Voyage en Orient (Nerval)/Lorely/Souvenirs de Thuringe/I

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Calmann Lévy (Œuvres complètes de Gérard de Nerval III. Voyage en Orient, IIp. 492-502).


À Alexandre Dumas.

I — L’OPÉRA DE FAUST À FRANCFORT


Je vais avec peine — et plaisir — vous rappeler des idées et des choses qui datent déjà de dix années. Nous étions à Francfort-sur-Mein, où nous avons écrit chacun un drame dans le goût allemand. — J’y reviens seul aujourd’hui.

J’ai passé par Cologne, dont la cathédrale est toujours imparfaite, quoique les bons Allemands fassent admirer la perfection des détails de ce qui est bâti.

J’ai revu ces bords du Rhin (du Rhin où sont nos vignes !) et ces vieux châteaux édentés, que nous avons admirés ensemble.

Puis, à Bieberich, le bateau à vapeur a déposé sur la berge une dizaine de pèlerins légitimistes qu’un omnibus conduisait à Wiesbaden.

J’ai pris une voiture de retour qui m’a fait arriver avant eux. Cette fantaisie aristocratique m’a valu les coups de chapeau d’une foule d’habitants du duché de Nassau, qui me prenaient pour un prince. Cependant, ce coup d’éclat ne représentait que soixante kreutzers.

On est prince à bon marché à Wiesbaden. Toute la ville est en fête, à cause des louis que répand l’émigration française ; — mais les Allemands sont si honnêtes, de toute façon, que le prix des subsistances n’a pas même augmenté.

En parcourant les longues allées de la promenade peuplée d’une foule brillante et côtoyée par des équipages nombreux, j’ai demandé en allemand où était la maison de conversation : — personne ne savait l’allemand. En me servant du français, j’ai été tout de suite compris.

J’espérais trouver, pour le soir, quelque représentation qui m’aidât à tuer le temps ; mais les affiches n’annonçaient qu’un concert du jeune Raucheratz, âgé de dix ans, sous la coopération de mademoiselle Franzisca.

En me promenant dans la ville, je lisais partout le mot restauration. Ce terme de circonstance ne voulait pourtant dire autre chose que restaurant.

Je suis entré dans une restauration, et l’on m’a dit :

— Voulez-vous être à la table d’hôte des blancs ?

J’ai demandé à réfléchir. L’hôtelier a ajouté :

— Nous avons une autre table pour les rouges.

N’admirez-vous pas cette question en partie double !

Toujours prudent, en voyage, j’ai fini par me faire servir à part, et à la carte. L’hôtelier m’a dit :

— Vous avez raison.

Et lui-même avait aussi ses raisons !

Pardon, mon cher Dumas ! — je vous écris un peu à la manière allemande, mais je ne puis faire autrement. Dès que je prends pied de l’autre côté du Rhin, je fredonne aussitôt le tirily joyeux que chantait Henri Heine en voyant l’Italie, — et j’oublie un peu le français, bien que je ne sache pas beaucoup l’allemand.

J’ai appris cette langue, comme on étudie une langue savante, — en commençant par les racines, par le haut allemand et le vieux dialecte souabe. De sorte que je ressemble ici à ces professeurs de chinois ou de thibétain que l’on a la malice de mettre en rapport avec des naturels de ce pays… Peut-être pourrais-je prouver à tel Allemand que je sais sa langue mieux que lui ; mais rien ne me serait plus difficile que de le lui démontrer dans sa langue.

J’ai donc demandé à l’hôte, avec beaucoup de peine, quels étaient les spectacles de Wiesbaden, autres que le concert de l’enfant de dix ans.

— Vous avez encore, me dit-il, les singes (die Aſſen).

— Mais que joue-t-on au théâtre Grand-Ducal ?

— Au Grand-Théâtre, vous avez l’exposition de l’industrie du duché de Nassau…

Imaginez, mon cher Dumas, la déception d’un voyageur qui cherche à tout prix une pièce à analyser, des acteurs à critiquer, et qui se voit réduit à juger une exposition de l’industrie.

