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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/220

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

sérieux intérêts, et, quoique l’auteur soit obligé d’entamer cette importante affaire par un simple procès commercial au Théâtre-Français, ne pouvant attaquer directement le ministère, barricadé derrière les fins de non-recevoir du conseil d’État, il espère que sa cause sera, aux yeux de tous, une grande cause le jour où il se présentera à la barre du tribunal consulaire, avec la liberté à sa droite et la propriété à sa gauche. Il parlera lui-même au besoin pour l’indépendance de son art. Il plaidera son droit fermement, avec gravité et simplicité, sans haine des personnes et sans crainte aussi. Il compte sur le concours de tous, sur l’appui franc et cordial de la presse, sur la justice de l’opinion, sur l’équité des tribunaux. Il réussira, il n’en doute pas. L’état de siège sera levé dans la cité littéraire comme dans la cité politique.

» Quand cela sera fait, quand il aura rapporté chez lui, intacte, inviolable et sacrée, sa liberté de poëte et de citoyen, il se remettra paisiblement à l’œuvre de sa vie, dont on l’arrache violemment, et qu’il eût voulu ne jamais quitter un instant. Il a sa besogne à faire, il le sait, et rien ne l’en distraira. Pour le moment, le rôle politique lui vient : il ne l’a pas cherché, il l’accepte. Vraiment, le pouvoir qui s’attaque à nous n’aura pas gagné grand’chose à ce que, nous, hommes d’art, nous quittions notre tâche consciencieuse, tranquille, sincère, profonde ; notre tâche sainte, notre tâche du passé et de l’avenir, pour aller nous mêler, indignés et sévères, à cet auditoire irrévérent et railleur, qui, depuis quinze ans, regarde passer avec des huées et des sifflets quelques pauvres diables de gâcheurs politiques, lesquels s’imaginent qu’ils bâtissent un édifice social, parce qu’ils vont tous les jours à grand’peine, suant et soufflant, brouetter des tas de projets de loi des Tuileries au Palais-Bourbon, et du Palais-Bourbon au Luxembourg ! »


Le 19 décembre 1832, l’affaire vint devant le tribunal de commerce.

Tout le Paris artistique s’était rassemblé dans la salle de la Bourse, étonnée de voir si bonne compagnie.