite du premier volume de la traduction du troisième Voyage du capitaine Cook.

Mais comme les différences de méridiens déduites des observations de la déclinaison de l’aimant, ne peuvent être que des approximations assez incertaines, on a cru devoir s’en tenir à la différence de méridien qui résulte du calcul des routes de M. Bouvet, depuis l’isle Sainte-Catherine jusqu’au cap de la Circoncision, sans prétendre toutefois que l’estime que ce navigateur a faite de ces routes, soit exempte d’erreur. On a, en conséquence, placé ce cap,


  1. Cette carte, pour la partie comprise entre le 14e et le 47e degré de latitude septentrionale, est la copie et la traduction de celle qui a été dressée et publiée par Fleurieu, et qui est jointe à son Voyage à différentes parties du monde, etc. Paris, imprimerie royale, 1773 ; 2 vol. in-4°. (N. D. R.)
  2. C’est sûrement par méprise que le capitaine Cook, dans l’introduction générale de son second Voyage (page XV de l’original), en parlant d’Antoine de la Roche, le qualifie de an english merchant, marchand anglais.
  3. Cette terre, comme on le verra dans la note suivante, est la même que M. Duclos Guyot reconnut en 1756, et que le capitaine Cook, qui en a visité la côte septentrionale-orientale, en janvier 1775, a nommé île Georgia
  4. Ceci suppose, ce qui n’est pas dit dans la relation, qu’il avait mouillé à la pointe d’une terre qui avait une île à l’Ouest ou au Nord-Ouest.
  5. Il paraît que la Roche a passé, comme Cook, entre l'isle nommée par celui-ci Willis, et celle de l'Oiseau (Bird), mais qu'il a mal estimé la largeur du canal.
  6. La Roche, en parlant de la déclinaison de l'aiguille aimantée, près de la côte orientale de son détroit, dit qu'elle était de 19 degré. (Antonio de la Roche, en su Derrotero, fol. 22 y 23. Voyez Seixas y Lovera, fol. 47.)
  7. Vita e Lettere di Amerigo Vespucci, raccolte ed illustrate dall' abbate Angelo-Maria Randini. Firenze, 1745. I vol. in-4o. Voyez aussi Novus Orbis ; Baseleae, 1555, in-fol. page 22 et suivantes.
  8. Le 28 juin, au soir, veille de la découverte, on observa la déclinaison de l'aiguille aimantée, de 13 degrés et demi nord-est ; et, le 4 juillet, elle était de 13 degrés.
  9. The principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English nation, etc. London, 1598-99 ; in-fol. tome III, p. 744.
  10. Hackluytus posthumus, or Purchas his Pilgrims etc. London, 1625, in-fol. tome I, page 50 des Circumnavigations of the globe.
  11. Cette date est évidemment fausse : il est probable que c'est une faute d'impression dans l'original, et qu'il faut lire le 30 au lieu du 3.
  12. The World emcompassed by sir Francis Drake, collected out of the notes of M. Francis Fletcher, preacher in this employment, and others, etc. London, Nic. Bourne, 1652, in-4o
  13. Dalrymple's Historical Collect. of voyages and discoveries, London, 1770, in-4o ; tome premier, page 94
  14. Imprimé à Rennes, chez Vatar, en quinze pages in-4o. Voyez aussi le Mémoire de Pingré sur le choix et l'état des lieux pour le passage de Vénus du 3 juin 1769. Paris, Cavelier, 1767, in-4o.
  15. Du nom du vice-roi du Pérou, qui avait ordonné l'expédition.
  16. Voyez le Voyage et navigation des isles Moluques par les Espagnols, décrit par Ant. Pigaphetta ; – la Collection de Ramusio ; – Decodao da Asia, de Barros e Couto ; Navigations aux terres australes, par de Brosses ; – Historical Collection de Dalrymple, et autres.
  17. Geographia indiana de Herrera. – Historia de las Indias de Lopes Vas. – Navigations aux terres australes, par de Brosses. – Historical Collection de Dalrymple. – Découvertes dans la mer du Sud, etc.
