Voyage de l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique, à travers l’Amérique du Sud/45

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Vue du hameau de Tahua-Miri sur le lac de Coary.


VOYAGE DE L’OCÉAN PACIFIQUE À L’OCÉAN ATLANTIQUE

À TRAVERS L’AMÉRIQUE DU SUD,


PAR M. PAUL MARCOY[1].


1848-1860. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


Séparateur



BRÉSIL.




DOUZIÈME ÉTAPE.

DE TABATINGA À SANTA MARIA DE BELEN DO PARA (suite).


Du lac et de la ville de Coary. — L’auteur s’amuse à retirer une à une à la rivière des Purus les bouches que les géographes lui ont prêtées pendant deux siècles. — Coup d’œil sur les affluents de cette rivière. — La Barra do Rio-Negro. — Du passé et du présent de la cité de Manao. — Détails quelconques. — Histoire d’une Icone. — Situation anthropologique, commerciale et peu rassurante du Haut et du Bas-Amazone.

Je ne passai que quarante-huit heures à Coary ; mais ce laps de temps suffit et au delà, pour influer sur mon humeur, et de gaie qu’elle était la tourner au lugubre. La visite que me fit le curé, l’épaule de mouton dont il me gratifia et l’aimable billet que cet ecclésiastique joignit à son morceau de viande, ne purent dissiper la mélancolie qui s’était emparée de moi. Ce ne fut qu’après avoir quitté cette ville morte et revu les plages de l’Amazone, que je rentrai par degrés dans mon état normal.

Le lac Mamia dans lequel, en passant, nous poussâmes une reconnaissance, est une belle nappe noire de cinq à six lieues de circuit, alimentée par une rivière venue de l’intérieur. Il communique avec le Coary par ce canal Isidorio dont nous avons parlé. Quelques familles d’Indiens Muras vivaient sur ses bords, fort ignorantes, à ce qu’il me parut, des projets d’avenir qu’avait formés à leur égard et sans les consulter, le curé de Coary. Ce digne prêtre avait obtenu du commandant de la Barra do Rio Negro, l’autorisation de fonder, à l’intention des Muras, une mission sur la rive du Mamia. Sa mission édifiée, il se proposait, nous avait-il dit, de faire planter par les néophytes dix mille caféïers, qui dans un temps donné devaient lui rapporter d’assez beaux bénéfices. Comme l’homme de Dieu nous avait demandé le secret, nous ne pûmes, quelque envie que nous en eussions, instruire les Muras, par l’organe de notre pilote, de l’avenir riant que leur préparait leur futur missionnaire.

Le disque du soleil touchait le bord de l’horizon, quand nous atteignîmes l’entrée du furo Camara, une des bouches du Purus. En remarquant que le courant de ce canal était celui du fleuve et remontait du nord au sud vers la rivière des Purus, au lieu de descendre du sud au nord vers l’Amazone, je soupçonnai la Condamine d’avoir commis une bévue hydrographique, que, depuis un siècle, nos cartographes reproduisaient sans s’en douter. Les approches du soir m’interdisant toutes recherches à cet égard, je dus remettre au lendemain la vérification d’un fait qui me semblait au moins bizarre. Nous soupâmes et nous dormîmes dans le voisinage de la prétendue bouche des Purus, sur une plage humide et molle, où l’empreinte de nos individus resta moulée en creux.

L’aurore me trouva debout, le corps un peu refroidi mais l’esprit dispos. Sans m’arrêter à l’air bourru de mes rameurs et aux réflexions aigre-douces de mon pilote, qui prétendait qu’avec ma manière de voyager on risquait fort de n’arriver jamais, je fis rallier le canal Camara dans lequel nous nous engageâmes. Après trois heures de descente, nous traversâmes un lac d’eau noire appelé Castañha qui me parut avoir deux lieues de circuit ; sa rive était bordée de grands roseaux, d’alismacées et de ces pontederia crassipes dont le pétiole, gonflé d’air, rappelle la vessie natatoire d’un poisson. Rapidement poussés par le courant de l’Amazone, nous dépassions, une heure après, un second lac d’eau noire appelé Lago da Salsa. Au lieu des fourrés de salsepareille que ce nom portugais semblait nous promettre, nous ne trouvâmes, au bord du lac, qu’une hutte d’Indiens Muras abandonnée par ses propriétaires ; des débris de poteries et des plumes de vautour harpie jonchaient le sol.

À trois heures après midi, nous relevions, mais cette fois à notre gauche et sans le traverser du nord au sud, comme nous avions fait de ses voisins, un lac du nom de Haayapua. Son eau était noire comme celle des lacs Castañha et da Salsa et la végétation de sa rive, sauf quelques massifs d’ambaubeiras qui dépassaient les têtes des roseaux, était identique à la leur. Au dire du pilote, deux lieues seulement nous séparaient de la rivière des Purus à laquelle aboutissait le canal Camara.

Nous débouchâmes enfin sur la grande rivière. Mes gens, croyant toucher au terme de leurs maux, la saluèrent d’une exclamation joyeuse. Déjà ils ramaient vigoureusement pour atteindre le milieu de son lit dont le courant rapide devait les remettre bientôt dans l’Amazone, lorsque d’un geste je contins leur ardeur. J’avais résolu de relever, l’une après l’autre, les bouches-canaux de la rivière des Purus, et mis en goût de découvertes par mon exploration du canal Camara, je n’eus garde de passer outre. Je fis donc rallier la rive gauche du Purus que nous longeâmes pendant une heure, puis en voyant le soleil près de disparaître, je donnai l’ordre d’atterrir et de tout préparer pour notre bivac.

Le lendemain je continuai ma descente de la rivière. La veille, au sortir du canal Camara, j’avais relevé à ma gauche un lac d’eau noire du nom d’Abufaro, puis, un peu plus loin, à ma droite et en face d’une île d’une lieue de circuit, appelée Isla dos Muras, la seule qu’on trouve sur le Purus, l’embouchure d’un affluent qui fait communiquer le Purus avec le Madeira. Deux lacs d’eau noire avaient succédé à cet affluent.

Cette rivière des Purus, dont je suivais le cours, tout en examinant la physionomie de ses rives, me parut la digne sœur de l’Ucayali. Ses nombreux circuits, ses eaux un peu troubles et dont le ton jaunâtre rappelait celles de notre Apu-Paro, ses longues plages de sable que les approches de l’été découvraient déjà, tout, jusqu’à la végétation de ses bords, composée de palmiers nipas, de ficus, d’ingas, de tahuaris et de plusieurs variétés de cécropias, me remettait en mémoire ma traversée de la Plaine du Sacrement et mes relations amicales avec ses indigènes.

Ces pensées rétrospectives, auxquelles je me laissais aller complaisamment, furent interrompues par une observation de mon pilote. Nous approchions du furo Aru, un des canaux-trompes au moyen duquel, d’après la Condamine et ses continuateurs, la rivière des Purus se dégorge dans l’Amazone. Cinq minutes après, nous étions par son travers. À ma grande surprise, je vis le courant de ce canal venir à notre rencontre, au lieu de filer devant nous. — Et de deux, pensai-je. — Ce second dégorgeoir du Purus était, comme le Camara, un bras de l’Amazone.

