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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/226

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

qui veulent bien me lire, que ce drame était profondément moral et sévère. Personne ne ma démenti, et personne ne me démentira, j’en ai l’intime conviction au fond de ma conscience d’honnête homme. Toutes les préventions que la police avait un moment réussi à soulever contre la moralité de cette œuvre sont évanouies à l’heure où je parle. Quatre mille exemplaires du livre, répandus dans le public, ont plaidé ce procès chacun de leur côté, et ces quatre mille avocats ont gagné leur cause. Dans une pareille matière, d’ailleurs, une affirmation suffisait. Je ne rentrerai donc pas dans une discussion superflue. Seulement, pour l’avenir comme pour le passé, que la police sache, une fois pour touter, que je ne fais pas de pièces immorales. Qu’elle se le tienne pour dit, je n’y reviendrai plus.

» Après la raison morale, il y a la raison politique. Ici, messieurs, comme je ne pourrais exprimer que les mêmes idées en d’autres termes, permettez-moi de vous citer une page de la préface que j’ai attachée au drame… (Cette page de la préface, nous l’avons mise nous-mème sous les yeux de nos lecteurs.)

» Après la raison morale et la raison politique, il y a la raison littéraire. Un gouvernement arrêtant une pièce pour des raisons littéraires, ceci est étrange, et ceci n’est pourtantpas sans réalité. Souvenez-vous — si toutefois cela vaut la peine qu’on s’en souvienne — qu’en 1829, à l’époque où les premiers ouvrages dits romantiques apparaissaient sur le théâtre, vers le moment où la Comédie-Française recevait Marion Delorme, une pétition, signée par sept personnes, fut présentée au roi Charles X, pour obtenir que le Théâtre-Français fût fermé tout bonnement, et de par le roi, aux ouvrages de ce que l’on appelait la nouvelle école. Charles X se prit à rire, et répondit spirituellement qu’en matière littéraire, il n’avait, comme nous tous, que sa place au parterre. La pétition expira sous le ridicule. Eh bien, messieurs, aujourd’hui, plusieurs des signataires de cette pétition sont députés, députés influents de là majorité, ayant part au pouvoir, et votant le budget. Cequ’ils pétitionnaient timidement en 1829, ilsont pu, tout-puissants qu’ils sont, le faire en 1832.