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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/311

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

il avait poussé encore : la garde de l’épée, comme on dit ca termes de salle d’armes, lui avait servi d’emplàtre.

Malgré cela, il était resté deboutl

Alors, il avait eu un remords ; le désir de la vie l’avait repris ; il avait sonné son domestique ; seulement, comme il se sentait faible, il s’était mis, pour l’attendre, à califourchon sur une chaise.

C’était dans cette position qu’en entrant, le domestique l’avait trouvé.

Celui-ci n’y avait rien compris d’abord ; il ne se rendait pas. compte de cette garde d’épée appuyée à.la poitrine, et de ces dix-huit pouces de fer sortant entre les deux épaules.

— Allez me chercher M. Dupuytren, lui avait dit l’officier.

Le domestique avait voulu entrer dans des explications.

— Allez ! allez ! avait répété L’oflicier. Sacrebleu ! vous voyez bien qu’il n’y a pas de temps à perdre !

L’officier devenait très-pâle, et il se faisait A ses pieds une mare de sang.

Le domestique vit qu’en effet, il n’y avait pas de temps à perdre, et courut chez M. Dupuytren.

Quand M. Dupuytren arriva, le blessé avait glissé en bas de sa chaise, et était couché évanoui sur le côté.

M. Dupuytren avait retiré l’épée avec la plus grande précaution, avait appliqué un double appareil, et, voyant un papier écrit, s’en était emparé : la cause du suicide lui avait alors été expliquée.

Avec le papier, il avait été trouver un banquier, et celui-ci lui avait donné les cent cinquante louis perdus par l’oflicier.

La veille du jour où M. Dupuytren nous racontait cela, l’officier s’était levé et avait pu aller à son bureau. En ouvrant son tiroir, il y avait trouvé les cent cinquante louis.

L’homme était sauvé deux fois.

Tandis que Carrel marchait vers sa guérison, les arrestations préventives continuaient ; mais, le 14 février, la chambre du conseil rendit un arrêt de non-lieu en faveur des témoins de M. Roux-Laborie, et MM. Albert Berthier et Théodore Anne furent mis en liberté.