Impatient de continuer une enquête dont les résultats étaient si satisfaisants, j’ordonnai à mes hommes de remonter le canal Aru, qui devait nous ramener dans le lit du fleuve. Jusque-là, l’obéissance de ces honnêtes Tapuyas avait été à peu près passive, et, sauf une grimace qu’ils ne parvenaient pas toujours à dissimuler, lorsque, pour passer d’un point à un autre, je les obligeais de substituer un système de lignes courbes à la ligne droite, je n’avais jamais eu à me plaindre de leur service ; mais en recevant l’ordre de refouler le courant de l’Aru, la patience parut leur échapper. Le pilote jeta sa pagaye à ses pieds, les rameurs se croisèrent les bras et l’embarcation, livrée à elle-même, suivit en tournoyant le fil de la rivière. J’avoue qu’à ce moment la colère me jeta hors des gonds. Je sautai sur la pagaye abandonnée, que je pris à deux mains et, dans l’attitude d’Hercule se disposant à assommer Cacus, je fis mine de la briser sur la tête de mon pilote. L’homme jeta un cri, se renversa en arrière, joignit les mains et me pria de l’épargner. Non-seulement j’accueillis sa prière, mais je lui tendis sa pagaye, qu’il reprit et plongea immédiatement dans l’eau. Les rameurs étaient restés stupéfaits devant ce jeu de scène. J’achevai de les terrifier en leur déclarant qu’à mon arrivée à la Barra do Rio Negro, je me plaindrais à l’autorité de leur mutinerie et les ferais enrôler sur-le-champ dans l’honorable corps des Lapins ferrés ou soldats de police.

Un enrôlement de ce genre est, avec la petite vérole, ce que redoute le plus un Indien Tapuya. Je vis mes


Traversée de l’Amérique du Sud par M. Paul Marcoy. — Carte no 15.

hommes pâlir sous leur masque de bistre, échanger

entre eux un regard significatif, puis prendre les rames et s’en servir avec un enthousiasme furieux. Nous rentrâmes aussitôt dans le canal Aru et, malgré l’obstacle d’un courant assez fort que nous avions à vaincre, l’embarcation, bien menée, fila rapidement.

La végétation des bords de l’Aru était presque semblable à celle de son voisin le Camara. Des gyneriums, des plantains d’eau, des alismacées et force labiées microphylles du genre stachytarpheta. Tout cela croissait moitié dans l’eau, moitié dans un sol vaseux, que les derniers débordements de l’Amazone avaient recouvert de limon et de menus branchages. Grâce aux efforts combinés de mes gens, que la peur d’un enrôlement militaire rendait insensibles à la fatigue, nous allâmes dormir à la fin de cette journée dans le voisinage du lac Preto. Le lendemain nous traversions, du sud au nord, ce lac, dont le nom portugais dit la couleur de l’eau, et à six heures du soir nous rentrions dans le lit de l’Amazone. En vingt-trois heures, mes hommes avaient fait onze lieues à contre-courant, tour de force prodigieux, dont ils ont dû conserver la mémoire.

Nous remontâmes d’aval en amont et descendîmes d’amont en aval, comme nous l’avions fait pour les canaux Camara et Aru, les trois furos qui leur succèdent et sont appelés Jurupary, Cayuüana et Cuchiüara ou San Thomé. C’est à l’entrée de ce dernier canal, du côté du fleuve, que les carmes portugais avaient fondé autrefois, comme nous l’avons dit, une première Mission, qu’ils abandonnèrent pour aller l’édifier sur la rive droite du Coary.


Souvenir du canal Aru.

Cette exploration des cinq bras que l’Amazone plonge dans le Parus, nous prit neuf jours et des mieux employés du voyage. Durant ce temps, nous ne rencontrâmes d’autres humains qu’un Indien Mura et sa femme, établis au bord du lac Surubi, sur la rivière des Purus. Ces individus, qui se disaient chrétiens, bien qu’ils me parussent d’humeur aussi farouche que leurs sauvages congénères des lacs du Japura, consentirent d’assez mauvaise grâce à nous céder du poisson frais et des bananes, en échange de quelques feuilles de tabac.

Le neuvième jour de ce voyage en zigzag, assis et déjeunant sur une jolie plage de sable fin, à l’endroit où le Purus et l’Amazone se rejoignent à angle droit, je dressais en idée la liste des savants et des voyageurs qui ont disserté tour à tour sur l’affluent du fleuve, dont je venais d’explorer les prétendues bouches. Aucun d’eux, malgré ses recherches et les données qu’il prétendait avoir acquises sur l’hydrographie du Purus, n’avait pu préciser d’une façon satisfaisante le lieu de sa naissance et tracer son cours véritable ; mais tous, c’est une justice à leur rendre, étaient tombés d’accord sur les avantages sans nombre que le Brésil et le Pérou devaient retirer d’une communication rapide et directe que leur offrait la rivière en question.

À la liste de ces savants, aujourd’hui défunts, venait s’ajouter, pour la clore, le nom du voyageur français et semi-officiel qui, en l’an de grâce 1861, donnait pour ancêtres aux Mayorunas imberbes de l’Ucayali des Espagnols barbus du temps de Pizarre. Celui-là aussi avait disserté longuement sur le cours du Purus, et sa dissertation était d’autant plus méritoire que, placé à soixante lieues des sources de cette rivière et à plus de trois cents lieues de son embouchure, il avait dû pour la voir de haut et de loin, emprunter le secours d’un aérostat ou le dos d’un condor de la grande espèce.

Comme sa théorie à vol d’oiseau ou de ballon, malgré le côté pittoresque qu’elle peut avoir et le bruit de cymbales et de grosse caisse que des sociétés savantes ont fait autour d’elle, n’a éclairci aucun des doutes relatifs

au Purus, nous allons, pour l’édification de nos lecteurs,

Vue de la ville de Coary sur le lac de ce nom (eau noire).



Embouchure de la rivière des Purus.
remonter le cours de cette rivière, comme nous avons

remonté celui du Jurua, nous aidant pour ce faire de nos études personnelles et des renseignements que les Brésiliens, coupeurs de smilax, pêcheurs de lamantins, chasseurs d’abeilles, fabricants d’huile d’andiroba, de copahu, de câbles de piassaba, etc., etc., ont bien voulu nous donner, par égard pour la science, dont nous étions chez eux, l’obscur représentant.

Large de douze cent quarante-sept mètres à son embouchure, la rivière Purus ou des Purus[2] ne mesure déjà plus que neuf cent seize mètres à l’endroit où le canal Camara lui porte les eaux de l’Amazone. À mesure qu’on avance dans l’intérieur, son lit se rétrécit et ses sinuosités se multiplient. Sur certains points, ces sinuosités sont telles, qu’après vingt-quatre heures de navigation on se retrouve à peu de distance par terre de l’endroit d’où l’on était parti. Ainsi sur l’Ucayali, le fleuve sinueux par excellence, des circuits qu’une embarcation met trois jours à faire, aboutissent pour un piéton à trois heures de marche du point de départ.

