Voyage en Espagne (Doré et Davillier)/11

La bibliothèque libre.


VOYAGE EN ESPAGNE,

PAR MM. GUSTAVE DORÉ ET CH. DAVILLIER[1].




GRENADE.

1862. — DESSINS INÉDITS DE GUSTAVE DORÉ. — TEXTE INÉDIT DE M. CH. DAVILLIER.


La salle des Abencerrages ; encore des taches de sang ; histoires de revenants : les ombres des chevaliers abencerrages. — La Sala de las dos Hermanas. — La sala de los Embajarodes ; le plafond Artesonado, les Azulejos. — Réponse d’un roi de Grenade ; le récit d’un chevalier zégri : la revanche des Abencerrages ; la Hermosa Galiana. — Le Peinador de la reina. — Le jardin de Lindaraja. — Le Mirador. — Les Baños de la sultana. — La sala de Secretos. — La Mesquita ou Capilla real. — Le Patio de la Reja. — Les peintures de la sala del Tribunal.

La salle des Abencerrages est une des plus belles de l’Alhambra, sinon une des plus grandes : la voûte, en forme de media naranja — de moitié d’orange — suivant l’expression espagnole, est du travail le plus merveilleux qu’on puisse imaginer : des milliers de pendentifs, ou petites coupoles pendantes, d’une variété infinie se détachent de la voûte et s’y suspendent comme autant de stalactites. On ne pourrait mieux comparer ces étonnants plafonds moresques aux alvéoles innombrables d’une ruche. Rien n’est plus curieux que leur construction purement mathématique, et d’une symétrie parfaite, malgré une apparence d’irrégularité : ces pendentifs sont formés par la combinaison de sept prismes de formes différentes surmontés de courbes tantôt en plein cintre, tantôt en ogive. On est étonné de l’effet extraordinaire que les architectes mores savaient obtenir avec des éléments d’une aussi grande simplicité.

La salle des Abencerrages doit son nom à ce que, suivant une tradition accréditée à Grenade, plusieurs de ces seigneurs mores y furent assassinés ; des taches couleur de rouille se voient sur le rebord d’un grand bassin qui occupe le centre de la salle, et on assure que le sang est celui de plusieurs Abencerrages qui auraient été égorgés au-dessus de ce bassin, en même temps que les têtes de leurs frères tombaient dans celui de la fontaine des Lions. Le fait s’explique très-naturellement par le voisinage du Patio de los Leones, qui est contigu, comme on sait, à la salle des Abencerrages.

Le P. Écheverria, qui nous a raconté avec un si grand sérieux l’histoire du Cheval sans tête et du Fantôme velu, plaisante agréablement les visiteurs naïfs et sensibles qui, de son temps, s’apitoyaient sur le sort des victimes. « Il vient ici, dit le chanoine de Grenade, des hommes et des femmes qui visitent l’Alhambra, et, arrivés à la salle des Abencerrages, ils regardent avec attention le sol, et fixent leurs yeux sur le bassin ; ils croient voir les ombres de ces malheureux seigneurs se dessiner sur les murs, leurs corps traînés sur les dalles, et ils voient même sur le bassin les taches de leur sang innocent ; les hommes demandent vengeance au ciel contre une pareille injustice, et les femmes pleurent amèrement le malheureux sort des victimes, se répandant en malédictions contre le roi impie, tandis que d’autres bénissent mille fois le petit page qui alla porter la nouvelle du massacre à ceux qui n’étaient pas encore venus au fatal rendez-vous. »

Ainsi, ajoute le P ; Êcheverria, tout cela n’est que mensonge et fausseté, — todo es mentira, falso todo. Cela n’empêche pas le brave chanoine de nous raconter, quelques pages plus loin, que les ombres des Abencerrages reviennent chaque nuit dans la Cour des Lions, et dans la salle où plusieurs d’entre eux périrent ; ces revenants font entendre, à l’heure de minuit, un lugubre murmure, « aussi fort que le bruit qu’on entend dans la cour de la Chancilleria les jours d’audience, quand il y a une grande foule ; et ce murmure est produit par la voix de ces pauvres chevaliers traîtreusement égorgés, qui viennent, avec beaucoup d’autres membres de la même tribu, demander justice de la mort cruelle qu’on leur a fait souffrir ; un prêtre qui venait de dire la messe à l’église de San-Cecilio m’a assuré à plusieurs reprises, en mettant la main sur son cœur, que rien n’était plus vrai que tout cela. »

C’est dans la salle des Abencerrages que se trouvaient les belles portes en bois dont nous avons parlé précédemment, et qui furent enlevées en 1837, par ordre du gouverneur, et sciées pour fermer une brèche dans une autre partie de l’Alhambra. Rien n’est plus curieux que le travail de ces portes moresques ; elles sont composées d’une infinité de petits morceaux de bois résineux, ordinairement en forme de losange, et qui s’emboîtent parfaitement ensemble, de manière à former un tout très-solide. Nous avons vu chez un de nos amis des fragments presque semblables, provenant d’une ancienne mosquée du Caire.

En face de la salle des Abencerrages se trouve celle de Las dos Hermanas, des deux sœurs, ou nous nous rendrons en traversant de nouveau la Cour des Lions. La sala de las dos Hermanas doit son nom, à ce qu’on assure, à deux larges dalles de marbre blanc qui se font remarquer, parmi celles qui forment le pavage, non-seulement par leur dimension, mais par leur couleur et leur forme, d’une égalité si parfaite, qu’on les a appelées les Deux Sœurs. Cette explication ne nous satisfait que médiocrement, mais il faut nous en contenter : nous avons eu beau en demander une meilleure aux auteurs les plus anciens qui ont parlé de l’Alhambra, jamais nous n’avons pu en trouver d’autre.

La sala de las dos Hermanas faisait autrefois partie des appartements particuliers des rois de Grenade ; de chaque côté on remarque deux alcôves qui ont dû être destinées autrefois à recevoir des lits, et qui sont ornées des plus riches arabesques, et d’inscriptions à la louange du sultan Abou-l-Hadjadj, celui qui contribua le plus aux embellissements de l’Alhambra.

Au milieu de la salle des Deux Sœurs se trouve un bassin de marbre, comme dans celle des Abencerrages ; du reste ces deux salles offrent entre elles une assez grande ressemblance quant à la disposition ; seulement la première l’emporte pour l’élégance de ses ornements et pour la richesse de sa voûte ou media naranja. Voici quelques-unes des inscriptions qu’on y remarque, elles offrent un intérêt particulier en ce sens qu’elles se rapportent à la décoration de la salle même :

« Observe attentivement mon élégance : elle te fournira un utile commentaire sur l’art de la décoration.

« Regarde cette merveilleuse coupole ! À la vue de ses admirables proportions toutes les autres coupoles pâlissent et disparaissent.

« Vois aussi ce portique, qui contient des beautés de toutes sortes.

« En vérité, ce palais n’aurait pas d’autres ornements, qu’il surpasserait encore en splendeur les hautes régions du firmament !

« Voici des colonnes ornées de toutes les perfections, et dont la beauté est devenue proverbiale.