On prend son billet au bureau, moyennant douze kreutzers. — Il y a d’abord, dans le foyer des acteurs, une salle de machines, des charrues, des métiers, une presse à bras et une presse mécanique…, puis des coffres-forts : — il paraît qu’on a de l’argent dans ce pays-là.

On arrive ensuite au grand foyer. Première salle : jardinières, poterie, savons et bottes. J’y ai remarqué principalement un poêle monumental, élevé à la mémoire de trois poëtes, et surmonté par la figure gracieuse de Thalie.

Voilà de ces idées dont il faut se garder de sourire ; les Allemands ont chez eux des figures de dieux et de grands hommes multipliés comme les lares des Romains ; c’est le poêle, généralement, qui, dans ses détails, représente ce culte inoffensif. — Il en est d’immenses, comme au château de Rastadt, où l’on admire tout l’Olympe en porcelaine de Saxe, avec les poëtes du temps, qu’Apollon aide à gravir la montagne divine. Ce poêle vaut simplement cent mille florins.

On voit aussi là une pendule à sonnerie, commandée par le sultan. C’est le carillon de Dunkerque en petit. J’ai eu le malheur d’entendre sonner midi dans cette salle, consacrée principalement à l’horlogerie. Depuis la pendule à colonnes importée de Paris, jusqu’au simple coucou de la forêt Noire, en passant par les mille combinaisons des inventeurs secondaires, on entendait résonner toutes les harmonies possibles de l’acier frappant sur l’airain. Je me suis enfui vers la salle consacrée aux cuirs.

C’est là le triomphe de l’industrie de Nassau. La sellerie offre de beaux échantillons de harnachements, dont pourront profiter nos modernes chevaliers. On fabrique aussi, à Wiesbaden, des meubles en laque de Chine, dont les amateurs feront bien de se méfier. C’est presque du chinois pur. — J’ai remarqué aussi des lyres perfectionnées, des pipes en corne de cerf, et des oiseaux imités en cire. — Quelques pianos reproduisent dans la dernière salle, sous les doigts des personnes chargées de les vendre, l’effet des pendules qu’on avait entendues en entrant.

Je me suis rendu, au sortir de cette exposition dramatique, à la maison de conversation, située au fond d’une place entourée de galeries, où l’on étale d’autres produits commerciaux vendus généralement par de jolies filles coiffées du chapeau tyrolien. On entre ensuite au cabinet de lecture ; là, j’ai trouvé les journaux français qui avaient paru l’avant-veille de mon départ.

— Le jeu est fait, rien ne va plus !

Telle est la phrase que j’ai entendue dans les salons. Je me suis échappé à travers les jardins, qui, du reste, sont délicieux.

Au café de la Kursaal, on m’a dit que le prince avait l’habitude de parcourir en calèche, à sept heures, les allées de la promenade. Mais il commençait à pleuvoir, et, craignant de ne pas jouir du seul spectacle encore possible à Wiesbaden, celui de la légitimité passant en revue ses derniers fidèles, j’ai pris le chemin de fer de Francfort.

La ville n’a guère changé malgré les révolutions ; les promenades qui l’entourent depuis 1815, et qui remplacent ses fortifications, ont seules gagné de l’ombrage et de la fraîcheur. Arrivé le soir, j’étais, du reste, plus avide de spectacle que de promenades, et je me suis informé bien vite de ce qu’on jouait au grand théâtre. — On jouait Faust avec la musique de Spohr.

Nous avions si souvent discuté ensemble sur la possibilité de faire un Faust dans le goût français, sans imiter Gœthe, l’inimitable, en nous inspirant seulement des légendes dont il ne s’est point servi, — que, malgré l’heure avancée, je me hâtai d’aller voir au moins la seconde partie de l’opéra.

Il était huit heures, et le spectacle finissait à neuf.

Vous rappelez-vous cette grande salle, située au bout des allées de la promenade, et où nous avons vu représenter Griseldis, dans la loge de la famille Rothschild ?… C’était beau, n’est-ce pas, cette pièce héroïque, qui a été en Allemagne le dernier soupir de la tragédie ? Et quelle émotion l’actrice inspirait, même à ceux qui ne comprenaient pas la langue ! et quel drame populaire que celui-là, dans lequel une reine est obligée, au dénoûment, de demander pardon à la fille d’un charbonnier !

