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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Vous vous rappelez cela, n’est-ce pas, d’Arpentigny ; vous vous rappelez cela, n’est-ce pas, Leroi ; tu te rappelles cela, n’est-ce pas, Ferdinand Langlé ; mes vieux amis aux gardes ?

Eh bien, Gauthier était un des visiteurs du matin. Il allait droit à la cave, appliquait à ses lèvres le flacon de rhum ou d’eau-de-vie, et autant il y en avait, autant d’englouti.

Un matin, il vint ; mais Rousseau et Romieu étaient venus coucher cette nuit-là, et la cave était vide.

Gauthier commença par fouiller dans ses poches, il faut lui rendre cette justice ; mais ses poches étaient aussi vides que la cave.

Alors, voyant trois ou quatre gilets et autant de pantalons étendus et gisant au hasard, il commença de passer la revue des pantalons et des gilets. -

Les dormeurs le regardaient faire, un œil à moitié ouvert et l’autre fermé tout à fait ; ils étaient bien tranquilles, ce n’était ni à leurs gilets ni à leurs pantalons que Gauthier en voulait : il s’en fallait de moitié qu’il pût entrer dans les plus larges ; il en voulait à leur contenu, et ils ne contenaient rien.

Romieu seul manifestait une certaine inquiétude : il avait dix-neuf sous dans la poche de son gilet

— Gauthier tomba sur le trésor.

Romieu voulut se lever et disputer la possession de ses dix-neuf sous à Gauthier.

Gauthier le fixa du bout du doigt sur son canapé, et, de l’autre main, sonna le domestique.

Le domestique parut.

— Allez-nous chercher pour dix-neuf sous d’eau-de-vie, dit Gauthier.

Le domestique s’apprêtait à obéir.

— Mais, sacrebleu ! dit Romieu, je demeure dans le faubourg Saint-Germain : laissez-moi au moins un sou pour passer le pont des Arts.

— C’est trop juste, dit Gauthier.

Et, remettant un sou dans le gilet de Romieu :

— Allez me chercher pour dix-huit sous d’eau-de-vie, dit-il au domestique. .