« Lorsqu’elles sont frappées par les premiers rayons du soleil levant, elles ressemblent à autant de blocs de perles. »

Les jambages des portes présentent encore les inscriptions suivantes, dont le premier verset nous fait voir que les Mores avaient l’habitude d’orner de vases les appartements de leurs palais :

« Ceux qui me contemplent me prennent pour une fiancée qui s’adresse à ce vase, et recherche ses faveurs comme celles de son bienaimé.

« Et pourtant, je ne suis pas la seule merveille de ces lieux, car je plane avec étonnement sur un jardin dont jamais l’œil d’un homme n’a vu le semblable.

« Je fus bâtie par l’Iman Ibn-Nasr ; puisse Dieu conférer à d’autres rois la majesté de ce prince ! »

La salle des Deux Sœurs contient encore d’autres inscriptions, dont une partie a été cachée par des piliers de bois que l’Ayuntamiento de Grenade fit dresser aux quatre angles, dans sa barbare tentative pour décorer cette pièce, à l’occasion d’une visite que l’infant don Francisco de Paula fit à l’Alhambra en 1832.

Précédemment on y avait établi un atelier, et plus anciennement encore on y avait exécuté de maladroites restaurations, lorsque cette pièce fut habitée par Isabelle la Catholique, et par Éléonore de Portugal, femme de Charles-Quint. La voûte en artesonado ou stalactites est d’un travail très-compliqué, et on assure qu’elle se compose de près de cinq mille morceaux ajustés ensemble.

Les salles que nous venons de visiter ne sont rien, malgré leur élégance et leur richesse, en comparaison de la salle des Ambassadeurs, qu’on peut appeler la merveille et le chef-d’œuvre du palais des Mores ; nous nous rencontrâmes, pendant notre séjour à Grenade, avec un original qui ne voulut jamais visiter les autres pièces de l’Alhambra, prétendant que celle-ci résumait toutes les beautés possibles, et qu’il était parfaitement inutile, après avoir vu la pièce capitale, de perdre son temps à des objets secondaires. Cet étrange sophiste avait tort assurément ; mais si quelque chose pouvait donner à son obstination une apparence de raison, ce serait l’aspect majestueux et la rare perfection de la pièce qui faisait l’objet de son admiration exclusive.

La sala de los Embajadores occupe tout l’intérieur de la torre de Comarès, la plus vaste et la plus importante des tours de l’Alhambra ; on l’appelle aussi quelquefois sala de Comarès ou Comaresch, soit parce que les artistes qui la décorèrent étaient originaires de la ville de ce nom, soit, suivant Simon de Argote, à cause du genre de ses ornements, nommé comarragia par les Persans, expression qui fut adoptée par les Mores ; on traverse, avant d’y pénétrer, une espèce de galerie ou d’antichambre (antesala) plus longue que large, appelée la sala de la Barca, nom qui lui vient, dit-on, de sa forme allongée, ou, ce qui est plus probable, du mot arabe barkah, souvent répété, et qui signifie bénédiction ; cette antesala est digne elle-même de la pièce à laquelle elle sert d’entrée : elle est surmontée de deux arcs qui supportent une voûte à stalactites aussi riche que celles que nous venons de décrire.

De chaque côté de la porte d’entrée sont percées, dans l’intérieur de l’arcade, deux petites niches en marbre blanc ornées des sculptures les plus délicates et du meilleur style ; imitées très-probablement de celles beaucoup plus anciennes qu’on voit encore dans la mosquée de Cordoue, ces niches étaient, dit-on, destinées à recevoir les sandales des visiteurs qui les déposaient en signe de respect avant d’entrer, comme on fait encore aujourd’hui en Orient à la porte des mosquées. On a prétendu également qu’on y plaçait des alcarrazas ou vases de terre poreuse, dont on se sert encore en Espagne pour faire rafraîchir l’eau.

La salle des Ambassadeurs, la plus grande de celles de l’Alhambra, mesure environ quarante pieds sur chaque face, et soixante-dix de hauteur depuis le sol jusqu’à la media-naranja, dimensions très-considérables eu égard à celles des autres pièces. Cette media-naranja est faite d’un bois résineux de la famille des cèdres ou des mélèzes, que les Espagnols appellent de son nom arabe alerce, mot qui, soit dit en passant, a été pris assez plaisamment pour un nom d’artiste par l’auteur d’un guide en Espagne, qui attribue le plafond à Alerce. Les innombrables morceaux de bois qui composent la coupole s’enchevêtrent les uns dans les autres avec une variété infinie qui défie toute description. Ce genre de travail, d’une complication extrême, s’appelle, en espagnol, artesonado. Tout cela est peint en bleu, rouge et vert, et rehaussé de dorures auxquelles le temps a donné un ton des plus harmonieux.

Quant aux murailles, c’est toujours le même luxe d’arabesques en stuc, exécutées avec très-peu de relief et avec la délicatesse de la dentelle, au moyen du moulage ; de manière qu’avec quelques éléments très-simples qui se reproduisent et se combinent entre eux, les dessins se développent et se varient à l’infini. On assure qu’au seizième siècle la salle des Ambassadeurs fut restaurée sous la direction de Berruguete, le célèbre sculpteur et architecte ; un fait très-curieux, c’est qu’il se servit, pour mouler les arabesques en stuc, d’anciens moules moresques en bois, conservés à l’Alhambra.

À la hauteur de cinq ou six pieds au-dessus du sol, les arabesques font place aux azulejos, ces carreaux de faïence vernissée dont nous avons déjà parlé et dont le nom, qui signifie bleu en arabe, vient probablement de ce que les premiers qu’on fit étaient de cette couleur. Ces azulejos sont de formes et de couleurs variées : tantôt ils offrent une teinte plate — ordinairement en bleu, vert, jaune orange ou violet — et forment, par la juxtaposition, les combinaisons les plus variées, où la symétrie n’exclut pas le caprice ; tantôt chaque carreau présente un dessin avec diverses couleurs qui sont séparées entre elles par des traits en relief ; quelquefois, dans ces derniers, la couleur brune est introduite parmi les ornements, comme, par exemple, dans les azulejos sur lesquels on voit l’écusson contenant les armoiries des rois de Grenade, avec la devise : « Il n’y a d’autre vainqueur que Dieu. » Ceux-là sont les plus beaux et aussi les plus rares ; presque tous ceux qui restaient ont été enlevés, et c’est à peine si on en voit encore quelques-uns.

Les azulejos avec reliefs étaient probablement employés pour le pavage des salles, les parties en saillie préservant le fond de l’usure produite par le frottement continuel des pieds. On a objecté, il est vrai, qu’il était peu vraisemblable que des carreaux portant le nom de Dieu fussent placés à terre et foulés aux pieds, les Orientaux évitant soigneusement de marcher sur le moindre morceau de papier, dans la crainte que le nom de Dieu ne s’y trouve écrit ; mais on peut répondre à cela que les Mores d’Espagne observaient beaucoup moins strictement que les musulmans orientaux les préceptes religieux du Coran, comme le prouvent la fontaine des Lions, le bas-relief de l’Alcazaba, et les curieuses peintures que nous verrons tout à l’heure dans la salle du Jugement.

Nous ajouterons ici une observation : c’est que les azulejos sont toujours en faïence, et non pas en porcelaine, comme on l’a imprimé si souvent ; il faut en dire autant du beau vase de l’Alhambra, qu’on présente aussi quelquefois comme une porcelaine, bien qu’il soit antérieur de plusieurs siècles à la fabrication de ce genre de poterie en Europe.