Le premier tributaire du Purus, — nous remontons son cours au lieu de le descendre, — est le lac-rivière dos Muras, qu’il reçoit par la gauche et qui le fait communiquer avec le Madeira. Du lit de l’Amazone à l’entrée de cet affluent, dont l’eau est noire et le courant presque insensible, les Brésiliens ont mis dix-huit jours de voyage. Dans le trajet, les seuls Peaux-Rouges qu’ils aient rencontrés sont des individus de la nation Mura, établis au bord des lacs d’eau noire qui profilent le lit du Purus. À ces indigènes ont succédé quelques familles d’Indiens Purus-Purus.

Un second tributaire, du nom de Parana-Pichuna (rivière noire), situé, d’après l’estime des mêmes Brésiliens, à vingt-neuf jours de voyage du Rio dos Muras, vient de l’est mêler ses eaux à celles du Purus et le fait communiquer également avec le Madeira.

C’est entre ces deux rivières, à l’endroit désigné sur notre carte générale des affluents inexploiés de l’Amazone, que commencent les cachoeiras ou rapides du Purus, qui se poursuivent sur une étendue de cinq à six lieues. Ces rapides sont occasionnés par des roches détachées d’une ramification nord-nord-ouest de la chaîne des Parexis, qui traverse obliquement le lit du Purus. Tantôt cachées et tantôt apparentes, ces roches opposent un obstacle au courant et, selon leur gisement, divisent la masse des eaux en plusieurs bras torrentueux ou en deux nappes latérales blanches d’écume.

Au delà de ces rapides, à vingt-trois jours de voyage de Parana-Pichuna, la rivière des Purus, reçoit par la droite, un affluent d’eau noire appelé Tapahua, large d’environ trois cents mètres à son embouchure. Les Brésiliens ont appris par des Indiens Catahuichis, dont le territoire s’étend dans le nord-ouest à travers les sources des lacs Coary et Teffé, jusqu’au Jurua, que cette rivière Tapahua naît dans les forêts à peu de distance du Jurua. En temps de sécheresse, un jour de marche suffit pour passer de la source du Tapahua au lit du Jurua ; en temps de crue, les deux rivières mêlent momentanément leurs eaux de couleurs distinctes.

À cinq jours du Tapahua, un affluent d’eau blanche, appelé Conihua, dont la largeur égale celle du Purus, s’unit à celui-ci par la droite. Fixons en passant notre attention sur ce tributaire, le plus considérable de ceux que reçoit le Purus et le seul dont la source soit ignorée, bien que les Indiens Catukinos, sur le territoire desquels sont entrés les Brésiliens, leur aient appris que le cours du Conihua était parallèle à celui du Jurua et qu’il remontait comme lui vers les possessions espagnoles.

Vingt-cinq jours de voyage, séparent l’embouchure du Conihua de celle du Mucuin, cours d’eau noire, large de quatre-vingt-dix mètres, que le Purus reçoit par la gauche et qui le fait communiquer avec le Madeira.

À vingt-trois jours du Mucuin, les Brésiliens relèvent deux rivières d’eau blanche sans importance, le Mamuria-huasu (grand Mamuria) et le Mamuria-miri (petit Mamuria), qui entrent dans le Purus par sa rive droite. Onze jours de navigation à contre-courant, séparent ces deux affluents.

À quatre jours du Mamuria-miri, la rivière Itusi, large de deux cents mètres à son confluent, vient de l’est porter son tribut d’eau noire au Purus, et le fait communiquer avec le Madeira.

De l’embouchure de l’Itusi à celle du Sapatini, rivière ou plutôt groupe de lacs d’eau noire, reliés par d’étroits canaux et que le Purus reçoit par la gauche, les Brésiliens ont mis vingt-cinq jours de voyage. Déjà, à partir du confluent de l’Itusi, les roches qui depuis longtemps avaient disparu du lit du Purus, ont recommencé à s’y montrer et ont déterminé de nouveaux rapides. En amont du Sapatini, ces roches dressées en talus le long de ses rives, les bordent désormais d’une double muraille.

À la jonction du Sapatini et du Purus, les voyageurs ont fait rencontre d’Indiens Sehuacus, et ont échangé avec ces naturels des harpons et des hameçons contre des produits de leur industrie. Le territoire de cette tribu qui compte environ deux cents hommes, confine dans le nord avec celui des Indiens Catukinos, dans le sud avec celui des Canamaris.

L’embouchure du Sapatini dépassée, les Brésiliens ont pu pendant trente-deux jours encore, remonter le cours du Purus ; puis son lit s’est considérablement rétréci, les roches s’y sont montrées en plus grand nombre et il a cessé d’être navigable. Après l’avoir vu disparaître dans le sud-sud-ouest, les voyageurs sont entrés dans un affluent qu’à cet endroit il reçoit par la

droite. Cet affluent porte le nom de Pahuini. Sa largeur

Pseudo-bouches de la rivière des Purus : Vue des canaux Camara et Aru.

est d’à peu près soixante mètres, son eau blanche et vaseuse, son lit jonché de pierres et son courant rapide ; les Brésiliens ont remonté ce dernier tributaire du Purus, ayant chaque soir le soleil couchant devant eux. Après cinq jours d’une navigation lente et pénible, comme leurs embarcations s’endommageaient au contact des roches, ils se sont décidés à rebrousser chemin. En rentrant dans le Purus, ils ont appris par les Sehuacus, que les sources du Pahuini, voisines de la Sierra espagnole, étaient habitées par les Indiens Canamaris, qui touchent dans le sud aux Tuyneris et aux Huatchipayris des vallées péruviennes de Paucartampu, et dans le nord aux Pucapacuris avec lesquels nous avons fait connaissance en descendant le Santa Ana-Uyacali et relevant l’embouchure du Mapacho ou Camisia, un de ses affluents de droite.

Dans ce voyage sur la rivière des Purus, les Brésiliens ont dépensé cent quatre-vingt-quinze jours, laps de temps qui pourrait sembler fabuleux, si déjà nous n’avions dit, à propos d’une excursion de ce genre dans l’intérieur du Jurua, de quelle façon musarde et nonchalante, ils remontent le cours de l’Amazone et de ses affluents. Ces cent quatre-vingt quinze jours, en adoptant la moyenne de trois lieues par journée, donnent le chiffre exorbitant de cinq cent quatre-vingt-cinq lieues. Mais si nous retranchons un tiers de ce produit pour les courbes de la rivière, — et celles du Purus sont aussi nombreuses que variées, — nous n’aurons plus qu”un chiffre de trois cent quatre-vingt-dix lieues, soit, bien près de 14° pour la distance parcourue.

De cette étude hydrographique de la rivière des Purus, commencée par la promenade que nous avons faite à travers ses canaux, et terminée par l’exploration de son cours par les Brésiliens, ressortent en manière de conclusion deux découvertes importantes. La première, c’est que la susdite rivière n’a qu’une seule et unique embouchure au lieu de plusieurs bouches que les voyageurs lui ont données ; la seconde, c’est que le système de ces messieurs, qui fait du Purus et de la Madre de Dios ou Amaru-Mayo des vallées de Paucartampu une seule et même rivière de sa source à son confluent, est erroné et, comme tel, doit être signalé à l’attention des professeurs de géographie ayant charge d’élèves.

