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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/107

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

agner, qui avait dirigé sa jeunesse religieuse, si rigide à la cour de Vienne.

Ce fut une femme qui se chargea non-seulement de prévenir le malade, mais encore de donner à cet avis une forme qui devait voiler, aux yeux du prince, une partie de l’horrible vérité.

Cette femme, c’était l’archiduchesse Sophie.

Elle annonça au prince que, devant communier bientôt, elle désirait communier au pied de son lit, dans l’espérance que les prières qu’elle adressait au ciel pour sa guérison seraient plus efficaces dans l’acte mystérieux de l’Eucharistie ; et elle pria le malade de communier en même temps qu’elle, afin que leurs prières montassent ensemble au ciel.

Le duc de Reichstadt accepta.

On juge combien fut profond le recueillement, et triste la cérémonie. — Le prince priait pour la délivrance de l’archiduchesse Sophie, près d’accoucher ; l’archiduchesse Sophie priait pour la guérison du duc de Reichstadt, près de mourir !

Le malade, qui était alors à Vienne, désira être transporté à Schœnbrünn, et, le retour du printemps ayant réchauffé l’atmosphère, le docteur appuya ce désir du prince, dont le transport eut lieu sans accident grave, et chez lequel même se manifesta un peu d’amélioration.

Par malheur, un jour, malgré toutes les instances qu’on fit pour l’en détourner, il voulut s’aller promener à Luxembourg, c’est-à-dire à deux lieues de Schœnbrünn, et, cela, en voiture découverte. Il resta une heure dehors, reçut les hommages des officiers, parla beaucoup, et essuya, au retour, un violent orage.

Pendant la nuit qui suivit cette journée d’imprudences, il fut saisi d’un accès de fièvre accompagnée d’une soif ardente ; une toux opiniâtre amena un crachement, presque un vomissement de sang, et, pour la première fois, le prince se plaignit d’une douleur aiguë au côté.

Une nouvelle consultation eut lieu : les médecins regardèrent l’état du malade comme désespéré.