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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/16

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Nous pouvons jouer noire tête, dit Laffitte, non celle de nos amis.

— N’a-t-on pas fait cela en 1830 pour le comte de Choiseul ?

— Oui ; mais la situation est plus grave qu’en 1830.

— Elle est la même, hasardai-je.

— Pardon ! en 1830, nous avions le duc d’Orléans avec nous.

— Derrière nous !

— Enfin, il y était, et la preuve, c’est qu’aujourd’hui il est roi.

— S’il est roi, le général la Fayette se rappellera que ce n’est pas notre faute.

— Oui, c’est dans les jeunes têtes qu’était la sagesse ! Je vis qu’il n’y avait rien à faire de ce côté, et que la nuit se passerait à discuter.

Je sortis ; cela m’était d’autant plus facile que j’étais un personnage fort peu important, et que, probablement, personne ne remarqua mon absence.

Mon intention était d’aller, soit au National, soit chez Ambert ; mais, arrivé au boulevard, j’appris qu’on se battait rue du Croissant.

Je n’avais pas d’arme. Puis à peine pouvais-je me tenir debout, j’étais brûlé par la fièvre. Je pris un cabriolet, et me fis conduire chez moi.

Je m’évanouis en montant l’escalier, et l’on me retrouva sans connaissance entre le premier et le second étage.

Pendant que l’on me retrouvait dans mon escalier, que l’on me déshabillait, que l’on me couchait, l’insurrection allait son train.

Suivons-la jusque derrière la barricade de la rue Saint-Merri.

Nous avons laissé Séchan gardant seul la barricade de la rue de Ménilmontant. Aussitôt le repas fini, ses compagnons étaient venus le rejoindre.

À neuf heures du soir, ils n’avaient pas encore été inquiétés. Les postes les plus avancés de la troupe ne dépassaient pas la rue de Cléry.