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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/232

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tion s’organisait contre Louis-Philippe, et l’on blâmait tous ses actes, même ceux de légitime défense.

On attaquait le roi, on attaquait les princes, on attaquait les ministres : tout cela était bien fait, bien vu, bien accueilli.

Philippon, le spirituel rédacteur du Journal pour rire, avait eu l’idée de représenter Louis-Philippe sous la forme d’une poire : tous les murs de Paris étaient couverts de cette ressemblance grotesque. Il publiait le journal la Caricature, où Decamps mit quelques-uns de ses premiers dessins, et la Caricature avait un succès fou.’

Il n’y avait pas jusqu’au duc d’Orléans qui ne s’en mêlât.

On sait que le prince dessinait de la façon la plus spirituelle et la plus distinguée, qu’il gravait même à l’eau-forte ; et j’ai encore des dessins et des gravures de lui. Il était élève de Fielding, et faisait les animaux avec un grand chic.

Un jour, il lui passa par l’esprit une idée de caricature ; elle lui avait été inspirée par les chicanes journalières que la Chambre faisait à son père : c’était de dessiner le roi en Gulliver, et les députés en Lilliputiens.

Le roi était couché tout de son long, lié et garrotté, avec toute la peuplade lilliputienne autour de lui, et profitant de son immobilité forcée pour le fouiller et le visiter.

Une foule d’épisodes, plus comiques les uus que les autres, ressortaient de cette idée première.

M. Jacques Lefebvre, le banquier, roulait une pièce de cinq francs à l’effigie du roi Louis-Philippe, avec les mêmes efforts qu’un charron roule une roue. M. Humann, ministre des finances — autant que je puis me le rappeler — à cette époque, et, par conséquent, grand maître des contributions indirectes, était plongé jusqu’aux genoux dans la poudre si fort appréciée par Sganarelle, et éternuait à se faire, sauter le crâne. M. Ganneron, qui avait fait sa fortune dans les suifs, s’avançait, une chandelle à la main, vers le pont entre-bâillé de la culotte de Gulliver, moins brave que le comte Max Edmond des Burgraves, et ne sachantes s’il devait se hasarder dans là nuit de la caverne. M. Thiers et M. Guizot, qui se