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Voyage religieux et sentimental aux quatre cimetières de Paris/Lachaise/9

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CHAPITRE IX

M. Scribe, négociant M. de Thomé, officier-général M. Leconte, ancien négociant. Madame Fleurizelle.


Au bas de la colline, au nord, et à quelques pas de la tombe du vice-amiral Bruix, on lit l’inscription suivante, sur une pierre ombragée de jeunes cyprès.

ICI REPOSE
Jean-François Scribe,
le meilleur des pères,
Un père
comme on n’en vit jamais,
………
décédé le 28 janvier 1806,
âgé de soixante-quatre ans.
Si ton cœur sut jamais compatir aux malheurs,
Passant arrête-toi, plains du moins nos misères,
Un seul mot t’instruira du sujet de nos pleurs.
Ci git le plus chéri des pères.


Puissent les enfans qui ont rendu ce tendre hommage à la mémoire de leur père, avoir des enfans qui retracent leurs vertus, comme ils rappellent celles qui rendirent l’auteur de leurs jours recommandable aux yeux de ses concitoyens, et cher à sa nombreuse et respectable famille ?




Sur la même ligne, on rencontre une tombe élevée sur les restes d’un militaire distingué. On y lit cette épitaphe.

CI-GIT
René de Thomé
maréchal de camp
décédé le 5 septembre 1805,
âgé de soixante-douze ans.
Tout éloge seroit ici superflu ;
il est dans la bouche
de ses compagnons d’armes,
des savans et des gens de bien
qui l’ont connu.


Si l’on interroge les vieux militaires, ils diront que M, de Thomé fut un brave soldat ; les savans, ils répondront que M. de Thomé avoit plus de lumière et d’instruction que l’on n’en exige ordinairement des hommes de sa profession ; les gens de bien, ils loueront la bonté M. de Thomé, sa loyauté, son désintéressement, et son zèle à remplir tous les devoirs, de l’honnête homme.




A l’extrémité du rang de tombes qui s’étend le long de la muraille du couchant, vers le nord mes regards se portent sur une large pierre dont le sommet est partagé en deux demi-cercles, décorés chacun d’une croix, et dont la partie inférieure est divisée par une ligne noire perpendiculaire, et destinée à séparer deux inscriptions. La face de droite qui n’en présente aucune, annonce que la terre qui l’avoisine n’a pas encore été remuée par la pioche du fossoyeur, et qu’elle attend une victime du trépas, comme le lit nuptial attend la jeune épouse. Sur la face du côté gauche on a gravé cette inscription :


ICI REPOSE
M. N. L. Lecomte,
ancien négocians,
époux accompli, père tendre, ami sincère,
décédé le 12 février 1807, âgé de quatre-vingt-trois ans.
Son épouse, après cinquante-deux ans
de l’union la plus parfaite,
et ses enfans en pleure,
lui ont érigé ce monument
de leur respect et de leur amour.


Époux et épouses pour qui le flambeau de l’hymen n’est qu’une torche incendiaire, qui rendez les devoirs de la piété filiale, méprisables à vos enfans par vos fureurs, et qui ne rougissez pas de dévoiler devant les tribunaux, les honteux sujets de vos querelles et de vos haines ; venez, approchez-vous de cette tombe respectable, et que ce demi-siècle de bonheur et des vertus de deux époux, vous apprenne ce que vous devez faire pour être heureux et respectés comme ils le furent de leurs enfans et de leurs concitoyens !




ICI REPOSE
Jeanne-Julie Jouin ;
épouse de M. Fleurizelle,
chef d’école secondaire,
décédée le 1er juin 1807,
âgé de quarante-neuf ans.
Flebilis omnibus occidit


Tout en applaudissant aux justes regrets d’un époux qui perd le bonheur en pendant la moitié de lui-même, je ne saurois m’empêcher de remarquer que nos livres sacrés fournissent un assez grand nombre de paroles dont la douleur peut faire de belles et touchantes applications, pour que l’on ait pas besoin d’emprunter les expressions d’un poëte profane pour les placer sur un tombeau chrétien.

Comme chef d’une école secondaire, M. Fleurizelle pouvoit, mieux que personne, employer le style convenable à une inscription funèbre. Je ne prétends point faire ici une critique littéraire ; mais je réclame les droits de la religion, dont le langage doit se faire lire sur les tombeau, comme il se fait entendre dans nos temples.