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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/11/03

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 202-204).


III

LES GARNITURES


Les garnitures, ou lingots, sont, on l’a vu plus haut, des pièces de plomb, d’épaisseur et de longueur fort variables. Elles sont utilisées, dans le texte, pour les grandes divisions, les séparations de titres, les fins de pages à maintenir en blanc, l’établissement des pages blanches ; dans les tableaux, elles figurent les blancs des colonnes, etc. ; dans l’imposition, elles remplissent, elles « garnissent » les intervalles séparant chaque page d’une autre page, et représentent ainsi dans la forme les marges du papier.

Au lieu de plomb, on utilise parfois des réglettes et des garnitures en bois de diverses épaisseurs, 12, 18, 24, 36 points, etc., et de longueurs voulues. Ces bois présentent sur le plomb certains avantages : légèreté, prix de revient minime, etc. ; mais, soumis aux alternatives inévitables de sécheresse et d’humidité, ils présentent le grave inconvénient de se déformer assez rapidement après quelque temps d’usage : d’où difficulté d’obtenir un registre parfait, et risque d’accidents assez fréquents par insuffisance de serrage de la forme.

À l’Étranger, et particulièrement en Amérique, les réglettes et les garnitures en bois sont d’un usage assez fréquent : pour leur fabrication on utilise des machines spéciales, grâce auxquelles la coupe et le calibrage sont d’une exactitude aussi rigoureuse que possible. On emploie, du reste, exclusivement pour cet usage un bois dur, généralement du merisier, raboté et poli avec le plus grand soin et bouilli dans l’huile, afin de le soustraire à l’influence de la température et de l’humidité et d’éviter les déformations signalées plus haut.

L’emploi de garnitures et de lingots en fer a sollicité l’attention de certains fondeurs. Il ne semble pas, toutefois, que l’on soit encore arrivé de ce côté à des résultats donnant entière satisfaction. Pratiquement, la garniture en fonte de fer semble inusable et indestructible : elle résiste suffisamment aux coups de marteau, supporte un serrage brutal ou résiste à ses inégalités sans dommage et sans que sa précision en paraisse altérée ; à ce point de vue elle devrait permettre d’obtenir, dans les tirages, un repérage absolument précis. En outre, au point de vue du poids, elle présente une différence en moins de près du tiers, sur les garnitures en matière. Ces différents avantages, joints à une économie réelle d’achat qui en est la conséquence obligée, auraient dû, depuis longtemps, lui assurer une supériorité incontestable sur la garniture de plomb. Il n’en est rien malheureusement, car, dans la production de la garniture en fer, particulièrement pour les grandes longueurs, les fabricants ne semblent pas encore avoir obtenu une précision suffisante. Ce défaut est capital ; il ne constitue point cependant un obstacle insurmontable : quelques constructeurs assurent en effet que, pour les lingots d’épaisseurs et de longueurs moyennes, ils ont satisfaction pour l’exactitude.

La fabrication de la garniture en acier paraît, d’ailleurs, avoir donné un bien meilleur résultat : ces garnitures, ou, plutôt, ces lingots sont formés de barres d’acier portant à chacune de leurs extrémités des décrochements rigoureusement semblables de 12 points : un lingot de 24 points d’épaisseur comporte à chaque extrémité un décrochement de moitié de l’épaisseur, soit 12 points ; un lingot de 36 points comporte deux décrochements de chacun 12 points, etc. Ces garnitures sont surtout recommandées pour la composition de cadres indéformables ; les décrochements s’encastrent rigoureusement les uns dans les autres, et on peut obtenir à l’aide de ces lingots une précision « du dixième de point ». D’une grande résistance, ils sont surtout utilisés pour obvier à l’emploi, dans une forme ou dans un tableau comportant de grands vides, des garnitures en matière. De ce fait, le travail de l’imposition se trouve notablement simplifié, et le repérage facilité ; en outre, le poids est moindre.