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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/166

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

l’on verra quel fut le résultat de cet enregistrement. Mais la conversation tarit bientôt ; l’un des gendarmes s’était endormi, malgré le vacarme effroyable qu’on faisait à côté de lui dans les maisons voisines ; car, pour la vingtième fois, toutes les recherches venaient se concentrer autour de la cachette. Son compagnon, réchauffé momentanément, avait cessé d’entretenir le feu ; la plaque et le mur se refroidissaient. M. de Ménars était parvenu à déranger quelques ardoises du toit, et l’air extérieur avait renouvelé l’air intérieur. Toutes les craintes se tournèrent vers les démolisseurs ; on sondait à grands coups de marteau le murqui touchait les prisonniers, et un placard placé près de la cheminée : à chaque coup, le plâtre se détachait et tombait en poussière au dedans ; enfin, ils se croyaient perdus, lorsque les ouvriers abandonnèrent cette partie de la maison, que, par instinct de démolisseurs, ils avaient si minutieusement explorée. Les prisonniers respirèrent ; la duchesse se crut sauvée. Cet espoir ne fut pas long.

Le gendarme qui veillait, voyant que le vacarme avait définitivement cessé, et voulant profiter de ce moment de silence, secoua son camarade, afin de dormir à son tour. L’autre s’était refroidi dans son sommeil, et se réveilla tout gelé. À peine eut-il les yeux ouverts, qu’il s’occupa de se réchauffer : en conséquence, il ralluma le feu, et, comme les mottes ne brûlaient pas assez vivement, il profita d’un énorme paquet de Quotidienne, qui se trouvaient dans la chambre jetées sous une table, pour attiser le feu, lequel brilla de nouveau dans la cheminée. Le feu produit par les journaux donna une fumée plus épaisse, et une chaleur plus vive pue les mottes ne l’avaient fait la première fois. Il en résulta pour les prisonniers des dangers réels. La fumée passa par les lézardes du mur de la cheminés, ébranlée par les coups de marteau, et la plaque, qui n’était pas encore refroidie, fut bientôt rougie comme à une forge. L’air de la cachette devenait de moins en moins respirable ; ceux qu’elle renfermait étaient obligés d’appliquer leur bouche à l’interstice des ardoises, afin d’échanger— contre l’air extérieur leur haleine