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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/110

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Et il retomba.

Il n’était point encore expiré, mais il était dans cet état crépusculaire qui sépare la vie de la mort.

On se hâta d’avertir l’archiduchesse Marie-Louise et l’archiduc François, dans les bras duquel le duc de Reichstadt avait manifesté le désir de mourir.

Tous les princes accoururent. Marie-Louise n’eut point la force de rester debout, ni même d’arriver jusqu’à lui : elle tomba à genoux, et fit, en se traînant, les deux ou trois pas qui la séparaient encore de son fils.

Le malade ne pouvait plus parler ; mais ses yeux, presque, éteints, purent encore se fixer sur sa mère, et lui indiquer, par un regard, qu’il la reconnaissait.

Cinq heures du matin sonnèrent ; il parut entendre les vibrations de la pendule, et compter les coups. C’était l’éternité qui venait de tinter pour lui sur le bronze ! Il fit bientôt un signe d’adieu ; le prêtre qui l’assistait lui montra le ciel, et, à cinq heures huit minutes, sans convulsion, sans effort, sans douleur même, il rendit le dernier soupir.

Il avait vécu vingt et un ans, quatre mois et deux jours.

Sa vie avait été obscure ; sa mort fit, en France, une sensation moins vive que celle à laquelle il eût dû s’attendre. Pour les Français, et aux yeux des Français, c’était un prince autrichien.

Notre nation est une nation orgueilleuse : elle ne veut points lorsqu’on a perdu le trône que l’empereur Maximilien, s’il eût été Dieu le père, eut donné à son fils aîné, elle ne veut point qu’on n’ait pas l’air de le regretter, et elle préfère l’homme qui, pour le reconquérir, fait desi tentatives presque insensées, à celui qui s’endort dans sa résignation aux décrets de la Providence.

Par un singulier jeu du hasard, le duc de Reichstadt, comme nous l’avons dit déjà, était mort dans ce même lit où Napoléon, vainqueur, avait deux fois couché : la première, après Austerlitz, la seconde, après Wagram ! Le’père et le tils s’étaient endormis du dernier sommeil à onze ans de distance l’un de l’autre, et dormaient maintenant couchés sur le sein de la mère