Voyage de Marco Polo/Livre 3/Chapitre 39

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XXXIX
De la grande île de Madaigascar.


Après avoir quitté l’île de Scoira et naviguant du côté du midi pendant mille milles, on vient à Madaigascar (Madagascar), qui est mise au nombre des plus riches îles du monde. On dit qu’elle contient quatre mille milles de tour ; les habitants sont mahométans. Ils n’ont point de roi, mais ils sont gouvernés par quatre des plus anciens. Cette île produit beaucoup plus d’éléphants qu’aucun pays du monde. Il y a une île nommée Zanzibar qui fait un grand trafic d’ivoire, car en tout le monde je ne pense pas qu’il y ait une si grande quantité d’éléphants que dans ces deux îles. On ne mange point dans cette île d’autre viande que celle de chameau, laquelle chair est fort saine aux habitants ; il y a une multitude presque infinie de ces animaux dans cette île. Il y a outre cela dans cette île des forêts de sandals et de bon rouge, dont on fait plusieurs ouvrages. On prend aussi dans la mer de grandes baleines, d’où l’on tire de l’ambre. Il y a des lions, des léopards, des cerfs, des daims, des chevreuils et plusieurs autres sortes d’animaux et d’oiseaux propres à la chasse. Enfin on y trouve diverses espèces d’oiseaux dont on n’a jamais entendu parler chez nous. Plusieurs marchands viennent en cette île à la faveur du flux de la mer. Car on peut venir en vingt jours de la province de Maabar à cette île de Madaigascar avec le flux de la mer ; mais on a de la peine à en sortir ; et il faut quelquefois trois mois pour surmonter les difficultés de ce flux, parce que la mer porte toujours vers le midi avec beaucoup d’impétuosité[1].

  1. Ces remarques sur les courants de la mer africaine sont absolument confirmées par les observations scientifiques modernes. (P.)