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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/171

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

quel j’ai une dévotion toute particulière ; il est plus que jamais de circonstance.

— Madame sait-elle combien elle a d’argent ?

— Monsieur, il doit se trouver dans la cachette environ trente mille francs, dont douze mille appartiennent aux personnes de ma suite.

Lorsque M. le préfet fut pour vérifier la somme indiquée, un des deux gendarmes lui remit un sac dans lequel se trouvaient environ treize mille francs en or, dont une partie en monnaie d’Espagne, et que, dans la confusion, il avait eu la précaution de mettre à part.

— Comment ce sac se trouve-t-il entre vos mains ? demanda le préfet au gendarme.

— Madame me l’a donné, en disant que c’était pour moi.

— Comment ! madame vous l’a donné en disant que c’était pour vous ?

— Oui.

— De quelle façon vous a-t-elle fait ce cadeau ?

— Elle a demandé lequel des deux gendarmes était couché sur le lit de camp, de minuit à quatre heures du matin. Je lui ai dit que c’était moi : alors, elle s’est retournée du côté de mon compagnon. « Était-ce bien lui ? » demanda-t-elle. Mon compagnon lui répondit oui. Alors, elle m’a tendu le sac en me disant : « Prenez ! c’est pour vous. »

— C’était une plaisanterie, dit le préfet.

— Je le crois aussi, dit le pauvre gendarme en jetant un dernier coup d’œil sur cette masse d’or ; aussi, vous voyez que je vous le remets.

Le préfet réunit les treize mille francs aux dix-sept mille autres, et emporta le tout à la préfecture.

Lorsque, un au plus tard, je fis la Vendée et Madame, et que la duchesse de Berry sut que les treize mille francs avaient été pris à son protégé, elle écrivit au général en lui donnant avis que, par le même courrier, elle écrivait au gouvernement pour le mettre en demeure de rendre les treize mille francs à qui de droit.