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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/108

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

L’archiduchesse Marie-Louise arriva. Elle avait passé par Trieste pour voir l’empereur, qui s’y trouvait en ce moment ; elle y était tombée malade elle-même, et avait été obligée de rester là quinze longs jours. Encore souffrante, son inquiétude l’avait cependant emporté sur sa faiblesse : elle s’était remise en route, et était arrivée le soir du 24 juin.

Le prince avait désiré aller au-devant de sa mère ; mais, au premier essai de locomotion, il avait reconnu ses forces insuf-. fîsantes. Néanmoins, la joie de la revoir produisit sur lui un heureux effet ; il y eut, pendant trois semaines, un mieux sensible dans l’état du malade, du moins arrêt dans la marche de la maladie ; la fièvre s’était affaiblie ; les nuits s’écoulaient sans de trop fortes transpirations, et le prince pouvait, sans douleur, se coucher sur l’un et l’autre côté.

Mais on connaît l’allure tortueuse et décevante des maladies de poitrine, se prenant ordinairement à de jeunes et vigoureuses organisations qui ne veulentpas mourir ; elles semblent de temps en temps, comme le malade lui-même, avoir besoin de repos, et s’arrêter fatiguées ; mais, presque toujours, ce moment d’arrêt est employé par le sombre mineur à creuser une nouvelle sape, et le travail souterrain se dévoile tout à coup par de nouveaux symptômes qui indiquent que, durant cette halte feinte, la maladie a fait de cruels progrès.

La chaleur était devenue très-grande, la fièvre eut un fort redoublement ; la toux reprit, plus opiniâtre que jamais ; une seconde vomique se rompit, et le prince rendit le sang à pleine bouche.

La population de Vienne prenait un très-vif intérêt au sort de ce malheureux enfant ; on arrêtait dans les rues tous ceux que l’on reconnaissait pour appartenir à sa maison ; de toutes parts arrivaient des lettres indiquant des remèdes qui prouvaient, sinon la science, du moins la sollicitude de ces innocents empiriques.

Dans la nuit du 27 au 28 juin, un orage terrible éclata ; un de ces orages que l’orgueil des rois croit échappés, à cause d’eux, de la main du Seigneur ; la foudre tomba, et brisa un des aigles du palais de Schœnbrünn.