Les inscriptions de la salle des Ambassadeurs sont nombreuses ; nous n’en citerons que quelques-unes :

« Gloire à notre sultan, le roi guerrier Abou-l-hadjadj, — que Dieu rende victorieux ! »

On lit encore, au-dessus d’un son bassement en azulejos, dans le cabinet ou alcoba qui fait face à la porte d’entrée :

« Ici tu es accueilli matin et soir par des paroles de bénédiction, de paix et de prospérité.

« Voici le dôme élevé et nous sommes ses filles (ceci fait allusion aux alcobas, qui forment dans la salle comme autant de pièces plus petites).

« Pourtant, je possède une excellence et une dignité au-dessus de toutes celles de ma race. »

La salle des Ambassadeurs était, comme l’indique son nom, la pièce d’honneur du palais, celle où avaient lieu les réceptions solennelles ; c’est là que les rois de Grenade recevaient les envoyés des princes africains, porteurs quelquefois de présents perfides, témoin la tunique empoisonnée, offerte par Ahmed, roi de Fez, à Yousouf II, qui mourut, dit-on, peu de temps après l’avoir portée ; c’est là que le sultan Aboul-Hasen faisait, à l’époque de la splendeur de Grenade, cette fière réponse à l’envoyé du roi de Castille, qui exigeait un tribut en argent : « Allez dire à votre maître que dans mon hôtel des Monnaies, on ne frappe pour lui que des fers de lance ! »

Plus d’une fois aussi, ces murs si élégants furent témoins de drames sanglants : Mohammed-Ibn-Ismael ayant, dans une cérémonie publique, essuyé une insulte de son souverain, qui lui reprochait de s’être conduit lâchement dans une attaque contre les chrétiens, jura de s’en venger, et le frappa d’un coup de poignard dans cette salle, ainsi que son grand-vizir.

C’est encore dans la salle des Ambassadeurs que Boabdil, le dernier roi de Grenade, reçut la nouvelle de la mort de trente cavaliers zégris, massacrés dans la Vega par les Abencerrages, qui avaient embrassé le christianisme, et étaient devenus les vassaux du roi Ferdinand ; scène que rapporte ainsi un romance morisco :

« Devant le roi Chico, de Grenade, sont arrivés des messagers entrés par la puerta de Elvira, qui se sont rendus à l’Alhambra. Celui qui est arrivé le premier est un Zégri de renom, coiffé en signe de deuil d’un capuchon noir ; après avoir mis les genoux à terre, il s’est exprimé ainsi : « Je t’apporte, seigneur, les nouvelles les plus douloureuses : sur les fraîches rives du Xenil s’étend une nombreuse armée ; elle y a déployé ses enseignes de guerre, un étendard doré sur lequel est brodée une magnifique croix plus brillante que l’argent. Et le général de ces troupes s’appelle le roi Ferdinand : tous ont fait le serment de ne pas quitter la Vega avant de s’être rendus maîtres de Grenade. Et cette armée est aussi commandée par une reine très-aimée des soldats, appelée doña Isabel, reine de haute noblesse et de grand renom. Tu me vois ici blessé dans un combat qui vient d’avoir lieu dans la Vega entre les chrétiens et les Mores : trente Zégris sont restés sur le terrain, passés au fil de l’épée ; les Abencerrages chrétiens, accompagnés d’autres chevaliers de la même religion, ont montré un courage incroyable, et ont fait ce massacre des gens de Grenade.

« Pardonnez-moi, pour Dieu, ô roi ! Affaibli par la perte de mon sang, je sens que la voix me manque.

« En disant ces mots, le Zégri s’évanouit, et le roi en fut tellement attristé qu’il ne put prononcer une parole. »

Si la salle des Ambassadeurs fut le théâtre de ces événements dramatiques, quelquefois aussi des scènes charmantes venaient l’égayer : c’était la belle Galiana qui, assise dans le cuarto del Comarès (autre nom qu’on donnait à cette salle), achevait, de ses doigts délicats, une riche broderie d’or et d’argent, émaillée de perles, de rubis et d’émeraudes ; merveille destinée au vaillant More qui rompait en sa faveur des lances dans les tournois : « le More vit content d’une pareille faveur de la dame qui règne sur son cœur, et qu’il adore de toute son âme ; si le More l’aime beaucoup, la dame le chérit plus tendrement encore, car il n’y a pas de plus vaillant chevalier dans tout le royaume de Grenade. »


En el cuarto de Comarès
La Hermosa Galiana,
Con estudio y gran destreza,
Labrava una rica manga
Para el fuerte Sarrazino
Que por ella juega cañas ;
De aljofar y perlas finas
La manga yva esmaltada.
Con muchos recamos de oro
Y lazos finos de plata ;
De esmeraldas y rubies
Por todas partes sembrada.
Contento vive el Moro
Ton el favor de tal dama
La tiene en el Corazon
Y la adora con su alma :
Si el Moro mucho la quiere
Ella mucho mas le ama,
Y no le hay mas esfuerço
En el reyno de Granada.


La salle des Ambassadeurs reçoit le jour sur chacun de ses côtés par trois fenêtres surmontées d’un double cintre ; l’épaisseur des murs de la tour est telle, que ces embrasures forment comme autant d’alcôves de près de dix pieds de profondeur. De la fenêtre qui fait face à la porte d’entrée la vue est splendide : on domine, à vol d’oiseau, une colline surchargée de la végétation la plus luxuriante, au pied de laquelle coule le Darro.

Revenant sur nos pas, nous suivrons une longue galerie construite après la conquête, et qui vient aboutir à un petit pavillon qu’on appelle Tocador de la Reina ou Peinador de la Reina, deux noms qui signifient cabinet de toilette de la reine. Cette petite pièce, qui servait autrefois d’oratoire aux sultanes, paraît avoir été reconstruite à l’époque de Charles-Quint ; elle n’a plus rien de moresque ; les quatre murs sont décorés de fresques dans le goût italien de la première moitié du seizième siècle représentant des grotesques en arabesques imitées de celles de Jean d’Udine et de Battista Franco. Ces fresques, d’un style excellent, ont malheureusement beaucoup souffert, et sont couvertes de noms propres et de toutes sortes d’impertinences, gravées sur la peinture par plusieurs générations de visiteurs de tous les pays. Les peintures de la voûte, moins exposées, sont un peu mieux conservées, et représentent des médaillons avec bustes, fleuves, métamorphoses et autres sujets mythologiques. Des documents conservés à la Contaduria nous apprennent que les auteurs de ces fresques sont des Espagnols nommés Bartolomé de Ragis, Alonzo Perez et Juan de la Fuente, et qu’elles furent exécutées en 1524.