La salle, cette fois, était garnie d’une foule plus compacte et plus brillante que celle que nous avions vue assister à Griseldis. C’est qu’ici comme partout la musique exerce l’attraction principale. La salle est fraîchement restaurée, jaune et or, — et l’on voit toujours au-dessus du rideau l’horloge qui, continuellement, indique l’heure aux spectateurs : attention toute germanique.

Lorsque j’entrai, on en était à cette scène de bal où l’on danse une sarabande dans laquelle chacun tient un flambeau à la main ; rien n’est plus gracieux et plus saisissant. Chaque couple s’éloigne ensuite et disparaît tour à tour dans la coulisse, et le nombre des flambeaux diminuant ainsi, amène peu à peu l’obscurité, image de la mort. Puis le tamtam résonne et le diable paraît.

Quelle entrée ! Alors éclate un chant de basse moitié mélancolique et moitié sauvage, tour à tour énergique et chevrotant, avec des modulations finales dans le goût du xviiie siècle, qu’interrompent des accords stridents. L’acteur a laissé quelque chose à désirer dans l’exécution de ce morceau, développé à la manière de l’air de la Calomnie. La musique de Spohr rappelle beaucoup celle de Mozart. Ayez soin, si jamais vous mettez à la scène un Faust, comme je crois que vous en avez l’intention, de faire le diable très-rouge de figure ; c’est ainsi qu’on le représente en Allemagne, et cela est d’un bon effet.

Ensuite, j’admirai la facilité des changements à vue : une toile qui tombe et deux pans de coulisse qui avancent, voilà tout, excepté dans les décorations compliquées. Nous étions tout à l’heure dans un palais, nous voilà dans une rue ; puis voici la campagne éclairée des feux du soir. Faust roucoule son amour à la blonde enfant qu’il aime, et le diable ricane dans le fond, avec une ariette de vieux buveur.

Nous passons à une salle gothique : quatuor magnifique qui finit par devenir une quintette. — Toute la salle éclate de rire. Qu’est-ce donc ? C’est le diable qui vient d’entrer avec un costume de jésuite ; la ville protestante de Francfort se permet cette allusion irrévérente. Le visage rouge du diable se découpe comme un as de cœur entre la souquenille et le chapeau noirs. Mais ce n’est plus le temps de rire ; l’heure sonne au cadran du ciel ; Méphistophélès fait un signe ; un démon entièrement rouge sort de terre et pose la main sur Faust : le diable de la pièce est trop grand seigneur pour l’emporter lui-même. Puis l’œil plonge dans les cavernes souterraines ; une pluie de fusées tombe du cintre… et le spectacle est terminé… à neuf heures. Un théâtre qui a une horloge est un théâtre consciencieux. Aussitôt que la représentation dépasse l’heure de quelques minutes, on siffle. Je vous recommande aussi cela comme amélioration à introduire chez nous.

Il n’y a rien à tirer du libretto que Spohr a réchauffé des sons de sa musique ; mais, à ce propos, je veux vous entretenir de quelques recherches que j’ai faites sur ce personnage, en traversant les Pays-Bas pour me rendre ici. Faust, pour un grand nombre d’érudits, est le même que le Johann Fust, dont le nom brille entre ceux de Gutenberg et Faust Schœffer, autour du célèbre médaillon des éditions stéréotypes. Il y a trois têtes barbues qu’on a réunies, ne sachant au juste laquelle des trois avait réellement inventé cette terrible machine de guerre appelée la presse.

Strasbourg célèbre Gutenberg ; Mayenoe célèbre Faust. Quant à Schœffer, il n’a jamais passé que pour le serviteur des deux autres. Faust était orfèvre à Mayence ; Gutenberg, simple ouvrier, l’aida dans sa découverte, et cette union du capitaliste inventeur avec le travailleur ingénieux produisit ce dont nous usons et abusons aujourd’hui.

