Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
35
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ce que dit le pauvre enfant est aussi vrai que les vœux que nous faisons avec lui sont sincères ; il y eut, dans cette fatale journée du 6 juin, des actes de vengeance terribles, de la part non-seulement de la troupe, mais encore de la garde nationale.

C’est avec bonheur que nous consignons ici le nom du général Tiburce Sébastiani, dont l’éternelle bienveillance nous a fait oublier, et bien au delà, l’accueil qu’à notre arrivée à Paris, nous avait fait son frère aîné.

Le général Tiburce Sébastiani, mieux que personne, pourrait lever le voile sanglant que nous jetons sur ces atrocités ; car il a été une providence pour les blessés que l’on achevait lentement, pour les prisonniers que l’on allait fusiller.

Ne pouvant me tenir debout, je m’étais assis sur une chaise du café de Paris, je crois ; et, là, j’attendais les nouvelles, quand, tout à coup, des cris de « Vive le roi ! » poussés par les gardes nationaux, retentirent, et le roi parut à cheval, accompagné des ministres de l’intérieur, de la guerre et du commerce.

À la hauteur du club de la rue de Choiseul, il s’arrêta et vint tendre la main à un groupe de gardes nationaux en armes ; ceux-là mêmes qui, seize ans plus tard, devaient le renverser, poussèrent des cris de joie féroces à l’honneur qu’il leur faisait.

Puis il continua sa route.

En le voyant passer si calme, si souriant, si insoucieux du danger qu’il courait, j’eus une espèce d’éblouissement moral et je me demandai si cet homme, que saluaient tant d’acclamations, n’était véritablement point un homme élu, et si l’on avait droit de porter atteinte à un pouvoir auquel Dieu lui-même, en se déclarant pour lui, semblait donner raison.

Et, à chaque tentative d’assassinat qui se renouvela contre lui, dont il sortait sain et sauf, je me refaisais cette même question, et, à chaque fois, ma conviction reprenait le dessus sur le doute, et je me disais : « Non, cela ne saurait demeurer ainsi ! »

Et, la trace de cette conviction, onia trouvera partout dans