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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/10

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La quatrième ou cinquième représentation de la Tour de Nesle était affichée.

Je courus vers le magasin d’accessoires.

Sur le théâtre, je rencontrai Harel. Il s’arrachait les cheveux en voyant son succès interrompu.

Comme il s’aperçut que je me détournais de lui :

— Où allez-vous ? me demanda-t-il.

— Au magasin d’accessoires.

— Qu’allez-vous y faire ?

— Vous avez bien un fusil ?

— Pardieu ! j’en ai un cent ! Vous savez bien que nous venons de jouer… c’est-à-dire pas moi, malheureusement, mais Crosnier… Napoléon à Schœnbrunn.

— Eh bien, je veux un fusil.

— Pour quoi faire ?

— Pour renvoyer à un de mes amis une balle qu’il vient de m’envoyer. Seulement, j’espère être plus adroit que lui.

— Oh ! mon ami ! s’écria Harel, vous allez faire brûler le théâtre !

Et il se mit en travers de la porte des accessoires.

— Pardon, cher ami, lui dis-je, je renonce aux fusils, puisqu’ils sont à vous ; mais rendez-moi les pistolets que j’ai prêtés pour la seconde représentation de Richard : non-seulement ce sont des pistolets de prix, mais encore c’est un cadeau.

— Cachez les pistolets ! cria Harel au garçon d’accessoires.

— Mais, mon cher ami, ces pistolets sont à moi.

— Cachez-les !

On les cacha si bien, que je ne les revis jamais.

Furieux, je montai au deuxième étage.

Par les petites fenêtres du théâtre formant un carré long, je pouvais voir tout ce qui se passait sur le boulevard.

Les soldats étaient toujours à leur poste, et mon ami — l’homme au fusil à deux coups, au bonnet de police, au charivari, — était toujours avec eux.

J’enrageais de ne pas avoir la moindre sarbacane.

Pendant que je regardais par cette ouverture, si étroite,