Toutefois, comme nous ne détruisons pas pour le seul plaisir de détruire, et que nous comprenons jusqu’à certain point la douleur des voyageurs et des savants contraints de divorcer du jour au lendemain avec de vieilles illusions qui leur étaient chères, nous offrons charitablement de substituer à leur système hydrographique, vicieux de tous points, un nouveau système qui, plus sûrement que l’ancien, aura cet avantage prôné par eux, de rattacher d’une façon directe l’empire du


Entrée de la ville de la Barra de Rio Negro.

Brésil à la république du Pérou, et de mettre en relations

de commerce et d’intimité deux peuples faits pour s’estimer et se comprendre.

D’après ce système, — certains diraient notre système, — les navigateurs brésiliens et autres, au lieu de remonter le cours du Purus jusqu’à sa naissance et de s’aller casser le nez contre une ramification de la Sierra d’Apolobamba, ce que leur conseillaient depuis plus d’un siècle — sans mauvaise intention d’ailleurs — les voyageurs de tout âge et de tout pays, ces navigateurs n’auront qu’à passer du lit du Purus dans celui du Conihua son tributaire, et à remonter ce dernier pour trouver le passage longtemps cherché et réaliser leur chimère.

En attendant que ce système ait été sanctionné par la science et vulgarisé par les cartographes, nous l’avons appliqué à notre tracé général des affluents inexplorés de l’Amazone, où chacun peut voir une ligne de points rattacher le Conihua, tributaire principal du Purus, à la Madre de Dios issue des vallées péruviennes.

Maintenant rentrons dans le fleuve dont cette digression nous a tenu si longtemps éloigné, et continuons de suivre sa rive droite, basse, sablonneuse et bordée sur une longueur de dix lieues, de roseaux et de cécropias.

À cinq lieues de l’embouchure du Purus, nous relevons tour à tour, en passant, les bouches de trois canaux qui rattachent cette rivière à l’Amazone. Les deux premiers, appelés Periquito et Paratari, sont fort étroits et portent les eaux du Purus à l’Amazone ; le troisième canal qui a nom Cunabaca et dont le lit est plus large du triple que celui de ses deux voisins, porte au contraire les eaux de l’Amazone à la rivière des Purus.

À ces canaux succèdent les deux lacs-rivières de Manacari et Manacapuru. Le premier est situé sur la rive droite de l’Arnazone, le second sur sa rive gauche ; tous deux sont pourvus de canaux-trompes qui font communiquer leurs eaux noires avec l’eau jaunâtre du fleuve.


Sépultures d’Indiens Manaos.

Près du goulet de Manacapuru, sur un renflement de la berge, s’élèvent cinq maisonnettes blanches dont les volets sont clos à l’heure où nous passons. C’est tout ce qui reste de l’ancien village de Pesquero dont le nom portugais indique la destination. Au dix-huitième siècle, un détachement de soldats Tapuyas était adjoint à la population du lieu pour l’aider dans la pêche et la salaison du poisson destiné à l’alimentation des troupes cantonnées dans l’intérieur du Rio Negro. Que de milliers de lamantins et de pira-rocou ont péri dans ces Feyturias ! À ceux qui ne comprendraient pas ce mot portugais, d’une élasticité comparable à celle du caoutchouc local, nous dirons qu’il exprime à la fois la capture, l’éventrement, la salaison et la transformation du poisson vivant en stock-fish.

Une île de six lieues de tour, appelée Manacapuru, barrait autrefois tout ce côté de l’Amazone. Ses forêts, d’essences diverses, abritaient contre les vents du sud et du sud-ouest, les plus froids de ceux qui soufflent dans ces contrées[3], le village-poissonnerie de Pesquero Une déviation des courants du fleuve a fait le malheur de cette île ; ses contours, battus en brèche par le flot, ont été si bien élimés, effrités, amoindris, que la géante à l’énorme carrure n’est plus aujourd’hui qu’un méchant trapèze d’ocre et de sable, à peu près dénudé et dont une extrémité plonge dans l’eau comme la guibre d’un navire à demi submergé.

À partir de ce point, l’Amazone, dont la largeur considérablement accrue depuis notre sortie d’Ega, atteint presque à deux lieues, l’Amazone n’a sur sa rive droite, durant un assez long trajet, qu’une série d’îles qui se succèdent sans interruption, et, sur sa rive gauche, que quelques lacs de grandeur variable dont nous voyons, en passant, s’ouvrir et se fermer les bouches noires.

Nous sommes arrivés au confluent du Rio Negro. La rive gauche, que nous côtoyions depuis un moment, s’interrompt pour faire place à une vaste baie formée par la jonction du fleuve et de son affluent. Nous traversons cette baie et, ralliant le bord, nous remontons pendant trois heures dans le nord-nord-ouest pour atteindre la barre de la rivière et la ville qui l’avoisine.

La lenteur avec laquelle nous avançons, permet d’étudier le paysage dans ses moindres détails. Deux talus d’ocre rouge qui se développent parallèlement jusque dans les profondeurs de la perspective, forment les doubles rives du Rio Negro, large à cet endroit de près d’une lieue. Sur ces talus se dressent les plans des forêts dont le vert, assombri par le reflet des eaux noires, passe dans l’éloignement au bleu d’indigo et se fixe à l’horizon dans une teinte neutre d’un velouté exquis. Un ciel de cobalt que ne voile aucune vapeur, que ne traverse aucun nuage, étend sur le décor sa splendide coupole.

Rien de plus bizarre et en même temps de plus magnifique que ce vaste panorama peint avec quatre couleurs distinctes et superposées, qui se joignent sans se confondre et se font valoir l’une l’autre ; reproduites par l’artiste sur une toile, ces zones de bleu cru, de noir d’encre, de rouge étrusque et de vert sombre, formeraient une gamme de tons fausse, criarde, épouvantable à l’œil ; mais la nature, qui se rit des tentatives de l’artiste et des combinaisons de l’art, n’a eu qu’à rapprocher ces couleurs disparates et à prononcer sur elles son magique fiat lux, pour que la lumière et l’air les enveloppassent d’un double fluide, et qu’une harmonie souveraine résultât de leur désaccord apparent.

La découverte de l’embouchure du Rio Negro remonte à 1637. Elle est attribuée à un capitaine Pedro da Costa Favella, qui accompagnait Teixeira dans son expédition à Quito. L’ancien nom de cette rivière était Quiari. Dans le voisinage de ses sources, les indigènes l’appellent encore Uénèya. Trente ans après la découverte qu’en avait fait Favella, les Portugais qui remontaient son cours pour la première fois lui donnèrent le nom de Rio Negro ou Rivière Noire, à cause de la teinte obscure de ses eaux, qu’ils crurent provenir des sources de bitume que ces eaux rencontraient dans leur trajet du nord au sud.

En 1669, une forteresse en pisé fut construite près de sa barre pour défendre les villages et les populations de l’intérieur[4] contre les pirateries des Indiens Muras, ces Uscoques de l’Amazone, dont nous avons parlé en temps et lieu. Le général d’État, Antonio de Albuquerque Coelho, fut le promoteur de cette mesure à la fois belliqueuse et conservatrice, Francisco da Motta Falcao, l’ingénieur chargé des travaux de la forteresse, et Angelico da Barros, son premier commandant. Si ces noms historiques n’éveillent aucun souvenir dans l’esprit du lecteur, ce n’est pas notre faute.

