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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/112

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

peines qui ont empoisonné et, sans doute, abrégé son existence.

» Cette existence a dû être bien amère ! Arraché, dès le berceau, à sa patrie, à sa famille, pour être relégué dans une prison somptueuse ; privé de guide à l’àge où sa raison avait tant besoin d’être dirigée ; soumis à une étiquette tyrannique ; étranger au milieu d’une cour qui l’assiégeait d’hommages suspects, à qui pouvait-il se confier, si ce n’est à des surveillants chargés de le tromper, peut-être de le pervertir ? auprès de qui s’informer de ce qu’il lui importait le plus de connaître : de son sort, de son avenir, de ses devoirs ? Ses précepteurs lui ont, à ce qu’on assure, laissé ignorer longtemps jusqu’à l’histoire de son père ! S’il faut en croire le peu d’amis auxquels il a été permis de l’approcher, le jeune Napoléon avait reçu de la nature un esprit droit et un cœur généreux ; présents stériles, qui n’ont servi qu’à lui rendre sa solitude plus pesante, et à lui faire accueillir la mort comme un bienfait ! Sa vie s’est terminée à propos pour la gloire du nom qu’il portait : il n’aura pas traîné ce grand nom dans un long désœuvrement ; il ne l’aura pas déshonoré au service de la politique des cours ou des factions ; il n’aura pas joué le rôle ridicule et odieux d’un prétendant, et l’histoire n’aura pas à lui reprocher d’avoir été le fléau de son pays.

» Le jeune Napoléon a été, aux mains de l’Autriche, à la fois un objet de terreur pour elle-même et un épouvantail pour la France de la Restauration. Son nom seul, prononcé par M. de Metternich, eût fait trembler Louis XVIII et Charles X, et eût suffi pour repousser toute tentative contraire à la politique autrichienne ; et, cependant, la prudence n’eût point permis de réaliser la menace qu’un tel nom exprimait. Cette menace n’aurait peut-être pas été sans effet, même après la révolution de 1830, sur les hommes d’État qui ont présidé à notre politique, bien qu’elle n’eût pas été plus sérieuse aujourd’hui qu’à une autre époque.

» Voilà donc l’Autriche à la fois délivrée de l’effroi qu’elle éprouvait, et désarmée de l’instrument de trouble dont elle disposait contre nous.