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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/224

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

struiraient pas. Donc, entre une loi qui n’existe plus et une loi qui n’existe pas encore, le pouvoir est sans droit pour arrêter une pièce de théâtre. Je n’insisterai pas sur ce que M. Odilon Barrot a si souverainement démontré.

» Ici se présente une objection de second ordre que je vais cependant discuter. — La loi manque, il est vrai, dira-t-on ; mais, dans l’absence de la législation, le pouvoir doit-il rester complètement désarmé ? Ne peut-il pas apparaître tout à coup sur le théâtre une de ces pièces infâmes — faites, évidemment, dans un but de marchandise et de scandale — où tout ce qu’il y a de saint, de religieux et de moral dans le cœur de l’homme, soit effrontément raillé et moqué ; où tout ce qui fait le repos de la famille et la paix de la cité soit remis en question ; où même des personnes vivantes soient piloriées sur la scène, au milieu des huées de la multitude ? La raison d’État n’imposerait-elle pas au gouvernement le devoir de fermer le théâtre à ces ouvrages si monstrueux, malgré le silence de la loi ? — Je ne sais pas, messieurs, s’il a jamais été fait de pareils ouvrages, je ne veux pas le savoir, je ne veux pas le croire, et je n’accepterais en aucune façon la charge de les dénoncer ici ; mais, dans ce cas-là même, je le déclare, tout en déplorant le scandale causé, tout en comprenant que d’autres conseillent au pouvoir d’arrêter sur-le-champ un ouvrage de ce genre, et d’aller ensuite demander aux Chambres un bill d’indemnité, je ne ferai pas, moi, fléchir la rigueur du principe. Je dirai au gouvernement : Voilâtes conséquences de votre négligence à présenter une loi aussi pressante que la loi de la liberté théâtrale ! Vous êtes dans votre tort, réparez-le. hâtez-vous de demander une législation pénale aux Chambres, et, en attendant, poursuivez le drame coupable avec le code de la presse, qui, jusqu’à ce que les lois spéciales soient faites, régit, selon moi, tous les modes de publicité. Je dis selon moi, car ce n’est ici que mon opinion personnelle. Mon illustre défenseur, je le sais, n’admet qu’avec plus de restriction que moi la liberté des théâtres ; je parle ici,.non avec les lumières du jurisconsulte, mais avec le simple bon sens du citoyen : si je me trompe, qu’on ne prenne acte de mes paroles que contre