À travers les légères colonnes de marbre blanc surmontées d’arcs surbaissés qui supportent la toiture, la vue s’étend sur un des plus merveilleux panoramas qui existent au monde : on aperçoit quand on se penche en dehors un ravin d’une profondeur immense, sur les bords duquel s’élèvent des peupliers, trembles et autres arbres touffus et serrés ; on a le vertige en découvrant, bien bas sous ses pieds, les hautes cimes de ces arbres, qu’on ne voit qu’en raccourci. D’un côté s’élève l’imposante tour de Comarès, d’un autre les murs blancs du Généralife, qui ressortent sur une masse de verdure sombre. Quant à l’immense tableau de la Vega, qui se développe à l’infini, avec un horizon de montagnes formant une succession graduée de plans, il faudrait, pour essayer d’en donner une idée, employer la comparaison des opales, des saphirs et autres pierres des nuances les plus douces ; c’est surtout une heure ou deux avant le coucher du soleil, après avoir passé notre journée à l’Alhambra, que nous aimions à admirer cet étonnant spectacle, et nous restions quelquefois à le contempler jusqu’à l’heure où commence le crépuscule.

Les Torres bermejas et le Généralife. — Dessin de Gustave Doré.

Du Peinador de la Reyna on descend dans le Patio ou Jardin de Lindaraja, encombré d’une végétation touffue d’orangers, de citronniers, d’acacias et autres arbres qui croissent au hasard dans un désordre charmant. Le milieu du Patio est occupé par une belle fontaine, et de deux côtés règne une galerie supportée par de sveltes colonnes de marbre blanc.

Le Mirador de Lindaraia, qui domine ce petit jardin, est formé de deux fenêtres en ogive séparées par une colonne de marbre blanc ; il n’est peut-être aucune partie de l’Alhambra où les ornements soient plus riches et d’un meilleur style que dans le Mirador. Le tympan qui s’élève au-dessus des deux fenêtres présente une vaste décoration composée de caractères coufiques formant des entrelacs et autres dessins variés, et peut passer pour le spécimen le plus beau et le plus complet qui existe en ce genre ; aussi les inscriptions font-elles allusion à cette richesse d’ornements :

« Ces appartements renferment tant de merveilles que les yeux du spectateur y restent fixés pour toujours, s’il est doué d’une intelligence qui puisse les apprécier.

Le Mirador de Lindaraja. — Dessin de Gustave Doré.

« Ici descend la tiède brise pour adoucir la rigueur de l’hiver, et apporter avec elle un air salubre et tempéré.

« En vérité, telles sont les beautés que nous renfermons, que les étoiles descendent du ciel pour nous emprunter leur lumière. »

Le Mirador doit son nom à une princesse, dont la beauté est souvent célébrée dans les romances et légendes moresques, sous le nom de Zelindaraja, Linda raja, ou simplement Daraja. La Hermosa hindaraja, comme on l’appelle souvent, était du sang des Abencerrages, et fille de Mahamete, alcayde de Malaga ; les romances la représentent souvent comme la dame des pensées du valeureux More Gazul, ce qui n’empêche pas qu’elle épousa le prince Nasr, frère de Yousouf, un des rois de Grenade.

En quittant le Jardin de Lindaraja, nous traverserons la Sala de Secretos, construite sous Charles-Quint, et qui doit son nom à un effet d’acoustique produit par la conformation de la voûte, effet déjà connu du temps des Romains, et qu’il n’est pas rare de rencontrer dans d’autres édifices de différentes époques : on n’a qu’à chuchoter quelques mots dans l’un des angles, et si basse que soit la voix, elle est entendue très-distinctement par la personne qui applique son oreille à l’angle opposé.

La Sala de las Ninfas doit son nom à deux statues de marbre représentant des déesses ; nous remarquâmes au-dessus de l’arcade intérieure un très-beau médaillon en bas-relief, dont le sujet est Jupiter sous la forme d’un cygne et caressant Léda ; cette remarquable sculpture, qu’on est assez étonné de rencontrer là, est probablement l’ouvrage d’un des nombreux artistes italiens qui vinrent s’établir en Espagne dès la première moitié du seizième siècle, peut-être du Florentin Torrigiano, qui travailla quelque temps à Grenade.

À côté du Jardin de Lindaraja se trouvent également les anciens bains moresques, los Baños de la Sultana ; ils sont composés de deux salles qu’on appelle également el Baño del Rey et el Baño del Principe, et furent construits par Mohammed V, Alghani Billah (celui qui se plaît en Dieu), dont la louange se lit parmi les inscriptions ; celle-ci, qu’on lit également, montre qu’un autre sultan contribua à embellir ces bains : « Gloire à notre seigneur, Aboul Hadjadj Yousouf, commandeur des croyants : Puisse Dieu lui donner la victoire sur ses ennemis !

« Rien n’est plus merveilleux que le bonheur dont on jouit dans ce délicieux séjour. »

Les soubassements sont garnis de beaux azulejos, formant des bandes d’ornements qu’on appelle cenefas, et le parement est formé de dalles de marbre blanc ; le plan et la disposition intérieure de ces bains ont beaucoup d’analogie avec ceux en usage aujourd’hui dans l’Orient : les baigneurs laissaient leurs vêtements dans un élégant petit salon placé à l’entrée, et où ils retournaient après le bain ; les proportions restreintes de ces salles montrent du reste qu’elles avaient une destination privée et ne servaient qu’à un petit nombre de personnes. Nous aurons occasion de voir dans Grenade d’anciens bains publics beaucoup plus vastes, et d’une disposition différente.

La partie supérieure de la chambre de repos, supportée par quatre élégantes colonnes de marbre, était destinée aux musiciens qui jouaient de la dulçayna, de l’anafil, des atabales et autres instruments moresques, pendant que les personnes royales se reposaient sur des carreaux de soie après le bain ; car les Mores de Grenade étaient loin d’observer à la lettre ces versets du Coran : « Entendre la musique, c’est pécher contre la loi ; faire de la musique, c’est pécher contre la religion ; y prendre plaisir, c’est pêcher contre la foi, et se rendre coupable du crime d’infidélité. »

La voûte est parsemée d’étroites ouvertures en forme d’étoiles, entourées d’azulejos ; ces ouvertures ne laissaient filtrer que quelques rayons de lumière arrivant d’en haut, sans permettre à la chaleur de pénétrer dans la pièce. Andrea Navagero, l’ambassadeur vénitien dont nous avons déjà parlé, nous apprend qu’il vit ces bains tels qu’ils étaient du temps des Mores, et que ces ouvertures étaient garnies de verres de couleur. On retrouve exactement la même disposition dans les anciens bains arabes, soit en Orient, soit en Espagne ; nous l’avons observée notamment à Barcelone, à Valence et à Palma, dans l’île de Majorque.

Il ne nous reste plus que quelques salles moins importantes à visiter dans l’Alhambra : la Mezquita, ancienne mosquée dont Charles-Quint fit une chapelle chrétienne, qu’on appela la Capilla real, ne conserve que peu de traces de sa destination primitive ; cependant on voit encore près de l’entrée l’ancien mihrab, ou sanctuaire de la mosquée, offrant cette inscription, destinée sans doute à stimuler le zèle des croyants : « Et ne sois pas un des retardataires ! » Les autres inscriptions arabes ont fait place à la devise de Charles-Quint, qu’on lit ainsi écrite en vieux français : Plus ovltre, et accompagnée des colonnes d’Hercule et autres emblèmes. Près de l’entrée de la Mezquita, le guide nous fit remarquer une fenêtre par laquelle, suivant la tradition, la sultane Ayesha fit échapper secrètement son fils Boabdil, qui gagna le quartier populeux de l’Albayzin, pour se mettre à la tête des ennemis de son père, et obtenir par la force son abdication.

