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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/175

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Après avoir traversé la cour du château, on monta l’escalier ; mais la duchesse était tellement affaiblie par les émotions successives qu’elle venait d’éprouver, que Dermoncourt la sentit en quelque sorte plier et peser à son bras de tout son poids. Enfin, elle arriva à l’appartement qui lui était destiné, et que le colonel d’artillerie, gouverneur du château, s’était empressé de lui offrir. Là, se trouvant mieux, elle dit au général qu’elle prendrait volontiers quelque chose.

En effet, dérangée au moment où elle allait se mettre à table, il y avait près de trente heures qu’elle n’avait rien pris.

Comme aucun ordre pour un déjeuner n’avait été donné, et que ce déjeuner pouvait se faire attendre, le colonel d’artillerie. proposa à Madame, qui l’accepta, un verre de frontignan avec des biscuits.

Au reste, Madame alors mangeait très-peu à cause d’une fièvre tierce qui la prenait régulièrement depuis deux ou trois semaines.

Le déjeuner ne fut prêt qu’au bout de trois quarts d’heure. On vint annoncer qu’il était servi. Le général Dermoncourt offrit le bras à la duchesse pour la conduire à la salle à manger.

En se mettant à table, elle se tourna en souriant vers son cavalier.

— Général, dit-elle, si je ne craignais que l’on dît que je cherche à vous séduire, je vous proposerais de partager mon repas.

— Et, moi, madame, répondit le général, si j’osais, j’accepterais volontiers, car je n’ai rien pris depuis hier à onze heures du matin.

— Oh ! oh ! général, fît la duchesse en riant, alors nous sommes quittes.

Pendant qu’on était à table, M. le préfet entra. Il était comme Madame et comme Dermoncourt, il avait faim ; seulement, la duchesse se garda bien d’inviter M. Maurice Duval à s’asseoir.

Le préfet en prit son parti ; il alla droit au buffet, où l’on