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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/109

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Dès lors, le peuple se rangea de l’avis des médecins, et cessa d’espérer. Puisque la foudre avait frappé un aigle, le fils de Napoléon allait mourir.

Le prince ne sortait plus ; seulement, lorsque ses étouffements, presque continus, lui faisaient croire qu’il trouverait quelque soulagement dans l’air extérieur, on le portait sur le balcon.

Bientôt il fut impossible de lui faire quitter le lit : au moindre mouvement imprimé à son corps, il s’évanouissait.

Alors, il commença à parler de sa mort prochaine, et à manifester le dégoût qu’il avait toujours eu d’une existence qui s’était ouverte avec un si vaste horizon, et que le destin avait forcée de végéter dans un cercle si étroit. Était-ce mépris réel de la vie ? était-ce désir de consoler ceux qui l’entouraient ?

Le 21 juillet seulement, il avoua qu’il souffrait horriblement, et murmura à plusieurs reprises ces mots :

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! quand mourrai-je donc ?

Au moment où l’un de ces cris lui échappait, sa mère entra. Il réprima aussitôt l’expression de douleur répandue sur son visage, et la reçut avec un sourire, répondit, à ses demandes sûr sa santé, qu’il se trouvait bien, et fit avec elle des projets de voyage dans le nord de l’Italie.

Le soir, le docteur Malfatti annonça qu’il craignait une crise mortelle pour la nuit ; le baron de Moll veilla dans la chambre voisine, à l’insu du prince, qui n’avait jamais souffert que personne veillât près de lui.

Vers une heure du matin, il parut s’assoupir ; mais, à trois heures et demie, il se leva tout à coup sur son séant, et, après de violents et inutiles efforts pour respirer, il s’écria :

Mutter ! mutter ! ichgehe unter ! (Mère ! mère ! je succombe !)

À ce cri, M. le baron de Moll et le valet de chambre entrèrent, le saisirent dans leurs bras, cherchant à le calmer ; mais il était aux prises avec la mort.

Mutter ! mutter ! répéta-t-il.