Faust était, dit-on, le gendre de Laurent Coster, imagier à Haarlem. Ce dernier avait déjà trouvé l’art d’imprimer les figures des cartes. Faust eut l’idée de tailler sur bois les légendes, c’est-à-dire les noms de Lancelot, d’Alexandre et de Pallas qui, jusque-là, avaient été écrites à la main. Cette pensée en fit naître encore une autre chez Faust, ce fut de sculpter des lettres isolées, en bois de poirier, afin d’en former facultativement des mots, Gutenberg, chargé d’assembler ces lettres, eut, à son tour, l’idée de les faire fondre en plomb, et Schœffer, le travailleur en sous-ordre, qui, à ses moments perdus, était vigneron, conçut la pensée d’employer, pour la reproduction nette des caractères, une sorte de machine établie dans le système du pressoir qui foule les raisins.

Telle fut la triple combinaison d’idées qui sortit de ces trois têtes, semblable dans ses résultats aux trois rayons tordus de la foudre de Jupiter.

Rentrerons-nous dans le roman en admettant la légende qui suppose que Faust, s’étant ruiné dans les premiers frais de son invention, se donna au diable afin de pouvoir l’accomplir ? Ceci est probablement une invention des moines du temps, irrités, et de l’effet prévu de l’imprimerie et du tort qu’elle leur faisait dans leurs intérêts comme copistes de manuscrits.

Voici comment quelques auteurs supposent que Faust conçut l’idée de la reproduction des lettres. — En sa qualité d’orfèvre, il avait été chargé d’exécuter les fermoirs d’une Bible, dont le supérieur d’un couvent voulait faire présent à l’évêque de Mayence.

Il se rendit au couvent pour remettre son travail et se faire payer. On le fit attendre dans une salle, dont le centre était occupé par une vaste table, autour de laquelle une vingtaine de moines travaillaient assidûment.

À quoi travaillaient ces moines ? Ils s’occupaient à gratter des manuscrits grecs et latins pour les rendre propres à subir une écriture nouvelle. Faust jeta les yeux sur un Homère dont les premières lignes allaient disparaître…

— Malheureux ! dit-il au moine, que veux-tu écrire à la place de l’Iliade ?

Et ses yeux tombaient attendris sur le vers qu’on peut traduire ainsi :

Il s’en allait le long de la mer retentissante.

En ce moment, le supérieur entrait. Faust lui demanda à quel usage on destinait ces feuilles quand elles seraient grattées.

Il s’agissait de reproduire un livre de controverse, Thomas A’Kempis ou quelque autre. Faust ne demanda d’autre prix de son travail que ce manuscrit qu’il sauva ainsi de la destruction. Les moines sourirent de sa fantaisie et de sa simplicité. Il fallait un écrit pour qu’il pût sortir du couvent avec le livre. Le prieur le lui donna obligeamment, et imprima son cachet sur le parchemin. Un trait de lumière traversa l’esprit de l’orfèvre, il pouvait s’écrier : Eurêka ! comme Archimède. Et combien il faut reconnaître la main de la Providence dans la combinaison de deux idées, quand on songe que, depuis des milliers d’années, on avait imprimé des sceaux et des cachets avec légendes, des inscriptions même (comme on en a retrouvé à Pompéi), qui servaient à marquer les étoffes ! Faust concevait la pensée de multiplier les lettres et les épreuves pour reproduire la parole écrite.

Faust emporta, comme la proie de l’aigle, le manuscrit et l’idée. Cette dernière ne se présentait pas encore nettement à son esprit.

— Quoi ! se disait-il, il peut dépendre de l’ignorance ou de l’intention funeste de quelques couvents de moines de détruire à tout jamais la tradition intelligente et libre de l’esprit humain ! Les chefs-d’œuvre des philosophes et des poëtes, qu’ils appellent profanes, pourraient entièrement périr par le crime d’un fanatisme aveugle, comparable à celui qui anéantit jadis la bibliothèque d’Alexandrie ! L’ordre d’un pape tel que Borgia, qui règne à Rome, suffirait pour faire exécuter cela dans toute la chrétienté ; car les moines sont à peu près les seuls dépositaires de ces trésors qu’ils prétendent conserver…

En se répétant cela, en serrant contre sa poitrine l’Homère qu’il venait de sauver, et qui peut-être était le dernier, Faust rêvait à la reproduction du cachet du supérieur, à la possibilité de graver des pages entières de lettres en relief qui viendraient se marquer sur des tablettes ou sur du vélin. Rentré dans sa maison et en proie aux combinaisons de son esprit, il ne songeait pas que la misère et le désespoir, cortège ordinaire du génie, venaient d’y pénétrer avec lui.

