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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Par bonheur, deux hommes se chargèrent de jeter sur la famille, désolée de cette perte lointaine et inattendue, les consolations mélancoliques que le mourant avait jugé inutile de lui donner.

Un mourant, qui sait qu’on l’aime, ne doit pas trop consoler ceux qu’il quitte ; il doit avoir, au contraire, pitié d’eux en les faisant pleurer : on guérit les cœurs en les amollissant, non en les pétrifiant. L’homme qui a beaucoup pleuré peut seul apprécier la justesse de ce que j’avance ici.

Voici la lettre de M. James Nicol au frère de Jacquemont. — M. James Nicol est Anglais, remarquez-le bien, et, cependant, la lettre est écrite en français, c’est-à-dire dans une langue qui n’est pas la langue maternelle de celui qui l’écrit. Il est vrai qu’il y a une langue universelle pour le cœur.


« Bombay, 17 décembre 1832.
» Mon cher monsieur,

» Quoique étranger à vous, le sort m’a désigné pour vous communiquer un événement auquel vous ne vous attendiez pas. C’est avec le plus profond regret que je suis obligé de vous transmettre la dernière lettre de votre frère Victor, et de vous communiquer la seule consolation qui puisse vous rester, qui est de vous informer de la tranquillité et du peu de souffrance avec laquelle il a reçu le coup fatal, le 17 décembre.

» Votre frère est arrivé chez moi le 29 octobre, venant de Tanna, et étant dans un état de santé très-faible depuis une maladie qu’il avait eue peu avant, et dont il croyait être bientôt guéri, et pensant que la brise de mer de cette île aurait promptement rétabli ses forces. Le soir de son arrivée, il fit avec moi une promenade d’une demi-lieue, et, le jour suivant, rendit quelques visites ; mais il rentra de bonne heure, entièrement épuisé. Je lui conseillai d’avoir immédiatement recours à un médecin ; et, le soir même, le docteur Mac Lennan le vit. Pour votre satisfaction, je vais renfermer dans cette lettre une relation de la maladie faite par ce médecin.

» Comme votre frère vous le dit lui-même, il souffrit très-