  18. Navigations aux terres australes. – Historical Collection. – Découvertes dans la mer du Sud.
  19. On voit, par ces découvertes de Quiros, qu'il doit y avoir dans le sud-sud-est et sud-est d'O-Taïti une chaîne d'isle assez considérable, laquelle pourrait se prolonger beaucoup plus dans le sud, et jusque par les 32°, où l'on sait que les Espagnols ont vu des isles en 1773. S'il était permis de citer aujourd'hui les anciennes cartes, et d'y avoir égard, on serait porté à croire que le continent que ces cartes représentent comme découvert par Pernand Gallego et s'étendant dans l'ouest-nord-ouest et nord-ouest depuis le cap Horn jusqu'à la nouvelle Guinée, n'est autre chose que cette chaîne d'isles qui s'étend plus loin dans le sud-est que le point où ont commencé les découvertes de Quiros : elle se trouverait plus à l'ouest que la première route du capitaine Cook, dans un espace de mer qui n'a point été visité dans ces derniers temps.
  20. Diarium vel descriptio itineris facti à Guille. Schoutenio. – Miroir oost et west, indical, etc. – Speculum orientalis occidentalisque navigat., etc. – Navigations aux terres australes. – Historical Collection, etc. – Découvertes dans la mer du Sud, etc.
  21. Oud en nieuw oost Indien, etc. dor F. Valentyn – Navigations aux terres australes – Historical collection – Découvertes dans les mers du Sud.
  22. Expédition de trois vaisseaux, etc. Vies des gouverneurs de Batavia. – Navigations aux terres australes. – Historical Collection. – Découvertes dans la mer du Sud.
  23. Extrait du journal manuscrit de M. de Surville.
  24. On peut voir les différentes vues de ces côtes telles qu’elles furent dessinées de dessus le vaisseau, et le journal entier de Surville, dans les Découvertes des Français en 1768 et 1769 dans le sud-est de la nouvelle Guinée, etc. Paris, imprimerie royale, 1790. (N. D. R.)
  25. Ibid.
  26. Voyez Echos de D. Gracia Hurtado de Mendoza, quarto Marquez de Cannete, per Christoval Suarez de Figueora ; en Madrid, 1613. – Historical Collection de Dalrymple, tome I, page 176. – Découvertes dans la mer du Sud, traduites de l'anglais, par Fréville, page 89. N. B. Il s'est glissé beaucoup de fautes dans la traduction que M. Fréville a donnée, d'après M. Dalrymple, de la relation de Figueroa. Il est nécessaire de corriger les suivantes : Page 92, ligne 5, par en bas, quatre lieues, lisez quatorze.
    Page 94, par en bas, nord-ouest-est-sud-est, lisez nord-ouest et sud-est.
    Page 102, ligne 10, le 3 juin, lisez le 13.
  27. Il est prouvé aujourd'hui que la position que l'on donnait alors aux terres du Geelvinck, n'est pas la véritable. Voyez les Découvertes des Français en 1768 et 11769 dans le sud-est de la nouvelle Guinée, page XIV de l'avant-propos. (N. D. R.)
  28. Dans le voyage que les Espagnols ont fait, en 1775, à la côte du nord de la Californie, et qui est relaté ci-après, ils fixèrent la latitude du port de Monterey à 36° 44' nord.
  29. Côte de la nouvelle Galice, province du Mexique, à l'entrée de la mer Vermeille.
  30. M. de la Pérouse trouvera dans les Considérations géographiques et physiques de Philippe Buache, toutes les connaissances qu'on a relativement à cette entrée d'Aguilar et à celle de Fuca, dont il est fait mention dans ce journal.
  31. M. Barrington le traduit par rivière des Pigeons.
  32. Ce Juan Perez est sans doute le pilote des Philippines employé dans l'expédition faite en 1769 ; mais alors que les Espagnols ne poussèrent pas leurs recherches au nord aussi loin que dans celle de 1775. Il paraît que M. Barrington n'a pas eu connaissance de l'expédition de 1769.
  33. De 17 et demie au degré.
  34. Il semble que Juan Perez ne devait pas avoir des connaissances pratiques sur les pays et les mers du nord ; car, dans l'expédition de 1769, où il était employé, les Espagnols n'avaient remonté que jusqu'au port de Monterey, situé à 36° 40 ou 44' de latitude.
  35. An account of the new Northern archipelago lately discovered by the Russians in the seas of Kamtschatcka and Anadt, etc. London, 1774 in-8°.
  36. Voyages et découvertes des Russes.
  37. Nommée pointe de Lopatka.