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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/190

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

s’était glissé dans mes relations avec Hugo ; des amis communs nous avaient à peu près brouillés.

Le lendemain de la représentation, la pièce fût brutalement interdite, et l’auteur dut appeler de cette décision devant le tribunal de commerce.

Dans toute autre circonstance, les journaux de l’opposition eussent pris parti pour Victor Hugo ; ils eussent crié à l’oppression, à la tyrannie. Point ! la haine que l’on portait à l’école romantique était si grande, que ce fut à qui donnerait, non pas raison au gouvernement, mais tort à l’auteur.

Écoutez ce que disait la critique de l’œuvre d’un des poètes les plus éminents qui aient jamais existé. Nous allons la suivre dans ses citations ; nous allons apprécier sa bonne foi.

De qui est le feuilleton qui nous tombe sous la main ? Nous n’en savons rien : le feuilleton n’est pas signé ; seulement, c’est le type de ce qui se faisait alors, de ce qui s’est fait depuis, et de ce qui se fera probablement toujours en critique. Vilain type ! qu’on en juge :


Théâtre-Français. — Le Roi s’amuse, drame en cinq actes
en vers, par M. Victor Hugo.


« Après Hernani, et surtout après Marion Delorme, la critique essaya de faire entendre à M. Victor Hugo deux bonnes vérités poliment exprimées, comme il convenait à l’égard d’un haut et véritable talent ; la première, c’est que les essais de M. Victor Hugo révélaient une impuissance et une stérilité absolues dans la conception ; la deuxième, c’est que M. Victor Hugo avait adopté un système vicieux, qui, au lieu de le conduire à l’original, le poussait au trivial et à l’absurde… »


Le fait est qu’il est impossible d’être plus poli, n’est-ce pas ? La conséquence naturelle de ces conseils devait faire retourner M. Hugo à ses odes et à ses romans.

Par bonheur, M. Hugo s’est cru aussi fort que ceux qui lui disaient ces deux bonnes vérités, et il a continué malgré la