Nous traverserons sans nous arrêter la Sala de las Frutus, qui doit son nom à des fruits qu’on voit représentés sur la voûte, et le Patio de la Reja, petite cour garnie d’un grillage de fer, ou reja qui, suivant une tradition populaire, aurait servi de prison à Jeanne la Folle, doña Juana la Loca, mère de Charles-Quint ; il n’y a qu’un petit malheur, c’est qu’un archéologue malavisé a trouvé dans les archives la preuve que le grillage en question avait été posé cent cinquante ans plus tard.

Nous terminerons notre visite, en revenant sur nos pas, par la sala de Justicia, ou salle du Jugement, appelée aussi sala del Tribunal ; c’est plutôt une galerie divisée en trois compartiments, dont chacun est couvert d’une coupole ou voûte concave de forme ovale ; on voit sur cette voûte les fameuses peintures moresques de l’Alhambra ; ces peintures sont faites sur des panneaux de cuir cousus ensemble, et cloués sur une surface concave composée de planches d’un bois résineux : le cuir est revêtu d’un enduit de plâtre qui nous a paru semblable à celui des tableaux de l’école primitive italienne ; une autre analogie, c’est que les couleurs, qui paraissent préparées à la colle, ou à la détrempe, sont également sur un fond d’or semé de petits ornements en relief.

Porte de la Sala de Justicia. — Dessin de Castelli d’après sir John Campbell.

La peinture qui occupe le milieu représente dix personnages assis sur deux rangs, et à chaque extrémité de l’ovale, l’écusson des rois de Grenade supporté par deux lions ; ces personnages au teint brun et à la barbe noire taillée en fourche, sont assis sur des coussins, et portent le costume des Mores d’Espagne, costume d’une grande simplicité : la tête est couverte du turban oriental et de la marlota, espèce de capuchon qui retombe sur les épaules ; le reste du vêtement se compose d’un ample albornoz ou burnous, descendant jusqu’aux pieds. Les dix Mores sont armés de l’alfange, épée moresque longue et large, exactement semblable pour la forme à celle conservée dans la famille de Campotejar, dont nous parlerons plus loin. On a pensé que ces dix personnages représentent des rois de Grenade, les dix successeurs du roi Bulharix, suivant Pedraza ; ou bien un conseil de chefs délibérant : le mouvement des mains, qui indique une discussion, rend la dernière opinion assez probable.

Une des autres peintures représente différents sujets de chasse ; ici c’est un cavalier chrétien, la lance en arrêt comme un picador, perçant un lion qui se précipite sur son cheval ; à côté, un autre cavalier portant le costume moresque, combat un animal qui paraît être un ours ou un sanglier ; plus loin un autre More, tenant son cheval par la bride, présente le produit de sa chasse à une dame vêtue d’une longue robe. De chaque côté s’élèvent des tours et d’élégantes fontaines d’où s’échappent des jets d’eau. Les couleurs sont encore très-vives, et forment des teintes plates, sans que les ombres soient indiquées ; celles qui dominent sont le rouge vif et le rouge brique, le vert clair et foncé, et le blanc ; les contours sont tracés au moyen d’un trait de bistre assez épais.

Dans le dernier tableau, on voit encore un cavalier chrétien tuant un ours de son épée et un cavalier more perçant un cerf de sa lance ; un autre More, portant son adarga, grand bouclier de cuir exactement semblable à ceux qu’on voit à la Real Armeria de Madrid, frappe de sa lance un chrétien qui semble sur le point de tomber de cheval ; du côté opposé deux personnages jouent aux dames (le dámeh des Arabes) ; enfin la partie la plus intéressante du tableau représente une dame tenant enchaîné un lion couché à ses pieds ; à sa droite un homme velu et barbu, tel qu’on représente les hommes sauvages dans les anciennes armoiries espagnoles, est percé d’un coup de lance par un cavalier qui fond sur lui au galop. On a fait beaucoup de suppositions au sujet de ces derniers personnages, sans avoir jamais donné une explication satisfaisante : nous croyons avoir trouvé le mot de l’énigme dans les anciens romances moriscos, où il est question de la devise des Zégris : une femme tenant un lion enchaîné, pour montrer que l’amour triomphe des plus forts ; celle des Abencerrages était un homme sauvage terrassant un lion ; il paraît donc incontestable, après ce rapprochement, que cette partie du tableau doit renfermer une allusion aux deux célèbres familles ennemies.

À quelle époque ont été faites ces curieuses peintures ? on a prétendu qu’elles étaient postérieures à la prise de Grenade ; mais pourquoi, si elles dataient de la domination chrétienne, aurait-on représenté les chrétiens vaincus dans le combat ? En outre, le costume des chrétiens est celui de la première moitié du quinzième siècle ; l’architecture, le paysage très-naïf, et d’autres détails annoncent aussi la même époque. Quant à l’auteur, il est tout à fait inconnu, mais on peut supposer que c’était quelque chrétien renégat fixé depuis longtemps à Grenade. Quoi qu’il en soit, les peintures de l’Alhambra sont du plus grand intérêt, et uniques en leur genre.

Avant de quitter l’enceinte du palais moresque, n’oublions pas de mentionner comme très-digne d’admiration, même après tant de merveilles, la porte de la torre de las Infantas, d’une richesse d’ornementation extraordinaire ; cette tour, après avoir été du temps des Mores habitée par des princesses de la famille royale, ou par les sultanes favorites, sert aujourd’hui d’asile à quelques familles pauvres, dont la misère contraste étrangement avec le luxe d’autrefois.

Porte de la Torre de las infantas. — Dessin de Gustave Doré.

Tel est cet admirable palais de l’Alhambra, si riche et si somptueux qu’on peut encore, malgré les nombreuses dégradations qu’il a subies, l’appeler avec Pierre Martyr un palais unique au monde : il faudrait, pour le bien connaître, y passer des semaines entières ; et encore trouverait-on, à chaque visite nouvelle, des détails restés inaperçue d’abord. La première fois que l’on quitte ces salles féeriques, ces patios si élégants et si voluptueux, mille images délicieuses, mais confuses, se présentent à l’esprit ; il semble qu’on vient de faire un rêve, et on se plaît à répéter avec Victor Hugo :


L’Alhambra ! l’Alhambra ! palais que les génies
Ont doré comme un rêve et rempli d’harmonies ;
Forteresse aux créneaux festonnés et croulans,
Où l’on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles blancs !


Le Généralife ; les cyprès de la sultane. — La Sella del Moro. — Les Carmenes del Darro. — La Fuente del Avellano ; les villas moresques en 1524. — Le Darro et son or. — La Plaza Nuera et le Zacatin. — La cathédrale de Grenade ; Alonzo Cano. — La real Capilla ; la Reja ; les tombeaux de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, et celui des rois catholiques.

