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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/176

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

venait de porter des perdreaux desservis de la table de la duchesse, se fit donner une fourchette et un couteau, et se mit à manger, tournant le dos à la princesse.

Madame le regarda faire, et, reportant les yeux sur le général :

— Général, dit-elle, savez-vous ce que regrette le plus du rang que j’occupais ?

— Non, madame.

— Deux huissiers pour me faire raison de monsieur.

Le déjeuner terminé, la duchesse retourna au salon.

Arrivé là, le général Dermoncourt lui demanda la permission de prendre congé d’elle. Le général d’Erlon passait une revue de la garde nationale et de la troupe de ligne à laquelle il ne pouvait se dispenser d’assister.

— Quand vous reverrai-je ? demanda la princesse.

— Aussitôt que la revue sera terminée, madame, répondit le général, et je présume que ce ne sera pas long.

À peine Dermoncourt avait-il fait trente pas hors du château, qu’un trompette de gendarmerie le rejoignit tout essoufflé, et lui dit que la duchesse le demandait à l’instant même. Le trompette ajouta qu’elle paraissait furieuse contre le général. Interrogé sur la cause de cette colère, le soldat répondit que, d’après quelques mots adressés par Madame à mademoiselle de Kersabiec, il l’attribuait à ce que M. de Ménars, au lieu d’être placé dans son antichambre, avait été envoyé dans un autre corps de logis.

Craignant effectivement que l’on n’eût pas eu pour M. de Ménars tous les égards qu’il avait recommandé d’avoir, le général se rendit aussitôt chez celui-ci, et le trouva si malade, qu’il s’était jeté sur son lit sans avoir la force de se déshabiller. Le général lutoffrit d’être son valet de chambre ;. mais, comme il n’y avait encore ni table ni chaises dans son appartement, et qu’il ne pouvait se tenir debout, ce n’était pas un office facile à remplir ; le général, en conséquence, appela un gendarme à son secours, et, à eux deux, ils parvinrent à mettre au lit M. de Ménars.

Lorsqu’il fut couché, le général lui dit que la duchesse