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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/50

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dire si cela vous empêcherait de venir dîner demain à l’Arsenal, avec Dauzats, Taylor, Bixio, nos amis ordinaires enfin.

 » Votre bien bon ami,
 » Charles Nodier,
 » qui sera enchanté de l’occasion pour vous demander des nouvelles de l’autre monde. »


Je fis répondre à mon bien-aimé Charles que je venais de lire la même nouvelle dans le même journal ; que je n’étais pas sûr moi-même d’être vivant ; mais que, corps ou ombre, je serais chez lui le lendemain à l’heure dite.

Cependant, comme je ne mangeais plus depuis six semaines, j’ajoutai que ce serait plutôt à mon ombre qu’à mon corps qu’il aurait affaire. Je n’étais pas mort : mais, décidément, j’étais bien malade !

En outre, j’étais prévenu par un aide de camp du roi que l’éventualité de mon arrestation avait été sérieusement discutée ; on me conseillait d’aller passer un mois ou deux à l’étranger, puis de revenir à Paris : à mon retour, il ne serait plus question de rien.

Mon médecin me donnait, en hygiène, le même conseil que l’aide de camp de Sa Majesté me donnait en politique.

J’avais toujours eu le plus grand désir de visiter la Suisse. C’est un magnifique pays, l’épine dorsale de l’Europe, la source des trois grands fleuves qui courent au nord, à l’est et au midi de notre continent. Puis c’est une république, et, ma foi ! si petite qu’elle fût, je n’étais point fâché de voir une république. De plus, j’avais l’idée que je pourrais tirer parti de mon voyage.

J’allai trouver Gosselin, auquel j’offris de lui écrire deux volumes sur la Suisse. Gosselin secoua la tête : selon lui, lu Suisse était un pays usé, sur lequel, il n’y avait plus rien à écrire ; tout le monde y avait été. J’eus beau lui dire que, si tout le monde y avait été, tout le monde irait, et qu’en supposant que ceux qui y avaient été ne me lussent point, je se-