Le Généralife n’est éloigné de l’Alhambra que de quelques centaines de pas ; nous passerons pour nous y rendre sous la Puerta Judiciaria, et laissant derrière nous la fontaine de Charles-Quint, nous suivrons une des allées ombreuses du Bosque de la Alhambra, qui descend en suivant l’ancienne enceinte de la citadelle moresque. Après avoir traversé un ravin sombre et encombré de broussailles, la Cuesta de los Molinos, qui sépare la colline de l’Alhambra du cerro del sol, nous gravirons de nouveau un chemin ombragé par la végétation la plus charmante et la plus plantureuse : ce sont des lauriers-roses chargés de fleurs, des figuiers au feuillage sombre, des vignes séculaires, et d’énormes grenadiers dont les fruits, entr’ouverts par le soleil, laissent voir leurs grains transparents comme des rubis. Telle est l’entrée du Généralife, ancienne maison de plaisance moresque, dont le nom arabe, Jennatu-l’-arif, signifie le Jardin de l’architecte. On raconte qu’un architecte du palais en était d’abord propriétaire, et qu’un des rois de Grenade, Ismail-Ibn-Jaraj, étant venu le visiter, fut si émerveillé de la position qu’il acheta le jardin, et y fit construire un palais, en 1320. On passe, en entrant dans le Généralife, sous des galeries à cintre surbaissé dont les ornements en stuc, semblables à ceux des salles de l’Alhambra, sont malheureusement cachés en partie sous de nombreuses couches de badigeon. Le milieu du vaste palais qui forme l’entrée est occupé par un long bassin plein d’une eau transparente, dans laquelle se reflètent des lauriers-roses et des ifs touffus qui se courbent pour former une arcade de verdure. Parallèlement au bassin nous suivons une autre galerie, d’où la vue s’étend sur l’Alhambra ; on domine de là toute l’enceinte fortifiée et le palais moresque ; en voyant ces murailles épaisses et ces tours carrées et massives, on ne devinerait jamais qu’elles renferment des chefs-d’œuvre aussi délicats.

À l’extrémité opposée à l’entrée se trouve le palais proprement dit du Généralife ; bien que d’une architecture et d’une décoration très-élégantes, il n’offre rien qui puisse surprendre après qu’on a visité l’Alhambra. L’extérieur est de la plus grande simplicité ; les salles, peu nombreuses, du reste, sont à peine meublées ; dans l’une d’elles, nous vîmes quelques portraits parfaitement ridicules représentant, avec toutes sortes d’anachronismes dans les costumes, différents personnages tels que Boabdil (el rey Chico), Gonzalve de Cordoue, et un arbre généalogique de la famille génoise de Palavicini, à laquelle appartient le marquis de Campotejar, propriétaire actuel du Généralife, qui ne l’habite jamais, et le laisse sous la garde d’un administrador. Suivant l’arbre en question, cette famille descendrait d’un prince more renégat nommé Sidi-Aya, qui se serait fait chrétien à l’époque du siége de Grenade, et aurait aidé les Espagnols à se rendre maîtres de son pays.

Un gros livre, ouvert sur une table, est destiné à recevoir les noms et les pensées des visiteurs ; ce recueil polyglotte rempli d’impertinences, a été sans doute placé là comme dérivatif, afin d’empêcher les étrangers de salir les murs de toutes sortes de sottises.

On voyait autrefois au Généralife une magnifique épée ou alfange moresque, ayant appartenu, suivant la tradition au dernier roi de Grenade, et qui se trouve maintenant dans une autre propriété appartenant à la famille de Campotejar. La garde est formée de deux têtes de monstres qu’on peut prendre pour des éléphants, et est ornée de l’écusson des rois mores ; la poignée et le pommeau sont couverts de diverses légendes en arabe ; tout cela est du travail le plus merveilleux, en émail, ivoire et filigrane ; le fourreau, également d’une conservation parfaite, est en cuir très-délicatement orné, genre de travail pour lequel les Mores d’Espagne et ceux de Fez étaient autrefois très-renommés. Cette superbe épée est une pièce de la plus grande rareté, et pourrait faire à elle seule la gloire d’une collection d’armes anciennes.

Généralife. — Dessin de Gustave Doré.

Le Généralife renfermait aussi autrefois des armures moresques rares et curieuses : « On voit deux ou trois casques placés à l’entrée, dit le P. Écheverria ; il y a aussi des cottes de mailles, dont plusieurs personnes ont pris des morceaux ; et il n’y a guère d’enfants qui ne gardent comme des reliques quelques fragments de cette armure défensive, qui passe pour neutraliser l’influence malfaisante du mauvais œil. Les amateurs d’armes anciennes qui visitent Grenade n’ont donc que peu de chances d’y trouver des cottes de mailles. »

On fait voir aux étrangers, dans un des jardins du Généralife les Cypreses de la sultana : ce sont des cyprès vraiment gigantesques, et qui étaient déjà vieux, suivant la tradition, lorsque la sultane Zoraya allait s’asseoir sous leur ombre ; on vous montrera celui sous lequel cette sultane était en conversation familière avec un seigneur abencerrage lorsqu’elle fut surprise par un membre de la tribu des Gomélès.

Ce qui fait surtout du Généralife un lieu de délices, c’est l’abondance extraordinaire de ses eaux ; jamais la passion des Mores pour les irrigations ne s’est montrée avec autant de charme : ce ne sont que bassins, fontaines, jets d’eau et sources ; on ne peut faire deux pas sans rencontrer un canal ou une petite rigole formée de tuiles creuses, servant de conduit à l’eau qui se précipite en bouillonnant. Les Mores, pour obtenir un pareil luxe de jeux hydrauliques, firent à deux lieues de là une large saignée au Darro, dont ils amenèrent au Généralife l’eau limpide au moyen d’un canal ou acequia (ciquia en arabe), qui traverse l’épaisse colline appelée Cerro del sol. Il y avait également, du temps des Mores, un viaduc qui reliait le Généralife à l’Alhambra, ce qui évitait de descendre la cuesta de los Molinos et de remonter un coteau escarpé ; c’est à peine s’il en reste des traces aujourd’hui.

Au-dessus des jardins s’élève un belvédère d’où la vue est étendue et magnifique : en tournant le dos à l’Alhambra on aperçoit au sommet du Cerro del sol une ruine moresque qui se détache sur cette colline brûlée par le soleil : c’est la Silla del Moro, la Chaise du More. On prétend que c’était autrefois une mosquée, et que ce nom vient de ce que Boabdil s’y réfugia lors des émeutes qui eurent lieu à Grenade à la suite du massacre des Abencerrages. On dit aussi que c’est de ce point élevé que ce prince regardait les combats que se livraient dans la Vega les seigneurs mores et les chevaliers espagnols ; ce qui est certain, c’est que de la Silla del Moro la vue est des plus étendues : on domine le cours du Darro, le Généralife et l’Alhambra, l’Albayzin, le Sacro-monte et un grand nombre de villages qu’on aperçoit comme des points blancs épars dans la Vega.