Pendant un demi-siècle, cette forteresse et sa garnison animèrent seules la solitude de la barre du Rio Negro. En 1720, un village y fut édifié par ordre de l’autorité supérieure. Quelques Portugais, mêlés à des Indiens Manaos, Cahiarahis, Coërunas et Yumas, formèrent sa population. De ce village, revu, embelli, augmenté, Xavier de Mendonça Furtado, dix-neuvième gouverneur du Para, fit, en 1758, la ville de Moura, peuplée de six mille habitants, s’il faut en croire les statisticiens de cette époque.

Tout semblait présager à la nouvelle ville un avenir prospère, lorsqu’une petite vérole des plus malignes s’abattit sur elle, et des quatre tribus indigènes dont se composait sa population, en retrancha trois : les Cahiarahis, les Coërunas, les Yumas. Restés seuls habitants de la cité, les Manaos substituèrent au nom qu’elle portait celui de leur tribu ; puis ce changement de Moura en Manao ne leur paraissant pas assez radical, ils démolirent la ville de Mendonça Furtado et utilisèrent ses matériaux pour en bâtir une autre.

Cette ville de leur façon n’eut que trois rues, symbolisant la Sainte-Trinité. Une très-longue en honneur de Dieu Père, cette première se dirigeant au nord ; deux autres moindres, une au levant, une au couchant, en souvenir du Fils et du Saint-Esprit. Une église carrée dont la façade était tournée au sud, fut le moyeu auquel se rattachèrent ces trois jantes. À en juger par son dessin géométral, Manao, vue à vol d’oiseau, dut ressembler étonnamment à un T majuscule, placé en sens inverse.

Disons à la décharge des architectes manaos que, tout en bouleversant de fond en comble l’ancienne ville pour en extraire ce chef-d’œuvre à trois pattes, ils surent respecter une magnifique allée d’orangers, plantés en 1672 par Francisco da Motta Falcao, l’ingénieur de la forteresse, laquelle allée ombrageait tout le côté de Moura exposé au couchant.

Rien ne reste de Manao dont nous achevons de tracer l’épure. Église, maisons, orangers sont rentrés en terre sans qu’un seul rejeton, issu des graines de ceux-ci, croisse à la place qu’ils embellirent si longtemps. L’emplacement qu’occupa la cité est reconnaissable à des excavations circulaires qui s’étendent jusqu’au pied de la forteresse. Ces excavations sont des sépultures. Quelques-unes gardent encore, intactes ou brisées, les jarres en terre cuite dans lesquelles les Manaos déposaient leurs morts. Ces vases, d’une pâte grossière et d’une couleur rouge-brun obscur, sont au rez du sol. Leur hauteur varie de soixante-dix centimètres à un mètre ; le diamètre de leur orifice est de quarante centimètres environ. D’informes dessins, losanges, zigzags, chevrons, billettes, sont tracés en noir sur leurs flancs. Certaines ont un couvercle ; mais la plupart sont béantes et vides. Des corps qu’elles ont contenu, il ne reste pour l’enseignement des curieux qu’un mélange de cendre humaine et de poussière apportée par le vent.

La ville moderne où nous abordons est appelée par les Brésiliens A Barra do Rio Negro. Elle est située à l’est de la forteresse. Une distance de mille pas géométriques sépare ses dernières maisons de l’emplacement qu’occupait Manao. Son assiette est très-inégale. Sur quelques points, les renflements du sol dépassent en hauteur le faîte des toitures, ce qui serait pittoresque si ce n’était absurde. Une rue artérielle, longue, large, onduleuse, accidentée çà et là par l’empiétement d’un mur de clôture ou la saillie d’un mirador, partage la ville du sud au nord. À cette rue se rattachent quelques ruelles qui aboutissent dans l’est à des pelouses nues, dans l’ouest à de grands espaces arides. Trois ruisseaux pourvus de passerelles serpentent à travers cet ensemble et servent de docks ou bassins à la flottille commerciale du lieu. Goëlettes, sloops, égariteas, viennent s’y radouber, attendre un chargement quelconque ou s’abriter contre les trevoadas, tempêtes brésiliennes qui se déchaînent sur le Bas-Amazone et dont l’influence se fait sentir à plusieurs lieues dans l’intérieur du Rio Negro.

Ces navires locaux, assez mal construits, mais enluminés de vert gai, de bleu céleste et de jonquille, portent, au lieu des noms profanes accoutumés chez nous, des noms de saints et de saintes tirés du calendrier portugais. Pareil usage qui n’est, dit-on, qu’une ruse ingénieuse employée par les armateurs des petits navires, impose en quelque sorte à l’habitant du ciel l’obligation de veiller sur la coque de son homonyme terrestre et de la préserver des coups de vent, des bancs de sable et des écueils. Au reste, il est sans exemple qu’un de ces patrons vénérés ait laissé perdre le bateau placé sous son invocation. Ajoutons que la pacifique flottille fait merveille dans le paysage et distrait agréablement les yeux de la monotone répétition des façades blanches, des toitures rouges et des pelouses jaunes.

La ville de la Barra est peuplée d’environ trois mille habitants, dont les deux tiers constituent sa population sédentaire, et l’autre tiers, sa population flottante. On y compte cent quarante-sept maisons. Ces maisons sont vastes, bien aérées, mais généralement dénuées de confort et de meubles meublant. Toutes ont des jardins ou des jardinets mal entretenus et fort peu sarclés. Les mauvaises herbes y abondent et les serpents y sont assez communs. Ce n’est qu’en tremblant qu’on y cueille des roses et des haricots. Si nous disons rose plutôt qu’œillet, et haricot plutôt que lentille, c’est que la rose à cent feuilles et le haricot blanc ou rouge, sont la fleur et le légume qu’affectionnent le plus les deux sexes de la Barra. La rose est cultivée par la femme qui en respire le parfum et en orne sa chevelure ; le haricot est cultivé par l’homme qui l’accommode au lard et le donne en pâture à son estomac. Ce mets substantiel figure chaque jour, et plutôt deux fois qu’une, sur les meilleures tables.

Les habitants de la Barra sont exclusivement voués au commerce. Les uns le font en gros, les autres en détail. Les commerçants en gros reçoivent du Haut-Amazone du cacao, du café, du rocou, de la salsepareille, des graisses de tortue et de lamantin, des huiles d’andiroba, de copahu et autres denrées dont l’énumération n’a que faire ici. Ces produits leur arrivent par lots minimes et sont emmagasinés par eux en attendant qu’ils aient pu compléter le chargement d’un petit navire. Alors ils les expédient au Para, où quelques-uns de ces produits sont consommés sur place et d’autres exportés en Europe.

