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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/227

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» La notoriété publique raconte, en effet, que ce sont eux qui, le lendemain de la première représentation, ont abordé le ministre à la chambre des députés, et ont obtenu delui, sous tous les prétextes moraux et politiques possibles, que le Roi s’amuse fût arrête. Le ministre, homme ingénu, innocent et candide, a bravement pris le change ; il n’a pas su démêler, sous toutes ces enveloppes, l’animosité directe et personnelle ; il a cru faire de la proscription politique : j’en suis fâché pour. lui, on lui a fait faire de la proscription littéraire. Je n’insisterai pas davantage là-dessus… Cela m’inspire infiniment moins de colère que de pitié ; c’est curieux, voilà tout. Le gouvernement prêtant main-forte à l’Académie en 1832 ! Aristote redevenu loi de l’État ! une imperceptible révolution littéraire manœuvrant à fleur d’eau au milieu denos grandes révolutions politiques ! des députés qui ont déposé Charles X travaillant dans un petit coin à restaurer Boileau ! quelle pauvreté !…

» Messieurs, je me résume. En arrêtant ma pièce, le ministre, n’a, d’une part, pas un texte de loi à citer ; d’autre part, pas une raison valable à donner. Cette mesure a deux aspects également mauvais : selon la loi, elle est arbitraire ; selon le raisonnement, elle est absurde. Que peut-il donc alléguer dans cette affaire, le pouvoir qui n’a pour lui ni la raison ni le droit ? Son caprice, sa fantaisie, sa volonté, c’est-à-dire rien !

» Vous ferez justice, messieurs, de cette volonté, de cette fantaisie, de ce caprice. Votre jugement, en me donnant gain de cause, apprendra au pays, dans cette affaire, qui est petite, comme dans celle des ordonnances de juillet, qui était grande, qu’il n’y a en France d’autre force majeure que celle de la loi, et qu’il y a, au fond de ce procès, un ordre illégal que le ministre a eu tort de donner, et que le théâtre a eu tort d’exécuter ; votre jugement apprendra au pouvoir que ses amis eux-mêmes le blâment loyalement dans cette occasion ; que le droit de tout citoyen est sacré pour toutministre ; qu’une fois les conditions d’ordre et de sûreté générale remplies, le théâtre doit être respecté comme une des voix avec lesquelles parle