En redescendant les pentes escarpées du Cerro del Sol on arrive par un chemin très-pittoresque au milieu de charmants jardins plantés de figuiers, de vignes, de citronniers et d’orangers, qui abritent sous leur feuillage épais de petites maisons de campagne aux murs blanchis à la chaux : ce sont les Carmenes del Darro, petites villas dont le nom vient de l’arabe karm, qui signifie une vigne. C’est une des plus belles promenades de Grenade et une des plus fréquentées. Un peu plus loin se trouve la Fuente del Avellano, la Fontaine du Noisetier, célèbre du temps des Mores sous le rom d’Aynad-dama (la Fontaine des Larmes), dont les Espagnols ont fait Dinadamar. Cette fontaine est souvent mentionnée, ainsi que celle d’Alfacar, par les historiens et les géographes arabes, qui leur attribuaient toutes sortes de vertus merveilleuses ; on venait du Maroc et d’autres parties de l’Afrique, exprès pour boire leurs eaux. Andrea Navagero dit que les Morisques de l’Albayzin ne voulaient boire que de l’eau de la Fuente de Alfacar ; lors de son voyage à Grenade (1524), ces parages n’étaient déjà plus ce qu’ils étaient avant la conquête ; alors les Mores les plus riches y avaient leurs maisons de plaisance : « La plupart sont petites, dit-il, mais toutes ont leurs eaux, et sont entourées de rosiers et de myrtes, et gracieusement ornées ; ce qui fait voir que du temps que le pays était aux mains des Mores, il était beaucoup plus beau qu’aujourd’hui. Il y a beaucoup de maisons qui tombent en ruines et de jardins abandonnés, car le nombre des Mores va plutôt en diminuant qu’en augmentant, et ce sont eux qui ont si bien cultivé et planté ce pays. Les Espagnols, non-seulement dans cette ville de Grenade, mais dans tout le reste du royaume également, ne sont guère industrieux, ne plantent pas, et ne travaillent pas volontiers la terre ; ils préfèrent s’adonner à la guerre ou aller chercher fortune aux Indes. Bien que Grenade ne soit pas aussi peuplée que sous les Mores, il n’y a peut-être aucune partie de l’Espagne qui soit si habitée. »

Une soirée dans la campagne de Grenade. — Dessin de Gustave Doré.

C’est ainsi que le voyageur vénitien nous dépeint la rapide décadence de Grenade sous la domination espagnole : que dirait-il s’il voyait aujourd’hui l’ancienne capitale des rois mores ? Elle ne vit plus que des souvenirs du passé, et sa population, qui comptait autrefois près de cinq cent mille habitants, est au plus aujourd’hui de soixante-dix mille.

C’est à peine si on aperçoit aujourd’hui, dans les faubourgs de Grenade, quelques traces de ces vieilles villas moresques dont parle le voyageurs vénitien : quelques familles misérables y vivent au milieu des pourceaux qu’elles engraissent au moyen des fruits du cactus, higos chumbos, comme on les appelle en Andalousie. Une fois nous fûmes témoins d’une scène moitié dramatique, moitié grotesque : une mère défendait ses enfants contre une truie à laquelle ceux-ci voulaient enlever sa progéniture ; scène dont Doré ne manqua pas de faire son profit.

Croquis fait dans un faubourg de Grenade. — Dessin de Gustave Doré.

Nous rentrerons dans Grenade en suivant les bords du Darro, encombrés d’une végétation plantureuse ; comme ses sables roulent des parcelles d’or, les étymologistes, qui ne sont jamais au dépourvu, ont ainsi expliqué l’origine de son nom, quia dat aurum ; mais c’est tout simplement l’ancien Hádaroh, si souvent chanté par les anciens poëtes, et dont le nom arabe signifie courant rapide, car il roule ses eaux comme un torrent. Le Darro prend sa source dans la Sierra Nevada, et arrose, avant d’entrer à Grenade la fertile vallée que les Mores appelaient Axarix, et à laquelle les Espagnols ont donné le nom de Val Paraiso, la Vallée du Paradis ; outre qu’il charrie de l’or, on prétend qu’il à la vertu beaucoup moins poétique de guérir toutes les maladies des bestiaux. Au sujet de l’or du Darro, Bermudez de Pedraza raconte que lors de la visite de Charles-Quint à Grenade en 1526, la municipalité en fit faire une couronne qui fut offerte à l’impératrice Isabelle. Le même auteur parle des vases qu’on fabriquait de son temps avec la terre du Darro, « et dans lesquels, dit-il, on voit briller beaucoup de paillettes d’or ; chaque vase, qui se vend deux maravédis, contient cependant plus d’un quartillo d’or, mais le travail pour l’extraire passe le profit qu’on en pourrait tirer. »

Un autre auteur espagnol nous apprend que parmi les présents offerts par les rois Mages au divin Enfant figurait de l’or du Darro ; « un d’eux, ajoute-t-il, était notre compatriote : il s’appelait Ophir, et n’appartenait ni à Cadix, ni à aucune autre partie de notre Espagne, mais au fertile territoire de Grenade. » Voilà un historien consciencieux, et qui n’omet pas les détails.

Après avoir arrosé une ravissante promenade, la Carrera del Darro, que domine la colline de l’Alhambra, la célèbre rivière traverse la Plaza Nueva sous une large voûte, que le P. Écheverria appelle avec emphase le plus beau pont de l’Europe et du monde entier ; un pont sur lequel on a donné des fêtes, des tournois, et même des combats de taureaux.

Le Darro déborde de temps en temps, et plus d’une fois il a été sur le point de détruire la Plaza Nueva et la Zacatin qui lui fait suite et d’aller se joindre au Genil ; de là cette Coplilla ou Seguidilla si connue, que les enfants chantent depuis nombre d’années :

Darro tiene prometido
El casarse con Genil,
Y se ha de llevar en dote
Plaza Nueva, y Zacatin.

Le Darro a promis
De se marier avec le Génil,
Et de lui apporter en dot
La Place-Neuve et le Zacatin.

Le Darro s’appelait autrefois el Dauro : c’est le titre qu’a pris le journal de Grenade : El Dauro, Diario Granadino, paraît presque tous les jours, et son format ne dépasse pas de beaucoup celui du Tour du Monde ; un tout petit premier Grenade, une gacetilla qui donne les nouvelles locales, la parte religiosa qui annonce les messes, sermons, processions, neuvaines et rosaires du jour : tel est, avec l’annonce d’une modista de Paris ou d’une corsetera de Madrid, le menu ordinaire des abonnés du Dauro.

Les bords du Darro. — Dessin de Gustave Doré.

Entrons dans le Zacatin, et nous serons au cœur de la vieille ville moresque ; c’était autrefois, sous le même nom, la rue commerçante par excellence ; et encore aujourd’hui des centaines de marchands y vivent dans des boutiques étroites et obscures, qui n’ont guère dû changer depuis le temps de Boabdil ; à voir ces piliers épais, dont l’intervalle est occupé par quelques pièces d’étoffe et autres marchandises de toute sorte, ces boutiques d’orfévres devant lesquelles les ouvriers travaillent en plein jour, on se croirait volontiers transporté cent ans en arrière dans une de nos villes de province. Il est peu de ces magasins primitifs qui n’aient leur madone, devant laquelle une petite lampe brûle jour et nuit ; quelquefois le marchand s’amuse à gratter les cordes d’une guitare en attendant ses pratiques, et il arrive souvent, lorsqu’elles entrent, qu’il ne se dérange qu’après avoir achevé la copla commencée.