Les commerçants en détail ont des caves-boutiques qui rappellent les Tiendas-bodegons des villes du Pérou. Au volet extérieur de leur devanture pendent un mouchoir à carreaux, un rouleau de cordages, une botte de paille, destinés à servir d’enseigne et à attirer le regard des passants. Comme l’Olla podrida des Espagnols, ces boutiques réunissent les choses les plus estimables et les moins homogènes. On y trouve des étoffes et du saindoux, des saucissons et des rubans, de la viande salée et des chapeaux de paille, du tafia, des souliers à clous, des légumes secs, des clous à bordage et cent autres articles d’une utilité reconnue.

Malgré ce que nous avons pu dire en commençant du plan géométral de la Barra, de l’ondulation de sa grande rue et de ses pelouses jaunies, l’aspect de cette ville ne laisse pas d’impressionner agréablement l’individu qui, comme nous, l’aborde au sortir des villages du Haut-Amazone, encore plongés dans une pénombre de barbarie. Le titre de capitale de province que lui donnent les statistiques et qu’elle doit à ses maisons à miradors, à sa flottille polychrome, au mouvement commercial dont elle est le centre, ce titre explique et justifie certain luxe de redingotes et de robes à falbalas qu’on y remarque en arrivant. À l’adoption de nos modes françaises par les bourgeois de la localité, à la chemise entière que portent les Indiens au lieu de la demi-chemise économique des villages d’en haut, on reconnaît bien vite que la


Vue panoramique de la Barra prise du Balcon de la chapelle de Notre-Dame des Remèdes.

sauvagerie est restée en arrière et qu’on a devant soi

un de ces entonnoirs appelés capitales, où tous les courants géographiques, intellectuels, politiques et commerciaux d’une contrée viennent aboutir.

L’emploi de mes journées, durant mon séjour à la Barre, fut consciencieusement reparti entre le travail, les bains, les siestes et les promenades. La maison que habitais n’avait d’autres meubles qu’une table en bois grume et un hamac, qui selon l’heure me servait de siége ou de lit ; mais elle était silencieuse et nul bruit importun n’y troubla jamais mes rêveries ou mon sommeil. Soir et matin, je descendais à la rivière pour y faire mes ablutions et regarder sa vaste nappe, noire comme l’ébène, limpide comme le cristal et toujours magnifique, soit que le soleil la glaçât de rose ou de pourpre, selon l’heure de la journée, soit que la lune semât une traînée de vif argent ou que les étoiles la criblassent de milliers de points lumineux. Que d’heures charmantes j’ai passées étendu sur le sable blanc de sa rive, avec de l’eau jusqu’à mi-corps et mes deux bras pour oreiller, aspirant les tièdes parfums répandus dans l’air, écoutant les vagues rumeurs qui se dégageaient du silence et regrettant de ne pouvoir vivre et mourir dans cette posture !

Les forêts de la Barre où je poussai quelques reconnaissances, ne m’offrirent d’autres raretés végétales que des Orobanchées, des Chamœdoreas aux stipes grêles et la répétition obstinée des espèces qui croissent dans le voisinage des eaux noires, espèces que déjà j’avais vues ailleurs. Ces forêts, qu’un Européen débarqué de la veille et trompé par le luxe apparent de leur végétation, eût crues vierges et immaculées, étaient des Capouëras. On désigne au Brésil par ce nom emprunté à l’idiome tupi, des forêts autrefois défrichées et retournées à l’état naturel par suite de l’abandon des cultivateurs. Une chose que nos botanistes parisiens ignorent peut-être, c’est que la forêt tropicale sur laquelle l’homme a porté autrefois la main, ne recouvre jamais sa splendeur native, fût-elle abandonnée à elle-même pendant un siècle[5]. Certains diront que ce stigmate indélébile est le sceau qu’en sa qualité de roi de la création, l’homme appose sur sa conquête ; d’autres penseront que cet infortuné bipède a, comme les harpies de la Fable, la triste faculté de souiller et de flétrir tout ce qu’il touche.


Ruines de la forteresse de la Barre du Rio Negro.

Si je ne découvris dans ces bois pollués ni fleurs exquises, ni fruits étranges, j’y trouvai une scierie de planches dirigée par un Écossais et mise en mouvement par l’eau noire d’une petite rivière. L’homme m’expliqua sa machine et m’en énuméra les avantages avec une telle loquacité et dans un patois anglo-portugais si étrange, que je ne compris rien à ses explications. Mais à l’enthousiasme dont rayonnait le front de l’individu ; aux éclairs que lançaient ses yeux d’un bleu de faïence, je jugeai que j’avais affaire à un industriel certain du succès de son industrie et supputant déjà en idée les sommes fabuleuses qu’elle devait lui rapporter.

Comme un dédommagement de l’indigence des forêts qui l’entourent[6], la Barre offre aux amateurs de paysages quelques points de vue assez remarquables. Dans le nombre, il en est deux qui se recommandent à l’attention par leur caractère diamétralement opposé. Esquissons-les en quelques lignes pour éviter aux voyageurs qui nous succéderont la fatigue et l’ennui d’aller à leur recherche.

Le premier de ces points de vue a pour observatoire naturel le balcon de bois de Notre-Dame des Remèdes, humble chapelle à toit de chaume située à l’est de la Barre, en rase campagne. De cet endroit, comparativement élevé, on embrasse d’un seul regard les maisons de la ville, leurs cours, leurs jardins et leurs jardinets, les ruisseaux-docks, les ponts de bois, les navires à l’ancre et les pelouses d’alentour. Au nord, à l’est, au sud, on voit la ligne des forêts enserrer le tout comme un mur d’enceinte, et à l’ouest, apparaître, entre deux falaises, un large morceau du Rio Negro, pareil à un fragment de marbre noir enchâssé dans une mosaïque.

Le second paysage se révèle à l’observateur placé sur la colline qui forme le soubassement de la forteresse écroulée. Moins riche en détails que le premier, il l’emporte sur lui par la grandeur des lignes et la majesté de l’ensemble. Il est composé d’une seule courbe du Rio Negro, longue de trois lieues, large d’une lieue, bordée du sud au nord par l’étroit liséré des berges et la muraille des forêts. Au coucher du soleil, ce paysage, simple nappe d’eau noire qu’aucun souffle ne ride, qu’aucun oiseau n’effleure, prend un aspect étrange et presque funèbre ; on dirait un drap mortuaire étendu sur les castes défuntes de cette partie du pays.

Le cimetière manao, dont nous avons parlé, occupe le versant oriental de cette colline. L’antiquaire en y cherchant ces jarres-cercueils dans lesquelles les anciens Manaos plaçaient leurs momies, trouvera après quelque cents pas faits au sud, dans un pli du terrain, deux chapiteaux de marbre blanc, qui ne lui rappelleront aucun des ordres d’architecture mentionnés par Vitruve et Vignole. Ces chapiteaux, pyramidions à quatre pans, courts, trapus, avec listel et doucine à leur base et du genre de ceux qui décorent le faîte des tombeaux étrusques, ces chapiteaux portent à leur sommet un ornement sphérique et côtelé qui ressemble à la capsule ligneuse et déhiscente du hura crepitans, ou, pour parler un langage plus simple, à un melon du genre cantaloup avec ses côtés en saillie. Une croix surmontait ce bizarre ornement.


Jarre funéraire des Manaos.

