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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/52

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

du moment où vous rouvrez les yeux que vous comprenez combien le sommeil est doux et puissant !

Nous fîmes une nouvelle halte à Châlon. Un ami que j’avais là me proposa — au lieu des curiosités urbaines, qui se composent de caves grandes comme les catacombes — d’aller visiter un caprice de la nature et une ruine du temps : le Vaux-Chignon et le château de la Roche-Pot.

J’ai décrit l’un et raconté l’autre ; on trouvera tout cela dans mes Impressions de Voyage.

La sécheresse avait, depuis quelque temps, interrompu le service des bateaux à vapeur ; cependant, en revenant à Châlon, nous apprîmes qu’un bateau, tirant dix-huit pouces d’eau seulement, allait tenter le voyage.

Nous nous embarquâmes le lendemain, et, vers midi, nous arrivâmes, en effet, à Mâcon ; mais impossible d’aller plus loin : c’était trop demander à la Saône, que de lui demander dix-huit pouces d’eau.

Quant aux voitures, les places y étaient retenues pour trois jours.

J’étais plein de naïveté à cette époque, et je dois dire, hélas ! que j’ai conservé intacte cette sotte qualité.

Des bateliers virent mon embarras, vinrent à moi, et me proposèrent, vu la faveur du vent, de me conduire en six heures à Lyon. Je leur en donnai huit : ils jurèrent qu’ils n’avaient aucun besoin de ce surcroît de temps, et que j’étais par trop généreux. En conséquence, nous fîmes prix, et ils me conduisirent à une grande barque où étaient déjà entassés une douzaine d’innocents comme moi.

Sur ces douze innocents, il y en avait trois ou quatre quiméritaient doublement ce nom ; c’étaient de pauvres enfants de cinq ou six mois, accompagnés de leurs nourrices.

Je fis une certaine grimace en voyant la compagnie dans laquelle j’étais introduit ; mais bah ! six heures sont bientôt passées ! Il était une heure de l’après-midi : à sept heures, nous serions à Lyon.

Toutefois, au lieu de partir à une heure, nous ne parûmes qu’à trois heures’. Nos bateliers nous trouvaient trop à l’aise,