En sortant du Zacatin, on arrive à la place de Bibrambla, et, après avoir traversé quelques petites rues, on se trouve en face de la cathédrale. La façade date de la seconde moitié du seizième siècle, et, quoique d’un style bâtard, ne manque pas d’une certaine grandeur ; l’intérieur est préférable : d’énormes piliers supportent une voûte majestueuse d’un très-bel effet. Nous remarquâmes une inscription assez singulière, répétée sur plusieurs de ces piliers, et commençant par ces mots : Nadie paseo con mugeres… c’est-à-dire : Que personne ne se promène avec des femmes… Le reste de l’inscription menace en outre d’excommunication et d’une amende de quarante réaux (plus de dix francs) ceux qui formeront des groupes et causeront pendant le service. C’est sans doute au dix-septième siècle que le chapitre métropolitain fulmina cet arrêt : il se passait à cette époque, dans certaines églises d’Espagne, des scènes peu convenables, si nous en croyons ce passage de Mme d’Aulnoy : « Lorsque la messe étoit finie, les galants alloient se ranger autour du bénitier ; toutes les dames s’y rendoient, et ils leur présentoient de l’eau bénite ; ils leur disoient en même temps des douceurs… Mais M. le nonce a défendu aux hommes, sous peine d’excommunication, de présenter de l’eau bénite aux femmes. »

Quelques chapelles très-riches en marbre du pays ; de beaux vitraux et deux orgues d’une grandeur remarquable, voilà tout ce qui mérite d’être cité dans la cathédrale de Grenade ; nous noterons cependant quelques ouvrages d’Alonzo Cano, peintre et sculpteur, qui était un enfant de Grenade ; ses tableaux sont peu nombreux, et ne valent pas ceux qu’on voit au musée de Madrid ; parmi les sculptures, il faut citer deux belles Vierges et quelques bustes en bois, malheureusement couverts de peinture, comme la plupart des statues qu’on voit dans les églises d’Espagne. Alonzo Cano eut une vie quelque peu agitée : entre autres aventures il fut un jour accusé d’avoir assassiné sa femme, et condamné à la torture, qu’il subit avec courage ; on raconte même que le bourreau, par égard pour son talent, épargna son bras droit. Tout cela n’empêcha pas Alonzo Cano de devenir racionero, ou chanoine résidant, malgré l’opposition du chapitre de Grenade, et d’occuper ce poste pendant seize ans.

L’intérêt principal de la cathédrale de Grenade est dans la real Capilla, la chapelle royale, construite sous le règne de Ferdinand et d’Isabelle, et qui communique avec l’église, bien qu’elle ait son clergé à part. La Capilla real est une vraie merveille, décorée avec autant de goût que de richesse dans le style gothique de la fin du quinzième siècle ; on y trouve partout le souvenir des rois catholiques, qui sont représentés pieusement agenouillés à droite et à gauche du grand autel. Nous remarquâmes au-dessus de cet autel quatre bas-reliefs de bois sculpté et peint extrêmement intéressants, contemporains de la reddition de Grenade, et qu’on attribue à un sculpteur nommé Vigarny ; d’un côté on voit Ferdinand et Isabelle à cheval, accompagnés de leur suite et d’hommes d’armes à pied armés de fauchards, de vouges, et autres armes d’hast. L’autre bas-relief représente le roi de Grenade à pied, faisant sa soumission ; il est coiffé du turban surmonté d’une couronne, et vêtu de l’albornoz ; son cheval est tenu par deux Mores, dont l’un porte l’adarga ou bouclier moresque aux armes de Grenade. On voit au fond l’Alhambra et ses tours crénelées ; sous la porte d’entrée défilent deux par deux des prisonniers mores, les mains liées sur la poitrine.

Les deux autres bas-reliefs représentent la conversion des vaincus ; dans l’un d’eux on en voit plusieurs s’approcher de la vasque élégante d’un bénitier, et des moines, la croix dans une main, les baptisent de l’autre. Le second bas-relief offre un sujet analogue, mais il est encore plus intéressant parce qu’on y voit de nombreuses Moresques la tête couverte d’un long voile qui ne laisse apercevoir que les deux yeux.

Ces scènes de baptême nous faisaient penser au cardinal Ximénès, qui disait : « Si on ne peut conduire doucement les Mores dans le chemin du salut, il faut les y pousser. »

Un témoin oculaire, Andrea Navagero, nous apprend ce qu’étaient ces conversions : « Les Mores, dit-il, parlent leur ancienne langue ; peu veulent apprendre l’espagnol. Ils sont chrétiens moitié par force, et les prêtres se soucient peu de les instruire des choses de notre foi, trouvant leur avantage à les laisser ainsi ; mais, en secret, ils sont Mores comme auparavant. »

Autour des murs de la Capilla real règne une longue inscription en beaux caractères gothiques, à la louange des rois catholiques don Fernando et doña Isabelle « qui conquirent ce royaume de Grenade, le réduisirent à notre foi… détruisirent l’hérésie, chassèrent les Mores et les Juifs de leurs royaumes, et réformèrent la religion. »

La reja, immense grille de fer ciselé, avec des parties dorées, est une des plus belles qu’on puisse voir ; outre que le travail en est très-précieux, le style en est excellent ; elle porte la signature de Maestre Bartolomé, avec la date de 1522. Il n’est pas de pays ou les grands travaux en fer aient été mieux exécutés qu’en Espagne ; nous en avons déjà admiré à Barcelone, nous aurons encore l’occasion d’en voir de très-remarquables à Tolède, à Alcala de Hénarès et dans bien d’autres endroits.

Tombeau de Ferdinand et d’Isabelle, dans la cathédrale de Grenade. — Dessin de Gustave Doré.

C’est dans la Capilla real qu’on voit le tombeau de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, à côté de celui ou reposent Ferdinand et Isabelle. Ces deux magnifiques tombeaux égalent pour la beauté et la richesse du travail les plus beaux monuments de ce genre qui existent à Dijon, à Bruges et à Burgos ; les ornements les plus riches et du meilleur goût italien de la Renaissance sont finement ciselés dans le marbre, auquel le temps a enlevé ce que sa blancheur avait de trop cru. Aux quatre angles du tombeau des rois catholiques sont assis des docteurs de l’Église, et sur les côtés on voit les douze apôtres ; au sommet du monument sont couchées côte à côte, dans une attitude pleine de calme et de noblesse, les statues de Ferdinand et d’Isabelle qui reposent, tenant le sceptre et l’épée, unis comme ils le furent pendant leur glorieux règne ; la tête d’Isabelle est d’une grande majesté. L’inscription qu’on lit sur le tombeau est très-caractéristique : « Les vainqueurs de la secte de Mahomet et destructeurs de la méchanceté hérétique, don Fernando, roi d’Aragon, et doña Isabelle, reine de Castille, appelés les Catholiques, sont enfermés dans ce tombeau de marbre. » « L’an 1506, dit un écrivain français contemporain, une des plus triomphantes et glorieuses dames qui depuis mille ans aient esté sur la terre alla de vie à trespas : ce fust la royne Ysabel de Castille qui ayda, le bras armé, à conquester le royaume de Grenade sur les Mores. Je veux bien asseurer aux lecteurs de ceste présente hystoire que sa vie a esté telle, qu’elle a bien mérité couronne de laurier après sa mort »

Ch. Davillier.

(La suite à la prochaine livraison.)




  1. Suite. — V. t. VI, p. 289, 305, 321, 337 ; t. VIII, p. 353 ; t. X, p. 1, 17, 353 et 369.