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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/15

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La vue du général la Fayette lit pousser un cri. On se leva et l’on alla au-devant de lui.

— Eh bien, général, lui cria-t-on de toutes parts, que faites-vous ?

— Messieurs, dit-il, de braves jeunes gens sont venus chez moi, et en ont appelé à mon patriotisme.

— Que leur avez-vous répondu ?

— Je leur ai répondu. « Mes enfants, plus un drapeau est troué, plus il est glorieux ! trouvez-moi un endroit où l’on puisse mettre une chaise, et je m’y ferai tuer. »

Les députés réunis chez Laffitte se regardèrent.

— Eh bien, messieurs, leur dit Laffitte avec ce doux sourire qui ne le quittait pas, même dans les plus grands dangers, qu’en dites-vous ?

— Que fait le maréchal Ciausel ? demanda une voix.

— Je puis vous le dire, répondit Savary, qui venait d’entrer, et qui avait entendu la question ; je sors de chez lui.

— Ah !

— Je l’ai pressé de se joindre à nous, et il m’a répondu : * Je me joins à vous, si vous êtes sûrs d’un régiment. — Eh ! monsieur, lui ai-je dit, si nous avions un régiment, nous n’aurions / pas besoin de vous ! » Sur quoi, je l’ai quitté.

— Messieurs, dit Laffitte, si nous nous jetons dans l’insurrection, il n’y a pas de temps à perdre ; il faut à l’instant même proclamer la déchéance du roi, nommer un gouvernement provisoire, et que Paris se réveille demain avec une proclamation sur toutes les murailles. — La signerez-vous, général ? continua Laffitte en s’adressant à la Fayette.

— Oui, répondit simplement la Fayette.

— Moi aussi, dit Laffitte ; il nous faut un troisième.

Le général et le banquier regardèrent autour d’eux : personne ne s’offrit.

— Ah ! si Arago était là ! dit Laffitte.

— Vous savez que vous pouvez comptez sur lui, hasardai-je ; il ne vous reniera point : je quitte son frère, qui est jusqu’au cou dans l’insurrection