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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/8

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Et le catafalque est traîné du côté du Panthéon.

La cavalerie municipale barrait le passage. On l’attaque : elle résiste, mais elle est repoussée dans la direction de la barrière d’Enfer.

Deux escadrons de carabiniers viennent à son aide, et, grâce à ce secours, elle reste maîtresse du convoi.

Les insurgés se dispersent dans le faubourg Saint-Germain en criant : « Aux armes ! »

Paris est en feu, de la barrière d’Enfer à la rue de Ménilmontant.

Cependant, les jeunes gens qui ont dételé les chevaux de la Fayette, et qui traînent sa voiture, entendent les coups de feu, les cris « Aux armes ! » et la fusillade qui gagnent de tous les côtés. Ils s’ennuient de rester inactifs. Celui qui est monté sur le siège de derrière se penche alors vers celui qui est sur le siège de devant.

— Une idée ! dit-il.

— Laquelle ?

Si nous jetions le général la Fayette à la rivière, et si nous disions que c’est Louis-Philippe qui l’a fait noyer ?…

Les jeunes gens se mirent à rire.

Par bonheur, ce n’était qu’une plaisanterie.

Le soir même, chez Laffitte, le digne vieillard me racontait l’anecdote.

— Eh ! eh ! disait-il, au bout du compte, l’idée n’était pas mauvaise, et je ne sais pas si jaurais eu le courage de m’y opposer, dans le cas où ils eussent tenté de la mettre à exécution.

Voilà donc où en était Paris quand nous nous présentâmes à la barrière de Bercy, et quand les hommes du peuple, en sentinelle. nous annoncèrent que Louis-Philippe était dans ie troisième dessous, et la République proclamée.

Nous suivîmes en toute hâte le boulevard Contrescarpe. À la place de la Bastille, nous trouvâmes le 12e léger, qui nous laissa passer.

Les boulevards étaient à peu près déserts.

En arrivant à la rue de Ménilmontant, je vis une barricade ; elle était gardée par un seul artilleur. Je m’approchai et je re-