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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/167

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de feu. La duchesse était celle qui souffrait le plus, car, entrée la dernière, elle se trouvait appuyée contre la plaque. Chacun de ses compagnons lui offrit à plusieurs reprises d’échanger sa place avec elle ; mais jamais elle n’y voulut consentir.

Cependant, au danger d’ètre asphyxiés venait pour les prisonniers de s’en joindre un nouveau, celui d’être brûlés vifs. La plaque, comme nous l’avons dit, était rouge, et le bas des vêtements des femmes menaçait de s’enflammer. Déjà deux fois même le feu avait pris à là robe de la duchesse, et elle l’avait étouffé à pleines mains aux dépens de deux brûlures dont elle conserva longtemps les marques. Chaque minute raréfiait encore l’air intérieur, et l’air extérieur fourni par les trous du toit entrait en trop petite quantité pour le renouveler. La poitrine des prisonniers devenait de plus en plus haletante. Rester dix minutes de plus dans cette fournaise, c’était compromettre les jours de la duchesse. Chacun la suppliaitde sortir ; elle seule ne le voulait pas. Ses yeux laissaient échapper de grosses larmes de colère, qu’un souffle ardent séchait sur ses yeux. Le feu prit encore une fois à sa robe ; elle l’éteignit encore une fois. Mais, dans le mouvement qu’elle fit en se levant, elle souleva la gâchette de laplaque, qui s’entr’ouvrit un peu. Mademoiselle de Kersabiec y porta aussitôt la main pour la faire rentrer dans le pêne, et se brûla violemment.

Le mouvement de la plaque avait fait rouler les mottes appuyées contre elle, et avait éveillé l’attention du gendarme, qui se délassait de son ennui en lisant des Quotidienne, et qui croyait avoir bâti son édifice pyrotechnique avec plus de solidité. Le bruit produit par les tentatives de mademoiselle de Kersabiec fit naître en lui une singulière idée : il se figura qu’il y avait des rats dans la cheminée, et, pensant que la chaleur allait les forcer de sortir, il réveilla son camarade, et tous deux se mirent en devoir de leur donner la chasse avec leur sabre.

Cependant, la chaleur et la fumée augmentaient à chaque instant les tortures des reclus. La plaque ayant fait un mouvement, un des gendarmes dit :