Peut-être est-ce l’idée de cette scène du barbet noir que Faust rencontre dans une promenade, et qui, une fois dans sa chambre, grandit jusqu’au plafond et révèle l’esprit du mal.

Tout le monde connaît les souffrances de l’inventeur, si admirablement décrites par Balzac dans la Recherche de l’absolu et dans Quinola. Celles de Faust, si l’on en croit les légendes, ne le cédèrent à aucun autre. Persécuté en Allemagne, il vint à Paris avec sa première Bible imprimée, et se présenta à Louis xi, qui d’abord l’accueillit bien. Mais le fanatisme guettait sa proie ; on parvint à le faire passer pour sorcier, et il faillit être brûlé en place de Grève, pour avoir vendu des Bibles entièrement semblables l’une à l’autre, et qui n’avaient pu être exécutées que par artifice diabolique…

C’est comme magicien que les légendes répandues ou fabriquées par les moines le considèrent principalement. Il en existe d’innombrables, tant en Allemagne qu’en France, où la Bibliothèque bleue a réuni ses exploits principaux. Le plus curieux de tous est celui qui consiste à avoir avalé sur une route une voiture de foin qui gênait son passage, — avec les chevaux et le cocher.

Il y a aussi la scène de fantasmagorie à la cour de l’empereur d’Allemagne, dans laquelle ce dernier prie l’enchanteur de le faire souper avec Alexandre, César et Cléopâtre ; ce qui, dit-on, eut lieu en effet.

Gœthe s’est servi, dans le second Faust, de cette anecdote, en la modifiant et en faisant apparaître Hélène ; ce qui appartient encore à la tradition primitive. On se demande pourquoi celle-ci suppose unanimement que Faust avait commandé au diable de ressusciter pour lui la belle Hélène de Sparte dont il eut un fils, et avec laquelle il vécut vingt-quatre ans, aux termes de son pacte ? Peut-être est-ce le souvenir de l’anecdote relative au manuscrit de l’Iliade qui conduisit à cette idée. L’admirateur d’Homère devait être en esprit l’amant d’Hélène.

Dans le Faust primitif qui se joue en Allemagne, sur les théâtres de marionnettes, on voit paraître ce personnage d’Hélène. Là, le diable s’appelle Gaspard, et un duc de Parme y joue le rôle de l’empereur, qu’on n’aurait pas sans doute laissé représenter sous forme de pantin.

On peut citer encore le roman de Klinger, sur Faust, écrit très-spirituellement à la manière de Diderot, et dans lequel on voit Faust porter son invention dans toutes les cours de l’Europe, sans réussir à autre chose que se faire rouer, pendre ou brûler, ce dont le diable le sauve toujours au dernier moment, en vertu de leur pacte. Dans chacun des pays où il se réfugie tour à tour, il ne voit que meurtres, débauches et iniquités ; en France, Louis xi ; en Angleterre, Glocester ; en Espagne, l’inquisition ; en Italie, Borgia… Si bien que le diable lui dit :

— Quoi ! tu te donnes tant de peine pour ce misérable genre humain ?

— Pour le sauver ! pour le transformer !… s’écrie Faust ; car l’ignorance est la source du crime.

— Ce n’est pas, répond le diable, ce qui se dit dans l’histoire du pommier…

Il n’est pas dans tout cela question de Marguerite ; c’est que Marguerite est une création de Gœthe, et même le type d’une femme qu’il avait aimée. Cette figure éclaire délicieusement toute la première partie de Faust, tandis que celle d’Hélène, dans la seconde partie, est généralement moins sympathique et moins comprise, quoiqu’elle appartienne exactement à la tradition.

Il y a encore à Francfort un autre théâtre qu’on appelle Théâtre d’été ; on y jouait ce même jour une pièce en deux actes sur la jeunesse de Voltaire. L’affiche annonce que les spectateurs sont à couvert contre le soleil et la pluie, ce qui indique que c’est une sorte de théâtre forain.