À la vue de ces débris, que l’air, la pluie, le soleil et la lune ont rongés de concert et dont le marbre s’émiette entre les doigts, si l’antiquaire pouvait croire à l’existence d’une Ninive américaine disparue depuis des siècles et qu’un heureux hasard lui a fait découvrir, il se tromperait lourdement.

Ces chapiteaux pointus datent du dix-huitième siècle et formaient le couronnement des piliers de démarcation (padroëns) destinés par les Portugais à marquer les limites du Brésil du côté de la Guyane Hollandaise, du Vénézuela, de l’Équateur et du Pérou. Taillés et sculptés à Lisbonne, ils avaient été envoyés au Para et de là expédiés à Manao pour y être répartis de la façon suivante : un devait être placé à Sau Joaquin sur le Rio Branco ; un autre à San José de Marabitanas sur le Rio Negro ; un troisième sur la rivière Iça ; un quatrième et dernier à Tabatinga sur le Haut-Amazone. Mais le destin qui se rit des projets des hommes et des piliers de marbre blanc, disposa de ces padroëns à sa fantaisie ; deux d’entre eux, partis pour la Guyane et le Vénézuela, allèrent s’échouer devant Barcellos, sur le Rio Negro, où le sable les recouvre aujourd’hui, les deux autres, au lieu de remonter l’Iça et le Haut-Amazone, restèrent étendus entre Manao et sa forteresse, à l’endroit où nous les voyons.

Le dessin que nous donnons d’un de ces padroëns le reproduit dans son intégrité native et tel qu’il sortit, en 1750, de l’atelier du marbrier lusitanien[7].

Et puisque nous sommes en goût d’antiquités, disons qu’une des maisons de la Barre garda longtemps devant son seuil, auquel elle servait de marche, une statue en grès trachytique, représentant un homme singe assis, aux paupières mi-closes, aux bras croisés sur le thorax. Cette icone que les gamins de la ville s’appliquaient volontiers à rendre de plus en plus fruste et méconnaissable, avait été découverte au dix-septième siècle sur les frontières de la Nouvelle-Grenade, du côté du Brésil et près des sources de rivière Uaüpès, par des carmes portugais en tournée. Frappés de l’étrangeté de cette œuvre païenne, ils l’avaient recueillie et transportée par eau jusqu’à leur Mission de Nossa Señhora das Caldas, sur le Rio Negro, où ils en avaient fait une marche d’autel. Plus d’un demi-siècle après l’extinction de la Mission carmélite, un Brésilien en quête de salsepareille retrouva cette statue à demi enfouie dans le sol et s’en servit pour lester son égaritéa. Longtemps ballottée à fond de cale sur le Rio Negro et ses affluents, l’icone vint un jour s’échouer à la Barre et y resta stationnaire.

En 1847, un comte voyageur, qui descendait officiellement l’Amazone et s’arrêtait à la Barra, vit cette icone couchée en travers d’une porte, s’éprit pour elle d’une passion subite, et, l’ayant demandée à son propriétaire, qui ne put la lui refuser, l’emporta triomphalement en France et en gratifia notre musée du Louvre.

Mais, en remettant sa conquête artistique au conservateur du Musée, le voyageur ne put donner sur elle aucun renseignement ; et comme, de son côté, le conservateur ne devinait ni n’imaginait rien, il relégua l’idole dans une salle basse avec quelques-unes de ses pareilles et se contenta de la désigner sur le livret de l’établissement par ce chiffre et ces mots : 670. — Statue de singe. — hauteur 1 mètre 35 centimètres ; notice explicative qui dut sembler insuffisante aux esprits d’élite, mais dont le public du dimanche se montra généralement satisfait.

Si nous nous sommes appesanti sur le compte de cette idole, c’était dans la crainte de voir plus tard un voyageur novice attribuer aux Indiens Manaos de la Barra du Rio Negro une œuvre sculpturale que les nations de l’hémisphère nord, en marche à travers ce continent du Sud, durent autrefois laisser derrière elles comme une attestation de leur passage[8].


Ancien pilier de démarcation ou padrao.

Quinze jours s’étaient écoulés depuis mon arrivée à la Barra. Le pilote et les rameurs qui m’y avaient amené, étaient repartis pour Loreto, après m’avoir fait leurs adieux. Pour que ces bonnes gens ne me gardassent pas rancune de l’excès de labeur que leur avaient occasionné mes fantaisies hydrographiques, j’avais vidé dans leurs mains le cabas indigène qui contenait mes objets d’échange et les avais approvisionnés pour longtemps de couteaux, de ciseaux, de hameçons, de miroirs, de rassades, toutes choses dont je n’avais que faire en pays civilisé.

Le sloop Santa-Martha, qui devait me conduire au Para, avait complété son chargement et se balançait sur son ancre, en attendant le moment de partir. Averti d’avance par l’armateur du petit bâtiment, un major d’infanterie, qui parlait peu et riait moins encore, j’avais fait mes paquets et me tenais prêt à monter à bord au premier signal.

Ce signal me fut donné un matin, à onze heures. Depuis la veille, le sloop s’était halé hors des ruisseaux-docks et était allé se poster au large. Quelques commercants de la Barre, qui avaient paru s’intéresser à mon voyage, à en juger par l’accueil amical qu’ils avaient fait à mon individu, voulurent, à l’issue d’un déjeuner pris en commun, m’accompagner jusqu’au sloop sur un radeau décoré de feuillages. Le vin d’Oporto et le tafia dont on avait vidé quelques bouteilles, entraient pour beaucoup dans cette détermination. Une demi-lieue nous séparait du sloop. Ce trajet s’effectua au milieu des chants et des rires. En atteignant le bâtiment, je pris congé de la troupe joyeuse qui me salua de vivats prolongés, but un dernier coup à ma santé et se mit en devoir de regagner la terre. Un coude de la rivière la déroba pour toujours à mes yeux. Après une heure de descente et l’embouchure du Rio Negro dépassée, nous bordions la grand’voile et, serrant le vent au plus près, nous courions bâbord-amures notre première bordée sur le Bas Amazone.

Avant de suivre dans une nouvelle région ce grand fleuve que, sous le nom d’Apurimac, nous avons vu sortir du lac de Vilafro, au pied des Andes occidentales[9] et confluer par 10° 75’ avec le Quillabamba-Ucayali dont nous avons longé constamment les bords, jetons un dernier coup d’œil sur la partie supérieure de son cours. Le commandant du sloop Santa-Martha, un jeune Indien Uaüpé, croisé de Portugais, qui en est à la fois le capitaine, le subrécargue et le pilote, assure que la bordée que nous courons sur San José de Maturi durera près d’une heure. Or, c’est plus de temps qu’il n’en faut pour dresser le bilan ethnologique du Haut-Amazone. Avant que le moment soit venu de changer d’amures, nous saurons à quoi nous en tenir sur la situation réelle, dans le passé et le présent, des lieux, des hommes et des choses que nous laissons derrière nous.

En 1637[10], quand le Portugais Pedro Teixeira remonta le cours de l’Amazone, quatre nations puissantes : les Sorimaos, les Curucicuris, les Umaüas et les Yurimaos occupaient la partie du fleuve comprise entre le Rio Negro et le Javari. Sur cette étendue, onze tributaires, en y joignant les deux affluents précités, que le même fleuve reçoit par la droite et la gauche, étaient habités par quatre-vingt-dix-huit nations.

