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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/149

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

général, il y avait peu de chances de la découvrir ; d’ailleurs, la duchesse était devenue l’objet d’une extrême surveillance de la part même de ses amis, qui sentaient la nécessité de l’isoler entièrement au milieu de la ville, afin d’empêcher les agents de police de pénétrer jusqu’à elle. Aussi était-elle inaccessible pour tout le monde, excepté pour M. de Bourmont, qui, du reste, usait de ce privilège avec autant de prudence que de réserve.

Vers cette époque, le juif Deutz arriva à Paris.

Hyacinthe-Simon Deutz naquit à Coblence en janvier 1802. À l’âge de dix-huit ans, il entra comme ouvrier imprimeur chez M. Didot. Peu de temps après, son beau-frère, M. Drack, s’étant fait catholique, Deutz, furieux de cette conversion, le menaça si hautement, que Drack en prévint la police. Néanmoins, deux ou trois ans plus tard, son fanatisme judaïque s’adoucit à ce point, qu’il manifesta lui-même l’intention d’embrasser la religion catholique, et fît solliciter, par son beau-frère, une audience de l’archevêque de Paris. Ce prélat, pensant que sa conversion serait plus prompte et plus efficace à Rome, rengagea à s’y rendre. Deutz fit effectivement ce voyage au commencement de 1828 ; il était recommandé de la manière la plus pressante par M. de Quélen au cardinal Capellari (depuis, Grégoire XIV), alors préfet de la propagande. Le pape Léon XII chargea le père Orioli, du collège des Cordeliers, de l’instruire dans la religion catholique. Pendant quelque temps, et à plusieurs reprises, Deutz parut changer dans sa résolution. Il écrivait en 1828 : « J’ai éprouvé quelques jours d’orage ; j’étais même sur le point de retourner à Paris sans le baptême : c’était le judaïsme expirant ; mais, grâce à Dieu, mes yeux se sont entièrement dessillés, et, sous peu, j’aurai le bonheur d’être chrétien ! »

Jugé digne enfin de recevoir le baptême, il eut pour parrain M. le baron Mortier, premier secrétaire d’ambassade, et pour marraine une princesse italienne. Ainsi, c’est en trahissant Dieu qu’il s’exerçait à trahir les hommes.

Peu après, il fut présenté au saint-père, qui l’accueillit avec la plus grande bienveillance. Une pension de vingt-cinq