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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/225

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

moi, et non contre mon défenseur. Joie répète, messieurs, je ne ferai pas fléchir la rigueur du principe ; je n’accorderai pas au pouvoir la faculté de confisquer la liberté dans un cas même légitime en apparence, de peur qu’il n’en vînt un jour à la confisquer dans tous les cas ; je penserais que réprimer le scandale par l’arbitraire, c’est faire deux scandales au lieu d’uu ; et je dirais, avec un homme éloquent et grave, qui doit gémir aujourd’hui de la façon dont ses disciples appliquent sa doctrine : Il n’y a pas de droit au-dessus du droit.

» Or, messieurs, si un pareil abus de pouvoir, tombant même sur une œuvre de licence, d’elfronterie et de diffamation, serait déjà inexcusable, combien ne i’est-il pas davantage, et que ne doit-on pas dire quand il tombe sur un ouvrage d’art pur, quand il s’en va choisir, pour la proscrire, à travers toutes les pièces qui ont été données depuis deux ans, précisément une composition sérieuse, austère et morale ? C’est pourtant là ce que le gauche pouvoir qui nous administre a fait en arrêtant le Roi s’amuse. M. Odilon Barrot vous a prouvé qu’il avaitagi sans droit ; je vous prouve, moi, qu’il a agi sans raison.

» Les motifs que les familiers de la police ont murmurés pendant quelques jours autour de nous pour expliquer la prohibition de cette pièce sont de trois espèces : il y a la raison morale, la raison politique, et, il faut bien le dire aussi, quoique cela soit risible, la raison littéraire. Virgile raconte qu’il entrait plusieurs ingrédients dans les foudres que Vulcain fabriquait pour Jupiter. Le petit foudre ministériel qui a frappé ma pièce, et que la censure avait forgé pour la police, est fait avec trois mauvaises raisons tordues ensemble, mêlées et amalgamées, tres imbris torti radios. Examinons-les l’une après l’autre.

» Il y a d’abord, ou plutôt il y avait, la raison morale Oui, messieurs, je l’affirme, parce que cela est incroyable, la police a prétendu d’abord que le Roi s’amuse était, je cite l’expression, une pièce immorale. J’ai déjà imposé silence à la police sur ce point. En publiant le Roi s’amuse, j’ai déclaré hautement, non pour la police, mais pour les hommes honorables