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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/147

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

étage ; la cachette était un recoin formé par la cheminée, établie dans un angle : on y pénétrait par la plaque, qui s’ouvrait au moyen d’un ressort. Cette cachette avait été pratiquée lors des premières guerres de la Vendée, pour sauver des prêtres et d’autres proscrits.

M. de Ménars vint seul habiter cette maison avec la duchesse. On aurait pu penser qu’après tant de traverses et de fatigues, trouvant une retraite tranquille et sûre, elle eût pris quelque repos, et fût revenue à ses occupations favorites : la tapisserie et la peinture des fleurs, talents dans lesquels elle excellait ; mais, après les projets qu’elle avait médités, et qui en avaient en quelque sorte fait un homme, ces occupations futiles ne pouvaient plus être de son goût, ni suffire à cette âme active.

Elle reprit une correspondance, abandonnée depuis quelque temps, avec les légitimistes de France et de l’extérieur, correspondance dont l’objet principal était de leur faire savoir et de leur affirmer que, dans le cas d’une guerre d’invasion contre la France, qui alors paraissait assez menaçante, jamais son fils ne se mettrait à la suite des étrangers, et de les inviter, le cas échéant, à réunir leurs efforts à ceux de tous les Français pour les repousser. Les papiers trouvés dans la cachette ont dû faire connaître le but et l’énormité du travail auquel elle s’était livrée. Le nombre de ses lettres s’élevait à plus de neuf cents ; elles étaient presque toutes de sa main, à l’exception de quelques-unes écrites par M. de Ménars. Elle avait vingt-quatre chiffres différents pour correspondre avec les diverses parties de la France ; elle écrivait en chiffres avec une facilité remarquable.

Une des distractions qu’elle se procura fut de coller entièrement, aidée de M. Ménars, le papier grisâtre qui fait aujourd’hui la tapisserie de la mansarde.

Pendant le séjour de la duchesse à Nantes, le choléra y exerçait quelques ravages ; elle voyait, tous les jours, passer sous ses fenêtres des militaires ou des habitants que l’on conduisait au cimetière. Un soir, elle fut prise de coliques et de vomissements qui donnèrent les plus vives inquiétudes aux