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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/12

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Non, nous voulons seulement des armes.

— Eh bien, M. Harel, le directeur, a été préfet des Cent-Jours, et exilé par les Bourbons en 1815.

— Vive M. Harel, alors !… Qu’il nous donne ses fusils, et se mette à notre tête.

— Un directeur de théâtre n’est pas maître de ses opinions : il dépend du gouvernement.

— Qu’il nous laisse prendre ses fusils ; nous ne lui en demandons pas davantage.

— Un peu de patience ! nous allons les avoir ; mais c’est moi qui vais vous les donner.

— Bravo !

— Combien êtes-vous ?

— Une vingtaine.

— Harel ! faites apporter vingt fugils, mon ami.

Puis, me retournant vers ces braves geos :

… Vous comprenez bien ceci : ces fusils, c’est moi, M. Alexandre Dumas, qui vous les prête ; ceux qui seront tués, je n’ai rien à leur réclamer ; mais ceux qui survivront rapporteront leurs armes. C’est dit ?

— Parole d’honneur !

— Voilà vingt fusils.

— Merci !

— Ce n’est pas tout : vous allez écrire sur les portes : Armes données !

— Qui est-ce qui a de la craie ?

J’appelai le chef machiniste.

— Darnault, un morceau de craie !

— Voilà.

— Allez écrire ! dis-je à mes hommes.

Et l’un d’eux, le fusil à la main, à la vue du détachement de la ligne, alla écrire sur les trois portes du théâtre : Armes données, et il signa.

Puis les vingt hommes échangèrent avec moi vingt poignées de main, et partirent en criant : « Vive la République ! » et en brandissant leurs fusils.

— Maintenant, dis-je à Darnault, barricadez la porte.