Établies sur les rivages et sur les îles du Haut-Amazone, les quatre nations que nous venons de mentionner vivaient en paix entre elles ; s’il leur arrivait de guerroyer, c’était contre quelque nation de l’intérieur et par suite d’une invasion ou d’un empiétement de celle-ci sur la partie du fleuve dont les premières semblaient s’être arrogé le monopole.


La conduite après déjeuner.

Au retour de Pedro Teixeira, l’asservissement des Peaux-Rouges fut décrété. La relation pompeuse de son voyage à Quito avait mis le gouvernement portugais du Para en goût de civilisation ; des villages et des missions ne tardèrent pas à s’élever sur le Haut-Amazone. Pour les peupler, on recourut aux naturels de la contrée, qu’on baptisa, qu’on habilla d’une chemise par respect pour les mœurs, et qu’on répartit sur les points nouvellement fondés. Les quatre nations, échelonnées sur le fleuve subirent les premières le joug des conquérants ; bientôt on leur adjoignit d’autres nations tirées de l’intérieur des rivières voisines. À mesure que le nombre des villes et des villages allait en augmentant, le chiffre de la population indigène alla diminuant. Le brusque passage d’une indépendance absolue à une entière servitude, le choix d’une alimentation dont le poisson salé formait la base, les travaux de tout genre et les corvées de toute espèce, sans oublier les maladies venues à la suite des conquérants, toutes ces causes agissant de concert, expliquent suffisamment la diminution rapide des indigènes.

Paul Marcoy.

(La suite à une autre livraison.)



  1. Suite. — Voy. t. VI, p. 81, 97, 241, 257, 273 ; t. VII, p. 225, 241, 273, 289 ; t. VIII, p. 97, 113, 129 ; t. IX, p. 129, 145, 161, 257, 177, 193, 209 ; t. X, p. 129, 145, 161, 177 ; t. XI, p. 161, 177, 193, 209, 225 ; t. XII, p. 161, 177, 193, 209 ; t. XIV, p. 81, 97, 113, 129, 145 ; t. XV, p. 97 et la note 2, 113 et 129.
  2. Ainsi nommée de la nation des Purus-Purus, dont le territoire, au dix-septième siècle, s’étendait de son embouchure à cinquante lieues dans l’intérieur. Cette nation est représentée aujourd’hui par sept ou huit familles disséminées dans l’espace compris entre le lac-rivière dos Muras et les premiers rapides du Purus.
  3. Ces vents de la Cordilière règnent ordinairement de juin à juillet et se font sentir dans la Plaine du Sacrement et jusque sur le Haut-Amazone. Leur action est très-variable ; quelquefois ils tempèrent simplement la chaleur du jour et donnent aux matinées et aux soirées un peu de fraîcheur. D’autres fois il déterminent un abaissement de température assez prononcé pour obliger les indigènes à allumer de grands feux pour se réchauffer. En certaines années exceptionnelles, où la neige tombe abondamment dans la Sierra, le refroidissement subit des affluents qui y ont leur source, tue ou engourdit beaucoup de petits poissons qu’on voit flotter le ventre en l’air et dont les Indiens font leur nourriture.
  4. Cinq ans après la première exploration du Rio Negro, dix-neuf bourgades étaient fondées sur ses deux rives. Ces bourgades qui prirent plus tard le titre de villes, échangèrent contre un nom portugais le nom qu’elles tenaient des populations indigènes. Ainsi l’ancienne Aracari devint Carvoeiro, Cumaru eut nom Poiares, Barcellos succéda à Mariüa, Moreira à Cabuquena, Thomar à Bararoa, Lama Lunga à Dari, ainsi des autres jusqu’à San José de Marabitanas, village fortifié qui, du côté de la Nouvelle-Grenade, séparait les possessions du Portugal de celles de l’Espagne.

    De ces dix-neuf villes, il reste à peine aujourd’hui trois villages. Quant aux vingt-deux castes indigènes, primitivement établies sur le Rio Negro et qui servirent à les peupler, ces castes sont représentées de nos jours par les descendants des tribus Barré et Passé, à demi chrétiens, à demi abrutis et répandus sur les rives de l’Iça. Une seule tribu originaire du Rio Negro est restée fidèle à la barbarie de ses pères, c’est celle des Macus que les Brésiliens des alentours du Japura qualifient d’hommes-singes et chassent à coups de fusil de leurs domaines où ces Indiens, pressés par la faim, viennent dérober quelquefois des fruits et des racines.

  5. Nous avons vu de ces forêts abattues vers la fin du seizième siècle, puis abandonnées à elles-mêmes depuis cette époque et qui gardaient encore les traces de ce défrichement. En outre, une remarque que nous avons pu faire maintes fois en nous promenant à leur ombre, c’est que les arbres, les plantes et les lianes dont ces forêts se couvrent après leur mutilation, sont pour la plupart, d’espèces différentes de celles qui y croissaient au principe.
  6. Nous n’entendons parler ici que des seules forêts autrefois défrichées qui touchent à la ville. Celles de l’intérieur du Rio Negro, renommées pour leur flore et leur faune abondent en espèces végétales précieuses et en animaux rares et curieux.
  7. Ces piliers de marbre destinés à remplacer les piliers de bois que les Portugais avaient employés jusqu’alors pour la délimitation de leurs frontières, se composaient de trois pièces qu’on plaçait et déplaçait à volonté ; la base ou piédestal, le pilier proprement dit et le pyramidion qui lui servait de chapiteau. Entre le sommet et la moulure du pyramidion était gravée l’inscription suivante : Sub Joanne V. Lusitanorum Rege Fidelissimo. Au bas de cette plinthe, sous les armes de Portugal : Sub Ferdinando VI Hispaniæ Rege Catholico. Sur la face du pilier : Ex Pactis Finium Regundorum Conventis Madriti Ibid. Januar. M.D.CC.L. Et enfin sur le piédestal : Justitia et Pax Osculatæ sunt.
  8. Par son style, son exécution et la nature de la pierre employée, cette icone appartient à la série des œuvres de l’art indo-mexicain dont les nations voyageuses des plateaux d’Anahuac importèrent la tradition dans cette Amérique du Sud. Nous avons donné des échantillons gravés de ces œuvres dans notre monographie des Incas. Les archéologues, désireux de juger de la ressemblance de l’idole sus-mentionnée avec les spécimens par nous donnés, trouveront celle-ci, non plus dans la salle basse dont nous avons parlé, mais au second étage du nouveau musée du Louvre et derrière la porte d’un étroit couloir où sont rassemblés quelques restes frustes de la statuaire mexicaine.
  9. Les sources de l’Apurimac. —Scènes et paysages dans les Andes, 1er série. — Hachette, 1861.
  10. Si nous prenons cette date pour point de départ, bien que depuis 1615 les États réunis de Marañhao et du Para fussent régis par un pouvoir régulier, et qu’en 1620 une partie du Bas-Amazone fût déjà connue et ses indigènes féodalement exploités, c’est que cette date inaugure la première exploration du cours supérieur du fleuve faite par les conquérants portugais.