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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/289

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Bossange était alors le directeur de ce théâtre ; Bossange, le collaborateur de Frédéric Soulié dan s deux ou trois drames, et l’un des hommes les plus spirituels de Paris. — Bossange était donc directeur, et avait notre chère Déjazet au nombre de ses pensionnaires. On les savait capables de tout à eux deux.

Le bruit de cet événement littéraire qui devait bouleverser Paris arriva jusqu’à Desforges, tout enseveli qu’il était au fond de son secrétariat. Il en tressaillit, et eut comme une révélation.

Si cet évènement dramatique, c’était la première représentation du Fils de l’Homme !

Il se promit d’aller ! le soir même aux Nouveautés, et de s’entendre avec Bossange à ce sujet.

En effet, ; à huit heures, Desforges était dans les coulisses.

— Oh ! ne me parlez pas de vos affaires ce soir, mon cher Desforges ! lui dit le directeur. Vous voyez un homme désespéré ! Un tel (je ne sais plus qui).nous fait manquer le spectacle, et nous sommes obligés de donner, au pied levé, une pièce qui était en répétition, et qui n’est pas sue. — Voyons, monsieur le régisseur, Déjazet est-elle prête ?

— Oui, monsieur Bossange.

— Eh bien, frappez les trois coups, et faites l’annonce convenue.

On frappa les trois coups, on cria : « Place au théâtre ! » et force fut à Desforges de se ranger comme les autres derrière un châssis.

Le régisseur, en cravate blanche, en habit noir, entra en scène, et dit, après les trois saints d’usage :

— Messieurs, un de nos artistes s’étant trouvé indisposé au moment de lever le rideau, nous sommes forcés de vous donner, à la place de la seconde pièce, une comédie nouvelle qui ne devait passer que dans trois ou quatre jours. Nous vous supplions d’accepter l’échange.

Le public, à qui l’on offrait une pièce nouvelle au lieu d’une vieille, couvrit d’applaudissements les paroles du régisseur.

La toile tomba pour se relever presque aussitôt.