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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/63

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le voyageur se leva, et, gagnant l’autre côté de la place, passa et repassa deux ou trois fois devant Jacotot.

Jacotot s’aperçut que c’était à lui que le voyageur avait affaire ; et, comme c’est, à tout prendre, un excellent garçon, quand son amour propre n’est pas surexcité, il sourit au voyageur.

Le voyageur se sentit enhardi par ce sourire.

— Vous êtes, je crois, M. Jacotot ? lui demanda-t-il.

— Oui, monsieur, pour vous servir.

— Et vous êtes retiré ?

— Depuis deux ans, comme vous voyez !… bourgeois, bon bourgeois.

Et il frappa de la paume de ses deux mains sur son ventre.

— Je vous en fais mon compliment, monsieur Jacotot.

— Vous êtes bien bon.

— Je connais quelqu’un qui n’a pas nui à votre petite fortuné.

— Qui cela, monsieur ?

— Alexandre Dumas, l’auteur des Impressions de Voyage.

Le visage de Jacotot se décomposa.

— Alexandre Dumas ? répéta-t-il.

— Oui.

— Est-ce parce qu’il a dit que j’avais une figure stupide ? s’écria Jacotot en refermant la porte avec violence, et en rentrant chez lui.

Le voyageur dut faire son deuil de Jacotot. À partir de ce moment-là, quand Jacotot l’aperçut d’un côté, il tourna de l’autre !

Je me fis, dans le même pays, et pour une chose de la même importance à peu près, un troisième ennemi, bien autrement sérieux que les deux autres : c’était Sa Majesté Charles-Albert, roi de Sardaigne.

Pendant mon séjour à Aix, je fis deux excursions : une à Chambéry, l’autre à la dent du Chat.

Toutes deux furent signalées : l’une par une grosso imprudence, l’autre par un grave accident ; imprudence et accident