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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/169

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il la conduisit alors vers une chaise ; elle avait le visage pâle, la tête nue, les cheveux hérissés sur son front comme ceux d’un homme ; elle portait une robe de napolitaine, simple et de couleur brune, sillonnée en bas par plusieurs brûlures ; et ses pieds étaient chaussés de petites pantoufles de lisière.

En s’asseyant, elle dit à Dermoncourt, en lui serrant fortement le bras :

— Général, je n’ai rien à me reprocher ; j’ai rempli le devoir d’une mère pour reconquérir l’héritage d’un fils.

Sa voix était brève et accentuée. À peine assise, elle chercha des yeux les autres prisonniers et les aperçut, à l’exception de M. Guibourg, qu’elle fît demander.

Puis, se penchant vers Dermoncourt :

— Général, lui dit-elle, je désire n’être point séparée de mes compagnons d’infortune.

Le général le lui promit au nom du comte d’Erlon, espérant que le général en chef ferait honneur à sa parole.

Madame paraissait très-altérée, et, quoique pâle, elle était animée comme si elle avait eu la fièvre. Le général lui fit apporter un verre d’eau, dans lequel elle trempa ses lèvres ;. la fraîcheur la calma un peu. Dermoncourt lui proposa d’en boire un autre : elle accepta, et ce ne fut pas chose facile que de trouver tout de suite un second verre d’eau dans cette maison bouleversée. Enfin, on en apporta un ; mais la duchesse aurait été obligée de le boire sans sucre, si Dermoncourt n’avait avisé M. de Ménars dans un coin. L’idée lui vint, par bonheur, que celui-ci était homme à avoir du sucre sur lui. Il lui en demanda donc, comme s’il était sûr qu’il allait lui en donner ; en effet, en fouillant dans ses poches, M. de Ménars en trouva deux morceaux qu’il offrit au général. Là duchesse les fit fondre dans le verre, les tournant avec un coupe-papier, car il eût fallu trop de temps pour trouver une cuiller, et il était même inutile d’y songer. Lorsque la princesse eut bu, elle fit asseoir près d’elle Dermoncourt.

Pendant ce temps, Rusconi et l’aide de camp du général